Pierre Lévêque
(1927 - 2017)
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Le 2 novembre dernier, dans le cadre d’une séance de
séminaire du Master « Cultures & sociétés »,
Pierre Lévêque était présent, et avait participé
au débat qui avait suivi la conférence de Jean Vigreux sur le
Front populaire. Il avait apporté un témoignage émouvant.
À 9 ans, participant le 13 juillet 1936 dans les rues de Talant à
la retraite au flambeau, poing levé comme dans les manifestations du
Front populaire, le fils de l’instituteur avait reçu une gifle
d’une passante qui n’avait pas apprécié son geste
militant. Depuis sa retraite, Pierre Lévêque assistait
régulièrement aux activités du Centre Georges Chevrier et de
la Maison des Sciences de l’Homme de Dijon. Intérêt
intellectuel préservé pour la recherche et fidélité
à l’Université de Bourgogne où, pendant 28 ans, de
1963 à 1991, s’était déroulée toute sa
carrière. En décembre 2016, il assurait encore
bénévolement des cours, sur le thème de «
l’extrême droite en France depuis 1940 », à
l’Université pour tous de Bourgogne (UTB).
C’est l’enseignant que je connus en premier lieu sur les bancs
du campus de Montmuzard à l’aube des années 1980. Pierre
Lévêque assurait en Licence l’un des cours magistraux
d’histoire contemporaine. Le Professeur était respecté ;
rigoureux et exigeant ; un peu austère aussi. La préparation aux
concours du second degré, qu’il jugeait comme essentielle,
mobilisait une grande part de son temps et de son énergie. Ses cours
sur « La France et les Français, 1859-1899 » et sur «
l’histoire culturelle de l’Europe de 1919 à 1960 »
nous furent précieux. Cette inclinaison pour la transmission se
matérialisera dans les trois volumes de son Histoire des forces politiques en France, publiés de 1992
à 1997 dans la célèbre collection « U » de
l’éditeur Armand Colin. À l’heure de la retraite,
Pierre Lévêque, comme il le rappelle dans ses Souvenirs du vingtième siècle (2012), fut
particulièrement touché par les témoignages de sympathie de
ses anciens étudiants.
En DEA, puis en Thèse, il fut un directeur bienveillant, peu directif
en vérité, attentif à l’avancée de nos
recherches. Je pus vérifier, de journées d’études en
colloques, lors d’échanges avec d’autres chercheurs,
jeunes ou confirmés, combien ses travaux étaient
appréciés par la communauté historienne ; et l’homme
unanimement respecté. Sa grande thèse d’État, soutenue
en Sorbonne en 1977, d’orientation labroussienne, publiée en
1983 sous la forme de deux volumes (Une société provinciale, la Bourgogne sous la monarchie de Juillet et Une société provinciale, la Bourgogne au milieu du XIXe siècle), forçait l’admiration.
Pierre Lévêque a toujours considéré que la discipline
historique permettait de mieux comprendre l’évolution des
sociétés passées, et, à ce titre, offrait
également des outils afin d’appréhender les
sociétés contemporaines. Militant pour un socialisme
démocratique, sans dogmatisme et exclusive, sensible à
l’écologie, respectueux de l’avis de ses interlocuteurs,
Pierre Lévêque demeurait convaincu de la nécessité de
rendre la société plus juste, et de combattre les effets
dévastateurs du libéralisme. Gentillesse, bienveillance et
modestie, qualités que le monde universitaire ne cultive guère,
me semblent le mieux à même de caractériser sa
personnalité. Celui qui fut un grand historien des sociétés
rurales du XIXe siècle était avant tout un humaniste.
Sa présence familière nous manque déjà.
Philippe Poirrier,
Professeur d'histoire contemporaine,
Centre Georges Chevrier (UMR CNRS uB 7366)
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