Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin" UMR 7366 CNRS-uB |
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Territoires contemporains | |
Histoire documentaire du communisme | ||||
Raymond Aron et le communisme | ||||
Joël Mouric | Résumé | Mots-clés | Sommaire | Texte | Auteur | Annexes | Notes | Références | Outils | |||
RÉSUMÉ
L’opposition de Raymond Aron au parti et à l’Internationale communistes fut opiniâtre et lui a coûté cher. Elle lui valut d’être caricaturé en va-t-en guerre et l’isola des autres intellectuels qui se refusaient à l’anticommunisme. Pourtant, celui de Raymond Aron fut beaucoup plus modéré que ne le laissaient entendre ses détracteurs. Il a ainsi toujours distingué le totalitarisme nazi, contre lequel il ne pouvait y avoir qu’une lutte à mort, du totalitarisme communiste, dont il reconnaissait l’idéal, et vis-à-vis duquel il pensait que le conflit idéologique pourrait être surmonté. La défense du modèle de société libérale et d’une démocratie « constitutionnelle pluraliste » l’a cependant conduit à mener, jusqu’à son dernier souffle, un combat politique contre le PCF et l’Union soviétique. |
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Dans Le Canard Enchaîné du 8 septembre 1954, Raymond Aron, croqué en tant que « penseur maison du Figaro », accusait le conservateur Major Thompson, le personnage de Pierre Daninos, d’être un « crypto-communiste », parce qu’il n’était pas fâché que la France ait rejeté la CED. L’historien anglais Alexander Werth, qui cite cet épisode, décrit un Aron manichéen, pour qui l’impérialisme américain n’existait pas, et qui voyait dans les communistes français « une cinquième colonne, avec laquelle aucun compromis n’était possible ». Pire, Aron, selon la même source, n’était pas satisfait de l’endiguement du communisme. Partisan du refoulement, il diabolisait le monde soviétique, était prêt « à chasser les Russes d’Allemagne de l’Est » ainsi qu’« à mettre hors-la-loi les communistes français ». Alexander Werth conclut cette philippique par une pointe contre L’Opium des intellectuels, paru en 1955 : « Aron y expliquait le comportement regrettable des intellectuels par leur fascination malsaine pour le marxisme (ce qui était une manière simple de tout expliquer) [1]. » Ce jugement est représentatif d’une image d’Aron qui a subsisté jusqu’à nos jours, celle du cold-warrior éternel, et par là même, auteur daté, irrémédiablement ancré dans la Guerre froide, dont il n’a pas connu la fin, et au-delà de laquelle il aurait été incapable de voir. Si l’engagement anticommuniste de 1947 est en effet essentiel, avec l’entrée au Figaro et l’adhésion au RPF, il correspond cependant au primat de la politique étrangère dans la pensée d’Aron. Celui-ci avait en effet découvert le totalitarisme, non à travers le stalinisme, mais par l’expérience de la montée du nazisme dans la République de Weimar. Et jusqu’en 1945, le combat de Raymond Aron a été exclusivement dirigé contre l’Allemagne nazie. On tentera ici de cerner l’attitude d’Aron face au communisme pendant cette première période – avant 1945 –, avant d’analyser les différents niveaux de son anticommunisme dans les premières années staliniennes de la Guerre Froide. I. Antinazi avant d'être anticommuniste Raymond Aron n’a jamais été attiré par le communisme. Inversement, il n’a pas non plus développé contre celui-ci la haine que d’autres, qui en avaient éprouvé la séduction, ont parfois affiché [2]. Dans ses premiers écrits, Raymond Aron penchait pour une sorte de socialisme. Les termes qu’il utilise alors [3] correspondent à un socialisme démocratique, esquissé de manière très vague. Sans évoquer explicitement le communisme, le jeune Aron rejette un socialisme qui procèderait par « oukases ». S’il présente le parti socialiste comme celui vers lequel iraient ses « sympathies », il déplore « le culte stérile de formules magistrales » comme « lutte des classes, dictature du prolétariat ». La notion de liberté apparaît déjà comme l’élément central de sa pensée, ce que confirme, à la même époque, le choix de son sujet de diplôme d’études supérieures, « La notion de l’intemporel chez Kant, Moi intelligible et liberté » [4]. Lorsque Raymond Aron séjourna en Allemagne, il avait le projet de lire Marx pour aboutir à une justification de ses propres idées politiques. Or, ce séjour allemand lui fit découvrir – outre les sociologues d’outre-Rhin – la montée en puissance du totalitarisme nazi. Arrivé au printemps 1930, reparti au printemps 1933, Aron fut témoin de l’arrivée au pouvoir d’Hitler. Quelle qu’ait pu être, par la suite, son opposition au communisme, il ne faut pas perdre de vue que son expérience du totalitarisme, et son opposition à celui-ci a commencé par le contact avec une autre idéologie, qu’il a rapidement décrite comme « une catastrophe pour l’Europe ». Par ailleurs, Aron n’a pas immédiatement pensé les différents régimes totalitaires sous une seule espèce. L’expression « États totalitaires », par opposition à « États démocratiques », apparaît dans son allocution du 17 juin 1939 devant la Société française de philosophie [5]. Et de manière très claire, Aron ne concevait pas alors le communisme comme un danger immédiat, tout simplement parce qu’il n’en était pas un, alors qu’il estimait que la menace nazie mettait en péril l’existence même de la France, aussi bien par le danger d’une invasion que par celui d’une contagion idéologique : « Il est clair aujourd’hui que si la France n’arrive pas à triompher de sa désunion et à se redresser, dans dix ans elle n’existera plus, avec ou sans guerre, par hitlérisation venue de l’intérieur ou de l’extérieur », écrivait-il à Gaston Fessard au lendemain de Munich [6]. De même, l’un des éléments caractéristiques de la critique aronienne des idéologies, le concept de religion séculière, est né, comme l’a montré Matthias Oppermann, de la lecture du livre d’Henri de Man, Au-delà du marxisme [7], qu’il a lu et recensé pendant l’année 1930-1931, alors qu’il était lecteur à Cologne. Aron a emprunté à De Man la notion de « marxisme vulgaire » : « La doctrine, écrit De Man, tend à jouer un rôle assez semblable à celui des rites religieux dans une Église devenue puissance temporelle. De mobile de l’action, elle est devenue moyen auxiliaire de la propagande [8]. » Aron a repris l’expression de marxisme vulgaire, sans citer De Man, dans sa thèse soutenue en 1938, l’Introduction à la philosophie de l’histoire : « [...] À nos yeux, tout marxisme qui se donne pour science et non pour philosophie est un marxisme vulgaire parce qu’il est inconscient de lui-même [9]. » À la suite d’Henri de Man, Aron a appliqué dès 1931 le concept de religion séculière au communisme, puis en 1932 aux masses fanatisées par Hitler [10]. Avant la guerre, Aron a été proche de nombreux communistes. Il était le condisciple et l’ami de Paul Nizan. André Malraux, à qui Aron a dédié l’Introduction à la philosophie de l’Histoire, était alors proche du PCF [11]. Lorsqu’il s’interroge rétrospectivement, dans ses Mémoires, sur la résistance de leur amitié aux divergences politiques, Aron écrit : En dépit de Staline, à cause de Hitler, nous inclinions à mettre le communisme du bon côté de la barricade. En privé, Malraux ne parlait ni en communiste, ni en compagnon de route. Il ne dissimulait ni à lui-même, ni aux autres, les duretés, les crimes du régime mais il en vantait aussi les accomplissements sociaux. Il ne croyait pas aux affabulations des procès de Moscou. Il ne jetait pas Trotsky par-dessus bord [12]. Aron avait lui-même commenté en 1933 un article de Trotsky [13] dans lequel celui-ci tentait d’interpréter la politique étrangère d’Hitler [14]. Bien qu’il n’eût aucune sympathie pour le communisme, Aron était d’accord avec Trotsky pour voir en Hitler l’ennemi, la principale menace qui pesât sur l’Europe. Hitler était bien l’ennemi objectif de la France et de l’URSS et, bien que ni Trotsky ni Aron ne fussent des thuriféraires du traité de Versailles, l’entreprise hitlérienne pour démolir ce dernier annonçait une situation bien pire que ce que l’on avait connu depuis la conférence de la paix de 1919. Dans ses commentaires de novembre 1936 sur L’Ère des tyrannies d’Élie Halévy, Aron faisait une distinction très nette entre communisme et fascisme : Le communisme manifeste parfois le même cynisme réaliste que les fascismes : il ne s’en fait pas gloire au même degré. Le communisme tâche d’apprendre à lire à tous les hommes, et ceux-ci ne se contenteront pas toujours du Capital. Même l’idéologie unique n’a pas la même signification : le communisme est la transposition, la caricature d’une religion du salut, les fascismes ne connaissent plus l’Humanité [15]. Ces réflexions l’amenèrent alors à la conclusion que « sur le plan de l’histoire, pour l’avenir de l’humanité, la tyrannie communiste et la tyrannie fasciste représentent bien des ennemis inconciliables. À mes yeux, c’est la haine idéologique et non la sagesse du politicien libéral qui a sur ce point raison [16]. » Devant la Société française de philosophie, le 17 juin 1939 Aron affirma que « les régimes totalitaires sont authentiquement révolutionnaires, les démocraties essentiellement conservatrices [17]. » Mais il ne pensait pas qu’une alliance entre l’URSS et le Troisième Reich fût possible : « Je ne pense pas que ce soit pour des raisons idéologiques que l’Allemagne socialiste soit hostile à l’URSS. Bien plus, on n’ignore pas que l’Allemagne garde, comme une des dernières réserves de sa politique étrangère, l’idée d’une alliance avec la Russie, alliance qui paraît d’ailleurs peu probable [18]. » Dans les entretiens du Spectateur engagé, Aron a déclaré qu’il n’avait été libéré de ses inhibitions, relativement à l’URSS de Staline, qu’à la veille de la guerre, par le pacte germano-soviétique du 23 août 1939 [19]. En octobre 1939, il passa toute une soirée à persuader Malraux de rompre avec les communistes à la suite du pacte germano-soviétique. Ce fut en vain, et Malraux lui répondit qu’il l’aurait fait, si Daladier ne les avaient jetés en prison [20]. Ce fut leur dernière rencontre avant la Libération, et dans l’intervalle, Malraux était devenu passionnément anticommuniste [21]. C’est au Val André, village des Côtes-du-Nord où Célestin Bouglé avait une maison de vacances, qu’Aron apprit la nouvelle du pacte, comprenant aussitôt que, pour la France, il signifiait la guerre. Dans les Mémoires, Aron dit la « consternation » et le « ressentiment » qu’il éprouva alors contre Staline. Pendant la Drôle de Guerre, il poursuivit ses réflexions sur les régimes totalitaires, dont il soulignait désormais, à la suite du pacte, les similitudes [22]. Lorsqu’il rejoignit Londres après la défaite, Aron devint le chroniqueur de La France Libre. Dans ses articles, il s’abstint scrupuleusement de critiquer l’Union soviétique, à plus forte raison lorsque celle-ci, le 22 juin 1941, fut passée dans le camp des Alliés. Jusqu’en 1944, la lutte contre l’Allemagne nazie était la priorité absolue. Pourtant, Aron eut l’occasion d’écouter les Polonais de Londres parler des massacres de Katyn, sur lesquels ils savaient à quoi s’en tenir [23]. Il constatait par ailleurs la différence de langage entre les Polonais, qui avaient toutes les raisons de redouter l’hégémonie soviétique à l’issue de la guerre, et les Tchèques, davantage disposés, à la suite de Beneš, à rechercher l’amitié et la protection de Moscou. Aron éprouvait de la sympathie à l’égard des premiers, de l’irritation voire du mépris pour les seconds, qui ne semblaient pas plus capables de risquer leur vie pour leur liberté qu’en 1938 [24]. Par ailleurs, Aron eut à Londres une position atypique : proche du général de Gaulle, et en même temps critique acerbe du gaullisme dans « L’Ombre des Bonapartes [25] ». En fait, Aron dit alors qu’il « détestait la guerre civile » et souhaitait « sans y croire, le rassemblement des Français lorsque le débarquement des Alliés en Afrique priverait le gouvernement de Vichy de ses dernières armes [26]. » Contre la doctrine gaullienne, il refusait par exemple de condamner l’armistice en tant que tel comme un acte de trahison. On peut supposer qu’il voulait ménager, le moment venu, la possibilité d’une réconciliation des non-communistes. Aron a mis beaucoup de vigueur à défendre dans ses écrits de guerre une tradition libérale française passablement affaiblie dès la crise des années 1930. S’il n’a pas critiqué ouvertement l’URSS, il n’a pas non plus parlé du rôle des communistes dans la Résistance. Mais c’est un ancien communiste, Stanislas Szymonzyk, dit Staro, qui l’a initié à la stratégie et à la lecture de Clausewitz au cours des années de Londres [27]. Dès 1944, la perspective d’une hégémonie soviétique sur l’Europe centrale et orientale amène Aron à souhaiter « l’alliance de l’Occident [28] », à laquelle il donne alors pour premier fondement l’alliance franco-britannique, puisqu’il était alors probable que les États-Unis ne maintiendraient pas de forces en Europe. De plus, Aron était conscient des risques de guerre civile inhérents à la puissance de l’idéologie communiste jusque dans certains États d’Europe occidentale comme la France ou l’Italie. Ces préoccupations n’empêchent pas qu’il ait éprouvé, à la Libération, une joie profonde [29]. Aron n’excluait pas alors les communistes de la communauté nationale. Son engagement anticommuniste date de 1947 et du début de la Guerre froide. II. L'engagement anticommuniste pour défendre la démocratie libérale Pourtant, dès 1945, Raymond Aron a redouté la prépondérance soviétique en Europe. Pendant dix ans, il renonce à revenir à l’Université pour se consacrer avant tout à un combat politique qu’il juge essentiel. Les articles de Point de vue et de Combat manifestent ainsi la volonté d’informer l’opinion publique de la nouvelle situation géopolitique. « Aucun pays, dans le monde actuel, ne choisit librement son destin », écrivait Aron en avril 1946 : Une révolution de type communiste dans le cadre d’une nation de 40 millions d’habitants n’a aucun sens. Or, à la place que la géographie nous impose, comment le rattachement à une Union des républiques socialistes soviétiques serait-il possible pacifiquement, aussi longtemps que cette union ne s’étend pas à la planète entière [30] ? De même, le jugement d’Aron sur la question allemande est lié à la fois à l’engagement plus ancien en faveur de la réconciliation (après l’échec des années 1920, l’histoire donnait une deuxième occasion qu’il ne fallait pas manquer [31]), et à la conscience que le péril ne tient plus à l’Allemagne (1945 a été le 1815 de l’Allemagne) mais à l’Union soviétique, puissance idéologique. Au même moment, les articles d’Aron dans Les Temps modernes manifestaient la volonté de rassembler les non-communistes, partisans d’une société libérale. C’est ainsi que s’explique un texte comme « La chance du socialisme », dans lequel il salue la victoire des travaillistes en Grande-Bretagne et condamne le style outrancier de la campagne de Churchill en 1945. « La chance du socialisme » dressait la perspective d’une alliance entre le libéralisme politique et le socialisme démocratique : En fait, les socialistes en France ou en Angleterre ont pour volonté claire de ne pas emprunter la voie suivie par les bolcheviques, ils ne veulent pas une prise du pouvoir par un groupe minoritaire supprimant tous les partis et établissant par voie d’autorité un socialisme d’État. Bien plus, ils rejettent l’attachement exclusif à la Russie et craignent la concurrence électorale de leurs frères ennemis. Or, un socialiste partisan de la famille occidentale s’oppose à un communiste dévoué au destin de l’Union soviétique sur le point historiquement décisif : l’orientation diplomatique qui équivaut au choix d’une zone de civilisation [32]. Aron a toujours été enclin à la modération par tempérament. Quelques années plus tard, dans L’Opium des intellectuels, il se disait « keynésien avec quelque regret du libéralisme [33] ». Aron a vu dans l’existence d’un État-providence assurant à chacun des conditions de vie décentes l’une des conditions de possibilité d’une démocratie libérale, et donc l’un des meilleurs remparts à la propagande communiste. Pendant la guerre, il s’était prononcé dans La France Libre en faveur de la sécurité du travail [34], et il montra par la suite en quoi son libéralisme différait de l’orthodoxie intransigeante de Jacques Rueff ou du néo-libéralisme de Hayek [35]. C’est alors également qu’Aron commence à intervenir dans l’Europe germanophone où, dans le cadre de réseaux libéraux liés aux puissances occidentales occupantes, il plaide pour la réconciliation dans une société libérale. Il intervient ainsi à plusieurs reprises en Allemagne [36], comme en Autriche [37], en soulignant l’opposition, dans un contexte de tensions très fortes liées à la pauvreté, entre les perspectives offertes par le modèle occidental et la tyrannie soviétique. De même, dans son cours de novembre 1946 pour les élèves de l’ENA, Perspectives sur l’avenir de l’Europe, Aron rejetait une fois de plus le modèle soviétique : « Quoi que l’on pense du communisme, ce n’est pas un rêve, c’est un cauchemar [38]. » Partisan de l’alliance avec les États-Unis, il ne souhaite pourtant pas un alignement sur le modèle politique de ceux-ci, qu’il juge différent du modèle européen fondé sur les nations. Le principal souci d’Aron était alors de conjurer la perspective d’une Europe balkanisée, déchirée par une guerre civile entre partisans de l’un et l’autre camp. C’est en 1947 que Raymond Aron adopte une position résolument offensive face au communisme. Il adhère en effet au RPF du général de Gaulle et devient éditorialiste au Figaro. Cet engagement lui vaut d’être ostracisé par la plupart des intellectuels, Sartre le premier. En 1950, l’éditeur suisse de Branko Lazitch tente, en vain, de lui faire renoncer à la préface qu’Aron a rédigée pour son livre Lénine et la IIIe Internationale [39]. Pour Aron, disciple d’Élie Halévy, la révolution d’Octobre avait été le coup de main d’une minorité déterminée, non l’émancipation du prolétariat [40]. Aron s’efforçait, via la sociologie des élites et l’étude comparée des sociétés industrielles, de montrer que le régime soviétique n’était pas conforme au schéma imaginé par Marx. Sur le plan national, Aron justifiait son adhésion au parti gaulliste par la nécessité de barrer la route à l’agitation communiste. Après son éviction du gouvernement, le PCF avait fomenté en 1947 des grèves insurrectionnelles. Des sabotages avaient eu lieu. Les institutions de la IVe République ne lui semblaient pas à la hauteur de la situation. Que faudrait-il faire « dans l’hypothèse où le PC continuerait le sabotage, sans renoncer aux privilèges de la légalité ? En ce cas, les anticommunistes doivent-ils les laisser jouir en paix des privilèges de la démocratie [41] ? » Aron jugeait qu’« il est souhaitable, mais non moralement obligatoire, de laisser la liberté à ceux qui vous la refuseraient s’ils en avaient les moyens [42]. » Le RPF se présentait comme la réponse à la situation de crise, comme le seul recours face à la faiblesse des institutions de la IVe République et à la puissance du PCF. Aron évoquait, face aux désordres suscités par le PCF, deux possibilités, sans exclure la plus dure, mais sans la considérer non plus comme fatale : « Le minimum serait l’exclusion des communistes des postes officiels ; le maximum, la mise hors la loi du parti et le passage de celui-ci à la clandestinité. » Tout dépendrait « de la tactique du Kominform [43]. » Aron concluait : la lutte contre le communisme ne favorise certes pas la restauration d’un certain libéralisme. Elle ne l’interdit pas absolument. En tout cas, un régime pluraliste ne se maintiendra que dans la mesure où seront refoulés ceux qui ne songent qu’à le détruire. L’anticommunisme finira peut-être, entraîné par sa logique, par détruire la démocratie. La non-résistance au communisme la détruirait plus sûrement encore [44]. La position de principe énoncée dans Le Grand Schisme, « rien ne nous oblige à mener le combat l’injure à la bouche et la haine au cœur » [45], n’empêchait pas les piques ni les apostrophes peu amènes : Pierre Courtade était un des « fonctionnaires de service [46] » du parti et, bien plus tard, Jean Kanapa « un des plus staliniens des dirigeants communistes [47]. » Pourtant, Aron assortissait son « refus absolu » de nuances : « La condamnation radicale du communisme ne porte ni sur l’inspiration de la doctrine ni encore moins sur les fidèles [48]. » Il soulignait que les militants du parti étaient convaincus de défendre l’intérêt national, bien qu’ils missent « le loyalisme à l’égard de leur parti et de l’Union soviétique au-dessus du loyalisme à l’égard de l’État français. » Refusant la neutralité, Aron souhaitait modérer la lutte anticommuniste. Il s’est ainsi opposé au maccarthysme [49]. La pensée de Raymond Aron se caractérise par le primat du politique et par celui de la politique étrangère. En l’occurrence, il n’accordait pas à la menace communiste le même caractère de lutte à mort [50] qu’il avait attribué à la guerre contre le nazisme : À la différence de Hitler, Staline n’est ni un mystique ni un romantique. L’idéologie national-socialiste devait mourir avec son fondateur, l’idée communiste a précédé et suivra celui qui en est provisoirement l’interprète le plus puissant, sinon le plus autorisé. Rien ne l’oblige à se fixer de date, à précipiter une évolution qu’il [Staline] tient pour fatale. L’impérialisme de Staline n’est pas moins démesuré que celui de Hitler, il est moins impatient [51]. Dans Les Guerres en chaîne, Aron insiste sur le fait qu’il n’existait en Europe occidentale que deux grands partis communistes, le français et l’italien. Dans chacun des deux pays, le communisme était, écrivait-il, « l’incarnation actuelle de l’anticatholicisme [52] ». Poursuivant son analyse de 1944 fondée sur le concept de religion séculière – « Le marxisme est une hérésie chrétienne [53] » –, Aron soulignait que « le communisme tire une force singulière, même temporairement vaincu, du fait qu’il se pose en Église rivale ». Aron disait que la religion séculière, dans le cas du stalinisme, accomplissait une triple fonction : premièrement, en formant des révolutionnaires dans la discipline du parti, deuxièmement en inquiétant «les adversaires sur la légitimité de leur cause» et en suscitant « une atmosphère de sympathie autour du parti », troisièmement enfin, « une fois le parti en possession de l’État », en créant « l’homme nouveau [54]». Aron insistait sur la faiblesse du communisme qui résidait selon lui dans l’écart entre les promesses de l’idéologie et la réalité du système, et concluait au « paradoxe de la situation historique » : « Il y a probablement plus de croyants sincères de ce côté-ci du rideau de fer que de l’autre. La foi communiste se dissout à mesure qu’elle se répand. Elle se détruit elle-même par ses victoires [55]. » Mais tant que perdurerait le conflit idéologique, Aron pensait que la vigilance s’imposait. Il s’appuie dans Les Guerres en chaîne sur les pensées de Toynbee et de Spengler : On invoque plus d’une fois les analogies historiques que Spengler et Toynbee ont mises à la mode. L’Islam et la chrétienté se sont combattus durant des siècles. Aujourd’hui musulmans et chrétiens ont renoncé à se convertir ou à s’exterminer. Ils vivent paisiblement côte à côte. Ainsi en ira-t-il quelque jour des communistes et des anticommunistes. La comparaison suggérerait bien plutôt, à mon sens, une conclusion contraire. Il n’y a guère de place pour les chrétiens dans les États authentiquement musulmans [56], où la religion pénètre les mœurs et la politique. La coexistence des communistes et des non-communistes à l’intérieur d’une nation, entraînera en permanence une guerre civile, ouverte ou larvée, aussi longtemps que les communistes poseront comme article de foi le droit au pouvoir total et le devoir d’obéissance au Kremlin [57]. Dès 1947, Aron a considéré que la Guerre froide, qu’il appelle « paix belliqueuse », pourrait ne pas dégénérer en nouvelle guerre mondiale. La formule « paix impossible, guerre improbable » résume cette pensée. Même lors du conflit coréen, lorsque l’inquiétude fut à son comble, Aron a estimé que les chances de limiter la guerre restaient sérieuses. Il a ainsi été favorable au Pacte atlantique, dans la mesure où c’était à ses yeux le seul moyen de dissuader une éventuelle intervention soviétique, directe ou indirecte, tout en évitant un réarmement massif qui eût compromis le relèvement économique de l’Europe occidentale. Dès 1953, face à la propagande des Républicains revenus au pouvoir à Washington, Aron prit position, dans une postface très critique du livre de James Burnham, Contenir ou libérer, en défendant la stratégie d’endiguement contre les velléités de Roll back, dont Burnham, l’ancien trotskiste, se faisait l’avocat. « Faute de pouvoir trancher le conflit, disait Aron, il faut l’user [58] ». Cette formule ne signifiait nullement qu’il fût résigné au statu quo géopolitique. Au contraire, il jugeait nécessaire de ne jamais reconnaître le statu quo. Mais il fallait poursuivre la « bataille des propagandes » sans se faire d’illusions sur le fait que le conflit se prolongerait, étant donné que la puissance de l’Armée rouge et le fait nucléaire rendaient impossible une solution militaire que, par ailleurs, il ne souhaitait nullement. C’est dans cette perspective que s’inscrit la participation d’Aron au Congrès pour la liberté de la culture. Il y prit part à côté de Léon Blum, André Gide, François Mauriac et Albert Camus. Absent lors du lancement du Congrès à Berlin le 26 juin 1950, il y fit lire un texte, « Entre la guerre limitée et la guerre totale [59] », qui résumait sa pensée et ses intentions à propos de la Guerre froide. La revue Preuves, qui devint à partir de septembre 1951 la revue du Congrès en France, fut profondément influencée par les positions personnelles d’Aron. Vilipendée par la presse communiste, à peine mieux traitée par les intellectuels non communistes, des Temps Modernes à Esprit, elle fut certes tout à fait antisoviétique, mais non moins nettement opposée au maccarthysme. Elle réunit, autour d’une ligne fondée sur la résistance au communisme, des contributeurs militants de l’unité européenne comme Herbert Lüthy, Jeanne Hersch, Denis de Rougemont et Altiero Spinelli. Dans les Mémoires, Aron évoque le scandale de 1967, lorsque le financement du Congrès par la CIA fut connu du public. Cependant, si le financement du congrès par des syndicats américains était connu, Raymond Aron ignorait que les services secrets américains fussent directement impliqués. D’autre part, les méthodes employées par le camp soviétique dans la lutte idéologique pouvaient justifier, à elles seules, une mobilisation équivalente du côté occidental, d’autant plus que le Congrès pour la liberté de la culture laissait les intellectuels qui s’exprimaient dans le cadre de ses réunions, de ses revues, entièrement libres de leurs propos. En somme, on pouvait faire œuvre de propagandiste, tout en maintenant l’exigence de l’honnêteté intellectuelle, comme cela avait été le cas dans les colonnes de La France Libre pendant la Seconde Guerre mondiale. La principale menace pour la liberté des Européens venait de Staline. Le 30 juin 1952, c’est pour s’opposer aux notes du « Petit Père des peuples », qui proposait aux Allemands la réunification en échange de la neutralité – donc la remise en cause de l’intégration occidentale, CECA et CED – que Raymond Aron s’adressa à des étudiants de Francfort. Bien qu’on en retienne souvent la péroraison passionnément européiste, la substance du discours était dans le développement, où l’orateur se disait attaché à l’unité allemande, tout en précisant que celle-ci n’était pas réalisable, et ne le serait pas à échéance prévisible, vu les circonstances de la Guerre Froide. Aron considérait en fait que seul le mythe européen pouvait, faute de mieux, servir de point d’appui contre l’idéologie communiste et les frustrations du nationalisme allemand. La mort de Staline fut un moment important. Elle aboutit assez vite à la fin du conflit coréen. Elle explique aussi l’échec de la CED le 30 août 1954. Aron, que la formule laissait sceptique, fut plutôt satisfait de l’abandon du projet, dès lors que c’était au profit d’une solution pratique : la création de la Bundeswehr intégrée dans l’OTAN. Mais la mort de Staline ne mettait pas fin au conflit idéologique. En 1953, Aron publia un pamphlet intitulé La coexistence pacifique, dans lequel il revenait, sur un ton très incisif, sur le caractère idéologique du conflit Est-Ouest. Il est pourtant révélateur que l’ouvrage en question ait été publié sous un pseudonyme [60]. L’auteur décida de revenir à l’Université, qu’il avait dû abandonner en 1939 du fait de la guerre, et qu’il n’avait pu rejoindre lors d’une première tentative en 1948. Son élection à la Sorbonne en 1955, acquise d’une voix, après la publication de L’Opium des intellectuels, livre qui pouvait, dans ce contexte, passer pour une provocation, marque le tournant d’une époque : la première phase dangereuse de la guerre froide était tournée – comme était tournée, pensait-il alors, la page du projet communautaire de Jean Monnet, dont l’échec de la CED représentait « l’acte de décès ». Sans renoncer à son activité de commentateur, Aron renonçait à « la tentation de la politique ». Il allait poursuivre sa critique du communisme depuis sa chaire de sociologie. |
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AUTEUR Joël Mouric Chercheur associé au CRBC (Centre de recherches bretonnes et celtiques, Université de Bretagne Occidentale) Professeur d'histoire-géographie Lycée de l'Iroise, Brest |
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ANNEXES |
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NOTES
[1]
Alexander Werth, France 1940-1955, Londres, Robert Hale, 1956, p. 401.
[2]
Voir ses remarques sur André Malraux dans Raymond Aron, Mémoires, Paris, Robert Laffont, 2003, p. 90-94 ; et Le Spectateur engagé, entretiens avec Jean-Louis Missika et Dominique Wolton, DVD, éditions Montparnasse, 2005, et Paris,
Julliard, 1981.
[3]
Raymond Aron, « Ce que pense la jeunesse universitaire d’Europe », Revue de Genève, 1926, p. 789-794.
[4]
Matthias Oppermann, Raymond Aron und Deutschland, Thorbecke, Ostfildern, 2006.
[5]
Raymond Aron, « États démocratiques et États totalitaires », communication du 17 juin 1939 à la
Société française de philosophie, Commentaire, n° 24, 1983, p. 701-719.
[6]
Raymond Aron à Gaston Fessard, 28 octobre 1938, Bibliothèque nationale de France (BnF), Fonds Raymond Aron, NAF 28060/206.
[7]
Henri de Man, Zur Psychologie des Marxismus, Iéna, Diederichs, 1926, trad. française, Au-delà du marxisme, Paris,
Alcan, 1926.
[8]
Ibid., p. 36.
[9]
Raymond Aron, Introduction à la philosophie de l’histoire, Paris, Gallimard, 1938, p. 249.
[10]
Raymond Aron, « L’avenir des religions séculières », Chroniques de guerre, la France Libre, Paris,
Gallimard, 1990, p. 925-948.
[11]
Raymond Aron, Mémoires, p. 91 : « Il n’appartenait pas au parti communiste, mais il parla et agit
jusqu’à la guerre en compagnon de route ». Raymond Aron avait rencontré Malraux à Cologne en 1930, ce dernier
était l’un des conférenciers français invités par Leo Spitzer (ibid., p. 77).
[12]
Ibid., p. 91.
[13]
Léon Trotski, « Hitler et le désarmement », Europe, 15 juillet 1933, p. 440-451.
[14]
Raymond Aron, « La Révolution nationale en Allemagne », Europe, n° 129, septembre 1933, p. 125-138.
[15]
Raymond Aron, « Contribution à L’Ère des tyrannies », séance du 28 novembre 1936, Bulletin de la société française de philosophie, XXXVI, 1936, p. 226-228, publié dans Raymond Aron, Machiavel et les tyrannies modernes, Paris, Éditions de Fallois, 1993, p. 307-308.
[16]
Raymond Aron, Machiavel et les tyrannies modernes, op. cit., p. 308.
[17]
Raymond Aron, « États démocratiques et États totalitaires », Bulletin de la Société française de philosophie, 40e année, n° 2, avril-mai 1946,
réédité dans Raymond Aron, Penser la liberté, penser la démocratie, Paris, Gallimard, 2005, p. 57-106.
[18]
Ibid., p. 64.
[19]
Raymond Aron, Le Spectateur engagé, op. cit., p. 53.
[20]
Raymond Aron, Le Spectateur engagé, op. cit., p. 108.
[21]
Ibid.
[22]
« Les chefs des communistes français ont presque tous admis que la signification concrète de la notion d’agression avait
changé depuis que l’URSS avait passé dans le camp des agresseurs. Et les hitlériens ont reconnu les communistes pour
frères : “deux révolutions se sont retrouvées.” Diplomatie secrète et intrigues de Cour, au Kremlin et à
Berchtesgaden, sans doute : mais les césarismes, selon le mot de Spengler, sont démagogiques. On méprise les masses, mais on
s’appuie sur elles. À leurs exigences supposées, on plie le mode de penser et d’écrire, la philosophie et l’art.
On renverse les idoles et l’on semble assuré de maintenir, intacte et fervente, la foi des fidèles. Là précisément
est le problème du machiavélisme moderne. Il s’agit du destin, non plus des cités italiennes, mais des grands empires.
L’avenir de l’Europe est en jeu. » Raymond Aron, « Le machiavélisme de Machiavel », Machiavel et les tyrannies modernes, op. cit., p. 60.
[23]
Raymond Aron, Mémoires, op. cit., p. 189-190.
[24]
Ibid., p. 190.
[25]
Raymond Aron, « L'Ombre des Bonapartes », La France Libre, tome VI, n° 34, 16 août 1943, p. 280-288.
Rééd. dans Raymond Aron, Chroniques de guerre, Paris, Gallimard, 1990, p. 763-778.
[26]
Ibid., p. 181.
[27]
Ibid., p. 171-173. Christian Malis, Raymond Aron et le débat stratégique français 1930-1966, Paris, Economica, 2005.
[28]
Raymond Aron, « Pour l’alliance de l’Occident », La France Libre, VII, 39, janvier 1944, p. 178-186,
rééd. dans Raymond Aron, Chroniques de guerre.
[29]
Raymond Aron, Le Spectateur engagé, op. cit.
[30]
Raymond Aron, « Le Parti communiste français », Combat, 16 avril 1946.
[31]
Raymond Aron, Mémoires, op. cit., p. 251.
[32]
Raymond Aron, « La chance du socialisme », Les Temps Modernes, n° 2, novembre 1945, p. 227-247.
[33]
Raymond Aron, L'Opium des intellectuels, Paris, Paris, Pluriel, 2002 (Calmann-Lévy, 1955), p. 10.
[34]
Raymond Aron, « Naissance des tyrannies », Chroniques de guerre, La France Libre, Paris, Gallimard, 1990, p. 517.
[35]
Raymond Aron, Essai sur les libertés, Paris, Pluriel, 1998 (1965).
[36]
BnF, Fonds Raymond Aron, NAF 28060/80. Le texte original en français a été publié sous le titre « Discours à des
étudiants allemands sur l’avenir de l’Europe », La Table Ronde, n° 1, janvier 1948, p. 63-86. Le
texte allemand fut publié sous forme de fascicule par le Forum Academicum en février 1948 : Raymond Aron, Hat Europa noch Aufbaukräfte ?, Francfort, Schulte-Bulmke, 1948.
[37]
Raymond Aron, « Frankreichs öffentliche Meinung seit Kriegsende. Vortrag gehalten am 19. November1946 im Wiener
Presseklub », Europäische Rundschau, nos 6-7, 1946, p. 251-256.
[38]
Perspectives sur l’avenir de l’Europe
(26-27 novembre 1946), BnF, Fonds Raymond Aron, NAF 28060/1, f. 29-30.
[39]
Branko Lazitch, « Aron et le communisme », Commentaire, n° 28-29, 1985, p. 47-48, p. 48.
[40]
Raymond Aron, Le Grand Schisme, Paris, Gallimard, 1948, p. 126.
[41]
Ibid.,
p. 235.
[42]
Ibid., p. 235.
[43]
Ibid.,
p. 259.
[44]
Raymond Aron, Le Grand Schisme, op. cit., p. 322. Aron écrit par ailleurs : « Les
démocraties tolèrent les hérésies, elles ne peuvent pas tolérer toutes les hérésies, d’autant plus
qu’en ce cas l’hérésie camoufle une action permanente d’espionnage et de sabotage. » Raymond Aron, Les guerres en chaîne, Paris, Gallimard, 1951, p. 106.
[45]
Raymond Aron, Le Grand schisme, op. cit., p. 9.
[46]
Raymond Aron, « Les Staliniens veulent-ils libérer l’Alsace et la Lorraine », Le Figaro, 19 juin 1952.
[47]
Dans Le Figaro du 12 janvier 1976. Raymond Aron, « Marchais et la dictature du prolétariat : les liaisons
dangereuses ».
[48]
Le Grand schisme, op. cit., p. 8.
[49]
Raymond Aron, « American Visa Policy », Bulletin of the Atomic Scientists, octobre 1952 : « Le monde
comprend que les États-Unis doivent se défendre contre une cinquième colonne. Mais les amis des États-Unis sont attristés
et inquiets lorsque ces derniers pensent défendre leur sécurité en refusant un visa à un physicien qui a signé
l’appel de Stockholm ou à un sociologue qui a fait partie d’un groupe communiste quand il avait vingt ans. Cette politique
attriste et inquiète les amis des États-Unis parce qu’elle est stupide et inefficace. »
[50]
Raymond Aron, « Bataille des propagandes », La France Libre, vol. IV, 23, p. 372-379, rééd. dans
Raymond Aron, Chroniques de guerre, op. cit., p. 572-583.
[51]
Raymond Aron, Le Grand Schisme, op. cit., p. 30.
[52]
Raymond Aron, Les Guerres en chaîne, op. cit., p. 169-170.
[53]
Ibid., p. 136.
[54]
Ibid., p. 172.
[55]
Ibid., p. 175.
[56]
Que recouvre cette catégorie ? Aron ne s'en explique pas. Il n'est nullement spécialiste de l'islam. La suite de la phrase montre
qu'il considère que le propre de l'islam est de confondre les catégories du politique et du religieux que la chrétienté
européenne a au contraire distinguées avant que la sécularisation ne les sépare. On peut émettre deux hypothèses sur
cette comparaison avec l'islam : la tradition libérale, depuis L'Esprit des Lois, où Montesquieu cite le régime turc
comme le type même du despotisme, et probablement l'influence du livre de Jules Monnerot, Sociologie du communisme, Paris,
Gallimard, 1949.
[57]
Ibid., p. 300.
[58]
Raymond Aron, postface à James Burnham, Contenir ou libérer, Paris, Calmann-Lévy, 1953, p. 323.
[59]
Raymond Aron, « Zwischen dem begrenzten und dem totalen Krieg », Der Monat, n° 22-23, juillet-août 1950,
p. 455 sqq. Voir également Nicolas Baverez, Raymond Aron. Un moraliste au temps des idéologies, Paris,
Flammarion, 1993, p. 272.
[60]
François Houtisse, La Coexistence pacifique, Paris, Monde Nouveau, 1953.
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RÉFÉRENCES Pour citer cet article : Joël Mouric, « Raymond Aron et le communisme » dans Histoire documentaire du communisme, Jean Vigreux et Romain Ducoulombier [dir.], Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne], 3 mars 2017, n° 7, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html. Auteur : Joël Mouric. Droits : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC/credits_contacts.html ISSN : 1961-9944 |
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