Beuys, Klein, Vostell : figures de culte et créations de légendes après 1945

 

Alors que Ernst Kris et Otto Kurz [1] se sont consacrés en 1934, dans leur essai La Légende de l’artiste, à repérer les mécanismes historiographiques qui participent à la construction de la légende de l’artiste depuis l’Antiquité, nombre d’artistes s’approprient et adaptent, après 1945, ces mêmes mécanismes afin de construire leur propre légende. Que l’on pense à Joseph Beuys qui fonde son œuvre sur le récit fictif de son séjour de convalescence chez des Tartares en Ukraine, ou à Wolf Vostell qui revendique l’image du Juif orthodoxe ou encore à Yves Klein qui ne cesse de défendre la « véracité » de son Saut dans le Vide, l’autoreprésentation de l’artiste contrôlée et diffusée se caractérise par un impressionnant amalgame d’images légendaires qui dépassent l’anecdote autobiographique au profit d’un récit mythologique.

En partant de l’étude de cas des artistes évoqués, nous nous proposons de retracer, bien que de façon sommaire, la genèse de ces légendes où affleurent tour à tour des images aussi évocatrices que celles de l’artiste révolutionnaire, du prophète, du sauveur et du martyr. Leur analyse se fonde sur les catégories établies en partie par Kris et Kurz (« l’artiste comme deus artifex », « la découverte du talent comme motif mythologique », « l’artiste comme magicien », etc.) et sur l’étude plus récente d’Oskar Bätschmann sur l’artiste de l’exposition (Ausstellungskünstler [2]), afin de renouer avec les discussions méthodologiques autour de l’artiste comme figure mythique. Il est évident que la volonté des artistes de transformer leur vie en une légende – et par conséquent en une œuvre d’art – représente une constante dans l’histoire de l’art de la période contemporaine. Si l’intérêt de notre propos porte sur trois cas de figures après 1945, il aurait pu tout aussi bien concerner Picasso, Duchamp et Dalí ou Pollock, Warhol et Manzoni. Ce n’est donc pas la singularité des vitae qui motive cette ébauche d’idées, mais plus clairement la récurrence des motifs qui semble fonctionner comme un dénominateur commun. Il reste cependant que Beuys, Klein et Vostell ambitionnent tous trois l’intégration de l’art à la vie et espèrent y parvenir à travers l’orchestration d’actions publiques fortement médiatisées.

Une situation paradoxale se pose comme point de départ : alors que les mythes et les légendes, grâce à leur fonction mnémotechnique, s’inscrivent dans une pérennité qui caractérise la mémoire des civilisations, bref, qui s’inscrivent dans la construction et dans la continuité d’une histoire, il reste que l’histoire de l’art contemporain se montre bien au contraire comme une histoire fondée sur la tradition de la rupture. Malgré la rupture historique qu’instaure l’artiste avant-gardiste, en provoquant une situation de table rase et en dirigeant dès lors son regard vers l’avenir, il apparaîtra sans doute que le recours au mythe et à la légende, à l’encontre de l’historicité moderne, relève d’un « universalisme intemporel [3] » qui permet de consolider le statut présumé supérieur de l’artiste face à la société. Notre analyse procèdera en trois temps : d’abord, à travers l’élément narratif qui détermine le point de départ de la carrière ; puis, en regardant l’aspect non-verbal de la mise en scène de l’apparence physique ; avant de terminer par une synthèse des motifs communs récurrents.

Alors que Paul Veyne a forgé l’idée suivant laquelle « l’histoire est un roman vrai [4] », donc une narration fondée sur des lieux et des événements réels, l’artiste contemporain nous propose également souvent un « roman » à partir de son autobiographie, mais où des éléments à la fois réels et fictifs sont intimement liés. Dans un entretien, Beuys avait rappelé parmi ces principes-clefs de la création la chose suivante : « Je remonte à la phrase : Au commencement était le Verbe. Le Verbe est une Gestalt. C’est ça le principe de l’évolution par excellence [5] ». Il souligne là un point important car, en général, les artistes soi-disant « légendaires » se servent abondamment du verbe, pour ne pas dire qu’ils se montrent particulièrement bavards. L’impression s’impose donc que la parole et l’écriture tiennent un rôle de matériau artistique, au même titre que les outils plus convenus de la création plastique. Comme dans tout bon récit, il importe ainsi que l’artiste en narrateur présente l’atome événementiel comme une intrigue, qu’il dégage une unité d’action, qu’il fasse montre de quelque sens psychologique, voire d’un don pour le suspens, bref, de son originalité.

 

Le moment où tout bascule  

Chronologiquement, ces récits se servent ainsi d’abord du moment initiatique qui déterminera la carrière. Si ce n’est pas le moment véritable de la « découverte du talent » si souvent forgé par les biographes des maîtres anciens afin d’en souligner leur statut d’êtres supérieurs au destin quasi divin [6], cet épisode permet en tout cas d’ancrer leur vision artistique dans une narration prégnante, voire dramatique, qui tient compte des origines. Chez Wolf Vostell, enfant de la guerre qui a grandi sous les bombes et qui a vécu l’exode avec sa famille vers l’Ouest en 1944, ce moment se situe précisément à Paris, alors capitale mythique des avant-gardes. Lors de son premier séjour à Paris en 1954, « une métropole intacte, au moins de l’extérieur [7] », l’artiste était tombé, dans un kiosque à journaux, sur Le Figaro qui, sur sa page de titre du 6 septembre, présentait un article intitulé : « Peu après son décollage… un Super-Constellation tombe et s’engloutit dans la rivière Shannon ». Comme Vostell le dira plus tard, il associa cette image et un souvenir de son enfance, quand il assista lors de bombardements à la chute d’un avion, dont les morceaux éclatés tombèrent du ciel « comme des volées d’oiseaux [8] ». Dès lors, le rapprochement entre la chute catastrophique de l’avion et l’action de décoller des affiches allait œuvrer en tant qu’unité sémantique au sein des productions de l’artiste, promues sous l’étiquette générique « dé-coll/age ». Cependant, alors que ce récit tire une part de sa valeur de la précocité de l’événement dans la carrière de l’artiste – Vostell juvénile, découvrant pour la première fois une ville sans ruines – , le doute plane quant au moment exact de la trouvaille de cet article. Dans le Paris des années 1950, la pratique du décollage d’affiches et le terme même circulaient déjà à travers l’activité des artistes Raymond Hains ou Jacques Villeglé, que Vostell identifia quelques années plus tard comme ses rivaux [9]. Ce n’est qu’en 1967 que Vostell – excellant par ailleurs dans l’art d’antidater certaines de ses créations [10], afin de prouver son originalité – ne se servira finalement de l’article du Figaro, en l’utilisant comme couverture du sixième et dernier numéro de sa revue Dé-coll/age. Bulletin aktueller Ideen. Il n’est donc pas à exclure qu’il s’agit simplement d’une construction rétroactive. Souvenir réel ou fictif, le cas se complique en regardant les moments initiatiques de ses deux contemporains.

Marqué par une jeunesse passée sur les plages de la Côte-d’Azur et par l’étude des écrits rosicruciens, Yves Klein forge à son tour une version poétique et spirituelle de sa prise de possession du bleu, qui allait devenir sa marque de fabrique :

« Alors que j’étais encore un adolescent, en 1946, j’allais signer mon nom de l´autre côté du ciel durant un fantastique voyage “réalistico-imaginaire”. Ce jour-là, alors que j’étais étendu sur la plage de Nice, je me mis à éprouver de la haine pour les oiseaux qui volaient de-ci, de-là, dans mon beau ciel bleu sans nuage, parce qu´ils essayaient de faire des trous dans la plus belle et la plus grande de mes œuvres [11]. »

Qualifié d’« acné de l’esprit [12] » par son ami d’enfance Claude Pascal, ce récit témoigne de la toute puissance que Klein n’avait de cesse de s’octroyer. La présence de ce passage dans la majorité de ses discours et écrits montre l’importance qu’il conférait à ce moment en tant qu’éveil de son âme d’artiste. Plus encore, alors qu’il n’avait pas encore touché à un seul pinceau à cette époque-là, ce « souvenir » le donne à voir comme le créateur d’un chef-d’œuvre : à la fois parfaite, monumentale, et purement conceptuelle. Poursuivant cette narration de ses aventures extraordinaires, Klein défendait à partir de 1960 notamment la véracité de son Saut dans le vide, ce fameux photomontage réalisé par Harry Shunk et John Kender, pour lequel l’artiste, ayant sauté d’un toit de maison, s’était fait rattraper par un tissu tendu par des mains fortes de pompiers [13]. Se vantant de sa force physique et de l’importance spirituelle de l’événement, l’artiste essaya à plusieurs reprises devant des amis de prouver l’authenticité de son saut. Il sauta sans succès d’un escalier et d’une table à la galerie Rive Droite [14].

D’une valeur encore plus déterminante pour son œuvre artistique, le récit de Joseph Beuys de sa chute d’avion en Crimée pourrait aussi être qualifié de « réalistico-imaginaire ». Membre de la Jeunesse Hitlérienne au moins depuis l’âge de quinze ans, le jeune Beuys se porte volontaire après l’obtention de son baccalauréat, afin de faire une carrière de pilote de la Luftwaffe. Rappelons qu’il finira en 1945, couronné des plus hautes décorations militaires, avec le grade de maréchal en tant que parachutiste sur le front Ouest. L’événement traumatisant de sa chute en STUKA s’est déroulé le 16 mars 1944. À plusieurs reprises, l’artiste en a donné sa version :

« Sans les Tartares, je ne serais plus en vie aujourd’hui. C’étaient les nomades de Crimée qui vivaient dans le no man’s land entre les fronts russe et allemand. Ils m’étaient déjà familiers car je les avais souvent rejoints et m’étais assis avec eux dans leurs campements. Leur vie nomade m’a beaucoup attirée, même si leur liberté géographique était bien sûr déjà contrainte. Puis, lorsque les troupes de l’armée allemande avaient déjà abandonné ma recherche, ils m’ont découvert dans la neige après la chute de ma machine. J’ai été encore inconscient et n’ai retrouvé la conscience qu’au bout de douze jours. Les souvenirs de ces événements sont des images qui m’ont marqué très profondément [15]. »

Intervient alors le moment mystique de la guérison à l’aide de la graisse, le corps invalide enroulé dans du feutre et bercé par des chants de chamane. Pourtant, il est aujourd’hui admis que ce séjour de convalescence d’une douzaine de jours ne s’est pas déroulé dans une hutte de Tartares, mais bel et bien dans le lit d’un hôpital militaire allemand, installé provisoirement près de Kruman-Kemektschi, auquel Beuys fut admis dès le lendemain de sa chute [16]. Ce sont les infirmiers allemands qui ont recouvert son corps blessé avec une couverture en feutre, qui faisait partie de l’équipement ordinaire des camps militaires allemands. Ce qui reste néanmoins de cet événement-clef de la biographie de l’artiste est l’image forte et dramatique d’une expérience oscillant entre la vie et la mort, qui semble réveiller en l’artiste ses origines les plus enfouies, tout comme il a déjà été reconnu avant sa chute par les Tartares comme un des leurs [17]. De manière édifiante, ce récit, largement exploité par l’historiographie, a permis de faire dévier l’attention de l’implication de l’artiste dans le national-socialisme, et aussi de l’instrumentalisation des Tartares par les Nazis en tant que collaborateurs, au profit de l’image dépolitisée d’une guérison magique à l’aide de rites alchimiques ancestraux. Aussi différents que se présentent ces épisodes initiatiques, ils ont tous en commun de narrer un moment extraordinaire après lequel la vie, en tout cas artistique, ne sera plus comme avant.

 

C’est l’habit qui fait l’artiste

Afin de se distinguer de la masse et pour étayer son discours singulier, l’artiste soigne son apparence, en commençant par établir une sorte d’iconographie à l’aide de l’habit. On constate rapidement que Klein opte pour des costumes différents selon les occasions, qui peuvent valoir pour déguisements – que l’on pense au smoking avec nœud papillon de ses actions publiques, telles que la présentation des Anthropométries ou sa conférence à la Sorbonne, ou à son uniforme de l’ordre des archers de Saint Sébastien. Dans ce dernier cas, l’habit est chargé d’un message mystique qui dépasse la seule appartenance à un ordre communautaire. Alors que sa pensée, abondamment diffusée à travers ses écrits, se caractérise par un amalgame de spiritualité issu des pensées rosicruciennes, catholiques et extrême-orientales dues à sa pratique du judo, ses mises en scènes vestimentaires presque folkloriques lui permettent d’investir des rôles allant du dandy au preux chevalier, voire au vampire. Selon une anecdote rapportée par sa veuve, il aurait ainsi erré une fois dans les rues, déguisé en vampire avec de fausses dents et sa cape de l’ordre de Saint Sébastien. Le lendemain, elle aurait découvert deux points rouges sur son cou et lui aurait posé la question de leur provenance. Il aurait répondu : « N’aie pas peur, j’ai juste bu un peu de sang. Je suis un vampire qui va mourir de faim. [...] C’est important de flirter avec le diable pour qu’il n’ait pas de pouvoir sur toi [18] ». L’artiste se met en scène en être surnaturel se livrant à des processions nocturnes. Le pouvoir limité de ses œuvres d’art face à un public méfiant se transforme, par le processus enfantin du déguisement, en une superpuissance du personnage de l’artiste qui crée sa propre légende.

Sur un autre mode, mais également d’une grande force symbolique, Vostell se présente ostensiblement depuis les années 1960 comme un membre de la communauté juive. Si les types de chapeaux varient, il porte souvent un manteau noir et se laisse pousser des boucles – les pajess – et une barbe. Au côté de Beuys, il fut le premier artiste allemand à avoir thématisé dans son œuvre l’Holocauste, dès la fin des années 1950, en organisant des happenings radicaux qui amenaient ses spectateurs dans des gares de fret, des salles de douches communes ou dans des abattoirs. S’il se donne à voir dans ces actions, selon Bazon Brock, comme un « barbare [19] » – le choc brutal causé chez le spectateur devant garantir l’efficacité de son art – , il adopte une apparence juive, sans forcément l’être [20]. Il se dégage ainsi un jeu identitaire qui confère une autorité incontestable à sa mission de l’Aufklärung.

Quant à Beuys, inutile d’insister sur son apparence. Il a été, parmi les trois artistes, le plus fidèle à ses vêtements depuis le début des années 1960 : un patchwork d’associations extrêmement sophistiqué [21]. Alors que son chapeau en feutre de la marque anglaise Stetson faisait écho à Humphrey Bogart ainsi qu’à son matériau plastique fétiche (le feutre), son pantalon, le Blue Jeans, semblait une référence décontractée aux États-Unis d’un Elvis, portraituré par son ami Warhol, le tout couronné, sur son éternelle chemise blanche, de sa veste mi-pilote, mi-pêcheur, fabriquée par son épouse Eva. Rarement, un vêtement a su combiner à la fois l’association à la nature et à l’uniforme. Révolutionnaire politique et militant écologique, Beuys avait reçu sa première formation à la Luftwaffe par Heinz Sielmann, réalisateur célèbre de documentaires animaliers. C’est lui qui attira l’attention du futur artiste sur la botanique et la zoologie et qui montra par là même qu’engagement militaire et intérêt écologique n’étaient pas forcément antinomiques.

 

Magiciens, martyrs, … mythomanes ?

Force est de constater que ces artistes empruntent tour à tour des stratégies publiques – allant de la simple provocation au scandale savamment orchestré – qui vont de pair avec des discours où la déformation de la réalité intervient au profit d’une narration unie et mythologisante. Sans pouvoir dresser ici un bilan détaillé des différents discours et actions, il convient d’en approfondir certains détails. Bien que, du point de vue de leurs positions politiques, Beuys, Klein et Vostell se trouvent aux antipodes et divergent quant à leur engagement, ils ambitionnent tous les trois de changer non seulement le monde de l’art, mais le monde tout court. Ils témoignent tous d’une approche hypertrophiée de la créativité artistique qui serait in fine le seul moyen, « la seule force révolutionnaire [22] », selon Beuys, pour y parvenir. De manière significative, ils cherchent à éveiller les consciences et poursuivent des missions pédagogiques qui doivent toutes aboutir dans la création d’une « académie idéale [23] ». Alors que Vostell œuvre cependant comme un éducateur démystificateur, Klein et Beuys ont recours au rituel où ils se présentent, malgré le principe égalitaire de leurs visions pédagogiques, comme des prophètes, si ce n’est comme des figures christiques qui se distinguent toujours de la masse. Même Vostell, en réincarnant la figure du Juif errant, maudit et hué par la société, se présente aussi comme un martyr. Témoignant d’un usage tout à fait conscient de ces différents rôles, Beuys souligne notamment : « J’utilise cette figure pour exprimer quelque chose du futur, en disant que le chamane représentait la capacité d’unir des contextes et matériels et spirituels [24] ».

En chamane, Beuys préconise une sorte de cure homéopathique fondée sur les théories de Rudolf Steiner, tandis que Klein se sacrifie au nom des péchés du monde de l´art. Des péchés qui, selon lui, consistent notamment dans le fait de favoriser la peinture abstraite divulguée par l´École de Paris, et, bien sûr, dans la méconnaissance, allant parfois jusqu´au mépris, de son œuvre par la critique. En avril 1958, à l’occasion de son exposition du Vide chez Iris Clert, Klein avait déjà souligné dans un discours franchement messianique son intention, selon laquelle il « désire faire de la France une vision immédiate et rayonnante[25] », afin de la libérer des « miasmes d’une horrible France verte, rouge et grise, d’une France lépreuse[26] ». La sensibilité immatérielle intervient alors en tant qu’offrande de l’artiste qui s’y incarne. En 1960, son Saut dans le Vide semble représenter l’aboutissement symbolique de son sacrifice et lui confère sans aucun doute un « caractère angélique[27] ». Si le monde est alors perçu comme malade, il faut des êtres présumés supérieurs, des guérisseurs, pour ne pas dire des artistes qui s’auto-investissent, afin de libérer la société de ces maux, grâce à des projets totalisants d’un avenir meilleur.

Et pourtant, il s’avère finalement que, comme chez leurs prédécesseurs des premières avant-gardes, leurs missions sociales et politiques ont témoigné d’une efficacité pour le moins relative. L’élargissement ou le dépassement de la problématique de l’art, fidèle à la formule de Vostell « art = vie », s’est systématiquement heurté aux limites mêmes imposées par le monde de l’art. L’autorité que la société accorde réellement à l’artiste reste circonscrite au domaine esthétique. Ses pouvoirs soi-disant supérieurs, son destin « hors du commun » ne se fondent que sur une sorte de pseudo-autorité qui nourrit un seul aspect de la vie sociale dépassant le monde artistique : l’économie.

Antje Kramer


[1] Die Legende vom Künstler. Ein geschichtlicher Versuch [1934], Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1980.
[2] Ausstellungskünstler. Kult und Karriere im modernen Kunstsystem, Cologne, DuMont, 1997. Notre étude part également des actes du colloque Kultfigur und Mythenbildung. Das Bild vom Künstler und sein Werk in der zeitgenössischen Kunst [dir. Michael Groblewski et Oskar Bätschmann], Berlin, Akademie-Verlag, 1993.
[3] De manière symptomatique, la peinture des premières années de l’après-guerre, en particulier en Allemagne, a fait montre d’un retour aux sujets mythologiques. Que l’on pense au cycle Gilgamesh de Willi Baumeister, à la série Prometheus d’Ernst Wilhelm Nay et aux nombreux tableaux aux titres aussi évocateurs du groupe Zen 49, ce recours à l’imagerie des mythes grecs et judéo-chrétiens a permis de s’inscrire dans la continuité d’une histoire plus ancienne, afin de dépasser les eaux troubles d’une époque qui appelait bien au contraire à une rupture.
[4] Paul Veyne, Comment on écrit l’histoire, Paris, Éditions du Seuil (collection « points histoire »), 1971, p. 10.
[5] Joseph Beuys cité dans Max Reithmann, Joseph Beuys : La mort me tient en éveil, Toulouse, 1994, p. 17.
[6] Nous faisons ici référence au chapitre que Ernst Kris et Otto Kurz consacrent à « La découverte du talent comme motif mythologique ». Cf. op. cit., p. 52-64.
[7] Wolf Vostell, texte sans titre, dans Dufrêne-Hains-Rotella-Villeglé-Vostell (dir. Siegfried Cremer), Stuttgart, Staatsgalerie, 1971, n.p.
[8]Vostellet Allan Kaprow, « The Art of the Happening », dans Jürgen Becker & Wolf Vostel [dir.)] Happenings, Fluxus, Pop Art, Nouveau Réalisme. Eine Dokumentation, Reinbek, Rowohlt, 1965, p. 403.
[9] Au sujet de la circulation du terme « décollage » et des conflits entre les affichistes et Vostell notamment, voir Antje Kramer, Les Nouveaux Réalistes en Allemagne : réalités et fantasmes d’une néo-avant-garde européenne (1957-1963), thèse de doctorat sous la direction de Pierre Wat, Université de Provence Aix-Marseille I, 2009, vol. I, p. 211-215.
[10] Comme l’a montré notamment l’analyse méticuleuse d’Edith Decker par rapport à l’intégration de postes de télé dans ses œuvres, Vostell a entièrement réécrit la chronologie de cette production. Cf. Paik vidéo, Cologne, DuMont, 1988, p. 41-53. 
[11] Yves Klein, « Manifeste de l’hôtel Chelsea », traduit de l’anglais par l’éditeur, dans Didier Semin et Marie Anne Sichère [dir.], Yves Klein. Le dépassement de la problématique de l’art et autres récits, Paris, École Nationale Supérieure des Beaux-Arts, 2003, p. 310.
[12] Claude Pascal, « Préface à une petite mort », Paris, 1960, tapuscrit, double notamment conservé aux archives du Kaiser-Wilhelm-Museum, Krefeld, pièce jointe à la correspondance entre Yves Klein et Paul Wember.
[13] Sidra Stich, Yves Klein, Stuttgart, Cantz, 1994, p. 220.
[14] Les témoins de l’époque, comme l’architecte Claude Parent, se souviennent de son pouvoir de persuasion : « Il a bel et bien réussi à me convaincre qu’il a fait le saut dans le vide sans aide », témoignage rapporté par Annette Kahn, Yves Klein. Le maître du bleu,  Paris, Éditions Stock, 2000, p. 323.
[15] Beuys dans un entretien transmis en 1994 par la chaîne de télévision Arte, passage cité par Beat Wyss, Nach den grossen Erzählungen, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 2009, p. 109-110.
[16] Cf. Benjamin H. Buchloh, « The Twilight of an Idol. Preliminary Notes for a Critique », Artforum, vol. XVIII, n° 5, janvier 1980, p. 35-43. Voir également par rapport à une déconstruction plus vaste de la légende de Beuys Frank Gieseke et Albert Markert, Flieger, Filz, Vaterland. Eine erweiterte Beuys-Biographie, Berlin, Elefanten Press, 1996.
[17] Alors que Beuys lui-même a parlé relativement peu de cet épisode, qui lui avait inspiré, selon lui, son vocabulaire plastique, ses biographes s’en sont servis à maintes reprises pour approfondir la portée mystique de son œuvre, résultante de ce choc extraordinaire. Voir à ce propos aussi la comparaison des différentes biographies de Beuys, proposée par Rolf Famulla, Joseph Beuys : Künstler, Krieger und Schamane. Die Bedeutung von Mythos und Trauma in seinem Werk, Giessen, Psychosozial-Verlag, 2009, p. 29-35. 
[18] Témoignage de Rotraut Klein-Moquay cité en allemand par Sidra Stich, Yves Klein, Londres, Stuttgart, Hayward Gallery, Cantz, 1994, p. 184 [traduction de l’auteur].
[19] Bazon Brock, Der Barbar als Kulturheld. Ästhetik des Unterlassens – Kritik des Unterlassens – wie man wird, der man nicht ist. Gesammelte Schriften, t. III, Cologne, DuMont, 2002, p. 242.
[20] Ibid. Quant à ses racines, Vostell a toujours brouillé les pistes, de sorte qu’il est cependant impossible, sans engager de recherches généalogiques sérieuses, de réfuter entièrement sa judaïté.
[21] Voir à ce propos l’analyse extrêmement détaillée de Michael Groblewski, « … eine Art Ikonographie im Bilde », in Kultfigur und Mythenbildung…, op. cit., p. 37-68.
[22] Beuys cité par Verena Krieger, Was ist ein Künstler ? Genie – Heilsbringer – Antikünstler, Cologne, Deubner-Verlag, 2007, p. 91.
[23] Alors que Klein rêvait de créer une « École de la sensibilité » avec son ami Werner Ruhnau, Vostell s’intéressait en 1969 à la création d’une « académie idéale » qu’il imaginait sous forme d’un laboratoire de happenings mobile, d’un « convoi », qui devait se déplacer d’une ville à l’autre. À son tour, Beuys, en tant que professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Düsseldorf, causa des scandales à plusieurs reprises jusqu’à son licenciement prononcé en 1972. Son implication d’éducateur allait de pair avec un engagement politique qui initia, entre autres, la fondation d’un parti politique d’étudiants (Deutsche Studentenpartei) en 1967.
[24] Beuys cité par V. Krieger, op. cit., p. 91.
[25] Yves Klein, « Discours prononcé après le vernissage de l’époque pneumatique », in  Didier Semin et Marie Anne Sichère, op. cit., p. 97.
[26] Ibid.
[27] Laurence Bertrand Dorléac, L’Ordre sauvage. Violence, dépense et sacré dans l’art des années 1950-1960, Paris, Gallimard, 2004, p. 105.


Pour citer cet article :
Antje Kramer, « Beuys, Klein, Vostell : figures de culte et créations de légendes après 1945 » in Image de l'artiste, sous la direction d'Éric Darragon et Bertrand Tillier, Territoires contemporains, nouvelle série - 4 - mis en ligne le 3 avril 2012.
URL : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/publications/image_artiste/Antje_Kramer.html
Auteur : Antje Kramer
Droits : © Tous droits réservés - Ce texte ne doit pas être reproduit (sauf pour usage strictement privé), traduit ou diffusé. Le principe de la courte citation doit être respecté.


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