Musique, Pouvoirs, Politiques
Jean-Philippe Rameau : une personnalité politique de la deuxième moitié du xviiie siècle
Birger Petersen
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RÉSUMÉ

Jean-Philippe Rameau se trouve, selon diverses perspectives, au cœur du débat politique de son temps – au niveau du discours culturel aussi bien qu’esthétique, comme théoricien aussi bien que comme compositeur de Grands Opéras, ainsi que comme compositeur à la Cour, soupçonné de réaction en raison de sa fonction. L’argumentation de Rameau et des Encyclopédistes – avant tout Diderot et d’Alembert – a des bases musicologiques aussi bien que politiques – la « Querelle des Bouffons ». Il est possible d’expliquer la controverse avec Jean-Jacques Rousseau par les circonstances politiques en particulier et, en général, par les bouleversements culturels et philosophiques autour de 1750.
Le fondement politique de l’argument entre Rameau et Rousseau ayant le fameux monologue d’Armide de Lully comme point de départ, cette contribution présente ses implications politiques dans le débat musical au milieu du xviiie siècle.

MOTS-CLÉS
Mots-clés : musicologie ; Rameau ; Rousseau ; musique française
Index géographique : France
Index historique : xviiie siècle
SOMMAIRE
I.

L’analyse du monologue : les Observations de Rameau (1754)

II. Les commentaires de Johann Karl Friedrich Triest
TEXTE

Jean-Philippe Rameau se trouve, selon diverses perspectives, au cœur du débat politique de son temps – au niveau du discours culturel aussi bien qu’esthétique, comme théoricien aussi bien que comme compositeur de Grands Opéras, ainsi que comme compositeur à la Cour, soupçonné de réaction en raison de sa fonction. L’argumentation de Rameau et des Encyclopédistes – avant tout Diderot et d’Alembert – a des bases musicologiques aussi bien que politiques – la « Querelle des Bouffons ». Il est possible d’expliquer la controverse avec Jean-Jacques Rousseau par les circonstances politiques en particulier et, en général, par les bouleversements culturels et philosophiques autour de 1750.

Dans sa Lettre sur la musique françoise de 1753, Rousseau pose la question de l’existence de la musique française : « Avant que de parler de l’excellence de notre musique, il seroit peut-être bon de s’assurer de son existence ». Le fondement politique de l’argument entre Rameau et Rousseau ayant le fameux monologue d’Armide de Lully comme point de départ, cette contribution présente ses implications politiques dans le débat musical au milieu du xviiie siècle.

I. L’analyse du monologue : les Observations de Rameau (1754)

Rameau publie en 1754, dans un des chapitres de ses Observations sur notre instinct pour la musique et son principe, sa deuxième analyse du monologue d’Armide. Si on les compare avec celles de sa première approche vingt-huit ans plus tôt, les fondements de son analyse sont tout à fait différents. Si l'analyse dans le Nouveau Système de 1726 a encore un paradigme axé sur la théorie comme un moyen pour effectuer l'analyse, la discussion dans les Observations peut certainement être considérée comme présentant l'analyse dans une perspective esthétique [1] : ces Observations apparaissent comme la conclusion effective du différend entamé par la Lettre sur la musique françoise de 1753 de Jean-Jacques Rousseau, qui portait un réquisitoire accablant contre le monologue d’Armide. Dans l’analyse de 1754, Rameau renonce à une description complète avec des suppléments comme dans le Nouveau Système – et il essaye de démontrer que la liaison entre musique et texte était intentionnelle.

Publiée en novembre 1753, la polémique Lettre sur la musique françoise de Rousseau tourne essentiellement autour de la raison d'être de la musique française. Et le fait que Rousseau prenne le monologue fameux d’Armide comme exemple de ses positions n’étonne pas – le choix de Rousseau est même convaincant au regard des propositions de la première partie de son livre : il définit le récitatif comme étant une imitation musicale de la langue [2] – une définition qui diminue d’emblée la valeur du monologue. Partant de ces critères, le cœur de l’analyse de Rousseau est d’une part le traitement du texte et d’autre part le lien entre texte et musique. Rousseau suit le texte de Quinault et analyse la musique de Lully d’un vers à l’autre – une méthode qui sera transformée par Rameau dans sa réplique, les Observations.

La critique de Rousseau sur la composition des deux premiers vers du monologue touche deux points décisifs. En premier lieu se trouve la critique des ornements – le trille du premier vers, et la cadence. D’une part, Rousseau critique la modulation fréquente que Rameau a décrite comme typique dans son Nouveau Système ; d’autre part, Rousseau prend la composition des vers des mesures 8/9 pour un échec – à cause d’une modulation manquante [3]. Il regrette que la musique soit inappropriée au texte. En résumé, il remarque que les modulations sont « régulières », mais de fait infantiles, sans force ni sentiment. Le tout ressemble à une suite de sons ennuyeux [4].

Rameau utilise la première partie de sa réponse de 1754 comme un exposé exhaustif de sa théorie. Ses principes ne divergent guère des thèses développées dans sa Génération harmonique de 1737, mais ils soulignent sa position dans la controverse avec Rousseau : suivant Rameau, l’expression de la musique est déterminée par l’harmonie ; le déroulement de la mélodie est sans importance – la mélodie peut renforcer l’expression d’une section, mais elle ne peut pas la déterminer [5]. Le fait que la réflexion de Rameau soit guidée par la pensée de Rousseau est un aspect inédit de cette réponse apportée dans ses Observations : en se basant sur le récitatif de Lully, Rameau décrit pour la première fois les conséquences émotionnelles d’un contexte musical dans les Observations.

Après qu’il ait décrit les modèles de modulation et autres aspects « artisanaux » dans son Nouveau Système, il s’appuie, dans sa réponse à Rousseau, sur des arguments esthétiques – et il est douteux que Rameau les aurait formulés sans la polémique avec Rousseau. En correspondance avec l’analyse de Rousseau, Rameau s’intéresse au texte du monologue – une différence fondamentale avec le commentaire de 1726. Sa réflexion sur la musique se fait en deux phases : d’une part on trouve la critique des propos de Rousseau, de l’autre le travail sur le contexte musical. Au début de ses Observations [6], Rameau répond à la critique faite aux ornements par Rousseau, et il combine sa réponse avec la thèse que l’harmonie serait la source de la mélodie. La préoccupation de Rousseau concernant le contour des mélodies (qui ne suscite pas l’intérêt le plus vif de Rameau) et la question des ornements attestent des erreurs de jugement de Rousseau [7]. Même les considérations de Rousseau concernant la ligne de la basse en octaves [8] sont rejetées par Rameau : comme le chant, la Basse devrait résulter de la Basse fondamentale, parce que les deux sont des résultantes de l’harmonie [9]. La position de Rameau est précisément l'opposé de la position de Rousseau – une différence fondamentale dans l’appréciation de la musique.

En dehors de la discussion sur cette problématique générale, le texte de Rameau se concentre en particulier sur les différences d’appréciations de l’harmonie du récitatif. L’usage fréquent des « cadences parfaites » que Rousseau a notamment beaucoup critiqué est traité par Rameau comme l’un des avantages de l’œuvre [10] ; pour Rameau, la renonciation à la tonalité a une signification particulière : elle présente un suspense qui est en correspondance avec la situation émotionnelle du protagoniste. La reprise en mi mineur au moment où Armide retrouve sa contenance avec le mot « Frappons ! » est impressionnante, appropriée et juste ; les « écarts doux » de Lully forment l’argumentation centrale de Rameau : les « écarts harmoniques » que Rousseau n’a pas retrouvés existent chez Lully – et sont en correspondance avec le contenu affectif du texte [11].

La condition première énoncée par Rameau dans son Traité, que tous les accords (à l’exception de la tonique) sont dissonants – indépendamment de leur présentation [12] – est comparable avec ses observations sur le monologue de Lully, et elle montre le fossé existant entre la compréhension de la musique par le « dilettante » Rousseau et le compositeur éprouvé Rameau [13]. Dans ce contexte, la différence d’analyse avec le Nouveau Système est remarquable : la phrase des mesures 18–22 (la dernière que Rameau ait analysée dans les Observations ; la place qu’elle occupe dans le Nouveau Système est plus longue) semble être diatonique dans l’analyse la plus ancienne. Rameau a tenté – en 1726 et dans les Observations – de démontrer la maîtrise de Lully dans l’usage de l’harmonie pour l’expression de la musique, et il adhère aux progressions diatoniques auxquels il substitue une progression chromatique dans l’analyse de 1754.

Figure_1
Rameau, Observations... (1754) – Lully, monologue d'Armide (extrait)

Bien que Cynthia Verba essaie de prouver que l’usage et les explications des dissonances et des progressions chromatiques ont évolué, du Traité jusqu’aux Observations [14], il est évident que cette construction est une partie de la querelle avec Rousseau – même si l’interprétation plus ancienne de Rameau dans le Nouveau Système est plus honnête : libérée des exagérations et déformations.

Les Observations sur notre instinct pour la musique et son principe ne forment pas la phase finale de la discussion avec Rousseau : après le texte intitulé Erreurs sur la musique dans l’Encyclopédie que Rameau a publié sans nom d’auteur en 1755, le monologue d’Armide se retrouve pour la dernière fois dans le Code de musique pratique de 1760, un ouvrage théorique sans polémique : Rameau a déjà 77 ans. Le contexte est presque le même qu’avec les Observations – le titre du chapitre est « De l’Expression ». Rameau discute son dogme de l’harmonie comme source de la substance musicale – et de l’expression [15]. Le monologue d’Armide de Lully est la preuve de ses thèses : Rameau ne se livre plus à une analyse des détails comme dans les Observations, il fait un rapide tour d’horizon des possibilités des progressions générales du monologue. Le point de départ est opposé à celui des Observations : Rameau n’est plus obligé de faire une apologie de la musique de Lully, mais il utilise ses observations sur le monologue pour élargir sa thèse : le primat de l’harmonie. L’analyse du Code est beaucoup plus qu’une réponse à Rousseau [16].

II. Les commentaires de Johann Karl Friedrich Triest

Johann Karl Friedrich Triest publie ses Bemerkungen über die Ausbildung der Tonkunst in Deutschland im achtzehnten Jahrhundert, (« Remarques sur l’éducation musicale en Allemagne au xviiie siècle ») dans le troisième tome du Allgemeine Musikalische Zeitung de 1800-1801 comme un tour d’horizon du siècle passé. L’écrit est remarquable à cause de sa position singulière comme présentation de l’histoire de la musique du xviiie siècle – et comme une des plus anciennes descriptions historiographiques après Forkel : le deuxième tome de son Allgemeine Geschichte der Musik (« l’histoire universelle de la musique »), s’étend jusqu’à la musique polyphonique de la renaissance [17]. Triest est prêtre à Stettin, musicien dilettante et philosophe « éclectique » [18]. Il souligne qu’il serait prétentieux de sa part d’envisager un travail exhaustif et renvoie à l’histoire universelle que prépare Forkel – « hier [soll] keine vollständige Geschichte der deutschen Tonkunst im 18ten Jahrhundert geliefert werden [...] – ein Unternehmen, das auf einen Forkel wartet » [19].

Dans son essai qui est publié durant trois mois, Triest tente un tour d’horizon de la formation musicale pendant le siècle dernier – « eine Übersicht des Ganges der Ausbildung, den die Tonkunst während des vergangenen Jahrhunderts genommen hat [20] » – en commençant par examiner les traités du siècle passé et commenter le développement de l’histoire de la composition musicale. Un élément important est le discours esthétique que Triest tente avec ses Bemerkungen qui sont un traité esthético-historique où sont dessinés pour la première fois les contours de l’idée d’un siècle de la musique allemande – fondé par Bach [21]. Les propositions de Triest sont en concordance avec l’esthétique de Schiller et Kant [22]. Pour Triest, le siècle est divisé en trois périodes : la première va jusqu’en 1750 (l’année de la mort de Jean Sébastien Bach), la deuxième s’étend de « von Graun, Hasse, C. Ph. E. Bach u.a. bis zu [jusqu’à] J. Haydn und Mozart » [23] ; la troisième période s’étend de Mozart jusqu’à la fin du siècle.

Triest décrit la musique du xviiie siècle comme « art appliqué » [24] ; il souligne la découverte de l’harmonie comme extension des mécanismes de la musique avec une attention plus grande portée à la mélodie et à l’affect – « die Entdeckung der Harmonie, welche den Mechanismus der Tonkunst unendlich erweiterte, der Melodie neuen Reiz verschaffte, den Ausdruck des Affekts erleichterte und verstärkte » [25]. L’harmonie est la somme de l’érudition et de l’art ; l’art du contrepoint est l’apogée de la période. Ces circonstances se retrouvent de même au début du xviiie siècle où les œuvres mécaniques restent rare – les œuvres « aus denen ein ästhetischer Geist weht, der den Mechanismus der Musik nicht als Zweck, sondern als Mittel behandelt » [26]. La musique comme un art « mécanique » – surtout dans les églises – offre la possibilité d’une certaine liberté pour la musique comme métier – « Das Uebersinnliche des Gegenstandes und ein dem angemessener (oft unpoetischer und sogar unverständlicher) Text [verschafft] allen kontrapunktischen Künsten und Kunststücken freyen Spielraum [27] » : la valeur usuelle de la musique forme un contrepoint au penchant de Triest pour l’expression individuelle.

Triest décrit les « théories approfondies », les « Gründliche Theorien » comme fondement de l’éducation musicale – une valeur sûre pour l’appréciation de son tour d’horizon de cette éducation. Suivant Triest, une éducation réussie est fondée sur des principes sûrs et n’a pas de lacunes – « daß sie auf festen Principien beruhe, und daß sie ohne bedeutende Lücken, mithin weitumfassend sey, aber dabey doch nicht die Grenzen ihres Gebietes überschreite [28]. » Il distingue entre la théorie mécanique qui aide le praticien à éviter les fautes – « die nur zur Vermeidung mechanischer Fehler geschickt macht » – et la théorie esthétique qui s’occupe de l’art d’une façon philosophique : « die sich mit den eigentlichen Kunstzwecken philosophisch beschäftigt [29]. » Cette théorie n’existait pas au temps de Jean Sébastien Bach où un système tonal est accepté très tardivement ; les premiers théoriciens sont Kirnberger, Marpurg et Carl Philipp Emmanuel Bach, dont les textes étaient orientés vers la théorie mécanique – mais ils ouvraient la voie aux théoriciens plus tardifs.

La notion de « mécanique » dont Mattheson se préoccupait dans ses travaux est en lien avec celle de « rhétorique », la notion d’« esthétique » devenant une alternative à celle de « poétique » [30]. La notion péjorative de « mécanique » est liée à l’idée de virtuosité et se retrouve dans la description de l’esprit de rigueur, le « Geist der Gründlichkeit », qui empreint la musique allemande [31]. L’association de la musique instrumentale avec la « mécanique » et la négation d’un esprit esthétique dans cette musique sont attribuées à Jean-Jacques Rousseau qui cherchait la « vraie » musique dans la simplicité des mélodies chantées – Rousseau soulignait son idéal d’une musique gothique et barbare, « in deren Begriff er die Gegensätze zu den Merkmalen der “wahren Musik” – das “Errechnete”, das “Künstliche”, das “vergrübelt Harmonische” und das “Instrumentale” versammelte [32] ».

Triest appelle Jean-Jacques Rousseau comme témoin – une personnalité polarisante de la conception de la musique au xviiie siècle. L’écrit de Rousseau, Lettre sur la musique françoise [33], est important dans une perspective sociologique et politique [34] ; l’une des thèses les plus centrales de Rousseau – particulièrement dans la querelle avec Jean-Philippe Rameau – concerne la fonction de l’harmonie comme servante de la mélodie : « Il faut [...] que le tout ensemble ne porte à la fois qu’une mélodie à l’oreille & qu’une idée à l’esprit [35] ». La critique faite à Rameau et à sa doctrine est reliée à son idéal de la musique populaire ; l’harmonie rousseauiste est distincte de celle de Rameau [36]. Le tête-à-tête des antagonistes est la contribution la plus importante à la discussion sur le primat de la mélodie ou de l’harmonie en France – et d’une qualité tout à fait différente de la réception des œuvres de Rameau en Allemagne, comme celle de Mattheson.

Triest se réfère au Dictionnaire de Musique de Rousseau de 1768 : comme Rousseau, Triest écrit un chapitre volumineux sur l’art de chanter – « der Gesang, der schöne künstliche (nicht künstelnde) Gesang!! Er ist einmal, wie schon bemerkt, keine ganz einheimische deutsche, besonders nord-deutsche Frucht und bedarf daher um desto mehr der sorgfältigsten Pflege [37]. » Le refus de la musique instrumentale par Rousseau est accepté par Triest sans limitation – fait paradoxal si l’on considère que Triest a l’intention de justifier l’existence de la musique allemande, même la musique instrumentale. Ce contexte rend clair que Triest ne comprenait pas les arguments de Rousseau (et – en parallèle – de Mattheson) ou qu’il les a sous-estimés : les deux protagonistes se trouvaient du même côté dans la discussion du primat de la mélodie ou de l’harmonie bien que leurs causes et les arguments soient indépendants ou même opposés.

Sur ce point, la construction de l’histoire que Triest a publiée avec ses Bemerkungen a quelques contradictions : à côté des confusions inhérentes aux déclarations éclectiques, les jugements antithétiques donnent au traité l’aspect d’une collection des différentes interprétations de la musique à la fin du xviiie siècle. Suivant la thèse centrale pour l’opinion de Triest, la « musique pure » ne reste pas bloquée au « mécanique » – elle s’étend au « poétique », par contraste avec la « rhétorique ». Cette « rhétorique » est la musique de Jean Sébastien Bach : « Bisher war ein künstlicher Gang der Harmonie das einzige gewesen, was man an Produkten der Art schätze. Ihre Formen waren, noch mehr als die der angewandten, durchaus nur rhetorisch, nicht poetisch. [...] Wenn das Thema nur eine Melodie enthielt, die sich nöthigenfalls in zehnfachen Umkehrungen produziren konnte, so bekümmerte man sich nicht weiter darum, ob damit auch etwas gesagt werden sollte [38]. » Chez Triest, la progression de l’histoire de la musique se compose du développement rhétorique-mécanique vers le poétique – mais il ne tire jamais comme conséquence de décrire la poésie de la musique par le discours poétique : « gerade das Musikalisch-Poetische nämlich garantiert die Unabhängigkeit der Instrumentalmusik – auch von aller literarischen Poesie –, der sie nun gleichberechtigt gegenübertreten kann [39] ».

Figure_1

La mention du monologue d’Armide dans le Code est très proche de la querelle de Rameau avec Rousseau dans les Observations de 1754 – et elle est le symbole de la liaison des aspects analytiques que Rameau a divisés dans ses analyses plus étoffées : l’analyse du Nouveau Système de 1726 est contextualisée comme un exemple, elle est un moyen ; dans les Observations, l’analyse est le motif et le cœur de l’essai. Apparemment, le monologue se trouve dans le Code de musique de 1760 comme un exemple parmi d’autres – mais l’importance du monologue est apparente en 1760 : il y a plus qu’une signification polémique, l’analyse du monologue est une partie essentielle de la théorie de Rameau concernant la liaison des progressions des harmonies et l’expressivité de la musique. Au-delà, la discussion du monologue dans la littérature musicale au milieu du xviiie siècle est devenue un paradigme des discussions de la conception de Jean-Philippe Rameau au sein des académies et la dispute entre Rameau et Rousseau un symbole des querelles politiques et esthétiques internationales.

AUTEUR
Birger Petersen
Univ.-Prof.
Johannes Gutenberg-Universität Mainz
ANNEXES
NOTES
[1] Carl Dahlhaus, Analyse und Werturteil, Mainz, Schott, 1970 [Reihe Musikpädagogik 8], p. 18. Voir Birger Petersen, « Jean-Philippe Rameaus Auseinandersetzung mit dem Monolog aus Lullis Armide » dans Jan Philipp Sprick, Reinhard Bahr et Michael von Troschke [dir.], Musiktheorie im Kontext. Bericht des 5. Kongresses der Gesellschaft für Musiktheorie Hamburg 2005, Berlin, Weidler, 2008 [Musik und. Neue Folge 9], p. 345-356.
[2] Jean-Jacques Rousseau, Lettre sur la musique françoise, Paris, 1753, p. 69 (La Querelle des Bouffons. Texte des Pamphlets avec Introduction, commentaire et index par Denise Launay, Genève, Minkoff, 1973, p. 741).
[3] Rousseau, Lettre..., op. cit., p. 82-84 (754-756).
[4] Rousseau, Lettre..., op. cit., p. 91 (763).
[5] Jean-Philippe Rameau, Observations sur notre instinct pour la musique et sur son principe, Paris, 1754, p. 99.
[6] Voir Rameau, Observations…, op. cit., p. 5-6.
[7] Voir E. Cynthia Verba, « The development of Rameau’s Thoughts on Modulation and Chromatics » dans  Journal of the American Musicological Society, 1973, p. 69-91 ; ici : p. 75.
[8] Rousseau, Lettre..., op. cit., p. 81 (753) ; Rousseau proteste également contre une basse continue comme « véritable chant d’un dessus » (p. 33 / 705).
[9] Rameau, Observations…, op. cit., p. 10.
[10] Voir Verba, « The development of… », art. cit., p. 77 : « Perfect cadences must be used after complete thoughts ».
[11] Rameau, Observations…, op. cit., p. 105-106.
[12] Voir Jean-Philippe Rameau, Traité de musique réduite à ses principes naturels, Paris, 1722, p. 200.
[13] Voir Peter Gülke, Rousseau und die Musik, oder: Von der Zuständigkeit des Dilettanten, Leipzig, VEB Musik, 1983, p. 54.
[14] Voir Verba, « The development of… », art. cit.,  p. 83-91.
[15] Jean-Philippe Rameau, Code de musique pratique ou Méthodes pour apprendre la musique... avec de Nouvelles Réflexions sur le principe sonore, Paris, 1760, p. 166-167.
[16] Voir Thomas Christensen, Rameau and Musical Thought in the Enlightenment, Cambrigde, OUP, 1993  [Cambridge Studies in Music Theory and Analysis 4], p. 120.
[17] Voir Michael Heinemann et Hans Joachim Hinrichsen [dir.], Bach und die Nachwelt 1 : 1750-1850, Laaber, Laaber-Verlag, 1997, p. 221.
[18] Voir Carl Dahlhaus, « Zur Theorie der musikalischen Syntax » dans Musiktheorie 2, 1978, p. 16-26.
[19] Anonyme [Johann Karl Friedrich Triest], Bemerkungen über die Ausbildung der Tonkunst in Deutschland im achtzehnten Jahrhundert dans Allgemeine Musikalische Zeitung 3 (1800/01), cl. 225-235, 241-243, 257-264, 273-286, 297-308, 321-331, 369-379, 389-401, 405-410, 421-432 et 437-445 ; Reprint Amsterdam 1964 ; ici : cl. 234. Voir Birger Petersen, Die Melodielehre des Vollkommenen Capellmeisters von Johann Mattheson. Eine Studie zum Paradigmenwechsel in der Musiktheorie des 18. Jahrhunderts, Eutin et Norderstedt, BOD, 2002 [Eutiner Beiträge zur Musikforschung Bd. 1], p. 238-248.
[20] Triest 1800/01, cl. 226.
[21] Voir Dahlhaus, « Zur Theorie... », art. cit., p. 197 ; voir Bernd Sponheuer (Musik als Kunst und Nicht-Kunst. Untersuchungen zur Dichotomie von « hoher » und « niederer  » Musik im musikästhetischen Denken zwischen Kant und Hanslick, Kassel, Bärenreiter, 1987), p. 76 : « Die sicherlich ebenfalls mit Mängeln behaftete Arbeit von Michaelis [Christian Friedrich Michaelis,Ueber den Geist der Tonkunst. Mit Rücksicht auf Kants Kritik der ästhetischen Urteilskraft. En ästhetischer Versuch, 1795] und die an Kant anknüpfenden musikästhetischen Überlegungen von Triest [...] stellen demgegenüber substantiellere Versuche dar, Musikästhetik auf der Grundlage der zeitgenössischen philosophischen Ästhetik zu betreiben. Allerdings sind alle hier genannten musikästhetischen Versuche schon von den Zeitgenossen nicht recht rezipiert worden. »
[22] Voir Sponheuer, Musik als Kunst..., op. cit., p. 53, et Dahlhaus, « Zur Theorie... », art. cit., p. 199.
[23] Triest 1800/01, cl. 235.
[24] Triest 1800/01, cl. 227–228 und 233.
[25] Triest 1800/01, cl. 231.
[26] Triest 1800/01, cl. 242.
[27] Triest 1800/01, cl. 246.
[28] Triest 1800/01, cl. 302.
[29] Triest 1800/01, cl. 302–303.
[30] Voir Dahlhaus, « Zur Theorie... », art. cit., p. 203.
[31] Triest 1800/01, cl. 242 ; cf. Dahlhaus, « Zur Theorie... », art. cit., p. 203.
[32] Dahlhaus, « Zur Theorie... », art. cit., p. 203.
[33] Voir Verba, « The development of… », art. cit., p. 8-50, et Albert Jansen, Jean-Jacques Rousseau als Musiker, Berlin, G. Reimer, 1884, p. 200 : « Die “Lettre sur la musique française” gehört zu den epochemachenden Werken in der Entwickelungsgeschichte des Geschmackes und zu den Meisterwerken der polemischen Schriftstellerei. »
[34] Voir Robert Wokler, Rousseau on Rameau and Revolution dans Studies in the Eighteenth Century 4, 1978, p. 251-283.
[35] Rousseau, Lettre..., op. cit., p. 36 (708).
[36] Voir Gülke, Rousseau und die Musik..., op. cit., p. 54 : « Wir stoßen hier zugleich auf eine Disparität in der Grundkonstellation des berühmten Duells, welche den Schlagabtausch ebenso erklärt, wie sie ihn zugleich fast unsinnig erscheinen läßt: Selbst wenn die beiden von der gleichen Sache reden, reden sie aneinander vorbei. Stellt man die Formulierungen gegenüber, in denen sie aufeinander Bezug genommen haben, so läßt sich die Disparität bis in die Konnotationen der Begriffe hinein verfolgen, ganz abgesehen von mutwilligen und böswilligen Mißverständnissen. Wenn Rameau von Harmonie redet, so ist ein anderer Kontext angesprochen, als wenn Rousseau dies tut. »
[37] Triest 1800/01, cl. 427.
[38] Triest 1800/01, cl. 297-298.
[39] Sponheuer, Musik als Kunst..., op. cit., p. 142.
RÉFÉRENCES

Pour citer cet article :
Birger Petersen, « Jean-Philippe Rameau : une personnalité politique de la deuxième moitié du xviiie siècle » dans Musique, Pouvoirs, Politiques, Philippe Gonin et Philippe Poirrier [dir.], Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne], 05 février 2016, n°  6, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html.
Auteur : Birger Petersen.
Droits : © Tous droits réservés - Ce texte ne doit pas être reproduit (sauf pour usage strictement privé), traduit ou diffusé. Le principe de la courte citation doit être respecté.
ISSN : 1961-9944
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