L’image équivoque de l’artiste étranger dans la critique de Salon

  

En introduction à son Salon de 1852, dans la revue L’Artiste, Louis Clément de Ris signale :

« Une heureuse modification a été apportée à la rédaction du livret. L’indication du lieu de naissance des artistes, de leurs maîtres, les renseignements servant d’introduction, sont autant de matériaux pour l’histoire à venir de l’art en France, et qui manquaient jusqu’à ce jour. » [1]

Si l’aveuglement ou les erreurs de la critique de Salon vis-à-vis de l’art dit « novateur » ont longtemps alimenté la légende d’une histoire moderniste aujourd’hui dépassée, son analyse objective peut, à l’inverse, mettre en lumière la valeur historique d’un matériau nous incitant à une réévaluation nécessaire de notre perception de l’art du XIXe siècle dans plusieurs domaines [2]. Se poser la question de l’art étranger exposé au Salon peut être particulièrement utile dans ce travail, puisque comme l’a remarqué Jacques Thuillier, la catégorie d’« art pompier » n’a pas d’équivalent dans les langues étrangères [3].

Depuis l’adoption en 1791 par l’Assemblée Nationale du principe d’une exposition libre et internationale [4], la présence des artistes étrangers au Salon fut constante. Mais ce n’est qu’au début des années 1850 que celle-ci devint significative par son nombre [5], et qu’il fut possible  de l’analyser comme telle, grâce aux informations fournies par le livret. La production étrangère s’est alors rapidement imposée comme une composante importante du Salon, notamment dans l’intense production de textes critiques qui accompagnait la manifestation.

L’image de l’artiste étranger qui en ressort est équivoque, parce qu’elle repose sur des enjeux à la mesure de l’importance du Salon : politiques, économiques et sociaux ; esthétiques et idéologiques, et sur de la simple curiosité. L’histoire et l’actualité, la question du style et celle du sujet, la perception des nations – qui n’est pas la même que celle des écoles nationales –, sont autant d’éléments qui s’y croisent et se confondent. Cette attention critique révèle enfin l’image en creux d’une école française elle-même très incertaine, quand, par son souci d’hégémonie européenne, celle-ci voulut assimiler ce qu’il pouvait y avoir de meilleur chez ses voisins tout en cherchant à se forger un caractère uni et singulier.

 

« Nos amis les ennemis »

La définition même de l’étranger dans le système des Beaux-Arts français du XIXe siècle prête à confusion car la plupart de ceux qui exposaient au Salon étaient en réalité parisiens. Le fait d’avoir suivi une formation à Paris, puis exposé au Salon et éventuellement obtenu une récompense, une décoration ou un achat de l’État, donnait à un artiste la quasi-naturalisation française et lui permettait de mener carrière en France. D’où l’idée, chez certains critiques, d’une administration se montrant « parfois plus qu’indulgente et plus que prodigue à leur égard » [6]. Lorsqu’il rappelle en 1864 que « le mot latin hostis (étranger) […] signifiait à la fois ennemi et hôte », Théophile Thoré relève une des équivoques relatives à la perception de ces étrangers, « nos amis les ennemis » [7], qui exposaient au Salon. Du point de vue de l’administration, leur présence était désirée en ce qu’elle conférait à l’exposition un rayonnement européen, et confirmait ainsi l’hégémonie française dans le domaine des Beaux-Arts. Mais en faisant de l’art contemporain l’objet d’une compétition entre nations, les expositions universelles avaient imposé à la critique de la seconde moitié du siècle un point de vue comparatiste entre les écoles. Le système d’accrochage au Salon de 1859 est d’ailleurs significatif de ce changement de point de vue puisque l’administration décida d’y réserver une salle spécifique aux œuvres étrangères [8].

Si l’un des rôles du Salon était de maintenir le prestige et la puissance de l’école française,  celle-ci n’était en réalité pas assez sûre de ses propres contours pour pouvoir déterminer dans quelle mesure l’entérinement d’artistes étrangers lui était nécessaire ou dangereux. Ainsi Maxime du Camp remarque « avec tristesse » au Salon de 1865 :

«  les étrangers envahissent et font des progrès qui sont inquiétants, car ils menacent de nous rejeter au second, sinon au troisième rang. Notre amour-propre national, qui est souvent plus excessif que justifié, nous porte à regarder comme Français des artistes qui vivent et exposent en France ; c’est un tort, et si nous comptons bien, nous serions peut-être fort surpris et un peu humiliés de reconnaître que les Suisses, les Allemands et les Belges tiennent à eux seuls une part considérable dans nos expositions. » [9]

La même tension se révéla sous une forme différente lors de l’Exposition universelle de 1867 où des artistes étrangers habitués du Salon parisien furent accusés par certains commentateurs d’« ingratitude » envers la France pour avoir choisi d’exposer dans la section de leur pays d’origine [10]… Vingt ans plus tard, le souvenir du conflit franco-prussien fit soupçonner à L’Artiste que des peintres allemands exposant au Salon « taisaient » leur nationalité en se « contentant d’indiquer leur lieu de naissance » [11].

Il est vrai, que d’une manière générale, les artistes étrangers pouvaient user de leur nationalité avec pragmatisme [12]. Dans le cadre du Salon, celle-ci fut souvent pour eux un moyen de se distinguer avantageusement de la foule des exposants [13], quand, pour un critique comme Théophile Gautier, l’un des rôles de l’exposition était de « faire découvrir la planète » et d’être « le panorama du monde » [14]. Aussi le manque d’exotisme dans les œuvres de « ces Prussiens de la rue Pigalle, ces Flamands de l’avenue Frochot », formés dans les ateliers parisiens et dont le « pinceau parle français » [15] pouvait-il parfois décevoir les attentes du public et de la critique. Les peintres étrangers devaient cependant veiller à répondre à cette attente d’exotisme dans le respect d’un certain nombre de valeurs et de codes propres au jugement français et propres à la peinture de Salon. C’est pourquoi ils le firent essentiellement à travers le sujet, qui demeurait de toute façon le critère décisif dans la réception de la peinture de Salon [16]. Le peintre suédois Johan Fredrik Hockert (1826-1866) a par exemple su répondre à cette double exigence en réalisant Famille de pêcheurs en Laponie suédoise, costume d’été (1857, Stockholm, Nationalmuseum), l’un des clous du Salon de 1857. On y voit, dans un large format, l’harmonie d’un jeune foyer lapon, la mère veillant sur son enfant tandis que le père, assis par terre près de son chien couché, raccommode un filet de pêche. Le peintre y décrit chaque élément du folklore de sa région natale, depuis le moindre détail du décor jusqu’au costume des personnages, dont le titre précise bien qu’il s’agit de costumes « d’été ». La nationalité de l’artiste conférait à la toile sa valeur d’authenticité, mais l’exotisme y est traduit dans une esthétique neutre, digne d’une maison de poupée, reposant sur les valeurs lisses et convenues de la vie simple et de l’harmonie du foyer. Remarquant avec ravissement « le soulier recourbé à la chinoise » [17] de la femme, Théophile Gautier décrit le tableau comme l’« un des meilleurs du Salon ». Il écrit aussi que « M. Hockert a une couleur forte, harmonieuse et riche, qui rappelle celle de Delacroix ». Si la comparaison peut paraître incongrue, ce qu’elle dit d’important est que du point de vue de Gautier, la touche « large, franche, nourrie » de Hockert s’intègre bien au paysage esthétique français.

 

Artistes et écoles

Il serait réducteur d’analyser la réception de la peinture étrangère au Salon sous le seul angle de la compétition entre nations, ou même entre individus. La stigmatisation des artistes par nationalité est aussi l’expression du positivisme historiciste propre à l’époque [18] et par lequel la critique avait une tendance naturelle à rattacher l’image d’un artiste étranger à celle de l’école de son pays d’origine. On lit souvent des généralisations telles que celles d’Alfred Busquet dans La Patrie en 1859 : « Les Anglais sont plus spirituels, les Allemands sont plus réfléchis, plus consciencieux, les Américains on un sentiment énergique de la couleur ; ils héritèrent des Vénitiens, qui comme eux furent marchands » [19]. Théophile Thoré, qui voyait pourtant d’un œil positif la pénétration des différentes écoles entre elles, écrit en 1861 que « si cosmopolite qu’on soit, il faut reconnaître que les nationalités en fait d’art sont toujours très-évidemment marquées » [20]. En 1855, Baudelaire remarque que « celui qui visiterait l’Exposition universelle avec l’idée préconçue de trouver en Italie les enfants de Vinci, de Raphaël et de Michel-Ange, en Allemagne l’esprit d’Albert Dürer, en Espagne l’âme de Zurbaran et de Velasquez, se préparerait un inutile étonnement ». Mais il reconnaît également qu’« il ne faut jamais oublier que les nations, vastes êtres collectifs, sont soumises aux mêmes lois que les individus » [21]. Et il avait le projet de parler de la « fabrication des joujoux, et du goût des différentes nations dans cette matière, ce qui est un sujet fort compliqué » [22].

Une des particularités de la critique de Salon est de reconnaître l’individualité de l’artiste, de chercher à repérer le « génie » tout en essayant de comprendre et de formuler les grandes tendances de l’art actuel et à venir. Or le critère de la nationalité était un outil efficace pour dessiner ces grandes tendances. L’intérêt particulier de la critique pour les écoles récentes est ainsi éclairant à plus d’un titre, car c’est peut-être là que se démarquent avec le plus de force les individualités artistiques comme les limites d’une vision de l’art contemporain par écoles nationales. Jan Matejko (1838-1893) par exemple, exposa régulièrement au Salon à partir de 1865 de grandes compositions historiques illustrant l’histoire polonaise, et l’on peut observer comment, à travers lui, la critique essaya de caractériser l’école polonaise contemporaine sans réellement y parvenir. Etienne Bathori, roi de Pologne devant Pskow (1872, Varsovie, Palais royal), exposé au Salon de 1874, illustre la défaite de la Russie face à la Pologne en 1582 : devant les murs de Pskow qu’avait annexé la Russie en 1510, les envoyés d’Ivan le Terrible apportent au roi de Pologne Etienne Bathori le pain et le sel en guise de soumission. « Tout est Polonais dans cette œuvre, l’artiste, le sujet, le tableau, les physionomies, les costumes, la couleur locale, la langue et l’accent » [23], conclue laconiquement la critique d’Armand de Pontmartin dans L’Univers illustré. Tandis que dans la Revue des deux mondes, Ernest Duvergier de Hauranne voit en Matejko :

« un talent d’une espèce singulière, qui ne rentre dans aucune des catégories de l’école française. Par certaines hardiesses romantiques, il fait songer vaguement à Delacroix ; par une certaine sincérité mâle, il se rapproche de Robert-Fleury ; par un certain réalisme brutal, il rappelle quelquefois Hogarth ; par une certaine barbarie systématique, il confine à M. Gustave Doré et aux tableaux humoristiques de M. Vibert. » [24]

Ce commentaire est significatif des interférences que pouvait provoquer au Salon l’exposition d’une œuvre étrangère dans une vision de l’art par écoles nationales. Et par le prisme de Matejko, l’auteur semble interroger les incertitudes de l’école française plutôt qu’un véritable caractère de l’école polonaise. À propos d’Etienne Bathori, il est frappant de lire plusieurs critiques s’accorder sur les défauts d’une composition maladroite et surchargée, d’une couleur heurtée et dissonante, et sur la vraisemblance historique discutable dans les attitudes et les accessoires… tandis que par ses dimensions et son sujet ; par la volonté qu’avait l’artiste d’en faire une œuvre constitutive du patrimoine national de la Pologne, la toile ne pouvait que s’imposer à eux comme un archétype de la peinture de Salon. C’est pourquoi Armand de Pontmartin écrit que « ces inconvénients sont rachetés par un sentiment national si énergique, qu’il en devient une qualité pittoresque » [25] et que pour Louis Gonze, « ses défauts, qu’il a très-réels et pour nous très-visibles, proviennent bien plus de son esthétique et de l’esprit de race que de son art lui-même » [26]. On voit bien ici que du point de vue des auteurs, la valeur de l’œuvre repose presque exclusivement dans l’expression de son patriotisme – valeur que Louis Gonze peine à distinguer de la valeur esthétique. 

 

Patriotisme et universalisme

Un dernier élément d’équivoque serait donc l’assimilation du style à la politique. Pour toute une part de la critique restée attachée à la peinture d’histoire et à l’idéal d’un art d’« État », un peintre étranger comme Matejko pouvait constituer, en dépit de ses défauts, un exemple à suivre pour les peintres français [27]. Une partie de l’historiographie récente n’a fait que poursuivre cette confusion car l’attachement à un art national n’était pas forcément faire preuve de nationalisme au sens, différent, que revêt le terme aujourd’hui [28].

Pour prendre la mesure de ce décalage, il faut revenir à la métaphore baudelairienne faisant des nations de « vastes êtres collectifs ». En reconnaissant en Matejko un « Polonais très authentique », « une force de tête et une carrure d’épaule qui en font aujourd’hui, vis-à-vis de nos jeunes peintres, un athlète redoutable », Louis Gonze prône aussi l’idéal d’une jeunesse des peuples capable d’exprimer sa vitalité en différents points du monde et à différents moments de l’histoire, quand l’école française lui semblait en pleine décadence. Pour Baudelaire, « l’imagerie nécessaire à l’enfance des peuples » [29], c’était l’Art philosophique, hiératique, réactionnaire. Et la métaphore prend un sens esthétique encore différent chez Théophile Thoré lorsque celui-ci écrit à propos du Salon des Refusés de 1863 qu’une exhibition de peintures américaines, à la Nouvelle-Orléans, offrirait peut-être un pareil spectacle :

Nous nous rappelons les tableaux de M. Catlin, l’introducteur des Yoways en Europe. A Saint-Pétersbourg, les expositions de peinture russe peuvent encore provoquer les mêmes impressions. Les peuples qui commencent ont, dans leur barbarie, je ne sais quoi de sincère, de senti, en même temps que de burlesque et d’imparfait. Nouveauté et singularité. » [30]

Dernier exemple, celui du peintre hongrois Mihály Munkácsy (1844-1900) qui fut, comme Matejko, un patriote (la Hongrie en a fait une gloire nationale), mais dont l’intégration à l’école française fut beaucoup plus profonde puisqu’il fit partie des ces étrangers « parisiens ». Le succès fulgurant de son premier envoi au Salon de 1870 lui permit en effet de s’installer à Paris en 1872 et d’y mener une carrière florissante ; c’est l’un des exemples les plus frappants de la façon dont le Salon pouvait mener du jour au lendemain un parfait inconnu à la célébrité. Le Dernier jour d’un condamné (1870, Budapest, Galerie Nationale de Hongrie) illustre une coutume hongroise selon laquelle, trois jours avant l’exécution, la cellule d’un condamné à mort était ouverte au public afin que ses proches viennent le voir une dernière fois. La description successive et très individualisée des attitudes et expressions des personnages est caractéristique de l’école de Düsseldorf, mais on peut voir aussi l’influence de Courbet, en particulier dans la nappe blanche qui apparaît au centre comme le drapeau du réalisme et sur laquelle est posé un crucifix. Au sol, une coupelle est destinée à recueillir le don des visiteurs pour financer la messe du condamné. Le succès de l’œuvre repose en partie, comme pour les pêcheurs de Hockert, sur l’authenticité de son exotisme, mais surtout sur la puissance dramatique et sensationnelle de la composition. Mais ce qui fut peut-être le plus déterminant dans le choc du public, et qu’il est difficile de voir aujourd’hui, se trouve ailleurs, dans l’absence de tout élément moralisateur – rien n’est indiqué quant à la culpabilité du condamné – ou relevant de l’histoire nationale. Ainsi, dans le concert d’éloges qui accueillit Le dernier jour d’un condamné et auquel se joignit Castagnary, l’ancien juriste écrit qu’« un soucis [l]’assiège » et termine son commentaire de l’œuvre par cette supplique à l’adresse du peintre :

« Je vous en supplie, monsieur le peintre hongrois, vous qui, pour votre premier envoi à Paris, avez eu ce suprême bonheur de désarmer la critique et d'apitoyer les cœurs, venez à notre secours. Ne laissez pas notre sensibilité complice d'un lâche assassin. Dégagez-là. Un signe un bout de drapeau un accessoire quelque part, qui montre bien que votre héros est un patriote, et que notre jugement est droit, et que vos intentions sont pures. » [31]

Les aspirations universalistes de Castagnary n’allaient pas non plus sans considérations sur la nation et le patriotisme : l’art, écrit-il en 1866, « tient du sol, du climat et de la race, – ou il est sans caractère » [32]. Le cosmopolitisme est chez lui synonyme d’anarchie. Le courant réaliste est pourtant l’un de ceux qui permit de dépasser les frontières nationales, même chez un critique très conservateur comme Duvergier de Hauranne quand celui-ci range Munkácsy dans la catégorie – peu reluisante à ses yeux – de « l’école démocratique » avec Manet, Courbet, Millet et Jules Breton [33]. Aussi Thoré fait-il peut-être preuve de plus de clairvoyance, lorsqu’il écrit dans son Salon de 1865 :

« Il n’y a plus d’étrangers. Nous sommes tous compatriotes. Pour moi, je me sens du même peuple que le peuple parisien, – que mes amis de Bruxelles et d’Amsterdam, de Genève et de Berlin, de Londres et de New-York. N’y a-t-il pas plus d’affinité entre Français, Allemands, Hollandais, Belges, Suisses, Anglais, Américains, ayant les mêmes tendances vers la liberté, la justice et la vérité, qu’entre deux hommes d’une même nation, s’ils divergent par leurs inspirations et leurs idées ? La patrie, c’est l’idée. » [34]

Nous n’avons que brièvement évoqué le vaste sujet de l’européanisation de la culture et de la versatilité des écoles nationales de peinture dans la seconde moitié du XIXe siècle. Cette question est étroitement liée à la politique artistique française de l’époque, et parmi les contradictions qui menèrent le Salon officiel à sa fin [35], il reste à analyser le paradoxe d’une exposition d’État qui se voulait à la fois nationale et internationale. Il est en tout cas remarquable que les critiques de Salon, quels que soient leur goût et leur orientation politique, naviguaient en eaux internationales. C’est en partie dans le miroir de l’étranger que l’art français a tenté de définir sa propre image : parfois par le rejet, mais le plus souvent par l’assimilation, or le Salon semble avoir joué un rôle important dans ces processus d’assimilation. Quand le principe des expositions universelles cloisonnait les écoles et exacerbait les identités nationales jusqu’à la caricature, celui de l’exposition au Salon semble avoir opéré à l’inverse, sur le mode d’un désordre fécond, qui résiste aux catégories, et dont nous commençons à mesurer la portée symbolique et historique. Peut-être est-ce en effet du côté du Salon que l’historien trouvera les traces d’une Europe des arts vivante. Là où, dans un esprit commun, s’exprimèrent quantités d’individualités.

 

Laurent Cazes
(HiCSA, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)


[1] Louis Clément de Ris, « Le Salon », L’Artiste, Ve série, t. VIII (13 avril 1852), p. 81.
[2] Francis Haskell, « L’art et le langage de la politique », De l’art et du goût jadis et naguère, Paris, Gallimard,  Bibliothèque illustrée des histoires, 1989. Éric Darragon, « Salon et art moderne », dans Christophe Charle et Daniel Roche [dir.], Capitales culturelles, capitales symboliques : Paris et les expériences européennes, XVIIe-XXe siècles, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 361-367. Adrien Goetz, « Un art de l’éreintement ? », dans Pierre Vaisse et James Kearns [dir.], « Ce Salon à quoi tout se ramène » : Le Salon de peinture et de sculpture, 1791-1890, Oxford, Berne, Peter Lang, 2010, p. 73-81.
[3] Jacques Thuillier, Peut-on parler d’une peinture « pompier » ?, Paris, PUF, 1984.
[4] « Art. 1er. Tous les artistes français ou étrangers, membres ou non de l’Académie de peinture et de sculpture, seront également admis à exposer leurs ouvrages dans la partie du Louvre destinée à cet objet. », Archives Parlementaires de 1781 à 1860, 1ère série, t. 29 (29 juillet-27 août 1791), Paris, Paul  Dupont, [1889] p. 613.
[5] Un dépouillement systématique de la section « Peinture » des catalogues des Salons de 1853 à 1889 révèle une moyenne de 15% d’œuvres étrangères dans les années 1850 (tandis que l’on compte moins de 10% d’artistes étrangers pour les Salons antérieurs). Puis cette moyenne augmente pour se stabiliser autour de 20% pour les Salons postérieurs, avec cependant une baisse significative – qui concerne essentiellement les peintres allemands – aux Salons de 1872 à 1875. Pour une étude statistique du Salon parisien, voir Andrée Sfeir-Semler, Die Maler am Pariser Salon, 1791-1880, Francfort-sur-le-Main ; New York, Campus Verlag ; Paris, Éd. de la Maison des sciences de l'homme, 1992. On trouve déjà de nombreuses études statistiques dans la presse de l’époque, voir Eugène Müntz, « Le Salon. Essai de statistique », La Chronique des arts et de la curiosité, n° 22, 31 mai 1873, p. 213-216 ; Charles Ponsonailhe, « Le Salon. Peinure. I », L’Artiste, année 57, t. I (juin 1887), p. 411-445.
[6] Alfred Busquet, « Les étrangers à l’Exposition des Beaux-Arts », La Patrie, 11 juillet 1859, n.p.
[7] Théophile Thoré, Salons de W. Bürger, 1861 à 1868, avec une préface par T. Thoré, Paris, Renouard, 1870, t. II, p. 125.
[8] Dès le Salon suivant (1861), Philippe de Chennevières adopta un accrochage des œuvres par ordre alphabétique des noms d’exposants mêlant Français et étrangers, et qui prévalut pour tous les Salons suivants, excepté celui de 1880.
[9] Maxime Du Camp, « Le Salon de 1865 », Revue des deux mondes, période 2, t. 57 (1er juin 1865), p. 649.
[10] Voir par exemple le commentaire de Marius Chaumelin sur Ludwig Knaus : « Je connais des gens qui se fâcheraient si on leur disait que M. Knaus n’est pas un peintre de Paris. Son long séjour parmi nous, le bruit que nos journaux ont fait autour de ses ouvrages, les nombreuses médailles qu’il a obtenues aux salons, le ruban rouge qui décore sa boutonnière, tout semblerait autoriser l’école française à le revendiquer comme un des siens. » L’art contemporain, Paris, Renouard, 1873, p. 18.
[11] Charles Ponsonailhe, art. cit. n. 3, p. 413.
[12] Voir le cas de l’école belge étudié par Tom Verschaffel, « Une école de plus en plus nationale : la critique française et les peintres belges aux Salons de Paris (1831-1865) », dans Hubert Roland et Sabine Schmitz [dir.], Pour une iconographie des identités culturelles et nationales : la construction des images collectives à travers le texte et l'image, Francfort-sur-le-Main : Peter Lang, 2004, p. 117-134.
[13] Petra Chu, « The Paris Salon as international arena for creative competition », dans Künstlerischer Austausch : Akten des XXVIII. Internationalen Kingresses für Kunstgeschichte, Berlin : Akademie-Verlag, 1993, vol. 1, p. 227-248.
[14] Théophile Gautier, L’Artiste, 15 février 1858, cité dans Jean-Paul Bouillon et Catherine Méneux [dir.], La promenade du critique influent : Anthologie de la critique d’art en France, 1850-1900, Paris, Hazan, 2010, p. 59.
[15] Paul Mantz, « Le Salon, quatrième article », Gazette des Beaux-Arts, année 1, t. II, (15 juin 1859), p. 356.
[16] Jacques-Émile Blanche rappelle à propos du Salon de 1870 que « le sujet comptait pour les trois quart dans un tableau à succès »,  Les Arts plastiques, Paris, Éditions de France, 1931, p. 7.
[17] Théophile Gautier, « Le Salon de 1857. XI », L’Artiste, nouvelle série, t. I (23 août 1857), p. 361.
[18] Christine Peltre et Philippe Lorentz [dir.], La notion d’École, Strasbourg : Presses universitaires de Strasbourg, 2007.
[19] Alfred Busquet, art. cit. n. 6.
[20] Théophile Thoré, op. cit., t. I, p. 59.
[21] Charles Baudelaire, « Exposition universelle », Œuvres complètes, éd. Claude Pichois, Paris, Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1976, t. II, p. 582.
[22] Ibid, « Morale du joujou », op. cit, t. I, variante c, p  587.
[23] Armand de Pontmartin, « Salon de 1874, quatrième article », L’Univers illustré, année 17, n° 1000 (23 mai 1874), p. 327.
[24] Ernest Duvergier de Hauranne, « Le Salon de 1874 », Revue des deux mondes, période 3, t. III (1er juin 1874), p. 665.
[25] Armand de Pontmartin, art. cit. n. 23, p. 327.
[26] Louis Gonze, « Salon de 1874 », Gazette des Beaux-Arts, période 2, t. IX (1er juin 1874), p. 502.
[27] « le seul effort de peinture historique est fait cette année par un Polonais » écrit Maxime Du Camp à propos de Skarga, premier envoi de Matejko au Salon (art. cit. n. 9, p. 649-650). 
[28] Theodore Zeldin a montré que le sentiment national ne s’est véritablement développé qu’après le XIXe siècle : Histoire des passions françaises, II. Orgueil et intelligence (Chap. I. « l’Identité nationale »), Paris, Recherches, 1978. Voir aussi la distinction que fait Marie-Claude Genet-Delacroix entre « art français » et « art national », « National art and French art: history, art, and politics during the early Third Republic », dans June Harove et Neil Mc William [dir.], Nationalism and French Visual Culture, 1870-1914, Washington, National Gallery of Art, 2005, p. 37-53.
[29] Charles Baudelaire, « L’Art philosophique », op. cit., t. II, p. 598.
[30] Théophile Thoré, op. cit., t. I, p. 413.
[31] Jules-Antoine Castagnary, Salons, Paris, G. Charpentier et E. Fasquelle, 1892, t. I, p. 404.
[32] Ibid., op. cit., p. 231.
[33] Ernest Duvergier de Hauranne, art. cit. n. 24, p. 677.
[34] Théophile Thoré, op. cit., t. II, p. 238.
[35] Patricia Mainardi, The End of the Salon: Art and the State in the Early Third Republic, Cambridge : Cambridge University Press, 1993. Pierre Vaisse, « Réflexion sur la fin du Salon officiel », dans « Ce Salon à quoi tout se ramène », op. cit., p. 117-138.


Pour citer cet article :
Laurent Cazes, « L'image équivoque de l'artiste étranger dans la critique de Salon » in Image de l'artiste, sous la direction d'Éric Darragon et Bertrand Tillier, Territoires contemporains, nouvelle série - 4 - mis en ligne le 3 avril 2012.
URL : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/publications/image_artiste/Laurent_Cazes.html
Auteur : Laurent Cazes
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