Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin"
UMR 7366 CNRS-uB
Territoires contemporains


Écrire l’histoire du théâtre. L’historiographie des institutions lyriques françaises (1780-1914)
Albert Soubies et Charles Malherbe : contributions à l’histoire de l’Opéra-Comique
Cécile Reynaud
Résumé | Mots-clés | Sommaire | Texte | Auteur | Annexes | Notes | Références | Outils
RÉSUMÉ
Cet article traite de plusieurs ouvrages écrits sur l’Opéra-Comique au tournant des xixe et xxe siècles. Il s’arrête en particulier sur les livres d’Arthur Pougin, Albert Soubies et Charles Malherbe. Les préfaces des ouvrages sont analysées pour comprendre les intentions historiques qui animent ces auteurs. Sur quelles sources travaillent-ils ? Quelles sont les places respectives de la compilation d’autres ouvrages et de l’analyse du document original ? Une attention particulière est portée à l’Almanach des spectacles édité par Soubies à partir de 1874, et à son utilisation.
MOTS-CLÉS
Mots-clés : Opéra-Comique ; Almanach des spectacles ; Charles Malherbe ; Albert Soubies ; démarche historique
Index géographique : France
Index historique : xixe-xxe siècle
SOMMAIRE
I. Histoires de l’Opéra-Comique dans la 1ère moitié du xixe siècle
II. Arthur Pougin
III. Albert Soubies
IV. Charles Malherbe
V. Le Précis d’histoire de l’Opéra-Comique
VI. La démarche historique dans l’Histoire de l’Opéra-Comique
VII. Utilisation des sources
VIII. L’Almanach des spectacles : démarche et utilisation

TEXTE

I. Histoires de l’Opéra-Comique dans la 1ère moitié du xixe siècle

Dans le dernier quart du xixe siècle, les monographies sur l’Opéra-Comique se multiplient [1] : l’érudition de la période précédente [2] en est l’une des causes, comme la crise politique de la Commune qui rend nécessaire de reconsidérer l’état de chaque théâtre ; l’influence enfin des drames vécus par l’Opéra-Comique, victime d’un incendie meurtrier en 1887, peut expliquer cette envolée des publications.

L’incendie est par exemple donné comme cause de l’écriture du livre d’Alfred Soubies et Charles Malherbe [3] : « À l’heure où l’Opéra-Comique n’est plus qu’une ruine, le souvenir du passé se présente de lui-même à l’esprit ; on revoit ce théâtre brillant, cette salle coquette et l’on se plaît à relire tout ce qui touche à l’histoire d’une scène que tant de chefs-d’œuvre ont illustrée. » Un autre érudit, Arthur Pougin, lui, s’intéresse à l’Opéra-comique pendant un autre temps de crise, la période révolutionnaire et s’interroge sur le rôle de ce théâtre au cœur des événements : « […] quand par exemple l’Opéra Comique est obligé de fermer ses portes pendant une semaine à cause des événements […] ; quand il donne des représentations au bénéfice des victimes et des orphelins de la journée du 10 août […] ; quand le peuple vient arracher ses affiches et interdire son spectacle [4] […]. »

Ces trois noms sont fondamentaux dans l’écriture de l’histoire de l’Opéra-Comique à la fin du xixe siècle. Tous ont également un rôle central dans la presse musicale de l’époque, où ils transmettent également leur savoir sur l’institution qui nous intéresse.

II. Arthur Pougin

Arthur Pougin, fils de comédiens, est élève du Conservatoire de Paris en violon puis suit des cours de contrepoint et d’harmonie [5]. Il est surtout journaliste. Les « suppléments » rédigés entre 1878 et 1880 de la Biographie universelle de Fétis publient un article sur Pougin (probablement rédigé par lui-même, qui était directeur de la publication de cet ouvrage) :

En 1860, Pougin entra comme rédacteur politique au journal L’Opinion nationale, qui venait de se fonder. Dans le même temps, informé qu’une place de violon était vacante à l’orchestre de l’Opéra-Comique, il prenait part au concours ouvert à cet effet et l’emportait sur ses rivaux. Son but, en entrant à ce théâtre, était d’apprendre à connaître les œuvres de l’école musicale française, d’étudier de près les procédés des maîtres, leur harmonie, leur instrumentation, la nature de leur conception générale. Il songeait ainsi à se familiariser, de la façon la plus pratique et la plus sûre, avec des œuvres et des artistes qui l’intéressaient d’autant plus que, dès cette époque, il avait conçu le projet de s’attacher spécialement à retracer l’histoire […] des artistes qui avaient contribué à la gloire de son pays [6].

III. Albert Soubies

Albert Soubies (1846-1918), a lui aussi été élève du Conservatoire de Paris, en classes d’harmonie et d’orgue. Son activité de journaliste est importante : il est notamment rédacteur musical du Soir sous le pseudonyme de B. de Lomagne. Il est possible de lier son intérêt pour les histoires nationales de la musique [7] avec la passion qu’il développa pour l’histoire de l’Opéra-Comique, théâtre par excellence du goût national. Nous reviendrons sur l’un des travaux les plus emblématiques de Soubies pour les questions d’historiographie : il se lance dans la publication de l’Almanach des spectacles [8] en 1874, qu’il conçoit comme la suite de l’Almanach Duchesne [9].

IV. Charles Malherbe

On connaît une partie de sa biographie par les articles nécrologiques qui parurent au lendemain de sa mort en 1911 [10]. Ces articles soulignent les liens familiaux de Charles Malherbe avec le milieu musical. La revue SIM, du 15 novembre 1911, en offre une synthèse : « Les journaux nous ont appris qu’il était par sa mère, née Mozin, de la famille de Théodore Mozin (1766-1850)  et de Désiré-Théodore Mozin, second Prix de Rome en 1841 et professeur d’harmonie au Conservatoire. Il se trouvait en outre, petit-neveu d’une célèbre chanteuse du Théâtre Italien du xviiie siècle, Mme Laruette [11] ». Malherbe lui-même fut élève au Conservatoire, et surtout devint, de façon bénévole, l’archiviste-bibliothécaire de l’Opéra de Paris.

La fortune familiale de Malherbe lui permet apparemment de se consacrer à la composition, à l’écriture musicographique et à la constitution de sa collection. Il publie donc en 1887, avec Albert Soubies, un Précis de l’Histoire de l’Opéra-Comique [12]. En 1891,  tout en collaborant au Monde Artiste, il écrit, toujours avec Soubies,  une histoire de la seconde salle Favart, qui paraît en 1892 [13] après avoir été publiée en feuilletons dans la presse : Malherbe devient archiviste de l’opéra après la mort de Nuitter en 1899. Lui-même compose – un opéra comique est mentionné dans ses lettres : « [… ] la composition musicale a quelque peu pâti, et je n’ai trouvé encore l’occasion de donner d’importants signes de vie. Mon opéra comique en trois actes [14] que j’ai là dans mes cartons en sortira peut-être cet hiver […] [15] . »

Plusieurs ouvrages sont le fruit de la collaboration de ces deux musicographes : pour étudier la démarche historique qui les a guidés on va se concentrer dans un premier temps sur les préfaces des auteurs, et quand il y en avait, sur les documents cités, dans le texte ou en note, les sources dont ces historiens se sont servis.

V. Le Précis d’histoire de l’Opéra-Comique

Le Précis d’histoire de l’Opéra-Comique, paru en 1887, après l’incendie de la salle, témoigne en particulier dans sa Préface, de la sorte d’historiens que souhaitent être les deux auteurs. Leur rôle sera tout d’abord celui de maintenir la mémoire vivante.

La Préface du Précis de 1887 écrit ainsi :

Le 25 mai 1887 le feu ruinait de fond en comble cet édifice si bien garanti […].

À l’heure où l’Opéra-Comique n’est plus qu’une ruine, le souvenir du passé se présente de lui-même à l’esprit ; on revoit ce théâtre brillant, cette salle coquette, et l’on se plaît à relire tout ce qui touche à l’histoire d’une scène que tant de chefs d’œuvre ont illustrée. L’émotion, causée par le sinistre, a réveillé la curiosité. […] L’idée nous est venue alors de rappeler en quelques pages où l’ancien avait été et ce qu’il avait fait [16].

La tâche est d’autant plus nécessaire que le terrain est vide et que cette mémoire va se perdre faute d’ouvrages :

Il faut croire que la tâche est moins aisée qu’on ne le supposerait d’abord, puisque nulle histoire complète de l’Opéra-Comique n’a paru jusqu’à ce jour. Nous n’avons que des travaux isolés sur certaines périodes spéciales ou des monographies sommaires dont les auteurs  ne se piquent pas toujours de précision [17].

L’ambition de Soubies et Malherbe est donc de constituer un travail non pas isolé, mais cohérent sur l’ensemble de l’histoire de l’institution. On peut comprendre la place de ce Précis dans la succession des histoires de l’Opéra-Comique, et la méthode qu’il met en œuvre par les  références bibliographiques données et les diverses sources étudiées : le Précis cite peu de sources, mais le fait à propos des appellations données à l’Opéra-Comique. On lit sur le nom « Comédie italienne » auquel se substitue celui d’Opéra-Comique : « Mais l’usage ancien prévalut pendant plusieurs années encore. Les almanachs des spectacles, source précieuses, car c’est à quelques égards un miroir où se reflètent les habitudes artistiques de l’époque, nous montrent le peu de fixité des dénominations adoptées [18]. »

VI. La démarche historique dans l’ Histoire de l’Opéra-Comique

Dans leur second ouvrage commun, L’Histoire de l’Opéra-Comique. La seconde salle Favart, Soubies et Malherbe suivent la méthode employée dans le premier, en développant davantage leurs intentions :

La pensée d’écrire cet ouvrage nous est venue au lendemain même de la catastrophe du 25 mai 1887. Comme la première salle Favart, la seconde avait été réduite en cendres. C’était bien, semblait-il, le moment de rédiger ses annales, de dresser la liste des batailles gagnées ou perdues, d’évoquer le souvenir des auteurs et des interprètes applaudis ou dédaignés, de faire revivre en un mot, sous les yeux du lecteur, le théâtre que les flammes venaient d’anéantir.

Un scrupule nous retint tout d’abord. Nous crûmes qu’il faudrait moins de temps pour édifier ce théâtre que pour en raconter l’histoire ; ainsi devancés, nous nous exposions à parler au passé de ce qui aurait à peine cessé d’être le présent [19].

Ce second ouvrage apporte une nouveauté dans ses considérations sur le genre de l’opéra comique et sur ses transformations, liées, dans la pensée des auteurs, à l’histoire des salles. Il s’agit pour les historiens de capturer un moment éphémère où le genre se transforme :

[…] l’opéra-comique pourrait bien ne plus être dans l’avenir ce qu’il a été dans le passé. Déjà, à certains indices, on reconnaît qu’il se rapproche visiblement de l’opéra et s’éloigne de plus en plus du type primitif, la comédie musicale. Dans cette salle du Châtelet, son domicile actuel, où le Théâtre-Lyrique a jeté un si vif éclat, l’évolution se poursuit et s’achève ; mais elle a pris naissance près du boulevard des Italiens et ce seul fait donne à notre ouvrage un intérêt spécial. Ce n’est plus la simple histoire d’un monument que nous rédigeons ; c’est […] l’histoire même de l’opéra-comique tout entier [20].

La préface continue en donnant les grands principes qui structurent l’ouvrage : il envisagera une étude chronologie, la carrière des interprètes, l’étude du répertoire (livrets et partitions), le fonctionnement du théâtre (recettes et nombre de représentations), enfin la réception (journaux et souvenirs, et même entretiens avec des témoins encore vivants) :

[…] pour remplir ce cadre, il a fallu d’abord vérifier avec soin les dates ; suivre les ouvrages depuis l’instant de leur naissance jusqu’à celui de leur mort et les interprètes depuis le jour de leur début jusqu’à celui de leur départ ; compter le nombre des représentations et le chiffre des recettes ; relire des livrets et des partitions dont on ne connaît plus guère que le titre ; feuilleter les journaux contemporains ; compléter ces recherches par des souvenirs personnels ; répéter le moins possible ce que tout le monde savait déjà ; interroger au besoin les intéressés, mais avec précaution, car leur mémoire est souvent complaisante à ce qu’ils désirent montrer et rebelle à ce qu’ils voudraient cacher ; recueillir en un mot tout ce qui se rapporte aux hommes et aux choses pendant les 47 années que la seconde salle Favart a vécues [21].

VII. Utilisation des sources

Soubies et Malherbe indiquent leurs sources, de façon beaucoup plus développée que dans le Précis :

À ceux qui entreprendront un travail analogue pour l’histoire de notre temps, la tâche sera relativement aisée ; almanach des spectacles, annales du Théâtre et de la Musique, Soirées de l’orchestre et autres recueils diversement nommés, abondent et simplifient les recherches. Mais de 1840 à 1874 ces sources de renseignements font presque entièrement défaut. Les documents sont épars et l’on a peine à les rassembler pour en contrôler l’exactitude, condition essentielle d’un travail comme le nôtre, et que les plus soigneux ne peuvent jamais se flatter d’avoir absolument remplie.

Une circonstance nous donne pourtant quelque espoir. Notre travail a paru d’abord en feuilletons dans le Ménestrel […] Or, au cours de cette longue publication… les intéressés n’auraient pas manqué de signaler les erreurs [22].

Les sources revendiquées par les deux auteurs – les sources d’archives et almanachs [23] – sont aussi celles sur lesquelles s’appuient d’autres historiens contemporains de l’Opéra-Comique. Arthur Pougin par exemple les considère aussi comme une ressource pour ses recherches et consigne son explorations des archives de l’Opéra dans la préface de son ouvrage L’Opéra-Comique pendant la Révolution [24] :

Le dépouillement attentif des registres de caisse et d’administration de l’ancien théâtre Favart, registres dont je dois l’obligeante communication à l’excellent archiviste de l’Opéra, M. Charles Nuiter, m’a valu toute une mine de renseignements de toutes sortes qui, par leur abondance, leur sûreté, leur précision, m’ont donné l’idée du travail que je publie aujourd’hui, en me permettant de l’accomplir avec tous les caractères de l’authenticité la plus absolue [25].

VIII. L’Almanach des spectacles : démarche et utilisation

Il n’est pas étonnant que Malherbe et Soubies aient mis les almanachs au départ de leurs recherches. Albert Soubies en effet se lança à partir de 1874 dans l’édition d’un Almanach des spectacles : continuant l’ancien Almanach des spectacles publié de 1752 à 1815 [26]. Comme l’indique le titre, Soubies fait œuvre de continuateur : il prend la relève de l’Almanach des spectacles de Paris, ou Calendrier historique et chronologique des théâtres publié à Paris chez Duchesne et Moutardier entre 1800 et 1815 [27].

Soubies commence donc à publier son Almanach des spectacles dans la tradition des ouvrages qui ont précédé. La préface du premier tome de l’Almanach des spectacles entend continuer une œuvre déjà commencée et placer ainsi l’histoire des théâtres, dont celle de l’Opéra-Comique, dans une continuité.

Au milieu du siècle dernier, un éditeur se proposa de publier chaque année le plus de renseignements intéressants qu’il pourrait réunir sur l’histoire des théâtres de Paris. À cette publication il donna le nom d’almanach des spectacles. La collection complète, qui comprend 48 volumes, en est rare aujourd’hui, et la faveur dont elle jouit nous a engagés à la continuer, sauf à apporter au plan de nos devanciers certaines modifications nécessaires [28].

L’entreprise de Soubies prend une tournure particulière : il va décrire le fonctionnement des théâtres de la façon la plus détaillée possible, sous la forme de listes et non en rédigeant une histoire problématisée. L’une des particularités de son entreprise est de placer les théâtres de Paris au centre, laissant de côté les scènes de province :

Nous nous attachons tout spécialement à l’historique des théâtres de Paris. C’est Paris qui est à la tête du mouvement dramatique, qui le dirige et qui met en pleine lumière les œuvres remarquables. En province, le théâtre, à quelques exceptions près, se présente sans caractère nettement déterminé ; il reflète nos succès et souvent même nos insuccès. Nous nous contenterons donc de donner la liste aussi complète que possible des pièces nouvelles jouées sur les théâtres des départements [29].

L’almanach prend la forme d’une encyclopédie des spectacles, Soubies désirant rendre compte de la façon la plus complète possible du fonctionnement des institutions : il inclut donc des inventaires des pièces nouvelles, les noms des principaux acteurs et envisage même une partie critique :

Nous énumérerons les pièces nouvelles jouées dans tous les théâtres de Paris, grands et petits, en nous souvenant que les renseignements recueillis par nous sont destinés à prendre de la valeur à distance. […] À la nomenclature des pièces représentées nous joindrons les noms des principaux acteurs. Pour éviter de froisser les susceptibilités et pour expliquer certains oublis, nous devons avertir nos lecteurs que, sous cette dénomination d’acteurs principaux, nous signalons simplement les artistes que la critique a le plus généralement remarqués [30].

Soubies entend construire, par l’accumulation des informations, une véritable encyclopédie des théâtres : il veut donner un « tableau fidèle du mouvement théâtral », auquel il songe à adjoindre une partie critique « où les amateurs retrouveraient la plupart de leurs impressions et où les curieux pourraient suivre les progrès et les tendances de l’art [31]. » Dès le deuxième volume de son Almanach, il introduit les listes des « lauréats des concours de chant et de drame du Conservatoire, ainsi qu’une liste plus méthodique et aussi complète que possible de tous les ouvrages nouveaux dont la publication intéresse les amateurs de théâtre [32] ».

Un rapide aperçu de la partie réservée à l’Opéra-Comique [33] dès le premier tome de l’Almanach, complété par les annexes documentaires sur la vie des théâtres parisiens permet de saisir l’ambition des auteurs. Les pages consacrées à l’Opéra-Comique présentent [34] : une fiche signalétique du théâtre (dates, adresse, caractéristiques de la salle) ; « Administration » (identification des principaux responsables et administrateurs) ; « Orchestre » (identification des chefs et du premier violon, nombre de musiciens) ; « Artistes » (artistes lyriques attachés à l’Opéra-Comique) ; « Liste des pièces représentées pendant l’année 1874 » (pièces nouvelles, pièces du répertoire, avec date de la première pendant l’année en cours) ; « Faits divers. Premières. Reprises et débuts ». Le volume annuel se termine par une partie de « Documents concernant le théâtre [35]  » :

I. Liste des membres de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques.
Admission de membres nouveaux.

II. Liste des écrivains chargés de la critique théâtrale dans les journaux et les revues de Paris. (p. 163-165 ; précise le nom des « anonymes » et celui des critiques spécialement chargés de la musique)

III. Décrets divers. (p. 166-167)

IV. Concours et prix. (p. 168-169)

V. Bibliographie. (p. 170-176)

VI. Nécrologie. (p. 177-178)

Soubies, qui utilisera les données de l’Almanach dans l’Histoire de l’Opéra Comique [36] écrite avec Malherbe, a conscience d’être déjà en train d’élaborer l’écriture de cette histoire lorsqu’il met au point les premiers volumes de l’Almanach des spectacles. Constituant, en 1892, le premier volume des « tables » de son Almanach, il exprime son rôle d’historien en prétendant écrire un Dictionnaire des théâtres :

La table que nous publions aujourd’hui est le premier travail de ce genre qu’on ait encore entrepris.

Les auteurs des almanachs, des annales et des annuaires dramatiques édités jusqu’à présent, ont toujours reculé devant le labeur et la difficulté d’une tâche qui en est cependant le complément indispensable et comme la clé de toute publication de cette sorte. Nous avons tenu à remplir cette tâche, tout aride et toute fatigante qu’elle nous ait paru. Grâce à cette table, qui forme un véritable dictionnaire du théâtre contemporain, il sera facile de se guider à travers les dix-huit volumes dont se compose actuellement la collection de nos Almanach de Spectacles [37].

L’entreprise d’Albert Soubies est concomitante de la parution de plusieurs histoires de l’Opéra-Comique, suivant de près la catastrophe de 1887. Pougin, Malherbe, en collaboration avec Soubies lui-même, construisent des ouvrages explicitement fondés sur la lecture de documents d’archives, et sur des analyses quantitatives liées à l’histoire des salles de spectacle : la publication de l’Almanach des spectacles, depuis 1874, rend ces études comparatives possibles, en tout cas plus aisées, pour la période contemporaine des auteurs. La méthode énoncée par Soubies dans les préfaces des volumes de l’Almanach était explicite : la multiplication des documents livrés aux lecteurs, multipliant les points de vue sur les institutions théâtrales, faisaient de sa publication une véritable encyclopédie, un « dictionnaire » des théâtres. Dans la préface de l’Histoire de l’Opéra comique, les deux auteurs détaillent leurs ambitions d’historiens [38]. Les richesses de l’Almanach des spectacles les guident : il s’agit de « vérifier les dates », « suivre les ouvrage […] et les interprètes » du début à la fin, « compter le nombre des représentations » et le « chiffre des recettes », « relire des livrets et des partitions », « feuilleter les journaux contemporains ». Le geste de l’historien ne s’arrête pourtant pas là : « il ne suffit pas d’amasser des matériaux : il s’agit de les présenter avec ordre, de dissimuler le plus possible des énumérations fastidieuses […] de maintenir la variété des transitions des rapprochements. De là, par exemple, le système que nous avons adopté pour la division des chapitres, sacrifiant parfois l’égalité de la mesure à l’intérêt des groupements […] [39]. »

AUTEUR
Cécile Reynaud
Directrice d’études en musicologie
École Pratique des Hautes Études, SAPRAT-EA 4116

ANNEXES
Bibliographies
Bibliographies : ouvrages sur l’Opéra-Comique contemporains de Charles Malherbe et Albert Soubies / œuvres écrites en collaboration par Albert Soubies et Charles Malherbe

NOTES
[1] Voir annexe.
[2] Germanus Lepic, « Des privilèges d’exploitation théâtrale, à propos d’un second théâtre d’opéra-comique », Revue et Gazette musicale de Paris, 14 août 1842, p. 333-335. Édouard Fétis : « Origines et révolutions de l’opéra-comique », Revue et Gazette musicale de Paris, 15 et 22 décembre 1839, 26 janvier, 13, 19 et 23 février, 15 et 26 mars 1840. Édouard Fétis, « Revue d’un demi siècle : l’Opéra Comique de 1830 à 1850 », Revue et Gazette musicale de Paris, 3, 10, 17 novembre 1850. A. Thurner, Les Transformations de l’Opéra-comique, Paris, librairie Castel, 1865. Alphonse Thurner et Félix Crozet, Revue de la musique dramatique en France contenant un essai abrégé de l’histoire de l’opéra, des notices par ordre alphabétique de tous les opéras ou opéras comiques qui ont été représentés en France sur nos divers théâtres lyriques, y compris le Théâtre italien et enfin des notices aussi par ordre alphabétique, des compositeurs dont les œuvres ont été représentées en France avec la liste de tous leurs ouvrages, Grenoble, Librairie de Prudhomme, 1866.
[3] Albert Soubies et Charles Malherbe, Précis de l’histoire de l’Opéra-Comique, Paris, Dupret, 1887, préface, p. 6.
[4] Arthur Pougin, L’Opéra-Comique pendant la Révolution, de 1788 à 1801, d’après des documents inédits et les sources les plus authentiques, Paris, A. Savine, 1891, p. 6.
[5] Voir François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique. Supplément et complément, supplément 2, publié sous la direction d’Arthur Pougin, Paris, Firmin-Didot, 1878-1880 article « Pougin », p. 363-367.
[6] Ibid., p. 364. L’article  donne une liste non exhaustive des journaux auxquels il participa, tant du point de vue musical que politique : Le National, La Liberté, Le Bien public, La Cloche, Le Charivari, l’Histoire, l’Électeur libre, Le Mouvement (Bordeaux), La Discussion (Bruxelles). Il s’occupa aussi de questions littéraires.
[7] Le premier ouvrage traitant des musiques nationales semble être son Histoire de la musique bohême (1892). De nombreux titres se succèdent jusqu’à La musique dans la Grande Bretagne (1903) ; Musique russe et musique espagnole ; Histoire de la musique allemande ; Histoire de la musique. Hongrie ; Histoire de la musique. Portugal ; Histoire de la musique. Suisse, puis États scandinaves, Hollande, Belgique.
[8] Almanach des spectacles : continuant l’ancien Almanach des spectacles publié de 1752 à 1815, Paris, Librairie des bibliophiles, 1875-1915.
[9] Les Spectacles de Paris, ou Suite du Calendrier historique et chronologique des théâtres, Paris, Duchesne, 1754-1794.
[10] Voir Bulletin de la Société d’histoire du théâtre, septembre-octobre 1911, p. 240 ; Le Monde artiste, 14 octobre 1911, p. 645 ; Le Ménestrel, 14 octobre 1911, p. 325. Voir l’article de Cécile Reynaud, « La constitution d’un patrimoine national : le legs Charles Malherbe à la bibliothèque du Conservatoire de Paris », à paraître, publications de l’IReMus.
[11] S.I.M. Revue musicale mensuelle, 15 novembre 1911, p. 1. Allocution prononcée par Jules Écorcheville.
[12] Albert Soubies et Charles Malherbe, Précis de l’histoire de l’Opéra-Comique, Paris, A. Dupret, 1887.
[13] Soubies et Malherbe, Histoire de l’Opéra-Comique. La seconde Salle Favart (1840-1860), Paris, Librairie Marpon et Flammarion, 1892.
[14] Sans doute Cendrillon, ballet pantomime en trois tableaux, BnF Musique [X-575.
[15] BNF BMO, [LAS Malherbe Charles 23, 20 août 1891, à un destinataire inconnu.
[16] Soubies et Malherbe, Précis de l’histoire de l’Opéra-Comique, op. cit., préface, p. 6.
[17] Ibid., p. 7.
[18] Précis de l’histoire de l’Opéra-Comique, op. cit., note p. 33-34.
[19] Albert Soubies et Charles Malherbe, Histoire de l’Opéra-Comique. La seconde salle Favart. 1840-1860 ; [1860-1887], Paris, Librairie Ernest Flammarion, 1892-1893, préface, p. v.
[20] Ibid., p. vii.
[21] Ibid., p. ix.
[22] Ibid., p. ix-x.
[23] Ibid., p. 92, p. 132.
[24] Voir Arthur Pougin, L’Opéra-Comique pendant la Révolution, de 1788 à 1801, d’après des documents inédits et les sources les plus authentiques, Paris, A. Savine, 1891. Pour l’utilisation des almanachs, voir Almanach général des spectacles, op. cit., p. 41, Spectacles de Paris, op. cit., p. 91.
[25] Ibid., p. 7.
[26] Paris, Librairie des bibliophiles, 1875-1915 ; 44 volumes dont 3 de tables. Description bibliographique des tomaisons et des collaborateurs : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344726304.
[27] Cet almanach était lui-même l’héritier d’une série parue entre 1752 et 1794 : l’Almanach historique et chronologique de tous les spectacles, Paris, Duchesne, 1752 ; du Calendrier historique des théâtres de l’Opéra, et des Comédies françoise et italienne et des foires, Paris, Duchesne, 1753 ; de Les Spectacles de Paris, ou Suite du Calendrier historique et chronologique des théâtres, Paris, Duchesne, 1754-1794.
[28] Almanach des spectacles : continuant l’ancien Almanach des spectacles publié de 1752 à 1815, Paris, Librairie des bibliophiles, 1875-1915, p. i.
[29] Ibid., tome 1 (consacré à l’année 1874), 1875, préface, p. i-ii.
[30] Ibid., p. iii.
[31] Ibid.
[32] Ibid., tome 2 (consacré à l’année 1875), 1876, préface, p. ii.
[33] Ibid., tome 1, 1874 p. 34-38.
[34] Dans son ensemble, ce volume de l’Almanach développe les caractéristiques de 23 théâtres parisiens ; il indique les pièces nouvelles données dans 15 « théâtres de quartier » parisiens, 19 « spectacles divers » parisiens ;  18 théâtres de villes de province.
[35] Almanach des spectacles, op. cit., vol. 1, p. 153-178.
[36] Soubies et Malherbe, Histoire de l’Opéra-Comique, op. cit., voir par exemple tome 2, p. 402 : synthèse des représentations de Richard Cœur de Lion de Grétry à la salle Favart.
[37] Almanach des spectacles, op. cit., tome 19, table générale, préface, p. i-ii.
[38] Soubies et Malherbe, Histoire de l’Opéra-Comique, op. cit., préface, p. ix.
[39] Ibid., p. x.

RÉFÉRENCES

Pour citer cet article :
Cécile Reynaud, « Albert Soubies et Charles Malherbe : contributions à l’histoire de l’Opéra-Comique  », dans Écrire l'histoire du théâtre. L'historiographie des institutions lyriques françaises (1780-1914), Séverine Féron et Patrick Taïeb [dir.], Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne], 27 novembre 2017, n° 8, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html.
Auteur : Cécile Reynaud.
Droits : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC/credits_contacts.html
ISSN : 1961-9944

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