La Faculté de droit de Dijon |
La création de la Faculté des droits de Dijon
François 1er, en 1516, souhaite instituer à Dijon une Université avec quatre facultés. Pourtant, la volonté royale n’est pas honorée et la décision royale finit par être abandonnée. Il faut attendre l’année 1722, sous la Régence du duc d’Orléans, pour qu’une faculté des droits soit enfin fondée en la ville de Dijon. Si cet établissement a, enfin, pu voir le jour, c’est que la demande des Etats du duché de Bourgogne se faisait de plus en plus pressante. Outre un parlement, une chambre des comptes et un bureau des finances, quatre présidiaux et plusieurs bailliages rendent la justice dans ce ressort. La formation des juges sur place devient impérative. De plus, les nombreux conflits avec la garnison de Besançon justifient pleinement la constitution d’une université en Bourgogne.
Louis XV, encore mineur, donne son accord, le 17 avril 1722, à la ville de Dijon pour fonder une université composée de quatre facultés. Il faut dire que le Prince de Condé, alors gouverneur de Bourgogne, a largement influencé la décision royale. Mais, vexées par cet accord, de nombreuses universités provinciales, et notamment l’université de Besançon, s’opposent au projet. Louis XV est donc contraint de révoquer sa concession. C’est ainsi qu’un arrêt du roi, du 27 septembre 1722, ordonne que l’université soit réduite à une seule faculté : la faculté de droit. C’est un édit royal de décembre 1722 qui porte établissement de cette faculté des droits dans laquelle seront dispensés des enseignements de droit civil, de droit canonique et de droit français. Le pape Innocent XIII approuve la décision royale par une bulle donnée à Rome le 16 avril 1723.
La bulle pontificale et l’édit royal, après avoir été vérifiés, sont enregistrés par le parlement de Dijon, toutes chambres assemblées, le 23 juin 1723. La faculté de droit à Dijon est enfin érigée. Or, il faut désormais établir les officiers de cette faculté. Louis XV, par des lettres patentes et des réglements donnés à Versailles le 20 septembre 1723, décide quels officiers seront établis à la faculté. Ces actes royaux sont ensuite enregistrés au Parlement de Dijon, par la chambre des vacations, le 19 octobre 1723.
Une fois la faculté fondée et le personnel institué, la rentrée solennelle peut enfin avoir lieu en cette fin d’année 1723. C’est ainsi que le jour de la saint Martin, Joseph Bret, ancien recteur et professeur de droit à l’université de Besançon, proclame l’ouverture officielle de la faculté de droit de Dijon. Son discours, prononcé en présence du parlement de Bourgogne et de la chambre des comptes, rappelle les devoirs du professeur, des magistrats et enfin des étudiants. La faculté ouvre enfin ses portes et M. Bouhier, alors doyen de la Sainte Chapelle de Dijon, est nommé chancelier de la faculté de droit de Dijon. Le gouverneur de province veille au bon fonctionnement de la Faculté et devient son protecteur. Les parlementaires se sentent également proches du lieu de formation des magistrats. Pour cette raison, le premier président du Parlement de Bourgogne est choisi comme premier directeur de la faculté.
L’école centrale de Dijon sous la Révolution
L’école centrale de Dijon sous la Révolution
L’école centrale de Dijon trouve enfin son professeur de législation le 1er nivôse an IV en la personne de Bénigne Poncet. Ancien avocat, il était bien connu des révolutionnaires puisqu’il avait exercé, sous la Révolution, des fonctions administratives au bureau de police de Beaune. Son public étudiant n’est pas assidu puisque les élèves ne sont pas tenus de suivre tous les enseignements dispensés. Cette même liberté se retrouve du côté de la durée de l’enseignement. Bénigne Poncet décide ainsi de traiter de sa matière en seulement une année. Quant au contenu ou à la méthode d’enseignement, le professeur de législation est également libre. Le droit romain est très rarement dispensé et les enseignements, privilégiant les connaissances utiles, sont aussi divers que le nombre de professeurs. La « loi Daunou », votée le 3 brumaire an IV (25 octobre 1795), qui organise l’instruction publique, reste pourtant silencieuse sur le contenu des enseignements. Seule une circulaire du ministre de l’intérieur du 15 thermidor an VII le fixe. Mais, il est déjà trop tard et l’idée d’unifier le contenu du cours de législation dans toutes les écoles centrales semble irréalisable. Chaptal en l’an IX expose que « l’étude des lois, aussi nécessaire que négligée de nos jours, demande une prompte et sévère organisation ». C’est pourquoi, à partir du 11 floréal an X (1er mai 1802), les écoles centrales sont progressivement remplacées par des écoles de droit.
De l’école de droit à la Faculté de droit
Le personnel administratif est restreint à trois personnes : le secrétaire, l’appariteur et le concierge. Les chaires de professeur sont pourvues par le décret impérial du 17 janvier 1806. La chaire de droit romain est accordée à Guillemot. Quant aux chaires de Code civil, la première est occupée par Proudhon, la seconde par Joly et, la troisième par Guichon de Grandpont. Enfin, la chaire de législation criminelle, de procédure civile et criminelle est confiée à Poncet. M. Proudhon avait été auparavant professeur à l’école centrale de Besançon, M. Poncet à celle de Dijon et M. Guichon à celle de Vesoul. M. Joly et M. Guillemot, appartenaient à l’ancienne université de Dijon. Trois mois après la nomination des professeurs dijonnais, la loi du 10 mai 1806 crée l’Université impériale. Il faut attendre le décret du 17 mars 1808 pour que cette université soit définitivement organisée. Il existe désormais cinq ordres de facultés : les facultés de théologie, de droit, de médecine, de sciences mathématiques et physiques et enfin de lettres. Douze facultés de droit existent dans l’Empire dont la faculté de droit de Dijon. A partir du 20 janvier 1809, suite à cette réorganisation les appellations se modifient. C’est ainsi que le terme d’« école de droit » est abandonné au profit de « faculté » ; de même, le « directeur de l’école » est dorénavant appelé « doyen ». Le décannat revient usuellement au plus ancien titulaire, mais des exceptions se font jour. Ainsi, lors du décès de Proudhon, en 1838, la fonction de doyen échoit à Lorrain, professeur de droit commercial, en poste depuis seulement sept ans.
ProudhonNé le 1er février 1758, à Chasnans, en Franche-Comté, il commence ses études de droit à 25 ans, à l’école de droit de Besançon et suit notamment les cours de Courvoisier, une gloire du barreau. Docteur en 1789, il est appelé en 1795 à la chaire de législation de l’école centrale du Doubs. Le 4 avril 1806, un décret impérial l’élève aux fonctions de directeur de la nouvelle école de droit. Il se maintint dans cette fonction jusqu’à la chute de l’Empire qui lui fait perdre sa position. Sous la seconde restauration, un arrêté de la commission de l’instruction publique, du 9 novembre 1815, lui enlève le décanat et le suspend de ses fonctions de professeur. On lui reproche « d’être un bonapartiste exalté et de ne fréquenter habituellement que des jacobins ». A cette accusation, Proudhon s’explique en ces termes : « On dira peut-être que j’ai loué Bonaparte. A cela je réponds que je ne l’ai loué au dépens de personne et qu’on ne trouvera pas, dans tout ce que j’ai dit, une expression offensante pour la famille royale. » Suite aux demandes réitérées de ses collègues, il retrouve sa chaire de droit civil en septembre 1816 et est réintégré dans sa fonction de doyen en 1818. Proudhon est très estimé par ses collègues et ses étudiants. Membre correspondant de l’Institut, des académies de Besançon et de Dijon, il consacre les dernières années de sa vie à l’enseignement. Il prononce sa dernière leçon à l’âge de quatre-vingt-un ans et décède le 20 novembre 1838. Il est l’auteur de plusieurs traités juridiques : Traité des droits d’usages, Traité sur l’état des personnes, Traité du domaine public, Traité du domaine de propriété… Il laisse une œuvre importante, comparable à celle de Toullier à Rennes, Delvincourt à Paris, et qui figure dans les monuments de la première époque de l’Ecole de l’exégèse.
D’abord président du tribunal de district de Beaune en 1790, il est membre du Conseil des Cinq-Cents et du Corps législatif puis juge au tribunal d’appel de Dijon. Guillemot se voit ensuite nommé professeur de droit romain à Dijon. Or, appelé à la présidence de la Cour d’appel de Dijon dès 1811, il est tiraillé entre sa carrière d’universitaire et de magistrat. Il décide finalement en 1812 de démissionner de sa chaire de droit romain pour se consacrer à la magistrature. Sa chaire est alors pourvue par Ladey, son suppléant par le passé.
Guichon de Grandpont
Né à Gray le 25 juillet 1757, il est d’abord avocat au parlement de Besançon jusqu’en août 1792. Puis, il s’enrôle dans l’armée de la République où il devient capitaine en 1793 et commissaire des guerres. Une fois son retour dans la vie civile, il exerce à nouveau sa profession d’avocat à Vesoul de 1797 à 1806. Cette même année le 17 janvier, il est nommé professeur de code Napoléon à la faculté de droit de Dijon. Mais, au moment de la seconde Restauration, à l’instar de Proudhon, il est accusé d’avoir pendant les Cent jours nourri des sentiments bonapartistes. Il est donc suspendu de ses fonctions et réintégré quelques mois plus tard. Il décède à Dijon le 28 décembre 1825.
Joly de Bévy
Né à Dijon le 23 mars 1736, il est d’abord président à mortier au parlement de Dijon. Il devient professeur de code Napoléon en 1806 à la faculté de droit de Dijon. Profond théologien, il publie plusieurs ouvrages contre le concordat et notamment Le Parlement outragé. Il est également connu pour avoir été l’éditeur et le commentateur des grandes œuvres de Jean Bouhier, président à mortier du parlement de Bourgogne. Il meurt à Dijon le 21 février 1822.
Le rayonnement de la faculté de droit au XIXe siècle
Le nombre de chaires de professeur à la
faculté de Dijon finit par croître sensiblement dès la fin des années 1830.
Ainsi, le 12 décembre 1837, la faculté obtient une chaire de droit
administratif. En 1892, une chaire d’histoire du droit est également créée sur
laquelle est nommé Raymond Saleilles. Jusqu’en 1851, les facultés organisent
des concours afin de pourvoir les différentes chaires vacantes. Le
principe du concours est vigoureusement défendu par le corps professoral. Ce
dernier le considère comme la solution la plus juste pour pourvoir les postes
vacants. Le doyen Morelot, à l’occasion de son discours de rentrée en
1848 explique que « L’institution du concours a sans doute des
imperfections comme toutes les institutions humaines ; mais la République
ne saurait nous donner un mode de nomination des professeurs de droit qui
soit plus en harmonie avec mes maximes d’égalité qu’elle proclam.e » Mais,
le 16 novembre 1852, lors de la rentrée solennelle, le même doyen regrette
l’inamovibilité des professeurs. En effet, les professeurs titulaires sont
désormais nommés et révoqués sur proposition du ministre de l’Instruction
publique. La faculté présente un candidat sans que ce choix n’oblige le
ministre. Le recteur peut même, par une simple mesure administrative, suspendre
un enseignant. A compter de 1856, un seul concours demeure : celui de l’agrégation,
dont Paris détient le monopole. L’agrégé candidate auprès des
facultés disposant de cours vacants. Il est nommé pour dix ans, par le ministre
en tant que suppléant. Il devient professeur uniquement s’il obtient une
chaire. Le concours d’agrégation est réorganisé par l’arrêté du 23 juillet
1896. Le jury du concours arrête les parties du cours sur lesquelles le sujet
L’enseignement repose sur des cours magistraux appelés « leçons ». Elles sont dispensées au rythme de quatre leçons de deux heures et demie par semaine. Les enseignants sont tenus de dicter des « cahiers » à leurs étudiants. Durant le reste de la leçon, ils développent et expliquent les éléments dictés. Cette première phase, perçue comme une perte de temps par les enseignants, est directement à l’origine des cours de polycopiés, puis imprimés à une plus grande échelle. Ainsi, le doyen Morelot fait imprimer en 1836 une Dictée d’un professeur de droit français en 3 volumes. Cette pratique permet, peu à peu, d’abandonner la dictée prescrite.
Quant au contenu des programmes, lors de la première année, le professeur de Code civil, après un exposé historique sur les variations du droit français, explique le Code dans son intégralité. Il s’agit pour l’étudiant de bien connaître le texte. Puis, les deux autres années sont consacrées à un cours plus approfondi. L’enseignant reprend le Code et le compare avec le droit romain et les législations étrangères. En ce qui concerne le droit romain, voilà, à titre d’exemple, une partie du programme fourni par le professeur Claude Lacomme pour l’année 1852-1853 : « Je ferai donc partir le programme de cette année à partir du titre Des donations des Institutes. J’exposerai les principes concernant les donations entre vifs dans l’ancien droit, les restrictions apportées par la loi Cincia et je passerai en revue les Fragmenta vaticana. J’arriverai aux formalités établies par les constitutions impériales… ».
De la faculté de droit à l’Université de Bourgogne
Il ne faut pas oublier que les heures sombres de la France ont eu des répercussions sur la faculté de droit de Dijon. Etudiants et professeurs, lors des grandes guerres, se sont illustrés par leur résistance et leur engagement pour leur patrie. C’est ainsi qu’au cœur de la faculté est placée une plaque commémorative pour célébrer et garder en mémoire le nom de ceux qui sont morts pour la France.
L’histoire de la faculté se ressent également dans les fonds anciens conservés à la faculté. Les anciens professeurs Renardet, Villequez et Chevrier ont enrichi au fil des décennies de plus de 2000 ouvrages la bibliothèque d’histoire du droit. Le fonds recèle, entre autres, de nombreux traités juridiques datant pour certains du XVIe siècle mais également des coutumiers ou encore des ouvrages plus généraux sur les travaux préparatoires au Code civil.
La lettre du Centre Georges Chevrier n° 20 - décembre 2013
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