Musique, Pouvoirs, Politiques
La diplomatie musicale en Espagne : le cas de la musique populaire
Isabelle Marc
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RÉSUMÉ

L’article analyse la diplomatie musicale espagnole dans le contexte actuel, notamment dans le domaine des musiques dites populaires. Premièrement, la musique est présentée comme un outil privilégié de la diplomatie culturelle, capable de véhiculer des valeurs positives contribuant à la création du soft power de l’État qu’elle est censée représenter. Dans ce contexte, les musiques populaires font preuve d’une grande capacité d’attraction pour l’extérieur. Deuxièmement, sont analysées les actions extérieures de l’Espagne en matière de promotion et de diffusion de la musique, en présentant et en décrivant le rôle des organismes publics responsables de la mise en œuvre desdites actions. Finalement, le texte propose une série de mesures visant à améliorer la diplomatie musicale espagnole.

MOTS-CLÉS
Mots-clés : diplomatie culturelle ; diplomatie musicale ; soft power ; musiques populaires ; action culturelle extérieure
Index géographique : Espagne
Index historique : xxie siècle
SOMMAIRE
I. La diplomatie musicale
II. La musique dans l’action culturelle extérieure de l’Espagne
1) Bref panorama de l’industrie musicale en Espagne
2) La musique au sein de l’action culturelle extérieure espagnole
III. Conclusions
TEXTE
Music costs so much less and produces so much better a result than any propaganda or weaponry… There are no warmer feelings than those engendered by music.
Leonard Bernstein, 1959

Le nombre de jeunes Anglais qui décident d’apprendre l’espagnol a augmenté au cours des dernières années, surtout par rapport à ceux qui choisissent le français et l’allemand, traditionnellement les langues étrangères les plus étudiées au Royaume-Uni. Pour le journal britannique The Guardian, cet engouement pour la langue de Cervantès ne répond pas seulement à l’attrait touristique de l’Espagne, mais surtout à Shakira [2]. Cette information, loin d’être anecdotique, prouve bien l’importance des produits des industries culturelles et créatives, et notamment des musiques actuelles, dans la configuration de l’image publique d’un pays à l’étranger. En effet, même si la diplomatie culturelle a traditionnellement été associée à la haute culture, les produits des industries culturelles – le cinéma, les séries télévisées, la bande dessinée, la musique pop, etc. – constituent des éléments essentiels dans la configuration de l’attrait (attractivité) d’un État, devenant ainsi un pilier du « soft power » [3], le pouvoir cherchant à exercer une influence internationale tout en promouvant la croissance économique au sein du pays par le biais d’une présentation positive de sa culture et de ses valeurs sur la sphère internationale. En ce qui concerne la musique, il suffit de penser à ce qu’ont représenté les Beatles, et ce qu’ils représentent encore aujourd’hui, pour la projection internationale de la culture et la langue britanniques ; ou au poids de Duke Ellington ou d’Elvis Presley dans l’exportation des valeurs positives de la culture américaine après la deuxième guerre mondiale. Dans ce contexte, le présent article a pour objectif d’analyser les politiques publiques pour la promotion et la diffusion des musiques actuelles ou populaires espagnoles à l’étranger. Pour ce faire, nous présenterons d’abord la musique comme objet privilégié de la diplomatie culturelle, pour analyser ensuite les actions concrètes de la diplomatie culturelle espagnole dans ce contexte. Enfin, nous formulerons une série de recommandations  pour optimiser la diplomatie musicale espagnole.

I. La diplomatie musicale

Au sein du champ culturel, conçu ici dans son sens restrictif comme l’ensemble des œuvres de l’art et de l’esprit, la musique joue un rôle fondamental aussi bien du point de vue patrimonial et symbolique que du point de vue de la création et des industries culturelles. Le champ musical, dans une perspective académique, est divisé en musique savante, musique traditionnelle et musiques populaires (ou musiques actuelles) [4]. Cette dernière catégorie, qui constitue l’objet principal du présent travail, est définie comme le fruit d’un processus industrialisé, une musique consommée, activement ou passivement, par une majorité de la population et basée non pas sur la partition mais sur les moyens d’enregistrement du son. La variété de styles et de genres des musiques populaires est extrêmement riche et peut inclure des styles aussi variés que le flamenco, le métal, l’électro ou encore la salsa [5].

La musique peut traverser des frontières géographiques, politiques et sociales ; il s’agit de l’objet culturel qui voyage le plus et le plus facilement, celui que parvient à situer l’individu qui écoute non pas où il se trouve physiquement mais là où la musique le porte [6]. L’histoire de la musique, de ses instruments et de ses styles, regorge d’exemples illustrant cette capacité à se déplacer dans le temps et dans l’espace, de l’ud arabe transformé en guitare européenne au Moyen Âge, jusqu’au rap, né dans le Bronx et qui de nos jours est créé et écouté, avec des accents locaux, de Dakar jusqu’à La Paz, en passant par Paris ou Saint-Pétersbourg. Aujourd’hui, grâce à la mondialisation économique et aux nouvelles technologies, à l’intensification des flux migratoires et aux pratiques culturelles cosmopolites [7], les transferts musicaux sont plus intenses que jamais [8]. Toutefois, la musique est également un puissant véhicule de construction de l’identité, aussi bien individuelle que collective [9]. Ainsi, l’expérience musicale (faire de la musique et écouter de la musique) permet à l’individu de se situer par rapport à un groupe social déterminé et à un cadre esthétique, idéologique et symbolique. Dans le complexe processus de création identitaire, la musique permet au sujet de se situer dans l’espace, dans son territoire, réel ou imaginaire, et dans le temps, c’est-à-dire dans les traditions et le patrimoine culturel. La musique est donc aussi bien un élément essentiel de la culture des groupes sociaux, liés ou non à un territoire (pays, régions, communautés diverses), qu’un objet mobile susceptible d’être reçu (et donc transformé) dans des lieux et à des moments historiques différents.

La capacité de la musique à susciter des émotions et à transmettre des idées et des « identités » au-delà des frontières a été mise à profit par les États, dans le contexte de la « diplomatie musicale » [10]. Par exemple, l’on connaît bien les initiatives du gouvernement des États-Unis après la seconde guerre mondiale pour envoyer des orchestres symphoniques et des groupes de jazz sur tous les continents en tant qu’ambassadeurs pour transmettre les valeurs « positives » de la culture américaine.

From the jazz musicians who toured the world in the 1950s to Denise Graves’ trips in 2003 to Venezuela and Eastern Europe, the American cultural ambassadors of music have embodied diversity. Performances such as those of Porgy and Bess (1952) in the Soviet Union and Martha Graham in Vietnam (1975) brought the abstract ideals of liberty and equality to life. Equally significantly, they demonstrated the power of free speech by showing it in action – in a government-subsidized performance. Then, as now, self-criticism and experiments in artistic expression are among the most powerful weapons in the arsenal of a superpower  [11].

Au-delà de l’exemple américain, souvent controversé [12], il est intéressant de noter que l’Institute for Cultural Diplomacy inclut sur sa liste des initiatives de diplomatie culturelle ayant connu un plus grand succès à partir de 1945 un bon nombre d’évènements liés à la musique [13]  : du « Bed-in-for-peace » de John Lennon et Yoko Ono en 1969 jusqu’au « Moscow Peace Music Festival » en 1989, en passant par le festival de l’Eurovision ou le « I love Hip Hop Festival » au Maroc en 2005. Tous ces événements – et bien d’autres à échelle plus large ou plus réduite –, organisés par des instances gouvernementales ou privées, cherchent à exercer une influence sur les individus, les communautés et les nations afin de promouvoir le dialogue interculturel et, in fine, résoudre des conflits. Bien évidemment, ils offrent aussi une vision positive du pays ou de l’institution qui les organise. À cet égard, force est de constater que bon nombre des artistes participant à ces initiatives s’inscrivent dans la catégorie « musique populaire ».

Ainsi, la diplomatie musicale, lorsqu’elle est exercée avec succès par les pouvoirs publics, s’avère un instrument paradigmatique de l’action culturelle extérieure, au service du soft power que nous mentionnions en introduction. Or, comme le signale pertinemment Ángel Badillo pour le cas espagnol, l’action culturelle extérieure possède actuellement une dimension économique fondamentale ; en effet, aux objectifs géopolitiques s’ajoutent désormais des objectifs commerciaux, par le biais de la mise en place de politiques publiques visant « l’internationalisation des industries culturelles, dans le but d’élargir les marchés de l’économie culturelle espagnole, promues par des organismes publics – sous forme de politiques publiques – en collaboration avec des organisations sectorielles – actions coordonnées par les associations de producteurs, des sociétés de gestion de droits d’auteur, des associations d’éditeurs, etc. – ou d’acteurs économiques individuels [14] ». En conséquence, l’action culturelle extérieure prétend, d’une part, transmettre une série de valeurs considérées comme positives à l’intérieur des frontières nationales et susceptibles d’être perçues en tant que telles à l’étranger, et d’autre part, élargir les marchés à l’exportation des industries culturelles, devenant ainsi une source de richesse pour le pays. Bien évidemment, ces deux objectifs sont complémentaires et interdépendants, comme le précise la Loi espagnole sur l’Action et le Service extérieur : « L’action culturelle extérieure a pour objectif de promouvoir les diverses manifestations de la culture espagnole, de renforcer l’internationalisation des industries culturelles, et de promouvoir les échanges culturels et le savoir en Espagne [15]. » Par ailleurs, dans le Plan stratégique général du Secrétariat d’État pour la Culture (Plan Estratégico General de la Secretaría de Estado de Cultura) pour la période 2012-2015, la culture est également mise au service de la « marque pays [16] » et l’accent est mis sur l’internationalisation des industries culturelles.

En tant qu’élément essentiel de la culture espagnole, en tant que secteur clé de l’industrie culturelle et en tant que produit spécialement adapté aux transferts culturels, la musique constitue – ou devrait constituer – un objet double de l’action culturelle extérieure : d’une part, par le biais de politiques publiques de soutien à l’industrie musicale et aux artistes espagnols, pour offrir une image positive du pays à travers sa culture et, d’autre part, par le biais d’actions favorisant l’accès de ces artistes et de ces industries aux marchés étrangers. Dans ce sens, il est nécessaire de noter que la promotion de la musique est mentionnée dans le Plan stratégique de la Culture (Stratégie 3.11 et 3.12) [17] mais non pas de façon spécifique dans la Loi espagnole sur l’Action extérieure de 2014 ni dans la Stratégie d’Action extérieure du ministère aux Affaires étrangères et à la Coopération de 2015. Dans la section suivante, nous présenterons les mesures adoptées pour mener à bien ces objectifs.

II. La musique dans l’action culturelle extérieure de l’Espagne

1) Bref panorama de l’industrie musicale en Espagne

Avant de décrire l’action culturelle espagnole dans le domaine des musiques populaires, il convient de présenter, ne serait-ce que brièvement, le panorama de l’industrie musicale et des pratiques de consommation de la musique en Espagne [18]. En termes généraux, le secteur de la musique en Espagne traverse une profonde crise, en raison des changements dans les comportements de consommation (révolution numérique et piratage) ayant provoqué une restructuration du marché, mais aussi en raison de la récession économique, avec la chute des revenus disponibles pour les dépenses culturelles, aggravée également par l’augmentation de la TVA (de 21 %) et par la réduction des aides publiques au secteur [19]. En dépit de la crise et des dimensions relativement réduites du secteur, il faut signaler que l’exploitation de la musique, comptabilisant son impact direct et indirect, représente 0,49 % du PIB de l’économie espagnole [20].

Le « Rapport annuel sur les Arts de la Scène, la Musique et l’Audiovisuel » (Anuario de las Artes Escénicas, Musicales y Audiovisuales) publié par la Société Générale des Auteurs et des Éditeurs (SGAE) pour 2013 divise le secteur musical en trois grandes catégories : la musique classique, les musiques populaires et la musique enregistrée (support physique, téléchargement et streaming[21]. Les concerts de musique classique ont eu 4 537 804 spectateurs (4,3 % de moins que l’année précédente), avec 37 479 573 euros de recettes (2,2 % de moins qu’en 2012). Pour les musiques populaires, on comptabilise 22 839 999 spectateurs (12,4 % de moins que l’année précédente), avec des recettes s’élevant à 114 777 938 euros  (14,4 % de moins qu’en 2012). La musique enregistrée a produit des recettes s’élevant à 119 781 000 euros. En 2014, selon PROMUSICAE (association des Producteurs de Musique d’Espagne), la chute profonde enregistrée par le secteur depuis 2007 semble être en phase de correction, avec une augmentation des ventes (notamment pour le streaming) chiffrées à 149,9 millions d’euros. À l’instar des tendances mondiales, nous constatons donc que les musiques populaires sont les plus consommées et donc celles étant les plus à même de générer une « attractivité » internationale et une croissance économique interne.

Le nombre d’acteurs de l’industrie musicale en Espagne est relativement réduit : la production se concentre sur un nombre restreint de grandes compagnies, bien que l’on constate également la présence de labels indépendants qui souvent garantissent la diversité et l’innovation esthétiques. Le secteur est également caractérisé par sa centralisation géographique, car la plupart des concerts ont lieu à Madrid et à Barcelone, ainsi que par son caractère saisonnier, car les festivals, de plus en plus nombreux, se concentrent sur la période estivale. Du point de vue de la nationalité des artistes les plus vendus, en 2013, 28 des 50 albums les plus vendus correspondaient à des artistes hispanophones, inscrits pour la plupart sous la rubrique « musiques populaires » (23 Espagnols et 5 Latino-Américains).

Enfin, il convient de noter que tous les acteurs de l’industrie s’accordent pour considérer l’internationalisation comme un facteur décisif dans le développement du secteur de la musique espagnole, et identifient l’Union européenne et l’Amérique, avec les États-Unis et le Mexique en premier lieu, comme les marchés prioritaires à l’exportation.

2) La musique au sein de l’action culturelle extérieure espagnole  

L’action culturelle extérieure de l’Espagne est menée par un vaste et complexe réseau d’institutions publiques, notamment nationales mais aussi régionales, l’Espagne ayant adopté une structure décentralisée [22]. En termes généraux, le premier responsable de la diplomatie culturelle est le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération (MAEC), par le biais de l’Instituto Cervantes et de l’Agence espagnole pour la Coopération internationale pour le Développement (AECID). De son côté, le ministère de l’Éducation, de la Culture et des Sports, avec des actions menées par différents organismes (Direction générale des Politiques et Industries culturelles et du Livre, INAEM, ICAA, etc.), occupe le deuxième niveau dans la diplomatie culturelle et a récemment créé le site « España es cultura » pour promouvoir les cultures nationales à l’étranger. Dépendant des deux ministères susmentionnés, mais financé par le ministère des Finances et des Administrations publiques, l’organisme Acción Cultural Español (AC/E) assume également l’objectif de « promouvoir la culture et le patrimoine espagnol à l’intérieur et à l’extérieur des frontières nationales » (« impulsar y promocionar la cultura y el patrimonio de España dentro y fuera de nuestras fronteras »). Par ailleurs, le ministère de l’Économie, à travers le ICEX (Entité publique pour l’exportation) a pour but de contribuer à l’internationalisation des entreprises espagnoles, y compris les industries culturelles. En ce qui concerne les institutions régionales, dotées de plus de compétences qu’en France, plusieurs d’entre elles possèdent des bureaux de représentation à l’étranger, réalisant des initiatives de promotion de leur langue et de leur culture. Les cas du Pays Basque, de la Catalogne, de la Galice et de l’Andalousie sont représentatifs, mais non pas exclusifs, à cet égard. Finalement, le Haut Commissariat pour la Marque Espagne (Alto Comisionado para la Marca España), créé en 2012, est le responsable, en principe, de la coordination de l’action extérieure espagnole en matière de diplomatie publique, y compris de diplomatie culturelle.

Dans le cas concret de la musique, l’action extérieure est menée par les institutions suivantes :

Instituto Cervantes [23] : en tant que principal instrument pour la diffusion de la culture espagnole et hispano-américaine à l’étranger, les centres Cervantes organisent ou soutiennent des concerts et des récitals d’artistes espagnols ou hispanophones, aussi bien dans leurs sièges que dans les festivals locaux. Les centres Cervantes confèrent leur soutien principalement à la musique savante (ancienne, classique et contemporaine), au flamenco et au jazz, mais collaborent également aux événements liés à la musique populaire. Les centres sont encouragés à travailler de façon autonome avec les acteurs locaux, conformément aux principes de « pluralité des tendances », de « consensus »  quant à la qualité et à l’intérêt des artistes promus et de « cohérence et de stabilité  de l’offre ».

AECID [24] : l’Agence espagnole pour la Coopération internationale et le Développement propose un catalogue de musiciens espagnols, élus par un comité d’experts, selon des critères de représentativité et de qualité, et le met à disposition des centres culturels et des ambassades qui, à leur tour, accueillent des évènements musicaux, généralement liés à la musique savante, à la musique traditionnelle, au flamenco et au jazz. L’objectif principal des actions musicales organisées par l’AECID et le réseau de centres culturels et d’ambassades consiste à diffuser la musique espagnole, en mettant l’accent sur son caractère « espagnol » et sur sa qualité, et non sur sa nature de produit de consommation.

AC/E [25] : grâce au programme pour l’internationalisation de la culture espagnole (PICE), l’Action culturelle espagnole permet, d’une part, à des musiciens et à des acteurs de l’industrie musicale espagnole de participer à des festivals internationaux et, d’autre part, finance la participation de prescripteurs, producteurs et gestionnaires culturels étrangers à des festivals et marchés de musique en Espagne. Les genres recevant prioritairement les aides PICE sont le jazz, le flamenco, la musique ancienne et la musique contemporaine. La musique populaire, dans une moindre mesure, est également représentée, notamment via l’invitation d’acteurs étrangers à participer aux festivals/marchés tels que Monkey Week ou Primavera Pro.  

– INAEM : l’Institut national des Arts de la Scène et de la Musique offre un programme annuel d’aides pour la subvention de tournées musicales et de chant lyrique à l’étranger et pour la participation d’ensembles espagnols à des festivals, des concours et des congrès internationaux. L’attribution des aides incombe à un comité formé par des experts et des membres de l’institut. Au cours des deux dernières années, les subventions ont été accordées à des artistes de musique classique, traditionnelle et lyrique.

ICEX [26] : l’Institut pour l’exportation offre son soutien à l’industrie musicale pour l’exportation de ses produits. Notamment, il offre des informations sur le secteur musical et les circuits de distribution sur les marchés étrangers et promeut la participation aux foires internationales du secteur. Par sa nature même, l’ICEX est l’institution la plus directement liée au secteur privé ; ses objectifs sont éminemment commerciaux et, en principe, ne sont pas en rapport avec la diplomatie culturelle. L’ICEX ne travaille pas uniquement avec des entreprises mais aussi avec des associations sectorielles.

– Agents privés et associations d’entreprises de l’industrie musicale : le secteur de la musique en Espagne (y compris les auteurs, les interprètes, les représentants, les producteurs, les éditeurs et les salles de concert) cherche à s’internationaliser. Selon un rapport cité par l’ICEX « le pourcentage d’entreprises intervenant sur les marchés internationaux augmente progressivement et près de 90 % des entreprises espagnoles du secteur musical sont présentes sur les marchés internationaux » (« el porcentaje de empresas que intervienen en los mercados internacionales aumenta progresivamente y cerca del 90 % de las empresas españolas del sector musical están presentes en mercados internacionales [27] »). S’agissant d’entreprises privées, ces actions ne font pas partie de la diplomatie culturelle. Toutefois, comme nous le signalions plus tôt, l’internationalisation du secteur figure parmi les objectifs de l’action culturelle extérieure.

– Sounds from Spain : créée en 2005 pour promouvoir la musique espagnole à l’étranger, la plateforme Sounds from Spain est issue des organismes publics (ICEX et INAEM) et privés (sociétés de gestion de droits dont SGAE et AIE et associations de producteurs dont AEDEM, ARTE, PROMUSICAE et UFI). La plateforme contribue notamment à financer la participation des agents du secteur aux foires internationales telles que le Midem (Cannes), SXSW (Austin) ou Womex (itinérant), ainsi que l’organisation de tournées d’artistes espagnols à l’étranger. La visibilité publique de Sounds from Spain est relativement limitée ; son fonctionnement et ses résultats peuvent sembler peu transparents : en effet, elle est uniquement accessible à travers une page sur Facebook où ne sont mentionnées que les initiatives auxquelles elle participe.

– Agents régionaux : les gouvernements régionaux en Espagne (des Comunidades Autónomas) possèdent des budgets et des organismes spécialisés pour promouvoir leur langue, leur culture et leurs industries culturelles [28]. À cet égard, il faut souligner le cas de la Cataluña Creativa, le portail des industries culturelles catalanes géré par la Direction des Marchés de l’Institut catalan des industries culturelles (Área de Mercados del Instituto Catalán de las Empresas Culturales, ICEC). Au sein de cet organisme, Catalan Music offre son soutien aux labels catalans dans leurs stratégies d’internationalisation par le biais de rapports d’information, de conseil, d’aides financières, etc. Catalan Music publie également des compilations de musique catalane qui sont distribuées parmi les professionnels du secteur. Ces compilations, réalisées depuis 2005, comprennent de façon exclusive des musiques populaires : world music, pop-rock et jazz, confirmant ainsi que ce sont ces musiques qui possèdent le potentiel à l’exportation le plus important. De son côté, l’Instituto Ramon Llull, équivalent catalan du Cervantes, possède une section consacrée à la musique. Sur son site web, on peut trouver des informations sur le panorama historique et actuel de la musique catalane et des événements organisés à l’étranger. Au Pays Basque, l’Instituto Extapere,  conjointement avec la plateforme Euskadiko Soinuak-Sonidos de Euskadi, réalise un travail similaire pour la musique basque. Par ailleurs, le gouvernement de l’Andalousie a créé en 2005 l’Instituto Andaluz del Flamenco qui, entre autres, a pour but de diffuser le flamenco à l’étranger. Dans ce sens, cet organisme soutient des tournées d’artistes de flamenco à l’étranger et leur participation aux marchés internationaux comme le Womex.

À partir de ce qui précède, il est possible de dégager les conclusions suivantes :

– Bien que les musiques populaires, comme on l’a vu, constituent la catégorie principale et pour l’industrie et pour le public, elles occupent une place secondaire dans les catalogues de l’action extérieure, à l’exception de l’ICEX. La musique savante (classique et contemporaine) et la musique traditionnelle, notamment le flamenco, même s’il est souvent fusionné avec d’autres genres, reçoivent toujours un traitement prioritaire de la part des institutions espagnoles à l’étranger.

– Le nombre d’acteurs publics participant à l’action musicale espagnole à l’étranger est relativement élevé. Leurs fonctions semblent se recouper, notamment dans le cas du Réseau extérieur du Ministère des Affaires étrangères, les Instituts Cervantes, l’INAEM et AC/E. Il en est de même pour les plateformes et les organismes régionaux, qui viennent s’ajouter au réseau d’action extérieur pour la diffusion de la musique. En réalité, il semble presque impossible de dénombrer, et donc d’évaluer, les actions (concerts, showcases, festivals, expositions, etc.) organisées par les acteurs publics. Cette atomisation ne semble pas non plus profiter à l’industrie. En effet, pour participer à un marché international, un label peut solliciter des aides à toutes ces entités publiques et obtenir du soutien logistique ou financier de chacune d’entre elles. Ceci entraîne, évidemment, des excès bureaucratiques qui ne semblent profiter ni à l’action culturelle extérieure (plus de personnel, plus de fonds pour un même objectif) ni aux acteurs privés, qui doivent faire face à la multiplicité des interlocuteurs institutionnels. Du point de vue de la coordination, il n’existe pas d’instance de supervision ni d’information sur les actions réalisées ou subventionnées par les différentes institutions. En conséquence, les projets et les actions, dépourvus de toute ligne stratégique conjointe, sont atomisés. À cet égard, tous les professionnels interviewés pour l’élaboration du présent travail s’accordent pour exprimer leur volonté de coordonner les actions. Toutefois, ces déclarations restent pour la plupart sans effet faute de dispositions institutionnelles en ce sens [29].

– En rapport avec ce qui précède, les ressources humaines consacrées à la projection extérieure de la musique semblent insuffisantes ou du moins non optimisées. Ainsi, dans toutes les institutions publiques analysées, le personnel assigné au domaine musical est très restreint. En général, une seule personne est chargée de toutes les activités liées à la musique et doit même s’occuper d’autres domaines comme les arts de la scène. En ce qui concerne les ressources financières [30], bien que le présent travail ne prétende pas être exhaustif en la matière, il faut signaler qu’aucune institution ne semble disposer de données précises sur le financement  accordé à la musique. Il n’existe pas de budget spécifique pour la musique – dans le programme 144A du budget de l’État espagnol, aussi bien en ce qui concerne les fonds accordés au ministère des Affaires Étrangères qu’au ministère de l’Éducation et de la Culture, la musique est associée à d’autres objets – et moins encore pour les musiques populaires. À notre sens, l’atomisation des actions et des budgets entrave l’utilisation optimale des ressources allouées à la musique – qu’on les considère suffisantes ou non.  

– La Marque Espagne ne participe pas, ou en tout cas pas de façon évidente, aux initiatives des autres institutions publiques. Bien qu’il s’agisse de l’organisme chargé de concevoir, de gérer et de coordonner l’image extérieure de l’Espagne [31], la culture, dans le sens des « arts », et donc la musique, ne fait pas partie de ses axes stratégiques, ou du moins pas au même titre que la gastronomie ou les sports. Il est significatif que le sous-secrétaire d’État à la Culture ne fasse pas partie du Conseil de la Marque Espagne (Consejo de la Marca España), contrairement au responsable des Sports et au directeur de l’Institut Cervantes. La liste des activités de la Marque Espagne a beau inclure les actions liées à la culture, celles-ci n’occupent en aucun cas une place prééminente. En ce qui concerne la communication de ses activités, le portail de la Marque Espagne présente de façon sommaire le panorama musical espagnol, sans pour autant mentionner les institutions qui travaillent dans l’action culturelle extérieure. Du point de vue opérationnel, il faut signaler qu’aucun des professionnels interviewés ne reconnaît avoir reçu des directrices de la part de la Marque Espagne. En conséquence, la Marque Espagne semble avoir, du moins pour l’instant, un rôle limité dans le domaine de la diplomatie culturelle en général et notamment dans celui de la diplomatie musicale.

Conclusions

En 1998, le Marquis de Tamarón, directeur général de l’Instituto Cervantes à l’époque, plaidait pour une action culturelle extérieure promouvant une culture « plurielle », « de qualité », « moderne », « intégratrice et non-agressive », misant sur les noms consacrés mais incluant aussi des artistes et des genres émergents [32]. Il s’agirait donc d’une diplomatie culturelle basée sur le prestige et la qualité, mais n’établissant pas une différence entre la culture « prestigieuse » et la culture « populaire » puisque son objectif est d’atteindre le plus grand nombre – et dans ce but, le populaire, dans le sens de majoritaire, s’avère le plus efficace, tout en respectant la qualité [33]. Les musiques populaires possèdent, à notre avis, toutes les qualités mentionnées par le Marquis de Tamarón : elles sont plurielles du point de vue esthétique (multiplicité de genres et de tendances) et du point de vue de leurs origines (toutes les régions et nationalités historiques comptent des artistes intéressants), elles font preuve de qualité, elles sont innovantes et projettent une image de modernité, elles sont intégratrices (comme nous l’affirmions en introduction, la musique s’adapte bien aux nouveaux contextes), et elles contribuent à la croissance économique de l’Espagne de façon directe et indirecte.

C’est ainsi que la musique, et notamment les musiques populaires, représentent un actif précieux aussi bien pour la projection de l’image extérieure de l’Espagne que pour la croissance des industries culturelles. L’histoire des musiques populaires espagnoles confirme cette affirmation, avec une liste non négligeable d’artistes devenus des stars internationales, qui offrent des images plurielles de l’Espagne : de Raquel Meller à Los Brincos, d’Alejandro Sanz à Alaska, en passant par l’omniprésent Julio Iglesias, le phénomène mondial de Raphael ou le prestigieux Paco de Lucía. Les artistes et l’industrie des musiques populaires espagnoles possèdent donc la capacité de devenir des ambassadeurs des valeurs de l’Espagne contemporaine : leurs créations, riches, diverses, jeunes et consolidées à la fois, peuvent offrir l’image d’un pays possédant une culture vivante, combinant la tradition et la modernité, comme l’atteste le succès des genres fusionnant des styles musicaux très variés  (flamenco, rumba, rock, salsa, son, techno, rap, etc.).

Certes, le secteur privé affiche sa volonté de renforcer l’exportation de ses produits. Dans ce sens, les marchés latino-américains et étatsuniens, avec plus de 400 millions d’hispanophones, constituent la cible naturelle des artistes espagnols. Ainsi, les grands noms de la scène musicale espagnole sont produits et lancés à Miami, de nombreux artistes programment des tournées américaines et cherchent à pénétrer ces marchés, même si les résultats ne semblent pas toujours être à la hauteur des attentes. Le marché européen représente à son tour une opportunité évidente ; toutefois les genres et les artistes potentiellement intéressants pour l’UE peuvent être très différents de ceux attirant le public hispanophone. Le soutien des pouvoirs publics à l’internationalisation, comme dans d’autres secteurs, s’avère décisif. À l’heure actuelle, l’ICEX et Sounds from Spain appuient la participation des industries musicales dans des marchés internationaux [34]. Ces actions sont sans doute importantes, or elles s’avèrent peut-être insuffisantes, notamment si on les compare aux efforts réalisés dans d’autres secteurs d’activité et aux dispositifs pour l’internationalisation de la culture mis en place par d’autres pays, tel le Bureau Export de la musique française [35]. En ce sens, il faut signaler que la condition préalable à l’exportation n’est autre qu’une production nationale stable, susceptible du point de vue créatif et économique d’être diffusée sur le marché national et international. Pour ce faire, de notre point de vue, les politiques culturelles doivent apporter un soutien fort, impliquant non seulement des mesures fiscales et législatives concrètes pour l’ensemble du secteur [36] (artistes, producteurs, distributeurs, salles, associations), mais aussi, et prioritairement, une politique éducative (dans les enseignements obligatoires et dans les collectivités locales) et une communication publique valorisant la musique – sa pratique mais aussi ses aspects commerciaux – comme élément essentiel de la culture, et donc de la démocratie, en Espagne. En tous les cas, l’internationalisation de la culture se trouve encore à un stade encore initial.

Les instances publiques impliquées dans la diplomatie culturelle, hormis l’ICEX, semblent aussi reconnaître le rôle des musiques populaires dans la construction de la « marque pays ». Toutefois, comme nous l’avons vu, leur place reste secondaire par rapport à la musique savante et traditionnelle. Ceci révèle, à notre sens, une conception biaisée de la culture, privilégiant la « haute culture » face à la culture « populaire ». Sans vouloir entrer dans le débat esthétique, comme nous le signalions plus tôt, du point de vue de l’action extérieure, la culture populaire représente un atout évident dans le contexte actuel, susceptible d’avoir un impact sur l’imaginaire mondial, qui est d’ailleurs potentiellement plus fort que dans le cas des produits de la « haute culture ». En ce sens, la dimension mineure des musiques populaires dans l’action extérieure peut être considérée comme une forme de gaspillage, voire comme une erreur stratégique. De même, la multiplicité des acteurs publics ayant des compétences pour promouvoir les musiques populaires à l’étranger constitue, comme on l’a déjà signalé, une entrave pour mener à bien des actions coordonnées et efficaces. Ainsi, chaque institution possède un groupe d’experts qui sélectionne des projets à diffuser à l’extérieur ; or, même si toutes ces institutions affirment se baser sur des critères de qualité, de représentativité et de consensus critique pour cette sélection, il s’agit de critères trop généraux pouvant varier en fonction des objectifs et des priorités des institutions impliquées et de la subjectivité des experts. Ainsi, en l’absence de coordination, chaque organisme travaille de façon autonome, sans qu’il n’existe de directives pour la coordination de leurs efforts respectifs.

Or, dans un contexte où le rôle des États dans les relations culturelles internationales diminue en faveur des contacts entre les individus, le secteur privé, les associations, les ONG et les communautés, quelle est désormais la place de l’action culturelle ? Le rôle de l’État reste néanmoins essentiel : les pouvoirs publics continuent à jouer un rôle incontournable quand il s’agit de favoriser ces relations (politiques fiscales et de protection des artistes et de l’industrie, élaboration de traités de commerce international, concession de visas, politiques éducatives, soutien aux artistes, aux collectivités, aux associations professionnelles, etc.), établissant ainsi les conditions politiques et légales nécessaires à la création de la culture et à sa diffusion dans le contexte national et international [37].

En ce qui concerne notre objet d’étude, il serait souhaitable que la musique occupe une place mieux définie et qu’elle soit soutenue de façon plus claire et plus coordonnée par l’action culturelle espagnole, et ce sans que certains artistes ou genres en soient exclus en raison de leur caractère trop « populaire », trop « nouveau » ou insuffisamment « espagnol ». En guise de conclusion, nous proposons une série de mesures qui pourraient contribuer à atteindre ces objectifs :

– Développement d’une politique culturelle de soutien et de diffusion de la musique, y compris les musiques populaires, dans le contexte national, comportant : a) des mesures fiscales et législatives pour soutenir l’industrie et les artistes et b) des mesures sur le moyen et le long terme dans le domaine de l’éducation pour promouvoir les savoirs et les pratiques musicaux.

– Reconnaissance publique et renforcée de la musique, notamment des musiques populaires, comme élément incontournable de la culture espagnole, intégré donc (à l’instar des autres produits culturels) dans la Stratégie de l’Action extérieure espagnole et dans l’ensemble des institutions dépendantes de ladite stratégie, notamment de la Marque Espagne.

– Établissement d’un « plan pour la musique », y compris les musiques populaires, au sein de la Stratégie de l’Action culturelle extérieure, auquel participeraient toutes les institutions de la diplomatie culturelle, sur le plan national et régional, les représentants du secteur privé, les chercheurs d’instances indépendantes (think-tanks, universités, fondations). Ce plan pluriannuel, muni de ressources humaines et financières suffisantes, fixerait les actions conformément à des objectifs et à des critères conjoints, sur le plan esthétique, diplomatique, sur le court, le moyen et le long terme.

– Création d’un « portail de la musique espagnole », auquel participeraient les associations sectorielles et les administrations (nationales et régionales), alimenté par une base de données complète et actualisée, où seraient présentées les informations sur le secteur musical privé tout comme les actions menées par les institutions et Sounds from Spain [38].

– Création d’un « guichet unique » pour la promotion et la diffusion des musiques populaires à l’étranger, où les artistes et les sociétés du secteur accèderaient aux informations nécessaires pour obtenir aides et conseil à l’exportation.

– Diffusion de la musique espagnole sur les radios et les télévisions publiques espagnoles (chaînes nationales et internationales), avec la production et la diffusion d’émissions musicales, notamment sur les musiques populaires, avec des formats attirants et innovants, suivant le modèle de la BBC [39].

En définitive, si l’on considère que la culture, et donc la musique, représente un bien symbolique et patrimonial indispensable pour le développement d’une citoyenneté nationale et mondiale démocratique, libre et pacifique, ainsi qu’un levier pour le développement économique, les politiques culturelles, sur le plan national et international, constituent une priorité stratégique pour l’État espagnol. À ce titre, ces politiques doivent être munies de ressources et de mécanismes suffisants, coordonnés et actualisés, leur permettant de construire et de projeter l’image d’un État moderne, démocratique, où trouvent leur place non seulement des artistes canoniques tels que Picasso, Falla et Cervantès, mais aussi des créateurs récents et populaires tels que Los del Río, Antonia Font ou Vetusta Morla.
AUTEUR
Isabelle Marc
Visiting Fellow, University of Leeds
Universidad Complutense de Madrid
ANNEXES
NOTES
[1] Le présent article est le fruit d’un projet de recherche mené à l’Université de Leeds, financé par une bourse du Leverhulme Trust. Il a originalement été publié en espagnol par le Real Instituto Elcano, un think-tank consacré aux relations internationales : Isabelle Marc, « La diplomacia musical española: el caso de la música popular », Real Instituto Elcano [en ligne], 6 novembre 2015, disponible sur : http://www.realinstitutoelcano.org/wps/portal/web/rielcano_es/
contenido?WCM_GLOBAL_CONTEXT=/elcano/elcano_es/zonas_es/ari61-2015-marc-
diplomacia-musical-espanola-musica-popular
.
[2] « Memories of a week in Benidorm with mum and dad don't make Spanish cool – that's down to Shakira. Yes, really. Coffey points to the growing mainstream appeal of American Latino culture that has followed in the footsteps of fast food, hip-hop and Hollywood to become an American cultural export to the UK. “Spanish is cool partly because of the holiday factor in the European sense but also because it's got Jennifer Lopez, Shakira, all the famous Latino singers in the States”, he said. “French and German don't have that sort of global appeal because they're not present in youth culture in the same way”. » Emily Wight, « From J-Lo to Strictly : why more students are learning Spanish », The Guardian [en ligne], 9 septembre 2014, disponible sur : http://www.theguardian.com/education/2014/sep/09/spanish-more-students-learn-gcse-languages-latino-culture.
[3] Joseph S. Nye, Soft Power : the Means to Success in World Politics, New York, Public Affairs, 2004.
[4] En France, l’emploi de l’expression « musique(s) populaire(s) », de l’anglais « popular music », suscite encore quelques réticences. L’expression « musiques actuelles » recouvrant un sens proche, est ici utilisée comme synonyme.
[5] Pour une introduction en espagnol sur le concept de musique populaire, voir Julio Arce, Cuadernos de Música. Música popular urbana : Historia y Ciencias de la Música, Madrid, Universidad Complutense de Madrid, 2006.
[6] Simon Frith, « Music and Identity » dans Stuart Hall et Paul du Gay [dir.], Questions of Cultural Identity, Londres, Sage Publications, 1996, p. 108-27.
[7] Martin Stokes, « On musical cosmopolitanism », The Macalester International Roundtable 2007. Disponible sur : http://digitalcommons.macalester.edu/intlrdtable/3/.
[8] Jason Toynbee et Dueck Byron [dir.], Migrating Music, New York - Londres, Routledge, 2011.
[9] Sur les liens entre musique et identité en Espagne, voir l’excellent travail de Celsa Alonso [dir.], Creación musical, cultural popular y construcción nacional en la España contemporánea, Madrid, Instituto Complutense de Ciencias Musicales, 2010.
[10] Jessica Gienow-Hecht [dir.], Music and international history in the twentieth century, New York - Oxford, Berghahn Books, 2015 ; Rebekah Ahrendt, Mark Ferraguto et Damien Mahiet [dir.], Music and Diplomacy from the Early Modern Era to the Present, New York, Palgrave Macmillan, 2014.
[11] Cynthia P. Schneider, « Diplomacy that works : Best Practices in Cultural Diplomacy », Cultural Diplomacy Research Series, University of Georgetown, 2003, p. 2. En ligne : http://www.americansforthearts.org/sites/default/files/Schneider.pdf.
[12] La politique extérieure des États-Unis, y compris la politique culturelle, fait souvent l’objet de dures critiques, la considérant comme hypocrite et/ou néo-impérialiste.
[14] « la internacionalización de las industrias culturales, orientadas a la expansión de los mercados de la economía cultural española, impulsadas desde organismos públicos –en forma de políticas públicas– en colaboración con organizaciones sectoriales –acciones coordinadas desde asociaciones de productores, asociaciones de derechos de autor, gremios de editores, etc.– o actores económicos individuales » [Nous sommes responsables de toutes les traductions des textes originaux espagnols vers le français]. Ángel Badillo, « Las políticas públicas de acción cultural exterior de España », Real Instituto Elcano [en ligne], 16 juin 2014, p. 11, disponible sur : http://www.realinstitutoelcano.org/wps/wcm/connect/
403edb0044639570ad11bde307648e49/EEE19-badillo-politicas-publicas-accion-cultural-exterior-espana+.pdf
?MOD=AJPERES&CACHEID=403edb0044639570ad11bde307648e49
.
[15] « La acción cultural exterior se dirigirá a promover las diversas manifestaciones de la cultura española, a potenciar la internacionalización de las industrias culturales, y a cooperar y fomentar los intercambios culturales y el conocimiento de España. » [Ma traduction.] Toutefois, la promotion de la culture espagnole à l’étranger ne figure pas parmi les objectifs prioritaires de la Stratégie pour l’Action extérieure du ministère espagnol des Affaires étrangères et de la Coopération (Estrategia de Acción Exterior del Ministerio de Asuntos Exteriores y Cooperación) de 2015.
[16] Dans l’objectif général 3 dudit Plan stratégique général, la culture devient « un élément essentiel de la projection extérieure de la Marque España » (« elemento esencial de proyección exterior de la marca España »).
[17] « Stratégie 3.11: Établir des alliances avec les institutions espagnoles et étrangères de référence pour diffuser les arts de la scène et la musique espagnoles à l’étranger, ainsi que le patrimoine et la création contemporaine dans ces domaines ». (« Estrategia 3.11: Forjar alianzas con instituciones españolas y extranjeras de referencia para proyectar en el exterior las artes escénicas y la música españolas ». « Estrategia 3.12. Apoyar y desarrollar las plataformas para la internacionalización de las empresas españolas de artes escénicas y musicales, así como del patrimonio y la creación contemporánea escénica y musical de España »).
[18] Pour des raisons de méthodologie et de visée scientifique, il est impossible de rendre compte des multiples variables (sociales, économiques, culturelles, géographiques, de genre, etc.) à considérer dans le cadre d'une étude rigoureuse de la réception musicale.
[19] Pour un diagnostic de la situation, voir notamment : Enrique Bustamante, « Crisis cultural : ilusiones medidas en el mundo digital » dans VVAA, Informe sobre el estado de la cultura en España, Fundación Alternativas, Madrid, Fundación Alternativas, 2014, p. 11-20. En ligne : http://www.fundacionalternativas.org/public/storage/
publicaciones_archivos/74a26d1a8b4c8f2bc9c5e92b2cc915fb.pdf
 ; et Héctor Fouce, « El sector musical : leves esperanzas al borde del abismo », dans VVAA, Informe sobre el estado de la cultura en España, Fundación Alternativas, Madrid, Fundación Alternativas, 2014, p. 45-52. En ligne : http://www.fundacionalternativas.org/public/storage/publicaciones_archivos/
74a26d1a8b4c8f2bc9c5e92b2cc915fb.pdf
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[20] Libro blanco de la música en España, PROMUSICAE, [en ligne], 2013, p. 44-45, disponible sur : http://www.promusicae.es/libroblanco/2013/es/.
[21] « Anuario SGAE de las artes escénicas, musicales y audiovisuales », SGAE, [en ligne], Madrid, Fundación SGAE, 2014, disponible sur : http://www.anuariossgae.com/anuario2014/home.html.
[22] Sur la distribution des compétences et sur la multiplicité des acteurs publics dans le domaine de l’action culturelle extérieure, voir : Ángel Badillo, ibid. ; et Ignacio Molina [dir.], Hacia una renovación estratégica de la política exterior española, Madrid, Real Instituto Elcano, février 2014. En ligne : http://www.realinstitutoelcano.org/wps/wcm/connect/ec53e280430c03c1a760afc959dd21c2/
InformeElcano15_PolExtEspana.pdf?MOD=AJPERES&CACHEID=ec53e280430c03c1a760afc959dd21c2
 ; ainsi que : Francisco Galindo Villoria, Pilar Granados Martínez et Rubén N. Gutiérrez del Castillo, Informe sobre la acción cultural de España en el exterior, Madrid, Ediciones y Publicaciones Autor, 2009.
[23] Les informations sur les activités de l’Instituto Cervantes sont issues de l’analyse des données publiées sur son site Internet (http://www.cervantes.es/default.htm) et des entretiens réalisés auprès du personnel de l’Institut. Je voudrais remercier notamment pour sa collaboration Ana Gómez, chargée de la section de musique au siège central à Madrid, pour l’entretien qu’elle m’a accordé le 24 juin 2014.
[24] Les informations sur les activités d’AECID sont issues de l’analyse des données publiées sur son site Internet (http://www.aecid.es/) et de l’entretien réalisé avec la responsable du Service des Arts de la Scène et de la Musique de la Direction des Relations Culturelles et Scientifiques, Rocío Martín-Laborda, à Madrid le 25 juin 2015.
[25] Les informations sur les activités d’AC/E sont issues de l’analyse des données publiées sur son site Internet (http://www.accioncultural.es/) – rapports d’activité – et de l’entretien téléphonique réalisé avec Pablo Álvarez de Eulate, Coordinateur de l’Aire de Programmation d’AC/E, le 3 juillet 2014.
[26] Les informations sur les activités de l’ICEX dans le domaine de l’industrie musicale sont issues de l’analyse des données publiées sur Internet et de l’entretien réalisé avec Carlos Villar, directeur du Secteur de la Musique et des Arts de la Scène, le 24 octobre 2014, à l’occasion de la Womex, à Santiago de Compostela, Espagne.
[27] « El sector discográfico español viaja a MIDEM », ICEX [en ligne], 28 mai 2015, disponible sur : http://www.icex.es/icex/es/navegacion-principal/que-es-icex/sala-de-prensa/sala-prensa/NEW2015413612.html.
[28] Sur les différents organismes régionaux de promotion de la musique à l’étranger, voir : Libro blanco de la música en España, op. cit., p. 184-185.
[29] Davantage à cause de déficits dans l’organisation et le financement qu’à cause d’une absence de volonté ou de professionnalisme.
[30] Il faut rappeler que les fonds publics alloués à la culture ont été réduits d’environ 50 % entre 2008 et 2012 sur le plan national, et de 70 % sur le plan régional (Enrique Bustamante, La cultura en tiempos de crisis, Madrid, Fundación Alternativas, 2013. En ligne : http://www.fundacionalternativas.org/public/storage/cultura_documentos_archivos/
6b530de3cae4649920364a44841532c5.pdf
). Aujourd’hui, l’investissement dans ce secteur est loin d’avoir retrouvé les niveaux précédant la crise.
[31] « Est créé le Haut Commissariat pour la Marque Espagne comme organe assumant la conception, la promotion et la gestion coordonnée des actions des administrations publiques, des organismes publics dépendants et de toutes les entités publiques et privées associés à la promotion de l’image extérieur de l’Espagne, conformément aux directrices et stratégies prévues par le Conseil de Politique extérieure ». (« Se Crea el Alto Comisionado del Gobierno para la Marca España como órgano que asume la planificación, el impulso y la gestión coordinada de las actuaciones de las Administraciones Públicas, de los organismos públicos de ellas dependientes y de cuantas entidades públicas y privadas protagonizan y están implicadas en la promoción de la imagen exterior de España, en el marco de las directrices y estrategias fijadas por el Consejo de Política Exterior ») (RD 998/2012 de 26 de Junio).
[32] Marqués de Tamarón, La acción cultural exterior de España. Retos de nuestra acción exterior: Diplomacia Pública y Marca España, Madrid, Escuela Diplomática, 1998, 2012, p. 173-182. En ligne : http://www.exteriores.gob.es/Portal/es/Ministerio/EscuelaDiplomatica/Documents/
COLECCION%20ESCUELA%20DIPLOMATICA_NUM%2018.pdf
.
[33] La question consiste, évidemment, à définir la qualité, un concept controversé et contingent. Il est révélateur de constater que le Marquis de Tamarón cite la « Macarena » comme exemple de production culturelle ayant connu le succès mais ne créant pas nécessairement du prestige sur le long terme (ibid., p. 174). Cette affirmation est liée à une définition classique du concept de prestige, associé à la haute culture ou du moins à la culture traditionnelle. Certes, il est évident aussi que cette chanson n’est pas un chef d’œuvre du point de vue esthétique. Toutefois, il faut constater que la « Macarena » a réussi à rénover l’espagnol dans l’imaginaire populaire mondial et qu’elle a aussi vraisemblablement contribué à consolider l’identité culturelle de millions d’hispanophones aux États-Unis. Un exemple similaire en ce qui concerne les effets sur la réception à l’échelle mondiale n’est autre que le fameux « Gangnam style », du chanteur sud-coréen Psy.
[34] En 2014, l’ICEX a participé à Womex, South by Southwest et a organisé un showcase de groupes espagnols.
[35] Le Bureau Export de la musique française est une association à but non lucratif à laquelle participent des associations sectorielles privées ainsi que l’Institut français. Sa mission consiste à internationaliser l’industrie musicale française. Avec un budget de 3 millions d’euros en 2014, son site offre des informations complètes et détaillées sur ses initiatives : http://www.french-music.org/bureauexport.html.
[36] Voir Libro blanco de PROMUSICAE, op. cit.
[37] Voir le récent rapport du British Council sur les enjeux de la culture dans les relations internationales : John Holden, « Influence and attraction. Culture and the race for soft power in the 21st Century », rapport au British Council, juin 2013. En ligne : https://www.britishcouncil.org/sites/default/files/influence-and-attraction-report.pdf.
[38] Cette mesure avait déjà été proposée par Luis A. Albornoz en 2011. Elle n’a pas encore été mise en place à ce jour.
[39] Il suffit de regarder la grille des émissions et des documentaires de la BBC pour constater que la musique, notamment les musiques populaires, y occupent une place prépondérante.
RÉFÉRENCES

Pour citer cet article :
Isabelle Marc, « La diplomatie musicale en Espagne : le cas de la musique populaire » dans Musique, Pouvoirs, Politiques, Philippe Gonin et Philippe Poirrier [dir.], Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne], 05 février 2016, n°  6, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html.
Auteur : Isabelle Marc.
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ISSN : 1961-9944
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