Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin" UMR 7366 CNRS-uB |
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Territoires contemporains | |
Histoire documentaire du communisme | ||||
Introduction | ||||
Romain Ducoulombier et Jean Vigreux | Résumé | Mots-clés | Sommaire | Texte | Auteur | Annexes | Notes | Références | Outils | |||
RÉSUMÉ
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MOTS-CLÉS
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SOMMAIRE |
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Le programme ANR Paprik@2F (Portail Archives Politiques Recherches Indexation Komintern et Fonds français) s’est fixé comme objectif d’offrir à la communauté un centre de ressources virtuel de référence sur l’histoire du Parti communiste français. Il s’agissait de mettre en ligne d’une part les inventaires et les documents de l’organisation communiste et d’autre part les inventaires des archives de la surveillance d’État, voire de la répression, grâce à un partenariat avec les Archives nationales. Face au maquis archivistique et à l’éparpillement des fonds (Moscou, Paris, Bobigny, Dijon, etc.), le portail donne à la communauté scientifique l’ensemble des inventaires en respectant les cotes initiales des fonds. Au-delà des fonds d’archives, le portail offre aussi une documentation numérisée (la presse de l’Internationale communiste) et met également en ligne les autres ressources existantes en lien avec sa thématique (BnF et Gallica, Ciné-Archives, SNCF, etc.). Il constitue un appui scientifique à différentes recherches et publications, visant ainsi à promouvoir une histoire globale du PCF (https://pandor.u-bourgogne.fr/pages/paprika2f.html). Ce portail assure à la communauté scientifique la pérennité de l’accès aux données. Plus de 500 000 documents issus de ces fonds sont désormais en ligne, en accès libre et gratuit, et sans inscription. C’est une démarche d’open access qui était nécessaire parce qu’elle reposait sur des fonds publics destinés à l’amélioration des conditions de recherche des historiens français et étrangers. La mise en ligne des archives a permis une visibilité importante signalée entre autres par la revue L’Histoire. D’autre part, la présentation du Portail lors du colloque de fin d’ANR a suscité un vif intérêt de la communauté scientifique et plusieurs contacts ont été pris avec les collègues étrangers pour élaborer des partenariats. Tout au long du projet de l’ANR, un séminaire scientifique s’est tenu pour souligner les enjeux historiographiques et archivistiques. Ce sont ces séances qui sont présentées dans ce numéro de Territoires contemporains. Les journées d’études ont réuni des spécialistes de l’histoire du communisme et plus généralement de l’histoire sociale et politique de plusieurs laboratoires de France, mais aussi de l’étranger. Chaque séminaire est présenté ci-dessous, les textes composant ce numéro apparaissant sous forme de liens hypertextes. Séance 1 : Relations KPD et PCF Le premier thème est consacré aux relations entre le Parti communiste allemand (KPD) et le Parti communiste français (PCF). Au cours de cette séance, une attention particulière a été portée sur les regards croisés du KPD et du PCF, mais aussi leurs relations qui permettent de mieux saisir les enjeux nationaux et les logiques de l’Internationale communiste, à la lumière des sources nouvelles disponibles. Le parti communiste allemand (Kommunistische Partei Deutschlands KPD) est l’élève modèle de l’Internationale communiste dans l’entre-deux-guerres. Pour Lénine, dans la lignée de Marx, le prolétariat allemand garde une vertu révolutionnaire et Lénine pense même installer le siège de la Troisième Internationale à Berlin. La mise en place du cordon sanitaire dès 1919, les échecs des soulèvements spartakistes ont cependant raison du projet. Le KPD possède donc sa propre expérience révolutionnaire, ses références, ses grands hommes assassinés. Au début des années 1920, le KPD devient un élément essentiel de l’IC, on évoque même son « centre de gravité ». Sur place, Karl Radek et d’autres émissaires de l’IC ont la charge d’organiser le parti (voir la biographie de Jean-François Fayet, Karl Radek (1885-1939). Biographie politique, Berne, Peter Lang, 2004). Dès cette époque, la propagande visuelle du KPD s’imprègne de l’esthétique soviétique. L’échec d’une nouvelle tentative d’insurrection en mars 1921 (märzaktion) porte cependant un coup très dur à la section allemande de l’IC. Intervenants : Bernhard Bayerlein (chercheur, Centre d’Histoire Contemporaine de Potsdam) Serge Wolikow (professeur émérite d’histoire contemporaine, Université de Bourgogne) Discutants : Jean Vigreux (professeur des universités, Université de Bourgogne) Nicolas Patin (chargé de recherche, Institut Historique Allemand) Romain Ducoulombier (postdoctorant, Université de Bourgogne) Séance 2 : Solidarité internationale et organisations communistes L’idée de solidarité internationale des travailleurs est l’une des raisons du succès de la diffusion du marxisme dans la seconde moitié du xixe siècle. Elle est résumée par certaines des maximes les plus célèbres de Marx et Engels, comme « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! », reproduite à l’infini dans les congrès de l’Internationale communiste et de ses sections. En 1914, la faillite de la mobilisation socialiste contre la guerre est l’une des causes de l’influence bolchevique après 1917. La première séance du séminaire a montré que l’internationalisme nominal de l’IC n’a pas nécessairement donné naissance à des relations bilatérales intenses et suivies entre les différents partis communistes européens. Les limites et les formes multiples de cette solidarité internationale sont donc au cœur du questionnement de cette 2e séance. Intervenants : Frédérick Genevée (historien, responsable des archives du PCF) : Du Secours Rouge International au Secours Populaire, de l’internationalisme à l’humanitaire (1934-1936) Rachel Mazuy (historienne, Université Paris-III) : Marcel Willard, avocat pour le SRI – Été-Automne 1934 [texte paru dans Territoires contemporains, n° 7] Marin Coudreau (chercheur, Université de Nantes) : Le camp des pionniers Artek dans l’entre-deux guerres Victor Lagarde (archiviste ANR PAPRIK@2F) : Les fonds du Secours Ouvrier International Séance 3 : Le Parti communiste et la formation des militants anticoloniaux L’anticolonialisme n’est pas une invention des communistes. Avant 1914, il connaît déjà un certain développement dans le sillage de l’antimilitarisme, contre les bagnes militaires (« Biribi ») et la conquête coloniale dans les milieux anarchistes et syndicalistes révolutionnaires. Mais le mouvement socialiste possède aussi ses colonialistes, à l’instar des projets de Lucien Deslinières au Maroc en 1913, soutenus par Jules Guesde et Marcel Cachin. Un débat existe donc avant-guerre au sein même du mouvement ouvrier français. La naissance du Parti communiste en France va peser cependant dans son évolution, lente et heurtée, vers l’anticolonialisme, jusqu’aux faux-semblants et aux ruptures de la guerre d’Algérie (1954-1962). Le communisme atteint sa plus grande extension mondiale à la fin de la décolonisation, au début des années 1970, un phénomène majeur d’autonomisation du monde non-européen qu’il a influencé, accompagné et encouragé. Dès les débats préparatoires au congrès de Tours (déc. 1920), l’IC a insisté régulièrement sur l’accentuation nécessaire de la politique anticoloniale des communistes français. Citoyens d’une « République impériale » (Christophe Charle), ils doivent se placer en première ligne de la dénonciation de l’impérialisme français, à une époque où, jusqu’au milieu des années 1930, la France est perçue par les Soviétiques comme la puissance impérialiste principale. Les années 1920 et le début des années 1930 forment donc une décennie matricielle, avec des succès même mitigés (« Contre-exposition coloniale », 1931) et des limites. À l’instar de l’antimilitarisme qui rencontre dans sa difficile mise en œuvre des formes de « résistance passive » (Georges Vidal), l’anticolonialisme du PC français se heurte à une certaine inertie, des préjugés persistants et des situations complexes liées au rôle de tutelle que le parti exerce sur les mouvements qu’il inspire, comme l’Étoile Nord-Africaine (ENA) dans les années 1920, et les militants coloniaux qui y militent passagèrement, comme Hô Chi Minh (Céline Marangé). Le PC français a donc exercé le rôle d’incubateur des élites anticoloniales blanches et de couleur, alors que s’enclenchent avec la guerre du Rif (1921-1926) les premiers conflits de décolonisation. Intervenants : Sophie Quinn-Judge (Temple University, Philadelphie) : International Influences on the Vietnamese Communist Movement: from Moscow and Paris to Shanghai and Singapore Linda Amiri (historienne, Sciences Po Paris/laboratoire FARE IEP de Strasbourg) : Faire de la main-d’œuvre coloniale un « facteur révolutionnaire ». Le PC-SFIC et l’immigration algérienne (1920-1929) Discutants : Claire Marynower (docteure, Sciences Po, Paris) Gilles Morin (chercheur associé, Centre d’histoire sociale du xxe siècle, Paris) Séance 4 : L’anticommunisme. Figures, idées, pratiques L’anticommunisme est une idéologie partagée, à des degrés divers et selon des temporalités complexes, par toutes les forces politiques de l’entre-deux-guerres. La SFIO rescapée du congrès de Tours (déc. 1920) possède un solide courant d’anticommunisme en son sein : sa force, ses ramifications internationales (les liens, par exemple, avec les mencheviques en exil des années 1920), son évolution sous l’effet de la scission « néo », de la dynamique de Rassemblement populaire, de l’échec du Front populaire et du pacte germano-soviétique mériteraient une journée d’études à eux seuls. Le souvenir de la guerre civile russe, les conflits syndicaux dans la CGTU et la question de l’organisation ont laissé ouvert un lourd contentieux avec l’anarchisme. Si l’on y ajoute l’attitude de la nébuleuse radicale-socialiste et la formule célèbre du ministre de l’Intérieur Albert Sarraut, « le communisme, voilà l’ennemi », l’anticommunisme des gauches est une réalité massive. Cela dit, l’anticommunisme est d’abord une spécialité voire une obsession des droites, qui font preuve d’une inventivité incontestable en la matière, à l’instar du Centre de Propagande des Républicains Nationaux (CRPN) du député Henri de Kerillis (1927-1939), qui inspire le Comité Paix et Liberté dans les années 1950. Sans doute faudrait-il réfléchir au caractère englobant et trompeur du terme même d’« anticommunisme ». Cette séance propose d’aborder ces problèmes sous deux angles, celui des intellectuels, à travers les cas du philosophe libéral Raymond Aron (Joël Mouric) et de l’intellectuel d’Action française Thierry Maulnier (Ludovic Morel), et celui de l’anticommunisme d’État, de Daladier à Vichy, à travers trois communications qui posent la question toujours délicate de la continuité des pratiques et des personnels de la répression républicaine et vichyste au moment du tournant déterminant de la politique extérieure soviétique et de la rupture du Front populaire. Intervenants : Joël Mouric (chercheur associé, CRBC Université de Bretagne Occidentale) : Raymond Aron et le communisme [texte paru dans Territoires contemporains, n° 7] Ludovic Morel (doctorant, Université de Lorraine) : Maulnier et le communisme [texte paru dans Territoires contemporains, n° 7] Louis Poulhès (doctorant, Université de Bourgogne) : 26 septembre 1939 : la dissolution des organisations communistes [texte paru dans Territoires contemporains, n° 7] Florent Gouven (professeur certifié, master 2, Université d’Avignon) et Frédéric Monier (professeur des universités, Centre Norbert Élias, Université d’Avignon) : Les acteurs ordinaires d’un anticommunisme inédit : surveillance, délation, répression en province (été 1938- été 1940) [texte paru dans Territoires contemporains, n° 7] Violaine Challéat-Fonck (conservateur du patrimoine au département de la Justice et de l’Intérieur des Archives nationales) : La répression judiciaire des communistes par le Gouvernement de Vichy à travers les archives de la section spéciale de la cour d’appel de Paris (1941-1944) [texte paru dans Territoires contemporains, n° 7] Séance 5 : Le PCF et la Première Guerre mondiale Dans le cadre du centenaire de 1914, l’ANR Paprik@2F ne pouvait manquer de consacrer une séance de son séminaire aux rapports entre le Parti communiste français et la Première Guerre mondiale. La naissance du PC-SFIC en décembre 1920 s’opère à l’ombre de la guerre et de ses conséquences, et en tout premier lieu de la révolution d’Octobre. Ce rapport séminal à la guerre exerce une double influence, à la fois historique et historiographique. Le PC-SFIC s’est constitué comme un parti socialiste régénéré, comme une relève de la SFIO ayant supposément trahi sa vocation révolutionnaire en se ralliant en 1914 à la Défense nationale. Cette conviction est l’un des piliers de la culture communiste jusqu’à sa remise en cause progressive à partir du milieu des années 1960. Soutenue en 1963, la thèse de l’historienne Annie Kriegel, qui s’inscrit dans un mouvement général d’interrogation sur les origines du PCF dans le sillage de la déstalinisation, a en effet jeté les fondements d’un champ disciplinaire autonome consacré à l’histoire du communisme en s’attaquant au « problème des origines ». En désignant cette naissance comme « accidentelle », elle a contribué à rompre le rapport d’évidence que le PC avait construit avec un conflit qui lui donnait une part de sa légitimité pacifiste et révolutionnaire. C’est dire, par conséquent, l’importance cruciale de ce lien complexe à la guerre. Intervenants : Vincent Chambarlhac (maître de conférences, Université de Bourgogne) : Les majoritaires de guerre : l’après-coup d’un regard [texte paru dans Territoires contemporains, n° 7] Sophie Cœuré (professeur des Universités, Université Paris VII) : Les groupes communistes étrangers de Russie : mobilisation de guerre, internationalisme et usages mémoriels Romain Ducoulombier (postdoctorant, Université de Bourgogne) : Le PCF et les anciens combattants Nicolas Mariot (directeur de recherche, CESSP, Paris) : Le clivage de classe dans la Grande Guerre Séance 6 : Délégués, émissaires et passeurs de l’IC en France dans l’entre-deux-guerres Longtemps, le secret qui a entouré l’histoire des émissaires du Komintern a fait naître des mythes : les figures de Jules Humbert-Droz ou encore d’Eugène Fried, homme-clef de la politique de Front populaire, restaient énigmatiques. Avec l’ouverture des archives du RGASPI, mais aussi celles de la surveillance policière et politique, on comprend mieux aujourd’hui comment le parti mondial de la Révolution a pu former de véritables « missi dominici » pour suivre, corriger, impulser, réorienter ses sections nationales, voire pour constituer des bataillons de « soldats de la révolution mondiale ». Les activités de ces « agents » du Komintern sont donc multiples. Ils constituent le lien entre le « Centre et la périphérie ». Véritables chevilles ouvrières d’une histoire politique connectée, ils envoient des rapports quotidiens et détaillés sur les activités du Parti communiste (SFIC) et la société française, permettant à l’historien de scruter les écarts qui peuvent exister entre les visions locales, nationales et internationales de l’activité politique communiste. Ces rapports envoyés au CEIC constituent un élément important de l’apport récent des archives, soulignant avec force cette belle expression de Nicolas Werth, la « civilisation du rapport » caractéristique de l’univers militant communiste. D’autre part, leur formation permet aussi d’appréhender le poids des langues parlées, lues et écrites dans cette « université populaire » que constitue l’organisation politique. Mais surtout, ils participent à la mise en application de la ligne politique décidée à Moscou : ils font appliquer les directives du Komintern pour la France en vérifiant, impulsant et coordonnant les activités de la SFIC. En ce sens, l’ingérence directe dans les affaires intérieures du parti fait partie de leur mission (travail fractionniste, questions financières, contrôle des cadres, etc.). Les émissaires et/ou agents selon la terminologie employée « superposent donc les critères organisationnels avec des critères nationaux et internationaux ». Mais ils sont aussi très surveillés, la « peur de la révolution mondiale », de sa propagation par des « militants professionnels » agitant les esprits des services de surveillance et de répression. Dans L’Ouest-Éclair du 22 mai 1931, on peut ainsi lire, sous le titre « Duperie », ces mots du journaliste Louis-Alfred Pagès : « […] La Russie marxiste s’organise pour ruiner le monde occidental, ses intentions agressives dans l’ordre politique sont prouvées tous les jours par les pièces authentiques saisies sur les agents du Komintern en Suisse, en France, en Hollande, en Allemagne et ailleurs ». Au-delà du mythe, nous tenterons de restituer les réalités du travail clandestin de l’Internationale communiste et de ses acteurs. Cette séance permet de proposer un regard historiographique lié à l’ouverture des archives, tout en abordant aussi les questions d’une histoire-monde, des parcours individuels et collectifs. Intervenants : Bernhard Bayerlein (Université de Bochum), Serge Wolikow (Université de Bourgogne) : Les émissaires de l’IC : une introduction Constance Margain (Université de Potsdam) : Un marin allemand dans la révolution : l’autobiographie romancée de Jan Valtin, « Sans patrie, ni frontières » Marc Giovaninetti (Université de Paris 13) : Les représentants de la SFIC et de ses organisations satellites à l’Internationale communiste : une approche prosopographique [texte paru dans Territoires contemporains, n° 7] Séance 7 : Communisme, anticommunisme et résistance Le PCF a été la principale force de résistance intérieure organisée en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Depuis les années 1990, grâce en particulier à l’ouverture des archives du PCF, dont certains fonds concernent la période de l’Occupation et de la Libération, mais aussi des archives de surveillance conservées aux Archives nationales et à la Préfecture de police de Paris, l’historiographie de la Résistance communiste s’est profondément renouvelée, en résonance avec un intérêt toujours soutenu du public pour cette période trouble. La question du pouvoir est posée au parti communiste lorsque les perspectives de débarquement allié et de victoire en France et en Europe se précisent lentement à partir de 1943. D’importants débats, encore en partie ouverts, se sont déroulés entre historiens autour de la stratégie que le PCF a adoptée à la Libération : échec et étendue de l’« insurrection nationale » de 1944, aspirations révolutionnaires et stratégie légaliste imposée par Thorez à son retour en novembre 1944, construction d’un « double pouvoir » et retour à la légalité… Nous avons fait ici le choix de scruter au plus près la question de l’exercice du pouvoir en ces temps de sortie du provisoire, à travers la figure de Jean Chaintron à Limoges, l’un des deux préfets communistes nommés par de Gaulle à la Libération (avec Lucien Monjauvis à Saint-Étienne), étudiée par Anne Hihn, dont le master a été récompensé par le Prix Jean Maitron. Cette « question du pouvoir », en effet, ne se réduit pas au problème de le « prendre », mais aussi de l’« exercer » ; en ce temps précaire de sortie du provisoire. Comment certains des communistes désormais investis d’un pouvoir officiel ont-ils fait face aux difficultés du quotidien (ravitaillement, règlements de compte, etc.), à l’instar du nouveau maire de Limoges, Georges Guingouin ? Certes, la question de « l’insurrection nationale », de ses acteurs et des espoirs qu’elle a portés, n’est pas négligeable. Cette thématique de l’insurrection est abordée par Christian Chevandier dans le cadre du Front national de la police, qui joue un rôle déterminant dans l’insurrection parisienne d’août 1944. Le choix d’une stratégie de Front national « de l’indépendance nationale », qui remonte à 1941, a constitué l’un des atouts majeurs du PCF à l’égard de ses partenaires de la Résistance « de gauche ». L’organisation corporatiste – des médecins, des écrivains, etc. – (dotée de sa branche armée, les FTP, depuis 1942) a remporté un succès certain et a servi au PCF à ramifier ses liens dans la résistance intérieure, en contournant la France Libre et en se présentant comme une organisation indépendante du PCF. C’est dire que le FN de la police est un cas qui permet de scruter la stratégie du PCF, et tout spécialement dans le cas symbolique de la Libération de Paris. L’autre front historiographique est celui du « regard extérieur » porté sur le PCF. En se présentant, dès le Front populaire, comme un parti national, le PCF s’est efforcé d’apparaître comme une force de résistance patriotique et indépendante de tout soutien extérieur : ses liens avec les services secrets de la France Libre, mais aussi britanniques et américains, sont donc restés inavouables, d’autant plus qu’ils ont été recouverts, pendant la Guerre froide, par l’anti-américanisme obsessionnel imposé par la logique des blocs. Certains travaux, comme la biographie de Georges Guingouin par Fabrice Grenard, et l’ouverture des archives de l’OSS (Office of Strategic Services), du SOE (Special Operations Executive) et du BCRA (Bureau central de renseignements et d'action) permettent désormais de replacer le PCF dans les stratégies globales des grandes puissances occidentales en guerre. Financement, parachutages d’armes et de cadres, aide logistique : la question est posée de l’intégration du PCF dans l’effort de guerre allié en Europe occidentale, de sa dette à l’égard de cette aide considérable, mais aussi du décryptage de ses intentions et de sa force par les Services alliés. À travers la question des maquis FTP et de leurs liens avec les services alliés abordée par Raphaële Balu ou celle des rapports entre les services gaullistes du BCRA et les communistes évoquée par Sébastien Albertelli, il s’agit donc de comparer ce que nous apprennent les archives sur la réalité des relations établies entre les communistes et les Alliés au cours de la période avec des discours qui se sont développés a posteriori, dans le contexte de la guerre froide, lorsque les communistes expliquèrent alors avoir été sciemment abandonnés par les Alliés et la France libre. Une telle approche permet enfin d’esquisser un problème encore secondaire dans l’historiographie de la Résistance : celui de l’anticommunisme de la Résistance non-communiste. En vertu d’un calcul pragmatique, les partenaires du PCF ont été contraints de le considérer comme une force incontournable en France même, quitte à atténuer ou rompre avec un anticommunisme parfois viscéral, encore marqué par le souvenir du Pacte germano-soviétique en 1939. Si l’anticommunisme des services de police vichystes est profond et même moteur dans le processus de leur réorganisation dès 1940 (création de la Brigade spéciale 1), celui des organisations et des figures de la Résistance est moins connu. Là encore, le poids du PCF et du philosoviétisme à la Libération a recouvert une histoire ancienne, profondément ancrée dans un entre-deux-guerres brutalement terminé par la défaite de juin 1940. Intervenants : Fabrice Grenard (Enseignant, HDR) : Introduction Christian Chevandier (Université du Havre) : Le front national de la police [texte paru dans Territoires contemporains, n° 7] Anne Hihn (Université de Paris 1) : Jean Chaitron : l’exercice du pouvoir préfectoral par un communiste [texte paru dans Territoires contemporains, n° 7] Sébastien Albertelli (Université de Lyon 2) : Le Bureau central de renseignements et d’action et la résistance communiste Raphaële Balu (Université de Caen) : Les maquis communistes (de France) dans les stratégies britanniques et américaines (pour la Libération de la France) [texte paru dans Territoires contemporains, n° 7] Séance 8 : Les intellectuels, l’URSS et le Parti Communiste Français Les intellectuels sont depuis longtemps au cœur de l’historiographie du phénomène communiste. Leur statut fragile, en raison de l’ouvriérisme du parti, l’intensité de leur « foi » ou de leur « croyance », leur accès ponctuel à la réalité soviétique et leur « aveuglement » à son égard ont fait couler beaucoup d’encre, depuis David Caute jusqu’à Stephen Koch ou François Furet. Entre « passion » et calcul, convictions progressistes et opportunisme, tous les mobiles ont été prêtés à ces « agents » d’influence ou ces « compagnons de route ». Catégorie historique très française à laquelle un rôle démesuré dans la vie publique du pays a souvent été attribué, les « intellectuels » ont eu leur part dans l’histoire du Parti et du communisme en France : elle continue de faire débat. Voyageurs, passeurs, témoins, militants, inquisiteurs, la distribution des rôles est aujourd’hui singulièrement renouvelée à la fois par une historiographie « compréhensive » et plus attentive aux nuances – on pense à la biographie de Pierre Pascal par Sophie Cœuré ou aux travaux de Michal David-Fox sur les « fellow-travellers revisited » – mais aussi au travail d’archives continué. Le voyage en URSS et la littérature de témoignage qui en découle ont depuis longtemps attiré l’attention des historiens. L’historienne Annette Wieviorka a souligné l’importance de la Première Guerre mondiale dans la grande réquisition des témoins du siècle : l’aller-retour au pays des soviets a lui aussi joué sa partition. Les archives de la VOKS (Vsesojuznoe Obščestvo Kul’turnoj Svjazi s zagranicej, Société pan-soviétique pour les relations culturelles avec l’étranger) et de l’Intourist, institutions soviétiques chargées d’encadrer le voyage des étrangers en URSS, sont aujourd’hui disponibles et ouvertes au GARF, à Moscou. Sophie Cœuré et Rachel Mazuy en ont livré d’importants échantillons dans leur livre récent : Cousu du fil rouge (Voyages des intellectuels français en Union soviétique), Paris, CNRS Éditions, 2012. Les conditions matérielles de réception des étrangers, les « techniques d’amitié » (Ludmila Stern) mises en œuvre par les Soviétiques et les écrivains de l’Union internationale des écrivains révolutionnaires (UIER ou MORP, en russe), l’enjeu des droits d’auteur, du marché du livre soviétique – autant d’éléments précisés, approfondis par l’accumulation récente d’une documentation sur laquelle il faudrait faire le point. Le paradoxe, cependant, veut que ceux qui ont eu un accès privilégié à la réalité soviétique, au premier rang desquels certains intellectuels comme Louis Aragon, n’en ont que tardivement et très partiellement rendu compte : c’est à ce « récit impossible » qu’est consacrée la communication de Nathalie Piégay-Gros (Paris-VII). Sociologie collective ou parcours individuel ? Les « intellectuels » ont été souvent saisis comme un groupe aux limites et à l’homogénéité discutables. La voie d’une prosopographie plus resserrée, autour d’une revue ou d’une association, est plus rarement empruntée et c’est tout l’intérêt de la démarche d’Isabelle Gouarné (EHESS) autour des membres de la commission scientifique du Cercle de la Russie neuve. L’enjeu est d’étudier, selon l’auteure, l’émergence d’une « nouvelle posture intellectuelle articulant science, marxisme et communisme » qui devait durablement influencer l’histoire intellectuelle française, à travers la prosopographie d’un groupe d’une quarantaine d’intellectuels philosoviétiques dans les années 1930. Une telle approche nous permet, entre autres, de discuter des apports de l’historiographie des circulations et des transferts dans l’histoire des intellectuels communistes. Ces derniers, cependant, ont d’abord été la proie des biographes. Mesurer leur influence, rompre les effets mémoriels et dépasser les récits rétrospectifs très prégnants sur l’« engagement », parcourir les archives des organisations auxquelles ils ont appartenu rend leur importance à certains « passeurs », placés par les circonstances et par leur propre volonté à certains « carrefours » décisifs d’influence. C’est le cas d’Henri Barbusse, étudié ici par Romain Ducoulombier, dont la fréquence des rapports directs et personnels avec Staline le place parmi les tout premiers d’entre eux, dans une période de transformation décisive de la politique culturelle soviétique de la fin des années 1920 au milieu des années 1930. Mobilités, circulations, transferts : ces trois mots-clefs d’une histoire du phénomène communiste plus attentive au global sont au cœur de cette séance. Intervenants : Sophie Cœuré (Université Paris Diderot Paris 7, laboratoire ICT) : Introduction Isabelle Gouarné (Université de Picardie, CURAPP-Ess) : Philosoviétisme, marxisme et sciences sociales en France dans les années 1930 Nathalie Piégay-Gros (Université Paris Diderot Paris 7, CERILAC) : L’impossible récit de voyage en URSS : Aragon Romain Ducoulombier (Université de Bourgogne) : Henri Barbusse et Staline 1927-1935 Séance 9 : Le Parti Communiste Français et le fait militaire La guerre a marqué de sa présence exceptionnelle et multiforme le xxe siècle français et européen. Elle imprègne profondément l’histoire du bolchevisme, pour lequel la guerre civile en Russie est une « expérience formatrice » fondamentale (Sheila Fitzpatrick). Par la suite, l’industrialisation stalinienne à marche forcée comporte un volet militaire qui vise à doter l’URSS d’un complexe militaro-industriel lui permettant de se défendre contre la « conspiration permanente » (Gábor Rittersporn) qui se trame à ses frontières. En France, l’armée est une institution centrale de la vie politique et sociale de la III e et de la IVe République. L’expérience du service militaire est un fait universel pour la jeunesse française après 1905. Cette jeunesse est d’ailleurs mobilisée deux fois en 1914 et en 1939 – sans compter, par exemple, le rappel de certaines classes envisagé pendant la guerre du Rif. Certes, la guerre d’Indochine, la participation française à la guerre de Corée ou la guerre d’Algérie sont hors du champ chronologique de notre séminaire, mais la période 1914-1962 forme à l’évidence une séquence marquée de façon extraordinairement insistante par le fait militaire et guerrier. C’est la raison pour laquelle il nous semblait nécessaire d’y consacrer une séance. Si l’on s’en tient tout d’abord à une perspective d’histoire globale, la guerre a joué un rôle majeur dans l’avènement et le développement des régimes communistes, à commencer par l’URSS. De là, se pose la question à la fois légitime et problématique du caractère martial d’un phénomène communiste sans doute pluriel, mais forgé sur un modèle soviétique profondément marqué par la militarisation de la politique ou, tout au moins, par la « brutalisation » supposée (George L. Mosse) de l’Europe de l’entre-deux-guerres. L’historien Georges Vidal, qui a consacré sa thèse aux rapports entre le PCF et l’armée sous le Front populaire (La grande illusion ? Le parti communiste français et la Défense nationale à l’époque du Front populaire, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2006), est revenu dans un livre récent sur la place du fait militaire dans l’histoire globale et comparée du communisme (Histoire des communismes au xxe siècle, Paris, Ellipses, 2013), c’est la raison pour laquelle il présente une réflexion sur ce thème en ouverture du séminaire. Nos travaux empruntent ensuite deux directions. Nous avons déjà abordé dans nos séances précédentes la question essentielle de la répression, à laquelle à la fois le séminaire et l’ANR Paprik@2F font une large place, en particulier sous l’angle archivistique. Plusieurs intervenants des Archives nationales (Anne Leblay-Kinoshita, Émilie Charrier) et du Service historique de la Défense (Frédéric Queguigneur) évoquent la répression des « menées communistes » par les services spéciaux de police, dont l’ANR Paprik@2F a contribué à mettre en valeur les fonds des Archives nationales, et dans l’armée, où bien des militants communistes, surtout parmi les Jeunesses, se sont retrouvés si l’on peut dire « malgré eux ». Antimilitariste (et anticolonialiste par principe) dans les années 1920, le PCF change de stratégie au milieu des années 1930, sous l’effet du pacte Laval-Staline qui surprend (et déroute parfois) les militants du rang. Dans ses carnets, Cachin note ainsi à la date du 26 juin 1935, après une discussion avec la direction du Komintern : « Il faut avoir l’armée. Les ouvriers avec des revolvers, c’est absurde. » La formule est forte et prend valeur de tournant. Mais il faut tout au moins discuter de la valeur de cette périodisation à la lumière des nouvelles archives. Les appels à la guerre civile des brochures insurrectionnels de la fin des années 1920 sont, il est vrai, restés lettre morte. Malgré l’investissement financier et militant dont il bénéficie, l’« appareil anti » – c’est-à-dire l’organisation clandestine de propagande communiste dans les casernes – est demeuré inefficace et largement pénétré par les services de renseignement policiers et militaires. En septembre 1939, les communistes ont « marché » dans leur immense majorité, alors que le parti n’était pas encore interdit et que la ligne nouvelle consécutive au Pacte germano-soviétique était encore flottante. C’est la raison pour laquelle l’expérience des maquis communistes, étudiée ici par Fabrice Grenard, offre un point d’appui particulièrement utile à la comparaison avec l’héritage idéologique et « pratique » du Parti, mais aussi avec d’autres maquis et d’autres formes de « petite guerre ». Expérience militaire à part entière, malgré la pénurie d’armes et les tactiques d’évitement de l’ennemi, l’épisode maquisard possède un statut complexe dans la politique et la mémoire communistes, puisqu’elle est à la fois prestigieuse et symbolique des difficultés du contrôle d’un parti résistant et urbain sur la « lutte armée » clandestine dans les campagnes sous l’Occupation. Intervenants Georges Vidal (Université de Montpellier) : Le communisme, le PCF, la guerre et le facteur militaire au xxe siècle [texte paru dans Territoires contemporains, n° 7] Anne Leblay-Kinoshita, Émilie Charrier (Archives nationales) : La lutte contre la propagande du PCF auprès des conscrits dans l’entre-deux-guerres à travers les fonds d’archives ministériels Frédéric Queguineur (Service historique de la Défense, Vincennes) : Communisme et communistes en France occupée à travers les archives des services spéciaux Fabrice Grenard (Sciences Po, Paris) : Le PCF et les maquis [texte paru dans Territoires contemporains, n° 7] Séance 10 : 1945 : le PCF et le retour des camps En 1945, l’opinion publique française découvre avec horreur le retour des déportés, « souffrants et décharnés », portant le costume de bagnard des camps nazis. Pourtant, « les signes de sollicitude s’estompent » rapidement et les « déportés donnent l’impression de déranger ». L’épreuve de la déportation ne se résume pas à la seule somme d’expériences individuelles, même si chaque parcours est singulier et mérite une attention spécifique. La mémoire de cette épreuve particulière a marqué durablement la culture communiste. C’est toute la politique de chasse, de traque, d’internement et de déportation par les occupants allemands et le régime de Vichy qui est au centre de ce processus mémoriel, sans oublier la thématique du « parti des fusillés ». L’internement et la déportation sont au cœur de la dernière séance du dernier séminaire de l’ANR Paprik@2F. Il s’agira d’abord de réfléchir au processus d’exclusion et de répression qui frappe le PCF clandestin depuis septembre 1939. Qu’on envisage le problème sous l’angle des « origines républicaines de Vichy », pour reprendre l’expression de Gérard Noiriel, avec le triste sort réservé aux brigadistes (Édouard Sill), ou des suites du Pacte germano-soviétique et de l’interdiction du PCF, les militants arrêtés ont pu être déportés, mais oubliés (Lucie Hébert). La mise en place du régime de Vichy (qui prône à la fois l’exclusion dans le cadre de la Révolution nationale, et la collaboration) s’accompagne d’un processus de radicalisation de la traque contre les communistes (Thomas Fontaine) dont nous avons déjà parlé lors du séminaire avec la présentation de la série Z4. Le PCF, comme toute association, participe comme « passeur » et devient même « porteur » d’une mémoire spécifique de la déportation. Cette construction mémorielle se lit au fur et à mesure de son histoire de l’après-1945. Le rapport à la mémoire, entendu au sens des propositions du sociologue Maurice Halbwachs (mort en déportation à Buchenwald) sur la mémoire collective, invite à considérer le rôle du Parti communiste dans la société française pour ses combats mémoriels ; mémoire aux dimensions variées puisqu’elle revêt à la fois la construction d’une mémoire collective de l’organisation, qui participe au débat plus large de la Nation, d’autant que la guerre froide dicte aussi son regard sur la déportation (Olivier Lalieu). C’est ainsi que la FNDIRP entre dans le champ des organisations de masse du PCF. Elle s’emploie non seulement à faire reconnaître les droits des victimes de la répression, à les soigner et les aider dans leur réinsertion sociale et culturelle, mais également à défendre et promouvoir une mémoire du déporté et de la déportation. Dès lors, le PCF s’emploie à « fondre » la déportation « dans une double mémoire, ouvrière et nationale » (Serge Barcellini). Il faut enfin rappeler comment la mémoire de la déportation s’est construite pour ne pas oublier les crimes et pour entretenir la flamme du souvenir, joignant son action et son activité au cri du « Plus jamais ça ! » et de la mise en œuvre du « devoir de mémoire ». L’un des premiers objectifs est la volonté de lutter contre l’oubli. Les différents serments prononcés à l’ouverture des portes des camps de concentration engagent les survivants dans un combat de tous les instants pour perpétuer le souvenir du sacrifice des victimes. Dès lors, on assiste à un rappel émouvant des engagements pris par les rescapés qui construisent ce rôle de vigie permanente. Chaque cérémonie, chaque réunion est un moment où l’on lit et relit ces serments : il faut non seulement se rappeler, mais aussi souder le groupe contre l’oubli, face aux résurgences de la « bête immonde », dans un combat antifasciste assumé et revendiqué. Camarades ! Nous, antifascistes de Buchenwald, sommes aujourd’hui réunis pour honorer les 51 000 prisonniers assassinés par la bête nazie à Buchenwald et dans ses commandos extérieurs. Cinquante et mille fusillés, pendus, piétinés, battus, étranglés, noyés, affamés, empoisonnés, liquidés par piqûre ! Cinquante et mille pères, frères, fils, moururent d’une mort effroyable parce qu’ils étaient des combattants qui avaient lutté contre le régime de meurtre fasciste. Cinquante et mille mères, femmes, enfants accusent !!! Nous, survivants ; nous, témoins de la bestialité meurtrière des nazis, avons vu tomber, hier, nos vaillants camarades et notre rage était impuissante. Une seule pensée nous retenait à la vie : Quand viendra le jour de la vengeance ? Nous, Buchenwaldiens, Russes, Français, Polonais, Tchèques et Allemands, Espagnols, Italiens et Autrichiens, Belges, Hollandais et Anglais, Luxembourgeois, Roumains, Yougoslaves et Hongrois, avons combattu ensemble les SS, contre la horde sanguinaire des nazis, pour notre propre libération. Une idée nous animait : Notre cause est juste ! La victoire doit être nôtre !!! Nous jurons devant le monde entier, sur cette place d’appel qui a vu se perpétrer les cruautés fascistes : Nous ne cesserons le combat que lorsque le dernier coupable aura comparu devant les juges populaires ! Notre mot d’ordre est la destruction du fascisme jusque dans ses racines ! Tel est notre devoir envers nos camarades assassinés, envers leurs familles. Pour manifester votre volonté de combattre, levez la main et répétez avec moi : Nous le jurons !!! (Buchenwald, le 19 avril 1945.) Nous suivons un chemin commun, le chemin de la compréhension réciproque, le chemin de la collaboration à la grande œuvre de l’édification d’un monde nouveau, libre et juste pour tous. Nous nous souviendrons toujours des immenses sacrifices sanglants de toutes les nations qui ont permis de gagner ce monde nouveau. En souvenir des millions de nos frères assassinés par le fascisme nazi, nous jurons de ne jamais quitter ce chemin. Sur des bases sûres de la fraternité internationale, nous voulons construire le plus beau monument qu’il nous sera possible d’ériger aux soldats tombés pour la liberté : le monde de l’Homme libre ! Nous nous adressons au monde entier par cet appel : aidez-nous en cette tâche. Vive la solidarité internationale ! Vive la liberté ! (Extraits du serment de Mauthausen prononcé le 16 mai 1945.) Ces deux serments, qui magnifient le sacrifice, soulignent également l’idéalisation des combattants ; il s’agit alors d’un mouvement d’héroïsation comme celui qui consacre l’idéal-type du Résistant libérateur, mais que reflète aussi le poids de la répression. Intervenants : Jean Vigreux (Université de Bourgogne) : Introduction Édouard Sill (EPHE) : L’internement des brigadistes et des étrangers : retour d’Espagne en France, 1938-1941 [texte paru dans Territoires contemporains, n° 7] Lucie Hébert (Université de Caen) : Des déportés aux marges de la mémoire collective : les communistes arrêtés durant le pacte germano-soviétique [texte paru dans Territoires contemporains, n° 7] Thomas Fontaine (Université de Paris 1) : La répression du PCF par Vichy et les Allemands, 1941-1944 Olivier Lalieu (Mémorial de la Shoah) : Du retour des camps à la naissance du mouvement des déportés |
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AUTEUR Romain Ducoulombier Jean Vigreux Professeur des universités Université de Bourgogne-Franche-Comté, Centre Georges Chevrier-UMR 7366 |
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ANNEXES |
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NOTES |
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RÉFÉRENCES Pour citer cet article : Romain Ducoulombier et Jean Vigreux, « Introduction » dans Histoire documentaire du communisme, Jean Vigreux et Romain Ducoulombier [dir.], Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne], 3 mars 2017, n° 7, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html. Auteur : Romain Ducoulombier et Jean Vigreux. Droits : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC/credits_contacts.html ISSN : 1961-9944 |
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