Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin" UMR 7366 CNRS-uB |
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Territoires contemporains | |
Les formes brèves du politique | ||||||||||||
Un « situationnisme » belge ? Sur le passage de Pouvoir ouvrier belge à travers une assez courte unité de temps | ||||||||||||
Frédéric Thomas | Résumé | Mots-clés | Sommaire | Texte | Auteur | Annexes | Notes | Références | Outils | |||||||||||
RÉSUMÉ
Dans la foulée de la longue grève de l’hiver 1960-1961, qui secoue la Belgique, se constitue, en contact étroit avec Socialisme ou Barbarie et l’Internationale situationniste, Pouvoir ouvrier belge. Cette organisation n’eut qu’une existence éphémère – tout juste le temps de publier trois tracts. Cette expérience originale, largement oubliée ou occultée, interroge l’historiographie, en général, et la convergence de groupes révolutionnaires autour de Socialisme ou Barbarie, au tournant des années 1960, en particulier. |
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MOTS-CLÉS
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SOMMAIRE
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TEXTE | ||||||||||||
Début 1960, Guy Debord, l’un des fondateurs de l’Internationale situationniste (IS), en 1957, entre en contact avec Socialisme ou Barbarie (SouB). Le groupe, inscrit dans le courant du « communisme de gauche » ou « conseilliste », développe une réflexion originale centrée sur l’autonomie du mouvement ouvrier. À l’automne, Debord adhère à SouB, participe aux réunions et discussions, ainsi qu’à plusieurs manifestations [1]. Or, du 20 décembre 1960 au 21 janvier 1961, une grève d’une ampleur exceptionnelle secoue la Belgique [2]. Déclenchée en-dehors des structures syndicales, empruntant parfois une forme insurrectionnelle, en butte aux hésitations et aux contradictions de la classe ouvrière comme de ses organisations, la « Grève du siècle » – comme elle a été appelée – met à l’épreuve des faits les intenses discussions alors en cours sur la situation et la combativité du mouvement révolutionnaire dans le capitalisme moderne [3]. Les sociaux-barbares (comme ils se nomment eux-mêmes), ont suivi la grève au jour-le-jour par l’entremise d’un camarade britannique [4] sur place. Avec Debord, ils séjournent en Belgique le week-end du 11-12 février 1961, pour rencontrer certains des protagonistes du conflit. Le numéro spécial (n° 32, vol. VI, avril-juin 1961) de la revue SouB, consacré à cet événement, sera diffusé en Belgique. Parallèlement, une organisation révolutionnaire sœur est en voie de se constituer, en lien avec SouB et l’IS : Pouvoir ouvrier belge (POB) [5]. Il regroupe une trentaine de personnes – dont une part importante de jeunes de 14 à 18 ans ; plusieurs sont membres ou sont proches de la Jeune garde socialiste (JGS), organisation de jeunesse francophone du Parti socialiste belge (PSB) dont il constitue l’aile gauche, et qui fut l’un des fers de lance de la grève [6].
En me basant sur les archives et des entretiens avec plusieurs protagonistes, je voudrais, après une rapide contextualisation, analyser le travail d’élaboration des quelques tracts publiés par POB au cours de sa brève existence, ainsi que la manière dont leurs régimes d’écriture participent d’une reconfiguration d’une partie du champ des gauches radicales. Enfin, j’interrogerai l’échec paradoxal de la réception et de la mémoire de cette expérience. D’emblée, Debord s’investit dans POB. Il retourne d’ailleurs, au cours des mois suivants, à plusieurs reprises dans le plat pays. L’ampleur de la mobilisation ainsi que la configuration particulière du groupe belge semblaient ouvrir de nouveaux horizons. En effet, POB réunit deux situationnistes de premier plan, très politisés – André Frankin (1925-1990) [7] et Attila Kotanyi (1924-2004) [8] –, et une troisième figure – Raoul Vaneigem –, rencontré dans le même temps, et qui allait occuper une place centrale au sein de l’IS. Sans compter Robert Dehoux (1925-2008) [9], qui joue un rôle clé et a des affinités avec les thèses situationnistes. POB n’est-il pas dès lors mieux armé pour dépasser les limites que Debord percevait dans SouB, et catalyser de la sorte une synthèse opératoire avec l’IS, qui ne semblait pas (encore ?) possible avec le groupe français ? Las, POB va se scinder entre le groupe de Liège – autour d’André Frankin – et celui de Bruxelles (chaque groupe élaborant sa propre plateforme) [10]. Seul ce dernier – représenté par Dehoux et Kotanyi – participe à la rencontre internationale, organisée à Paris par SouB, en mai 1961 ; rencontre qui marque une convergence de collectifs britannique, italien, belge et français, sur la double base d’une redéfinition du socialisme et de la nécessité de créer « une nouvelle organisation révolutionnaire » [11]. Peu de temps après cette réunion, Debord remet cependant sa démission à SouB. Mais s’il avait parié sur la Belgique, il devait rapidement déchanter. Alternative – le journal de POB – n’aura qu’un seul numéro, et la participation à la manifestation du 15 octobre 1961 à La Louvière, semble être la dernière action publique – de quelque envergure du moins – du groupe, qui s’essouffle vite, pour disparaître fin 1961-début 1962 (les situationnistes s’en retirent en tout cas en novembre 1961) [12]. Pour éphémère qu’elle soit, cette expérience revêt une importance certaine. Elle invite, en fonction et à la mesure de sa marge, à complexifier notre appréhension de la Grève du siècle. De plus, elle donne à voir l’engagement de Debord, les affinités et convergences entre certains groupes, au miroir d’une reconfiguration de la lutte révolutionnaire, au tournant des années 1960. Enfin, elle redessine la généalogie des années 1968 dont cette expérience constitue une préfiguration, ainsi que les rapports entre la France et la Belgique au sein d’une fraction du champ des gauches radicales. Sa démission de Socialisme ou Barbarie, d’abord, puis son éloignement de Pouvoir ouvrier belge, ensuite, paraît bien marquer la fin de l’engagement directement politique de Debord. Jusqu’à quel point cette réorientation consacre, en retour, l’insistance de l’IS à se définir comme une avant-garde, ayant prétendument dépassée la « vieillerie politique » ? En tout cas, les textes à l’origine des tracts de POB, auxquels Debord prend une part active, participant à l’élaboration de chacun de ces écrits, comme en témoignent les brouillons dans ses archives, permettent de suivre au plus près la recombinaison et la circulation des idées et prises de position, jusque dans leurs inflexions et leurs divergences. I. Tracts de POB Dans les diverses archives consultées [13], j’ai retrouvé un papillon, un journal/brochure ainsi qu’un tract, avec, à chaque fois, comme éditeur responsable, Robert Dehoux [14]. À cela, il convient d’ajouter les brouillons d’une plateforme, qui définit le groupe ; POB veut ainsi « participer d’une vaste entreprise intern[ationale] de démystification des masses. Contre l’appareil de conditionnement tant syndical que bourgeois » [15]. 1) Papillon Dans une lettre manuscrite de Kotanyi à Debord, en date du 19 mars 1961, le premier évoque « 6 000 papillons [ont été] collés pendant une semaine, avec la participation de plusieurs écoles de Bxl [Bruxelles], une participation très large et très enthousiaste. 8 000 seront collés pendant les derniers jours avant les élections [16] ». Deux mois plus tard, lors de la conférence internationale, à Paris, du 22 mai 1961, Kotanyi parle cette fois de 18 000 papillons – soit 4 000 de plus tout de même – distribués après la grève, dont 6 000 auraient été collés. Voici le papillon [17] :
Camarade,
POUVOIR OUVRIER BELGE
N’oublie surtout jamais que tous les ouvriers pensent la même
Lors de la rencontre les 11-12 février 1961 avec les membres de SouB, avaient été discutées les perspectives d’action. Au vu de l’échéance prochaine des élections – elles devaient se tenir le 26 mars – et de la stratégie électoraliste de la JGS, à laquelle certains membres de POB sont liés – et avec laquelle, dans un premier temps, il ne désire pas rompre tous les liens, espérant capter une partie de ses membres –, un double objectif immédiat se dégage : lutter contre la répression suite à la grève, et contribuer à la démystification de la « mascarade électorale » [18]. Le papillon participe donc d’une « campagne contre le principe même des élections », devant pousser les gens à s’interroger : « Mais, tout compte fait : qu’espérez-vous des élections ? » [19]. La conclusion avait déjà été énoncée par Dehoux lors de cette réunion : « en temps de grève, tous les ouvriers sont d’accord ensemble ; et le reste du temps ils sont d’accord séparément » [20]. Les élections, présentées comme une conséquence de l’échec de la grève, participent du clivage ici mis en évidence entre, d’un côté, les camarades à qui s’adresse le papillon, les grévistes et les travailleurs, isolés ou organisés (dans les comités de grève), et, de l’autre, les députés, leur parlement et leurs élections. Ce clivage sera à nouveau mis en avant dans les autres tracts [21]. On remarquera le registre d’écriture : les majuscules, le passage à la ligne (« TOI-MÊME ») mettent en page/en scène l’antagonisme. Celui-ci est encore accentué par ces « LEUR(S) » (leurres), qui renvoie au caractère étranger et hostile de l’espace parlementaire et de l’agitation électorale. Ce n’est d’ailleurs pas sans rappeler la fameuse boutade du jeune Lénine à Trotsky, en exil à Londres : « Ça, c’est leur Westminster ». Plus près de nous, le papillon reprend l’analyse de la brochure d’Agitator que le groupe britannique a consacré à la Grève du siècle [22]. 2) Alternative Publication la plus importante du groupe, Alternative n° 1, Le pouvoir des travailleurs dernière garantie de la démocratie, juillet 1961. Publication de POUVOIR OUVRIER BELGE, constitue le premier et seul numéro du journal de POB. Il est annoncé dans le courrier intérieur de SouB, en date du 26 juillet 1961 [23]. Il a été écrit par Guy Debord, Robert Dehoux, Clairette Schock, la compagne de celui-ci, et Raoul Vaneigem [24]. Selon une lettre de Vaneigem à Debord, datée du 25 octobre 1961, 125 exemplaires environ de la brochure auraient été distribués lors de la manifestation du 15 octobre à La Louvière [25]. Lors de cette même rencontre de février, Dehoux présente une plateforme pour le groupe bruxellois. Castoriadis y voit une « remarquable confluence » avec SouB. De fait, la mise en avant de l’exercice direct du pouvoir par les travailleurs – qui comprend le contrôle sur la production, les institutions et les organes d’information –, ainsi que l’appel à un « déconditionnement de la pensée bourgeoise » ont des affinités évidentes avec les thèses du groupe français. Cependant, il encourage POB à compléter et à complexifier cette plateforme, en y incluant « une description-dénonciation de la société actuelle », ainsi qu’une « critique serrée » des bureaucrates, de la grève, en terminant « par un appel à un regroupement révolut[ionnaire] dans une organisation d’un type différent » [26]. Alternative constitue la réponse de POB à cette interpellation. Sans entrer dans les détails du document, mettons en exergue quelques éléments. S’interrogeant sur le paradoxe du pouvoir – « entre les mains de tous », mais s’exerçant « contre tous » –, la brochure envisage diverses (fausses) solutions ou échappées possibles : les loisirs, la culture, l’urbanisme, la consommation, le repli sur soi... S’ensuit une analyse critique – largement inspirée des thèses de SouB – de la Grève du siècle et des organisations bureaucratiques de gauche. Et le journal de s’appuyer sur l’exemple des Conseils ouvriers hongrois, en 1956, en concluant à la nécessité de mettre en place « une organisation révolutionnaire et démocratique », à laquelle est censée correspondre POB, dont est souligné par ailleurs l’ancrage international [27]. 3) Tract « À bas l’Armée ! / À bas le pacifisme des dirigeants et patrons ! Vive le pouvoir des Conseils de travailleurs » Enfin, dernière publication de POB : le tract à l’occasion du quarantième anniversaire du Fusil brisé à La Louvière, le 15 octobre 1961. Il s’agit d’une manifestation pacifiste et antimilitariste, organisée par la Jeune garde socialiste (JGS) [28]. Le tract ramasse et radicalise les positions des formes brèves précédentes. En rappelant l’expérience de la grève de l’hiver dernier – présentée comme un « mouvement insurrectionnel » –, il réinscrit le pacifisme dans l’histoire longue du mouvement ouvrier – depuis 1914 et la révolution russe jusqu’aux Conseils de travailleurs de Budapest en 1956 –, et dans un ensemble de revendications, qui seules peuvent lui donner son sens ; dénonçant dès lors la mystification « de LEUR paix sociale ». Se trouve, dans les archives de Debord, un brouillon de ce tract écrit de sa main. Si la majeure partie est passée dans le texte final, révélateurs sont les changements opérés dans la version publiée :
II. Analyse transversale Une analyse transversale de ces trois documents permet de dégager les convergences, les lignes de force, ainsi qu’un processus de radicalisation. D’abord, l’inscription de ces textes dans le contexte belge. Même Alternative, qui a une dimension plus théorique et programmatique, fait clairement référence et s’adresse explicitement aux « Ouvriers, employés, intellectuels » belges. Rappelons d’ailleurs, qu’à l’origine, les sociaux-barbares avaient proposé que le groupe se nomme « Pouvoir Ouvrier » ; c’est notamment Kotanyi qui a insisté pour rajouter « belge », et consacrer par-là même l’ancrage du groupe [30]. La référence au pacifisme et à la démocratie – fut-elle directe – ne peuvent ainsi se réduire à une tactique, et marquent aussi cet ancrage dans le contexte des gauches radicales en Belgique. Ensuite, comme les invitaient à faire les sociaux-barbares, POB insiste à chaque fois pour tirer les leçons de l’expérience originale de la Grève du siècle – et, en conséquence, dénoncer les formes figées des organisations et luttes bureaucratiques. De plus, alors qu’Alternative restait quelque peu ambivalent, en appelant à s’emparer des syndicats et partis ouvriers plutôt que de les quitter (page 5), le tract d’octobre presse d’organiser l’action autonome des travailleurs, en se débarrassant des cadres et des dirigeants. D’ailleurs, en s’attaquant nommément à André Renard (1911-1962), le dirigeant syndicaliste, qui apparaissait le plus déterminé lors de la grève et qui jouissait d’une grande popularité parmi les travailleurs, POB met en évidence son opposition [31]. Enfin, ces tracts – surtout Alternative – ramassent les thèses de SouB et de l’IS, tout en présentant une recomposition de celle-ci. Ils reprennent la critique de la gauche traditionnelle, des organisations ouvrières figées et de la bureaucratie, en appelant à mettre en place une organisation autonome des travailleurs, dont les Conseils ouvriers représentent le meilleur exemple. De même, ils partagent le rejet des spécialistes, la critique du nœud étroitement serré des loisirs et du travail – la notion de spectacle apparaît d’ailleurs à deux reprises –, en insistant sur la vie quotidienne comme enjeu, terrain et force principale de lutte. Le dernier tract affirme qu’« une revendication partielle ne peut changer la vie » [32] tandis qu’Alternative précise qu’il ne s’agit « plus désormais de changer de patron, de changer d’employeur, mais bien de changer l’emploi de la vie » [33]. Mais POB ne présente ni une copie des analyses sociales-barbares et situationnistes ni une synthèse de celles-ci. Les correspondances et les emprunts n’empêchent pas les particularités, et les thèses du groupe belge ne sont pas aussi élaborées et développées. D’autre part, si sa rhétorique fait parfois penser à l’IS, il demeure étranger aux dispositifs artistiques – usage de bande-dessinées, films, etc. – de l’IS [34]. Par ses modalités d’intervention, il se situe à mi-chemin de l’IS et de SouB (qui a eu peu recours aux « formes brèves »). En ce sens, la position de SouB et de POB par rapport aux modes d’intervention de l’IS est à la d’attirance et de défiance. Et le choix des « formes brèves » par le groupe belge n’est pas que le fruit « négatif » d’un manque de théorisation, mais aussi un choix d’action. Par sa façon de mêler l’apport théorique des deux groupes, tout en cherchant à dégager des pistes nouvelles, en reconfigurant le sens de la révolution, Alternative n’est pas sans rappeler le texte écrit en commun par Debord et l’un des membres de SouB, Daniel Blanchard, en 1960, Préliminaires pour une définition de l’unité du programme révolutionnaire (daté du 20 juillet 1960), censé constituer une « plateforme de discussion » au sein des deux organisations. III. Traces Les écrits de POB s’inscrivent bien sûr dans l’espace public belge, mais ils prennent également position dans le champ plus restreint des gauches radicales en Belgique, ainsi que dans l’espace ouvert par la convergence de groupes révolutionnaires autour de SouB. Depuis leurs brouillons, ces textes s’échangent, se recomposent, circulent et voyagent. Toujours de « circonstance », ils répondent explicitement à des échos et à des prises de position en Belgique, mais aussi, implicitement, aux discussions au sein et autour de SouB – discussions, un temps, catalysées par Debord et l’IS –, centrées sur la redéfinition du socialisme. L’échec de l’expérience semble se conjuguer au passé comme au présent. POB n’est jamais arrivé à cristalliser une organisation politique d’un nouveau genre, ancrée dans la vie quotidienne. Il n’a pas non plus pesé sur l’évolution en cours au sein des gauches belges (même s’il a pu contribuer, à sa faible mesure, au niveau d’abstention plus important aux élections de mars 1961 [35]). Pas plus qu’il n’a réussi à prolonger la rencontre des groupes français, italien, britannique et belge, ni ouvert une voie alternative à l’IS pour un regroupement des organisations révolutionnaires, dégagées de ce que cette dernière percevait comme « survivances de la politique spécialisée » et « vieille théorie de la révolution » [36]. Échec encore quant à son impact médiatique direct – je n’ai trouvé dans les journaux et documents contemporains de POB aucune référence au groupe ni à ses interventions (mais je poursuis mes recherches) – et à sa postérité ; il ne laisse guère de traces, encore moins d’intérêt, dans l’historiographie. POB est ainsi uniquement appréhendé – lorsqu’il l’est – par le prisme du rapprochement de Debord avec SouB, et en fonction d’une lecture minorant le plus souvent l’apport de ce dernier et l’importance de cette rencontre. Dès lors, POB est régulièrement mentionné – comme un lointain épisode de cette rencontre –, mais sans que l’on s’y arrête [37]. Le long entretien que Berréby a récemment mené avec Raoul Vaneigem ne change que partiellement la donne (j’y reviendrai). Cet échec en cascade doit cependant être réinterrogé, en fonction de ses causes, de sa portée et de sa signification. La question de l’absence – ou du manque – de traces, et celle de la non incorporation de cet événement dans l’histoire situationniste – telle quelle a été édifiée par les protagonistes eux-mêmes et les historiens – sont liées. Comment expliquer le paradoxe de l’« oubli » de POB au regard de sa liaison avec l’IS, et de la patrimonialisation dont celle-ci « jouit » ? Au-delà des réponses évidentes – brièveté de son existence, faiblesse numérique, volatilité de ses formes d’expressions [38], crises en série (démission de Debord de SouB, tiraillements au sein de cette organisation, et distanciation puis coupure des liens avec POB)... –, d’autres éléments, plus organiques, doivent être mis en avant. Certes, l’effacement de la mémoire de POB renvoie à un problème de temps et d’espace. En 1961, les groupes et revues anarchistes et surréalistes belges qui auraient pu servir de relais et de diffusion à POB ont disparu, sont dispersés ou en crise [39]. Lors de mon entretien avec Clairette Schock, celle-ci a insisté sur l’isolement, l’absence de réseaux, le caractère éclaté et éphémère des interventions publiques ; la fougue qui poussait à publier des tracts avait pour pendant un manque de moyens pour les diffuser et un joyeux désintérêt envers toute stratégie de communication [40]. Cette insouciance est à mettre en parallèle avec le soin stratégique de l’IS à diffuser ses tracts. Par ailleurs, POB souffre de l’historiographie de l’IS, centrée sur la France, sinon Paris – ce n’est qu’il y a peu que les correspondances et les liens avec le surréalisme belge ont été mis en avant [41] –, et de la faible institutionnalisation de la mémoire des événements et des groupes en Belgique. À cela vient s’ajouter la situation spécifique à la Belgique. Les tensions entre Liège et Bruxelles, la connexion particulière entre anarchisme, antimilitarisme et pacifisme [42], et la situation ambivalente d’une extrême gauche dont la JGS était le fer de lance – en se montrant plus radicale que le PCB –, alors même qu’elle fait partie du PSB (sans compter l’auto-dérision plus prononcée du côté belge)... peuvent dérouter, voire brouiller le regard porté depuis l’étranger. Mais, autant sinon plus que géopolitique ou psychogéographique, ce brouillage est historiographique. Révélateur est à cet égard la manière dont POB est traité dans l’ouvrage de Gérard Bérréby et de Raoul Vaneigem : Rien n’est fini tout commence. Au vu de l’engagement de Vaneigem au sein du groupe et dans la Grève du siècle, il y est à plusieurs reprises fait référence. Si la couverture d’Alternative est reproduite, accompagnée d’un bref extrait de la brochure, aucun des textes de POB n’est pourtant repris. Dans le dispositif de l’entretien, le groupe vaut principalement comme décor et illustration au parcours de Vaneigem. Qui plus est, Bérréby réduit la portée de la rencontre de Debord et de SouB – et donc, par prolongement, l’expérience de POB –, affirmant de manière erronée : « Cependant, il [Debord] n’a jamais adhéré au mouvement [SouB] » [43]. L’expérience de POB est appréhendée, à partir et en fonction de l’IS, réduite dès lors à une étape périphérique et dépassée. La convergence entre eux et avec SouB n’est conçue que par manque et par défaut ; prémisse ou méprise [44]. Au point que les écrits de POB en deviennent illisibles ou invisibles. Or, c’est justement cette illisibilité qu’il convient de questionner. Elle renvoie directement à la liquidation du mouvement ouvrier – tant dans son contenu que dans ses formes ; mouvement ouvrier dans lequel pourtant aussi bien POB que l’IS et SouB se sentaient engagés. Dès lors, elle est aussi partie prenante des contours et conditions de la réception de l’IS [45] aujourd’hui. De la sorte, on occulte l’originalité de POB – tentative hybride, empruntant aussi bien à l’IS qu’à SouB, tout en développant des aspects spécifiques – et son rôle de catalyseur dans l’orientation politique de l’IS. De plus, c’est passer à côté de la rencontre de ces divers groupes au sein du « champ de résonances artistiques, culturelles, ouvrières, révolutionnaires » [46], où se mêlent l’autonomie ouvrière et la critique d’une « vie privée et privée de tout, sauf d’ennui » [47], l’appel aux conseils de travailleurs et la reconfiguration de la démocratie, du socialisme et de la révolution. Enfin, cela tend à réduire l’onde de choc de cette expérience, dont on retrouve cependant les traces loin en aval, jusqu’aux mouvements des années 1968 [48]. Ainsi, dans le tract « À bas l’armée ! », le témoignage d’un ouvrier en lutte (et en butte) contre cette « vie de con », est repris dans Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations de Vaneigem [49]. De plus, l’écho et la réinterprétation de l’état d’esprit de fête à certains moments clés de la Grève du siècle voyagent entre les revues et hante les textes. De même, du côté belge, Rupture Expressionnaliste [secteur provisoire ULB], groupe para-situationniste autour de 1968, réunit deux protagonistes à l’origine de la rencontre avec SouB : Robert Dehoux et Jean Louvet, auteur de théâtre prolétarien, basé à La Louvière [50]. Or, Le Grand Soir, n° 1, novembre 1971 – journal lié à ce groupe – reprend la conclusion d’Alternative dix ans plus tôt : « Ne changez pas d’employeur, changez d’emploi de la vie ». L’effacement ou l’illisibilité de POB ne tient donc pas à son « dépassement », mais à son recodage, au miroir du mythe situationniste et de la servitude des temps présents. Aussi brouillon et éphémère qu’ait été cette expérience, elle n’en participe pas moins – même maladroitement, par son contenu et ses formes –, avec l’IS, SouB (et, avant eux, avec les surréalistes), au débordement de l’art et du politique, qui fait éclater jusqu’à nous cette soif inassouvie de changer la vie. |
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AUTEUR Frédéric Thomas Docteur en sciences politiques Chercheur au Cetri (Centre tricontinental, Louvain-la-Neuve, Belgique, www.cetri.be) Chargé de cours à l’Université libre de Liège (Belgique) et membre du comité de rédaction de Dissidences (http://dissidences.hypotheses.org/) |
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ANNEXES |
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NOTES
[1]
Frédéric Thomas, « La rencontre de Guy Debord
avec Socialisme ou barbarie », dans Laurence Le Bras et
Emmanuel Guy (coord.), Lire Debord, Paris,
L’échappée, 2016, p. 293-302.
[2]
« ... sans doute, après les événements de
Pologne et de Hongrie en 1956, l’événement le plus
marquant du mouvement ouvrier depuis la guerre », Paul
Cardan [Cornélius Castoriadis], « La signification
des grèves belges », Socialisme ou Barbarie,
avril 1961, n° 32, p. 1-4.
[3]
Ainsi, SouB était alors engagé dans une polémique
avec Arguments, qui portait notamment sur
l’embourgeoisement de la classe ouvrière. Le
n° 12-13, de janvier-mars 1959, d’Arguments
est d’ailleurs intitulé « Qu’est-ce que
la classe ouvrière française ? ». Daniel
Mothé, membre de SouB, participe à ce numéro, tandis
que Socialisme ou Barbarie, avril-mai 1959, n° 27,
revient longuement sur le débat.
[4]
Christopher Agamemnon Pallis (1923-2005), sous le pseudonyme de
Martin Grainger, fut à l’origine de la publication,
dès janvier 1961, par les groupes The Agitator et New
Generation d’une brochure, Belgium. The general strike,
dont une partie fut traduite et publiée en français par
SouB.
[5]
« Nous sommes heureux de pouvoir annoncer
aujourd’hui que des camarades belges, avec la
coopération de notre organisation Pouvoir ouvrier de France,
travaillent depuis les événements à la constitution
d’une organisation révolutionnaire en
Belgique », Paul Cardan [Cornélius Castoriadis],
« La signification des grèves belges », Socialisme ou Barbarie, avril 1961, n° 32,
p. 1-4.
[6]
Au sein de la JGS, les trotskystes, dont Ernest Mandel, qui
pratiquaient « l’entrisme », étaient
très actifs ; selon Alain Colignon, de 1955 à 1964,
ils contrôlaient même la majorité du comité
exécutif. Alain Colignon,
« L’après-guerre des Jeunes Gardes
socialistes. L’impossible réinsertion des anciens
combattants de la Révolution », Cahiers d’Histoire du Temps présent, 2005,
n° 15, p. 415-433.
[7]
Cette figure originale – intellectuel, handicapé
moteur, auteur de théâtre... – a joué un
rôle important dans l’orientation de Debord, avec lequel
il était en contact depuis 1954. Il rompt avec l’IS, en
raison de divergences politiques – prolongement des
désaccords au sein de POB –, au cours de
l’été 1961, et se rapproche pour un temps du Parti
communiste Belge (PCB). Ainsi, au nom du « réalisme
politique » et des divergences existantes, il entendait
constituer un comité de liaison entre les diverses
organisations – SouB, l’IS, POB... –
plutôt qu’un nouveau groupe autonome. De même, il
voulait appeler à voter communiste plutôt que de soutenir
la critique radicale des élections que les Bruxellois
entendaient mettre en avant.
[8]
Un réfugié hongrois, présenté dans le Bulletin
intérieur de Socialisme ou Barbarie, mars 1961,
n° 22, p. 9, comme « 1 hongrois
situationniste, ayant participé à la révolution
hongroise [l’insurrection de Budapest en 1956]
– très évolué politiquement –
confusion subsiste sur certains points
– Avocat ». Il est exclu de l’IS en
octobre 1963.
[9]
Éditeur, activiste, homme de cinéma... Robert Dehoux est
l’une des figures centrales qui fait le lien, en Belgique,
entre la « Grève du siècle » et Mai
68. Dans le Bulletin intérieur de Socialisme ou Barbarie, mars 1961, n° 22,
p. 9, il est présenté de la sorte :
« Ingénieur au Congo, est revenu en Belgique. Reste
confus – a écrit La Démocratie en marche –
évolue ».
[10]
Dans une lettre d’avril, annonçant la tenue de la
conférence internationale en mai 1961, Castoriadis signale
encore la présence de deux groupes en Belgique ; celui de
Bruxelles et celui de Liège. Ils n’arriveront jamais
à fusionner. Le groupe de Liège semble, de toute
façon, n’avoir jamais eu d’existence concrète
au-delà de l’élaboration de son manifeste.
[11]
La conférence réunit Socialism Reaffirmed
(Grande-Bretagne), Unita Proletaria (Italie), POB (Belgique) et
Pouvoir ouvrier (l’organisation politique qui s’inscrit
dans le prolongement de la revue Socialisme ou Barbarie). La
« base idéologique commune des quatre
organisations » est la double condamnation du capitalisme
– « société de classe, basée
sur l’exploitation et l’aliénation des
travailleurs » – et du
« socialisme » des pays de l’Est
– « mensonge qui recouvre le pouvoir de la
bureaucratie » –, la définition du
socialisme comme « gestion de la production, de
l’économie et de la société par les masses,
organisées dans le cadre des Conseils des travailleurs, qui
exercent le pouvoir ». « Conférence
internationale d’organisations
révolutionnaires », Socialisme ou Barbarie,
décembre 1961-février 1962, n° 33,
p. 95-97.
[12]
Voir la lettre de Debord du 8 décembre 1961 à Jollivet.
Dans une lettre du 10 avril 1962 à Guy Debord, André
Girard, socio-barbare, alors insoumis, réfugié en
Belgique, écrit avoir assisté, lors de son arrivée,
aux « derniers soubresauts du POB », Archives
Debord, boîte Socialisme ou Barbarie, Bibliothèque
nationale de France (BNF) [dorénavant : Archives Debord].
[13]
Archives Debord ; Archives de Cornélius Castoriadis et
Daniel Mothé à l’Institut Mémoires de
l’édition contemporaine (IMEC) ; Archives de Robert
Dehoux et Jean Louvet, à la Bibliothèque royale de
Belgique ; Archives d’André Frankin dans le fonds
personnel de la famille Blavier.
[14]
Clairette Schock (entretien du 1er mars 2017) a
évoqué un document détournant la communication de
l’entreprise liégeoise Espérance-Longdoz,
intitulé
« Désespérance-Longdoz ».
Malheureusement, à ce jour, il m’a été
impossible d’en retrouver la trace.
[15]
Archives Debord, 10 feuillets sans date, notes de
Debord : propos de Dehoux.
[16]
Il s’agit des élections législatives du dimanche 26
mars 1961. Archives Debord.
[17]
J’en ai trouvé des exemplaires dans les Archives de
Castoriadis, ainsi que dans celles de Dehoux à Bruxelles. On
trouve également un brouillon manuscrit du papillon dans les
Archives Debord.
[18]
« Projet de manifeste pour “Pouvoir
ouvrier” », Archives Castoriadis.
[19]
Lettre manuscrite du 28 janvier 1961 de Robert [Dehoux] à
Michel [pseudonyme de Georges Petit, membre de SouB et un temps en
charge des rapports avec POB], Archives Castoriadis, évoquant
des « maquillages d’affiches et collage massif
d’étiquettes ».
[20]
Archives Debord, 10 feuillets sans date, notes de Debord :
propos de Dehoux.
[21]
« Ou la Révolution balayera le pouvoir, ou tous les
travailleurs installeront légalement LEUR pouvoir », Alternative, p. 8 ; « au nom de LEUR
paix sociale », À bas l’armée !
[22]
« Just as it was “their” decision to come out
on strike, often in defiance of “their”
leaders... », Bob Fennington, « Belgium
1961 » dans The Agitator et New Generation d’une
brochure, Belgium. The general strike, p. 30.
[23]
« « Alternative »
n° 1 : Nous vous envoyons quelques exemplaires de la
brochure publiée par le groupe belge.
Cette brochure ayant le caractère d’une plate-forme, il
[est] absolument nécessaire de la discuter et d’en tirer
des conclusions le plus rapidement possible,
c’est-à-dire au moins pour fin septembre »,
Archives Mothé.
[24]
Selon Clairette Schock et Raoul Vaneigem dans Gérard
Berréby et Raoul Vaneigem, Rien n’est fini tout commence, Paris, Allia, 2014,
p. 116 et 118. Schock et Vaneigem me l’ont confirmé
lors d’entretiens. On trouve des exemplaires de cette
brochure dans les archives de Debord, de Castoriadis, de Dehoux et
de Jean Louvet.
[25]
Éric Brun, Les situationnistes. Une avant-garde totale,
Paris, CNRS éditions, 2014, p. 354. Notons également
que Jean Louvet, dans une lettre au socio-barbare Daniel
Mothé, affirme avoir rencontré, lors de cette
manifestation, un camarade vendre Alternative.
[26]
Archives Debord, 10 feuillets sans date, notes de
Debord : propos de Castoriadis.
[27]
« Pouvoir Ouvrier Belge s’intègre dans le
contexte international aux côtés de Pouvoir Ouvrier
Français (dont l’organe de diffusion “Socialisme
ou Barbarie” paraît depuis 1949), de Solidarity of
Workers Power (Angleterre) et de Unita Proletaria
(Italie) », POB, Alternative, p. 7. Dans son
livre d’entretiens, Raoul Vaneigem parle en ces termes de
cette brochure : « Quoique assez maladroite, elle
esquissait néanmoins un projet social vaguement centré
sur l’idée d’autogestion », Gérard
Bérréby et Raoul Vaneigem, Rien n’est fini tout commence, Paris, Allia, 2014,
p. 170.
[28]
On en trouve des exemplaires dans les Archives de Debord et de
Castoriadis. En octobre 1921, suite à l’opposition
catholique et libérale à ce que des
délégués allemands prennent la parole lors
d’une manifestation publique socialiste, une nouvelle
manifestation est organisée, lors de laquelle sont brandis des
drapeaux montrant un soldat brisant son fusil. Le scandale qui
suivit catalysa la chute du gouvernement. Par le biais de ce
quarantième anniversaire, dans un climat de
décolonisation (indépendance du Congo en 1960,
négociations en cours en Algérie, etc.), la JGS entend
donc marquer son antimilitarisme, à l’encontre de tout
un pan du PSB, dont Paul-Henri Spaak, alors ministre socialiste des
Affaires étrangères et Secrétaire général
de l’OTAN de 1957 à 1961 (le premier slogan de la
manifestation de la JGS est : « Quittons
l’OTAN »).
[29]
Exemples de passages du brouillon de Debord non repris dans la
publication : « Le passé très proche
devrait ainsi nous faire souvenir que nous ne devons pas laisser diviser nos problèmes.
[ratures] Parce que nous ne pouvons pas supprimer un détail de
la barbarie de la société actuelle : nous pouvons
seulement la supprimer entièrement. Le reste est du
bavardage, maintenant inexcusable […]. Il y aura toujours des
spécialistes [ratures] pour nous dicter notre devoir (devoir
de produire, devoir de mourir) jusqu’au moment où nous
établirons nous-mêmes notre pouvoir. Nous pouvons rejeter
toutes les hiérarchies et tous les spécialistes parce que
nous, ensemble, nous sommes spécialistes de tout »,
Archives Debord (c’est Debord qui souligne).
[30]
Archives Debord, 10 feuillets sans date, notes de Debord.
[31]
Il est probable que l’explicitation de cette opposition soit
liée à l’évidence de l’échec de
capter une partie de la JGS ou de radicaliser celle-ci.
[32]
À bas l’armée vive le pouvoir des conseils de
travailleurs, tract du 15 octobre 1961, éditeur responsable Robert Dehoux.
[33]
Alternative
n° 1, Le pouvoir des travailleurs dernière garantie
de la démocratie, juillet 1961. Publication de POUVOIR OUVRIER
BELGE, p. 8.
[34]
Emmanuel Guy, « Vu leurs pratiques, leurs théories doivent
être vachement radicales » : les
situationnistes et la bande-dessinée,
Centre Georges Chevrier UMR 7366 (Université de Bourgogne),
Séminaire : Un siècle de formes brèves de
l’imprimé politique, 1880-1980, [en ligne], 14
février 2013, disponible sur
https://lir3s.u-bourgogne.fr/phonotheque/m-119, page consultée le 02/03/2017.
[35]
Le taux d’abstention était 16,5 % supérieur
à celui de l’élection précédente en 1958.
[36]
« Instructions pour une prise d’armes »,
dans Internationale Situationniste, août 1961,
n° 6, Internationale Situationniste, France,
Librairie Arthème Fayard, 1997, p. 203.
[37]
Le groupe est ainsi mentionné dans les livres
d’Éric Brun, Les situationnistes. Une avant-garde totale ;
Christophe Bourseiller, Vie et mort de Guy Debord, Paris,
Plon, 1999 (p. 224) ; Anna Trespeuch-Berthelot,
L’Internationale Situationniste. De l’histoire au
mythe (1948-2013), Paris, PUF, 2015 (p. 98-99), etc. Mais pas dans la
biographie de Debord par Jean-Marie Apostolidès, Paris,
Flammarion, 2015. Philippe Gottraux, quant à lui, y fait
référence, tout en indiquant, en note de bas de
page : « je manque de données sur ce groupe
belge »,
Socialisme ou Barbarie Un engagement politique et intellectuel
dans la France de après-guerre, Lausanne, Payot, 1997, p. 123.
[38]
Comme me l’écrivait Vaneigem : « À
l’époque papillons, feuilles volantes, pamphlets
circulaient abondamment, et disparaissaient de
même » (Raoul Vaneigem, émail, 2 mars 2016).
[39]
La revue surréaliste de Marcel Mariën, Les Lèvres nues, qui a publié des textes
importants de Debord, a cessé de paraître en 1958. Elle
sort encore cependant un numéro spécial autour du film de L’imitation du cinéma en 1960. Sur
l’anarchisme en Belgique, lire les travaux de Nicolas
Inghels.
[40]
Entretien avec Clairette Schock du 1er mars 2017. À
noter également que Robert Dehoux et elle étaient
rentrés en Belgique récemment (en 1960 seulement) ;
ce qui accentuait un peu plus leur isolement.
[41]
Jérôme Duwa, Surréalistes et situationnistes. Vies parallèles,
Paris, Dilecta, 2008 ; Gérard Bérréby et Raoul
Vaneigem, Rien n’est fini tout commence, Paris, Allia,
2014 ; Guy Debord, Les Lettres à Marcel Mariën, Toulon, La Nerthe,
2015. Sur la stratégie de diffusion de l’IS, je renvoie
aux travaux d’Emmanuel Guy.
[42]
Connexion incarnée par des personnalités comme Marcel
Dieu dit Hem Day (1902-1969) et Jean Van Lierde (1926-2006).
[43]
Gérard Bérréby et Raoul Vaneigem, Rien n’est fini tout commence, Paris, Allia, 2014, p. 171.
[44]
Selon le titre de l’article de Bernard Quiriny :
« Socialisme ou Barbarie et l’Internationale
Situationniste. Note sur une
“méprise” », [en ligne], automne 2003,
disponible sur :
https://collectiflieuxcommuns.fr/120-socialisme-ou-barbarie-et-l, page consultée le 07/02/2017.
[45]
« C’est dans l’IS que la rencontre entre les
deux courants [les mouvements artistiques et révolutionnaires]
s’est opérée » affirme encore Raoul
Vaneigem dans Rien n’est fini tout commence,
p. 187. Mais jusqu’à quel point et
jusqu’à quand ?
[46]
Gérard Bérréby et Raoul Vaneigem, Rien n’est fini tout commence, Paris, Allia, 2014,
p. 189.
[47]
POB, Alternative, juillet 1961.
[48]
La Grève du siècle a catalysé pour l’IS, SouB
et POB, l’analyse de la recomposition de la classe
ouvrière, ainsi que de la lutte : mise en avant de
l’action des femmes, des jeunes, des étrangers et des
« blousons noirs » ; importance du
caractère festif de certaines actions… Ce dernier aspect
ressort ainsi dans le texte fondamental de Castoriadis
« Le mouvement révolutionnaire sous le capitalisme
moderne », ainsi que dans les pages de Daniel Mothé
consacrées à la Grève du siècle dans le
numéro spécial de SouB, où il évoque cette
« grande kermesse » (p. 45). De même,
cette grève constitue l’une des références
centrales à la conjonction de la lutte et de la fête pour
l’IS. Lire Francine Bolle, « Les
interprétations de la grande grève de l’hiver
1960-1961 en Belgique dans les milieux
révolutionnaires », Dissidences [en ligne],
hiver 2013, disponible sur :
https://preo.u-bourgogne.fr/dissidences/index.php?id=337, page consultée le 07/02/2017.
[49]
« Comme disait un ouvrier
d’Espérance-Longdoz : “Depuis 1936, je me
suis battu pour des revendications de salaire et, au total, je
n’ai jamais cessé d’avoir une vie de
con” », POB, « À bas
l’Armée !». « Un ouvrier
d’Espérance-Longdoz résumait comme suit son
désaccord avec les Fourastié, Berger, Armand, Moles et
autres chiens de garde du futur : “Depuis 1936, je me
suis battu pour des revendications de salaire ; mon père,
avant moi, s’est battu pour des revendications de salaires.
J’ai la T. V., un réfrigérateur, une
Volkswagen. Au total, je n’ai jamais cessé d’avoir
une vie de con” », Raoul Vaneigem,
Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes
générations, Paris, Gallimard, 1992, p. 88.
[50]
Il était également entré en contact avec SouB à
La Louvière, les avait rencontrés lors de leur venue en
Belgique le week-end du 11-12 février 1961, et était
resté en lien avec eux, même s’il ne semble avoir
eu que peu de contacts avec POB.
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RÉFÉRENCES Pour citer cet article : Frédéric Thomas, « Un “situationnisme” belge ? Sur le passage de Pouvoir ouvrier belge à travers une assez courte unité de temps », dans Les formes brèves du politique, Vincent Chambarlhac [dir.], Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne], 13 juillet 2021, n° 14, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html. Auteur : Frédéric Thomas. Droits : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC/credits_contacts.html ISSN : 1961-9944 |
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