Notre rapport au futur est profondément structuré par une époque donnée. Au XIXe siècle, en Europe, la société est orientée vers l'avenir et marquée par l'idée de progrès. Cette idée de progrès « positif » s'incarne dans une multitude de discours, d'utopies et aussi de dispositifs matériels.
Parole de chercheur
« Vous me demandez d’évoquer comment j’ai “ressenti” et vécu personnellement cette expérience ?
« Je l’ai d’abord vécu comme une occasion d’observer les reconfigurations des rapports entre science et société aujourd’hui. Permettez-moi donc de répondre d’abord à votre question en historien. Cet évènement, créé par l’union européenne en 2005, vise officiellement à rapprocher le public de « la science » en faisant de l’activité scientifique, globalement perçue comme rébarbative, une occasion de distraction et de festivité. J’aimerais souligner deux choses à cet égard.
« Tout d’abord, cette idée n’est pas neuve, depuis le XVIIIe siècle au moins les découvertes scientifiques n’ont cessé de se présenter dans l’espace public sous les traits de l’amusement, du spectaculaire, afin de les légitimer dans l’opinion, mais aussi en vue d’obtenir des soutiens et des financements.
« En second lieu, cette manifestement est liée au souci actuel de rapprocher la figure de l’expert et du savant du citoyen ordinaire à un moment où l’ancienne confiance aveugle dans les réalisations de la techno-science est entrée en crise avec la multiplication des risques directement liés à l’activité scientifique. La séparation, héritée du XIXe siècle, entre le savant et le profane tend à se fissurer, l’ancienne confiance aveugle que la société mettait dans ses héros de la science a largement disparu, et c’est une bonne chose ! D’où le besoin de reconstruire des ponts, des passerelles, des moments de rencontre qui ne se limitent plus à la diffusion du savoir du haut vers le bas, mais qui invitent aux échanges sur un pied d’égalité entre les “chercheurs” et le public.
« D’un point de vue plus personnel, puisque c’est cela qui vous intéresse, cette rencontre fut à la fois épuisante (parler pendant 4 heures de suite à des visiteurs curieux après une longue journée déjà bien remplie est une épreuve physique !) et aussi très enrichissante. Enrichissante car ce fut une occasion unique d’évoquer avec une foule de passants, de tous âges et de toutes origines, des questions qui me passionnent.
Le réflecteur solaire d'Augustin Mouchot
« Dans le dispositif organisé à Dijon, j’avais pour mission de présenter la façon dont les hommes du XIXe siècle se représentaient le futur, à travers notamment l’histoire de quelques controverses et utopies technologiques passées. J’ai cherché à montrer comment certaines interrogations d’aujourd’hui, sur les énergies renouvelables, sur le rôle de la technologie dans la société, se posaient déjà il y a 150 ans. J’ai été frappé par la curiosité des visiteurs, mais aussi par leur patience, et par la précision de certaines questions. La nuit des chercheurs m’a aussi été directement utile car elle m’a donné l’occasion de découvrir un exemplaire unique de la première machine solaire conservée au musée de Semur-en-Auxois, et que je ne connaissais pas ! C’est sans doute pour moi la vertu première de ce genre de manifestation : contribuer à réinsérer des recherches théoriques et parfois abstraites dans la vie de la cité, dans la diversité des préoccupations locales et quotidiennes de ses habitants. »
François Jarrige
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