Focus - mars 2012

Léon Rosenthal, militant, critique et historien d’art

Un projet financé par le Conseil régional de Bourgogne

Inscrit à la confluence de l’histoire de l’histoire de l’art et de l’histoire des idées, de l’histoire politique et de l’histoire culturelle, ce programme de recherches est conduit – grâce aux financements FABER alloués par le Conseil régional de Bourgogne – au sein du Centre Georges Chevrier, par Vincent Chambarlhac et Bertrand Tillier. Il vise à interroger et documenter la personnalité et l’œuvre de Léon Rosenthal (1870-1932), militant socialiste, critique et historien de l’art, professeur à la faculté des Lettres de Lyon et directeur des musées de cette ville. Ce programme comprend deux axes principaux – l’un sur les formes de l’action du militant socialiste, l’autre sur ses pratiques d’une historiographie sociale de l’art –, et croise des approches autour des questions d’art social, de vulgarisation, de patrimoine ou de nationalisme, de part et d’autre de la Guerre de 14-18.

Un parcours de militant socialiste

Le militantisme de Rosenthal précède l’unification des « sectes socialistes » opérée en 1905. Fondateur de l’Université populaire, élu conseiller municipal de Dijon en 1904, sur la liste Barabant, cet agrégé est chargé de l’Instruction publique et doit aussi, à cet égard, se prononcer sur des dossiers relatifs aux Beaux-Arts. Jusqu’en 1908, bien qu’étant devenu entre-temps professeur au lycée Louis-le-Grand, son militantisme demeure inscrit en Bourgogne. Il rejoint ensuite la Ve section de la Fédération socialiste de la Seine – dans le Quartier Latin où il vit et enseigne ; il en sera le candidat malheureux aux législatives de 1910 –, marquées par l’intellectualisme de ses militants. S’il rompt avec la SFIO pendant la Grande Guerre, il appuie l’aile droite des majoritaires de guerre, participe aux écrits du Comité de Propagande Socialiste pour la Défense Nationale. Il s’éloignera ensuite du militantisme politique. La trajectoire politique de Rosenthal sera donc questionnée dans sa singularité, mais aussi comme figure emblématique de l’intellectuel socialiste au début du XXe siècle. Quels liens se tissent entre son activité d’historien d’art et son militantisme ? Quelle est son inscription dans le cercle des élites dijonnaises d’avant-guerre ? Quel fut son rôle dans la municipalité sur la question de l’Instruction publique ? Ces questions seront posées et l’attitude de l’intellectuel face à la Grande Guerre sera également examinée. En mobilisant ses compétences esthétiques dans le cadre des « cultures de guerre », Rosenthal appartient à la « tranchée des professeurs ». Ses ouvrages sur l’art publiés pendant le conflit, à la jonction du propos esthétique et du commentaire belliciste, ont été des contributions aux discours mobilisateurs : la question patrimoniale – intrinsèquement liée à la défense de la « civilisation » latine et française contre la « barbarie allemande » – s’inscrit dans l’horizon de la reconstruction des cités détruites, dont Rosenthal sera l’un des premiers experts, à l’heure de l’urbanisme naissant.

Une enquête historiographique

Le programme interrogera les multiples facettes de la carrière et de l’œuvre d’historien de l’art de Rosenthal. Contemporain d’Émile Mâle, Étienne Moreau-Nélaton, Louis Dimier ou Henri Focillon – auquel il succéda à la chaire de professeur d’histoire de l’art à la Faculté de Lyon –, Rosenthal mène de front une triple activité d’écrivain, d’universitaire et de conservateur de musée, sans doute favorisée à ses débuts par son mariage avec Gabrielle Bernheim, nièce du critique et inspecteur des Beaux-Arts Roger Marx. Critique d’art, il collabore à nombre de journaux et revues (l’Humanité de Jaurès, L’Art et les artistes d’Armand Dayot, La Gazette des Beaux-Arts, La Revue de l’art ancien et moderne, La Revue internationale de sociologie…), où il s’intéresse aux arts décoratifs et à l’art social. De l’œuvre de l’historien, on a surtout retenu le maître ouvrage Du romantisme au réalisme (1914), mais on oublie que cette magistrale étude de la peinture en France sous la monarchie de Juillet a été précédée d’une thèse de doctorat soutenue en 1900, sur la peinture romantique française de 1815 à 1830. Ce premier XIXe siècle a beaucoup retenu l’attention de Rosenthal, dans ses monographies sur David, Géricault ou Daumier. Mais on lui doit aussi d’importantes publications sur la Renaissance italienne (Botticelli, Carpaccio), sur la verrerie d’art et sur la gravure – notamment une somme qui fit référence, parue en 1909, et un ouvrage sur Manet lithographe et aquafortiste (1925). En outre, le projet prévoit d’examiner le corpus de ses livres de vulgarisation ou de ses écrits à vocation hygiénique ou pédagogique, visant à une sensibilisation domestique aux arts décoratifs, à une initiation à l’histoire de l’art ou à l’apprentissage du dessin.

Un programme

Ce projet s’articule en plusieurs phases. Après une première journée d’études « Léon Rosenthal : un parcours éditorial, des brochures politiques au livre d’art » organisée en collaboration avec les Archives municipales de Dijon, une seconde journée d’études se tiendra à Lyon en juin 2012, en partenariat avec le Musée de Beaux-Arts de Lyon et le LARHRA, qui sera consacrée à la carrière lyonnaise de Rosenthal. En avril 2012 paraîtra aux EUD une réédition des chroniques artistiques données par Rosenthal dans l'Humanité (1909-1917). Un colloque international, organisé par le Centre Georges Chevrier, viendra clore ce programme en novembre 2012. Les actes seront publiés en 2013. En parrallèle au colloque, les Archives municipales de Dijon présenteront une exposition consacrée à Léon Rosenthal réalisée en collaboration avec le Centre Georges Chevrier.
En 2014, parution aux EUD de Gabrielle Bernheim Rosenthal. Journal (1897-1932).

 


Un site internet

À disposition de la communauté des chercheurs rattachés au projet, un site Internet consacré à Léon Rosenthal a été développé sous la responsabilité de Vincent Chambarlhac, Thierry Hohl et Bertrand Tillier ; Rosine Fry, ingénieure d'étude, en a assuré la conception web et l'administration au sein du Centre Georges Chevrier. Ce site a pour fonction de valoriser les résultats de la recherche au fur et à mesure de sa progression. Il a également vocation à diffuser des contenus : données biographiques, bibliographiques et archivistiques relatives à la personnalité et aux activités de Rosenthal, à ses écrits, ses collaborations, sa carrière et ses sociabilités. Julie Maraszak, doctorante en histoire de l'art, conduit une campagne photographique dans diverses institutions pour y localiser des documents et des archives qui seront mis en ligne. Nombre d’articles, de contributions et d’ouvrages de Rosenthal – libres de droits – sont également rendus accessibles sur le site comme autant de ressources documentaires, numérisées avec le soutien du plateau technique du service de numérisation de la Maison des Sciences de l’Homme de Dijon.


La lettre du Centre Georges Chevrier n° 3 - mars 2012
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