Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin" UMR 7366 CNRS-uB |
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Territoires contemporains | |
L’essor des biens communs. Une analyse pluridisciplinaire des communs | ||||||||||||||||||||
Les coopératives énergétiques citoyennes dans le Rhin supérieur (France, Allemagne, Suisse) : communs ou clubs ? | ||||||||||||||||||||
Philippe Hamman | Résumé | Mots-clés | Sommaire | Texte | Auteur | Annexes | Notes | Références | Outils | |||||||||||||||||||
RÉSUMÉ
Cet article questionne la problématique des (biens) communs dans leurs rapports au territoire à partir du cas des coopératives énergétiques citoyennes. Il se fonde sur une étude sociologique de ces initiatives en Alsace, ainsi qu’une mise en parallèle au sein de l’espace du Rhin supérieur, dans ses trois parties française, allemande et suisse. L’analyse croise 10 observations sur site, 80 entretiens et des workshops avec les parties prenantes. La contribution examine successivement : 1) les relations entre communs, territoires et coopératives énergétiques ; 2) le balancement entre bien commun et projet commun autour des deux questions de la propriété et de l’alternative au marché, où se dégagent des hybridations ; 3) ce qui s’apparente à un agir commun sélectif socialement et spatialement. Transversalement, il s’agit d’éclairer la porosité des dynamiques entre biens communs et biens de club. |
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SOMMAIRE
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Identifiant fédérateur, le terme de « commun(s) » renvoie à des réalités et des représentations plurielles. Le Dictionnaire des biens communs y voit à la fois « une réflexion théorique, un débat politique et un lieu d’expériences citoyennes », ces entrées étant tantôt attachées à des ressources ou à la distribution de droits, tantôt à un agir commun [1]. Ces débats conduisent à penser ensemble le changement social et les dynamiques environnementales inscrites territorialement à partir d’enjeux « globaux » comme le changement climatique. Les problématiques de développement territorial ressortent ici en bonne place [2], l’entrée par le(s) commun(s) permettant à la fois de « ré-interroger en profondeur le système d’organisation sociale et territoriale [3] » et d’« affiner la compréhension de la dimension immatérielle des communs matériels et/ou de la dimension matérielle des communs immatériels [4] ». Il est possible d’observer à la fois ce que le territoire fait aux communs – comme cadre, appui, mode de confrontation, etc. – et ce que ces derniers – en tant qu’ensemble de réseaux et de liens sociaux – font au territoire en retour. Cette double dynamique interroge en permanence les échelles spatiales et temporelles ainsi que les jeux d’acteurs et les formes de gouvernance qui y prennent place [5]. Focaliser sur la transition énergétique le montre avec netteté. Ce registre est convoqué en durabilité [6] par rapport à une « climatisation » de l’action publique urbaine et territoriale [7], face au réchauffement qui a partie liée avec les gaz à effet de serre et les énergies fossiles. Dans ce contexte, les coopératives énergétiques citoyennes sont avancées comme une incarnation de (biens) communs, en tant que porteuses d’« un modèle politique alternatif pour le développement des renouvelables, davantage ouverts à des enjeux sociaux, territoriaux et écologiques [8] ». Deux aspects apparaissent centraux : d’une part, l’appréhension de la question énergétique en tant que système, dans une pensée relationnelle (entre acteurs, entre production et consommation, etc.), ainsi que l’ont pointé les travaux en termes de systèmes socio-techniques [9] et de transactions sociales [10] ; et, d’autre part, une attention aux transformations en train de se faire, dont des hybridations lorsqu’on passe des énonciations aux expériences pratiques et territorialisées, et leur reproductibilité [11]. Notre propos se fonde sur l’étude du fonctionnement actuel de coopératives énergétiques dans la région du Rhin supérieur, entre France, Allemagne et Suisse [12], conduite dans un projet européen Interreg [13]. L’analyse croise 10 observations sur site, 80 entretiens [14] et des workshops participatifs avec différents acteurs du marché de l’énergie. Nous abordons ces coopératives à travers un triple questionnement : des biens communs, autour d’un système de ressources ; d’un projet commun, en termes de finalités jugées légitimes par les adhérents ; et d’un agir commun, c’est-à-dire une action collective dans un cadre démocratique. Ceci positionne la double question d’une « participation régulière » des membres [15] et d’« une réinterprétation politique : le “commun” serait une forme d’action – le “faire commun” – qui pousserait à réinterpréter le rôle des États et de la propriété, qu’elle soit publique ou privée » [16]. Sur ces fondements, la contribution sera dépliée en trois temps : après avoir explicité les liens entre communs, territoires et coopératives énergétiques, nous interrogerons un balancement entre bien commun et projet commun, puis un agir commun sélectif socialement et spatialement. I. Communs territoriaux et coopératives énergétiques : de quoi parle-t-on ? 1) Penser les communs par le territoire Le lien entre biens communs et territoires ne va pas complètement de soi si l’on considère une acception « globale » suivant une propriété d’universalité. Il mérite ainsi d’être compris analytiquement à la jonction de trois modes d’énonciation qui diffèrent tout en se combinant en partie [17]. Premièrement, le bien commun, au singulier, promeut des valeurs et traduit une portée planétaire et permanente – ainsi des biens communs « sociaux » en tant que « mise en commun de ressources dotées de droits universels tels que la santé, la culture ou l’emploi [18] ». La mise en œuvre concrète de ces principes a initié le fameux adage « penser global, agir local » : pour les communs « sociaux », par exemple réfléchir à l’instauration d’un « capitalisme communal dont le commun devient le principe politique [19] ». Deuxièmement, les biens communs, au pluriel, renvoient aux travaux d’Elinor Ostrom, qui ont mis l’accent sur la reconnaissance des communautés locales et la viabilité des modes d’autogouvernance volontaire dans la gestion collective de ressources naturelles [20]. Troisièmement, d’autres auteurs parlent de communs pour associer une ressource, une communauté et des règles [21], afin de permettre à des citoyens, habitants ou usagers, de « se réapproprier leurs territoires de vie [22] ». Ne parler que de biens communs serait « oublier que les “commons” ne sont pas nécessairement des biens au sens strict du terme, mais plutôt des systèmes de règles régissant des actions collectives, des modes d’existence et d’activité de communautés [23] ». Le rapport à la communauté apparaît alors central : la portée des communs n’est pas uniquement de gérer l’usage d’une ressource limitée ou raréfiée, elle s’incarne également dans un processus de construction territoriale et de production d’un sentiment d’appartenance. Analysé parfois sous un prisme d’urbanisme alternatif « par le bas », tel l’habitat coopératif [24], cet aspect est nodal pour « re-visibiliser » les circuits de l’énergie, dont la matérialité peut échapper à l’usager qui identifie d’abord l’énergie « end-of-the-pipe », comme une prise d’électricité dans son logement [25]. Ces incarnations partielles et situées fondent un imaginaire social [26] ramené à la mise à disposition d’électricité. Or, ceci invisibilise une bonne part des systèmes socio-techniques et ne favorise pas la mise en évidence des filières et des interdépendances production-consommation. Le cas de l’énergie permet ainsi d’interroger le rapport complexe entre part de matérialité et d’immatérialité des (biens) communs, mettant à distance toute césure exclusive [27], comme l’anthropologie y invite [28]. Pour le coprésident de la coopérative photovoltaïque Bürgerenergiegenossenschaft (BEG) Kehl, porter dans la proximité des projets perceptibles et maîtrisables permet au citoyen de saisir ce que représente l’énergie : Les statuts font que l’on n’accepte que des membres issus de Kehl, et cela s’est élargi depuis aux villages voisins. […] On veut garder cela localement et que les citoyens puissent s’investir. C’est un enjeu pour le citoyen de prendre en main la transition énergétique. Beaucoup de citoyens pensent que l’énergie vient de la prise de courant, et ne savent pas comment elle est produite : cela nécessite un changement de pensée (Workshop RES-TMO, Strasbourg, 23/09/2019). Ceci requiert une analyse dynamique des communs. Les coopératives énergétiques, leurs objectifs et leurs adhérents, évoluent, y compris en fonction des possibilités juridiques ouvertes ou non et de la viabilité économique de tel ou tel projet : « Ce n’est pas tant la qualité intrinsèque du bien qui peut déterminer sa nature que le système organisé de gestion qui institue une activité comme un commun [29] ». Le regard se porte sur les propriétés sociales des membres, ainsi que le fonctionnement concret, c’est-à-dire un processus de commoning donnant à voir dans quels lieux et sous quelles modalités s’opèrent des engagements citoyens [30]. La question de l’autonomie fait spécialement enjeu en matière de systèmes énergétiques : une production décentralisée, si elle est affiliée aux énergies renouvelables, n’est pas pour autant découplée du réseau de distribution existant, ce qui interroge la portée de l’« innovation » ou de l’« émancipation ». On distingue trois niveaux d’interactions [31] : (1) un ensemble de valeurs et d’idéaux (dimension du bien commun), (2) des systèmes (de répartition) de ressources collectives gérés localement (dimension des biens communs), et (3) une forme d’organisation politique (dimension des communs). La transversalité pratique ressort bien par le fait qu’un système de valeurs (1) est de nature à orienter l’action collective (2) et peut être lu comme un principe d’action politique (3). Ce cheminement traduit une complexité institutionnelle – aux frottements de l’institué et de l’instituant – et temporelle du social, en matière de transition énergétique, dans ce qui l’identifie comme un agir politique. 2) Les communautés énergétiques dans leur contexte national Cerner les communautés liées aux communs interroge l’énoncé de community energy ou énergie communautaire, qui ne renvoie pas à un contenu unique. Une analyse bibliométrique et lexicale de la littérature récente en sciences sociales a schématiquement dégagé, d’un côté, une lecture technologique et de gouvernance du changement, et, de l’autre, l’émergence d’alternatives « par le bas » affichant plus de démocratie et de justice [32]. Ce constat traduit la « flexibilité » des technologies énergétiques entre une régulation centralisée-industrielle (autour des « grands » énergéticiens) et décentralisée-citoyenne (dont l’autoconsommation). Bien qu’en tension, ces deux modèles sont poreux, comme l’illustre le rachat de l’énergie « verte » issues de coopératives par des opérateurs historiques du secteur [33]. De plus, des trajectoires énergétiques nationales différentes s’observent en Europe. On oppose souvent la France et l’Allemagne quant à la part du nucléaire civil, respectivement des énergies renouvelables dans la production d’électricité [34]. Ainsi, lorsque, dans la région de Fribourg-en-Brisgau, le coprésident de la coopérative Fesa Energie Geno s’interroge sur une possible « saturation du réseau quand les techniques de stockage ne sont pas là, par exemple quand la production d’énergie solaire est trop importante : on va devoir déconnecter les panneaux photovoltaïques ! », de l’autre côté de la frontière, en Alsace, une animatrice de l’association Alter Alsace Énergies réagit : « C’est très intéressant par rapport à la France, car nous on n’a pas du tout autant de panneaux photovoltaïques ! » (Workshop RES-TMO, 23/09/2019). En Suisse, la dépendance énergétique internationale constitue aujourd’hui un facteur favorable aux énergies renouvelables [35]. Le pilotage par les États et les acteurs publics s’opère via un certain nombre d’instruments, autant politiques que techniques. C’est le cas de la fiscalité et des aides incitatives, dont on a vu l’importance à travers les périodes d’essor ou de repli du photovoltaïque en France, qui correspond particulièrement à des installations décentralisées [36]. Le président de la coopérative Énergies partagées en Alsace (EPA) souligne une souplesse : « Le photovoltaïque, ça a l’avantage qu’on peut faire toute échelle de projet. On a des tout petits projets de 7 kW, 9 kW, et on a des projets de 100 kW, et maintenant on envisage des plus grands » (entretien, 08/05/2020) ; tout comme ce membre du comité de gestion des centrales villageoises (CV) de Saverne : « En fait, le photovoltaïque c’est pas cher, et rentable. On a aussi l’acceptabilité qui est bonne. L’éolien, c’est quand même une problématique d’acceptabilité et d’étude complémentaire qui serait beaucoup plus importante » (entretien, 27/03/2020). Ce secteur a connu une expansion très rapide en France entre 2008 et 2010, liée aux prix de rachat attractifs de l’électricité produite, fixés nationalement. Cet effet d’aubaine a conduit le gouvernement à adopter un moratoire puis à mener une consultation au sein du secteur en 2010-2011 pour sortir de la « crise » des tarifs aidés [37]. Au contraire, en Suisse, si la loi impose la rétribution de l’énergie injectée par les producteurs indépendants, chaque entreprise est libre d’en fixer le tarif. Le coprésident de la coopérative romande Coopergy réclame ainsi d’« intervenir sur le prix de rachat pour avoir une politique nationale comme en France, et pas locale de territoire en territoire », tout en ajoutant sur le plan économique : « En Suisse, on ne conseille pas de faire du solaire sur une maison privée, car ce n’est pas rentable ». Côté allemand, le coprésident de la coopérative Fesa Energie Geno déclare sans détour : « Il n’y a plus de subventions en Allemagne aujourd’hui, c’était il y a 20 ans. Cela amène à faire seulement si ça marche économiquement ! Sinon ça ne vaut pas la peine » (Workshop RES-TMO, 23/09/2019). À ce titre, les communautés énergétiques interrogent les conditions d’alternatives sociétales « faisant commun ». II. Les coopératives énergétiques : bien commun ou projet commun ? 1) La question de la propriété Suivant Stéphane Nahrath, on peut dégager deux grandes approches des (biens) communs : l’une, autour de l’économie institutionnelle d’Elinor Ostrom, distingue différents types de biens régulés par divers régimes de propriété ; l’autre, socio-constructiviste, déplace la focale de la caractérisation « intrinsèque » des biens vers les usages, aussi régulés par des régimes de propriété [38]. Parler de commun ne signifie donc pas la disparition de la propriété. Premièrement, se joue, pour une communauté de membres, la définition de règles d’accès à une ressource et un mode d’usage. Les statuts des coopératives intègrent fréquemment un périmètre d’action ou une part obligatoire de participation locale, à l’instar de la Fesa Energie Geno : « Dans nos règles, on doit avoir entre 20 et 40 % des participants qui viennent directement du lieu en question, surtout pour les éoliennes. […] Si je fais un cercle de plusieurs kms autour de l’installation, j’ai environ 80 % des participants qui sont dans ce cercle » (responsable de la coopérative, entretien, 29/04/2019). En outre, lorsque la somme investie dépasse une action symbolique, ce n’est pas forcément en rupture avec une démarche engagée. Plusieurs membres de coopératives interrogés ont acheté des actions non seulement en leur nom mais aussi pour des membres de leur famille, qu’ils souhaitent initier à un autre rapport à l’énergie, telle cette adhérente d’EPA : « J’ai pris pour 5 000 euros d’actions. […] J’ai acheté des actions Énergies partagées au nom de mon compagnon, de mon fils, de ma belle-fille et de mon petit-fils. Une manière de sensibiliser mon entourage à la question des énergies renouvelables, des coopératives, des biens communs… » (entretien, 08/05/2020). Deuxièmement, comme l’a soulevé Elinor Ostrom, la propriété se comprend à travers des « faisceaux de droits » (bundle of rights). D’abord, les adhérents disposent, selon les cas, de différents types de droits : l’accès puis l’usage d’une ressource ou les intérêts versés à la détention d’actions dans la coopérative. Ensuite, cela passe par un certain mode de gouvernance, qui ne lie pas le droit de vote aux AG au nombre d’actions détenues, pas plus que le pilotage de la structure : « Les actionnaires qui le souhaitent peuvent aller dans le conseil de gestion et le conseil de gestion vote les personnes en Assemblée générale. Actuellement, j’ai trois actions [soit 300 €] » (membre du conseil de gestion, CV de Saverne, entretien, 27/03/2020). Troisièmement, une certaine variété des profils d’actionnaires coexiste dans le régime de propriété commun [39]. Parmi les adhérents, figurent des ingénieurs, des professions du secteur énergétique et des enseignants, actifs ou en retraite, soit autant de détenteurs d’un capital technique, économique ou éducatif, ou encore de temps disponible, mais pas uniquement. On repère aussi des mobiles sociaux plutôt descendants et des professions non spécialisées, telle cette secrétaire administrative membre des CV de Saverne : « Finalement, j’ai pas réussi à passer les examens à la fac à Strasbourg, donc j’ai un peu perdu du temps, et j’ai un peu touché à tout aussi. […] J’ai travaillé, j’ai fait des petits boulots, des choses comme ça, et maintenant je travaille dans une association Les Amis du Vieux Strasbourg. C’est seulement un mi-temps » (entretien, 08/04/2020). Il peut s’agir aussi bien du prolongement d’une activité professionnelle (comme installateur [40], mais aussi conseiller info-énergie, chargé de mission transition énergétique d’une collectivité, etc.) que d’une « écologie de bonne conscience [41] » par l’investissement symbolique d’une action voire un placement financier perçu comme plus « éthique », ou encore l’affirmation, par distinction d’un militantisme écologiste jugé trop radical ou trop intellectualisant, de gestes concrets : « Je ne peux pas dire que je suis écolo vert, mais écologique oui, pas écolo [rire]. La différence, pour moi c’est ça : on n’a pas besoin de se dire écolo pour faire des gestes simples » (actionnaire CV de Saverne, entretien, 14/04/2020). Les coopératives énergétiques intègrent et redéfinissent ainsi des enjeux de propriété sous un triptyque ressources-communauté-gouvernance qui traduit une régulation entre des objets ou des ressources, des collectifs inscrits à différentes échelles (un quartier, une commune, jusqu’à des fédérations nationales, etc.) ainsi que des formes de coordination, qui peuvent aussi bien renvoyer à l’auto-organisation qu’à une dimension commerciale connexe pour une activité d’installation de panneaux photovoltaïques. Par exemple, le siège d’EPA est situé au domicile du président, lui-même installateur de profession : « On n’a pas de locaux particuliers. Le siège, c’est à mon bureau d’Axiome Énergie, qui est lui-même dans mon domicile » (entretien, 08/05/2020). En cela, le développement de « communs énergétiques » ne s’identifie pas seulement à des mobilisations citoyennes mais aussi à des modes de gestion et d’organisation dans leur environnement. L’« agir commun » passe par des formes institutionnelles qui renvoient aux cadres juridiques et socio-économiques nationaux. Les prosumers disposent ainsi d’une législation plus favorable en Allemagne qu’en France pour la revente de l’énergie produite [42]. Des évolutions sont lancées en France fin 2019 [43], mais la présidente des CV de Saverne est prudente : « La complexité réglementaire quand on parle d’autoconsommation aujourd’hui reste un frein au développement : les CV n’ont pas le droit de revendre d’énergie aux gens, sauf à créer une structure particulière pour de l’autoconsommation collective » (Workshop RES-TMO, 23/09/2019). En Suisse, l’État fédéral a mis en place un système de rétribution de l’énergie injectée. Comme en France, ce système a été sursollicité, et désormais les initiatives d’énergie citoyenne doivent mener « des négociations directes avec le fournisseur d’énergie local pour définir ensemble un prix correct d’achat du courant [44] ». De plus, les formes des coopératives énergétiques varient également à une échelle infra-nationale, régionale ou locale, dans la mesure où la fabrique des communs est aussi un vecteur d’affiliation territoriale, mobilisant des réseaux d’acteurs assis sur une double proximité géographique et institutionnelle [45]. Ceci se comprend par rapport aux acteurs institués du domaine de l’énergie et aux « grands réseaux », vis-à-vis desquels il existe le plus souvent une connexion pratique. L’énergie produite est réinjectée dans le réseau, quand bien même l’électricité va de facto alimenter, par un principe physique, les bâtiments à proximité : « [L’énergie] est réinjectée au réseau, comme mon installation [personnelle], c’est injecté au réseau et, pareil, ES [Électricité de Strasbourg] paie à ce moment-là à la société l’énergie produite. [Les coopératives] revendent ça au producteur national. Ici c’est la filiale de EDF qui est ES, c’est pareil. Il y a un lien, c’est sûr », reconnaît cet adhérent des CV de Saverne (entretien, 31/03/2020). La dimension de prosumer est alors pour le moins médiée : « Producteur-consommateur, tout est remis dans le réseau. Nous, au début, on pensait qu’on aurait pu récupérer une partie directement pour l’école. Mais là tout est remis dans le réseau, racheté par EDF », note un autre (entretien, 14/04/2020). Cela interroge aussi l’autonomie des coopératives énergétiques vis-à-vis des collectivités territoriales. La reconnaissance et l’appui des communes, intercommunalités, départements et/ou régions apparaissent d’importance, en termes d’aides financières et de support matériel en donnant accès à un bâtiment, etc. Le président d’EPA explicite : « On a la chance dans le Grand Est d’avoir une subvention régionale, donc c’est quand même un énorme soutien qui nous permet de faire des projets qu’on pourrait pas faire sinon. […] Ça représente presque 25 % du prix des investissements » (entretien, 08/05/2020). Ces soutiens induisent du reste des conflits politisés et/ou personnalisés, à l’exemple d’une plainte déposée à Saverne : « La ville de Saverne a mis à disposition gratuitement les toitures et donc certains ont jugé que c’était du favoritisme, et ça a été porté en justice. Ils ont quand même eu gain de cause, et la ville et la CV. C’est pour ça que je pense que ça va repartir maintenant », explique un adhérent de la CV (entretien, 14/04/2020). C’est une même nécessité de synergies locales que pointe le président d’EPA, lorsqu’il revient sur l’histoire de la structure fondée en 2010 : « Ça a démarré avec un premier projet sur une grange dans un village où le maire est très actif, est un écologiste convaincu : Manspach. […] Il y a l’église qui est recouverte de photovoltaïque, ça a été le premier projet. Le deuxième, ça a été notre grange, en tant qu’EPA. Et depuis, le troisième, ils ont rénové la mairie en bâtiment positif » (entretien, 08/05/2020). En cela, les coopératives énergétiques incarnent au moins autant un projet commun qu’un bien commun. « Le collectif dynamique organisé est moins un groupement d’individus qu’un ensemble d’anticipations conjointes des membres qui le constituent » [46], le bien commun étant le motif qui connecte les acteurs avec ce dessein. Sur ce plan, on note en Alsace la référence récurrente chez les coopérateurs à la métaphore écologique du colibri ; par exemple, cette adhérente d’EPA : « C’est des petites choses comme ça, c’est l’histoire du colibri » (entretien, 08/05/2020). L’aspect palpable du projet là où l’on vit produit du sens, à l’instar de cette adhérente des CV de Saverne : « Je me dis, je suis peut-être utile pour la collectivité. […] Et puis on sait normalement où va l’argent aussi, parce que dans les banques… » (entretien, 08/04/2020). 2) La question de l’alternative au marché La réussite d’une initiative repose alors sur les possibilités d’articulation ou non des dimensions à la fois économique, environnementale et de renforcement du lien social, où l’épaisseur du territoire fait liant. Apparaît ici un objectif de développement économique local relu suivant des valeurs transversales de durabilité : « L’idée, quand on parle énergies renouvelables, c’est de se dire : plutôt que de dépenser de l’argent qu’on va donner à EDF, qui ne sera pas utilisé localement, c’est de financer un installateur local, un constructeur local, un assembleur de panneaux, ce qui va créer de l’économie locale » (membre du conseil de gestion des CV de Saverne, entretien, 17/04/2019). Ceci pose la question du rapport au marché, qui ne disparaît pas davantage que la propriété. Les communs interrogent la possibilité d’une alternative au-delà de la dichotomie du marché et de l’État [47]. Les coopératives énergétiques expriment la dimension politique de la propriété [48] à travers une structure de choix : « Ce qui relève du périmètre commun et/ou collectif et/ou public a son origine dans une décision de type politique, et ce quel que soit l’échelon où elle est prise, allant du local au global [49] ». Ce qui fait alternative n’a alors pas de définition unifiée, et varie en fonction d’un ensemble de variables en interaction : les types d’énergie (fossile-renouvelable), les systèmes centralisés-décentralisés, la visibilisation du circuit de l’énergie, la pensée en commun production-consommation, et les hybridations pour les coopératives de production qui revendent au réseau. Par exemple, le président de la coopérative suisse Coopergy insiste : « Le premier point de notre charte, c’est de ne pas seulement produire de l’énergie renouvelable mais […] d’aider les citoyens à utiliser moins d’énergie » (Workshop RES-TMO, Strasbourg, 07/10/2020). Installé à Freiburg et travaillant avec des coopératives côté français, ce responsable de Fesa Energie Geno se veut aussi pro-actif, en ciblant « les questions d’autorisation de consommer ou l’obligation de vendre. Certains ne veulent pas acheter à EDF mais acheter de l’énergie propre. Il faut changer les règles pour décentraliser, c’est une structure politique qu’on ne veut plus pour demain. C’est le but de ce qu’on fait ici » (ibid.). Le propos de cette coopératrice alsacienne d’EPA est également explicite sur le fait de vouloir incarner une alternative, mais aussi sur les transactions territoriales par lesquelles passe l’action concrète : On est sur une autre échelle si on fait du photovoltaïque sur un très grand toit d’usine, d’église, ou je sais pas quoi. […] C’est plus efficient [qu’un toit individuel]. Après, il y a l’autoconsommation, mais là c’est encore un autre problème… Dans un village classé monument historique, c’est pas possible. Et pour moi c’est important qu’on se réapproprie les questions d’énergie. […] Je pense que l’énergie, c’est un bien commun et… qu’on rame vraiment à contre-courant. Dire que l’énergie est un bien commun, c’est pas la doxa des économistes qui ont le pouvoir, ou des entreprises (entretien, 08/05/2020). En même temps, l’analyse des coopératives énergétiques donne à voir la stratification sociale et spatiale de ces processus, c’est-à-dire les asymétries des relations entre acteurs et groupes sociaux dans des formes sélectives de gouvernance. III. Les coopératives énergétiques, un agir commun sélectif On distingue couramment biens privés (exclusifs et soustractibles : alimentation, vêtements…) et biens publics (non exclusifs et difficilement soustractibles : la paix…), ainsi que la position des biens communs : non exclusifs mais connaissant des phénomènes de rivalité, à l’exemple de ressources comme les lacs, les forêts, etc. Il ne faut pas oublier le quatrième cas de figure, à savoir les biens de club ou de péage, où les rivalités sont limitées par des possibilités d’exclusion de l’usage, telle une coopérative de logements [50]. Or, « la distinction entre bien commun et bien de club […] a été, curieusement, peu discutée, laissant ainsi la porte ouverte à une confusion entre régime de propriété commune, common pool resource institutions, bien commun et bien de club [51] », nonobstant les réflexions posées dès 1974 par Robert McC. Netting à partir du cas de systèmes d’irrigation communautaires en Suisse [52]. Les coopératives énergétiques incarnent les communs en tant que construction sociale et non pas « des “choses” qui préexisteraient aux règles, des objets ou des domaines naturels auxquels on appliquerait de surcroît des règles d’usage et de partage. […] Seul l’acte d’instituer les communs fait exister les communs [53] ». D’où la problématique de l’organisation d’une réciprocité entre les membres, de son caractère plus ou moins démocratique, et du rapport à des acteurs extérieurs : ces initiatives sont des espaces de rapports de pouvoir [54]. Un double questionnement émerge en conséquence : celui de la durabilité sociale face aux logiques de clubs, et celui des échelles d’action. 1) De la durabilité sociale : démocratisation ou bien de club ? L’adhésion à des collectifs énergétiques pose une question de durabilité sociale : l’accès sélectif à des ressources, biens ou services, légitimés sous couvert de transition écologique, d’énergie renouvelable et de regroupement citoyen, peut maintenir voire accentuer des lignes de partage quant à la capacité à participer activement à ces initiatives érigeant l’énergie en commun mais pouvant prendre la forme d’un « accaparement » par des « barons locaux [55] ». La question de la « rentabilité » des actions prises par des particuliers est abordée de façon sensiblement différente dans les cas observés. En Alsace, le montage des CV de Saverne est présenté sous un référentiel sociétal : C’était clair que le but premier n’est pas la rentabilité de l’argent injecté. Le but premier, c’est de faire en sorte qu’on consomme plus proprement qu’actuellement et au niveau local. […] D’ailleurs, lorsque j’ai mis de l’argent là-dedans, l’argent n’est même pas défiscalisé, parce que des fois quand vous faites des investissements c’est défiscalisé. […] J’ai apprécié le fait qu’ils soient suffisamment transparents, ça leur a probablement enlevé un certain nombre de contributeurs potentiels, mais au moins c’était clair (coopérateur, entretien, 31/03/2020). Corrélativement, le prix d’une action, 100 €, est « abordable » et le nombre d’actions souscrites apparaît limité, ainsi qu’il ressort des 19 entretiens conduits avec des actionnaires des CV ; par exemple : « 200 €, je crois, que j’ai mis dedans » (entretien, 31/03/2020) ; « Oh, c’est très modestement, j’ai pris une action. On voulait symboliquement soutenir l’opération » (entretien, 15/04/2020) ; « Nous on a pris 4 actions, pour les filles, 2 chacune puisque c’est 100 € l’action, et puis voilà » (entretien, 14/04/2020), etc. Ceci s’accompagne d’un discours de non-disponibilité au profit fréquemment souligné par les adhérents alsaciens, qui se sentent tenus de se justifier, même pour des sommes modestes. Cela a été le cas aussi bien auprès des CV de Saverne – « Ça fait bizarre : juridiquement, c’est une société, mais on a un peu l’impression que c’est une association, vous voyez. Ce n’est pas l’esprit d’une grande société capitaliste » (entretien, 15/04/2020) – que dans le cas d’EPA, son président tenant à préciser : « Personnellement, depuis que je suis à mon compte, je gagne peu » (entretien, 08/05/2020). Ce constat d’espèce est contrasté de plusieurs façons. Premièrement, la viabilité économique n’est pas absente du raisonnement des coopératives énergétiques. Ce membre du comité de gestion des CV de Saverne évoque le tarif de rachat : « On a aussi évolué puisqu’on reste sur des projets où il y a des aides financières qui sont importantes. […] En Allemagne, c’est sûr que ça aurait été plus intéressant, dans le sens où le tarif d’achat de l’électricité est différent. En France, avec les tarifs d’achat qui sont plus faibles, on a un retour sur investissement qui est un peu moins bon » (entretien, 27/03/2020). C’est tout aussi vrai des adhérents plus largement, à l’exemple de ce couple : « – Bon, le retour sur investissement est long ; – Ben on n’a pas investi pour avoir un retour sur investissement ; – Oui mais c’est quelque chose qui pourrait permettre de débloquer plus ce projet » (entretien, 30/03/2020). Deuxièmement, le rapport à la « rentabilité » varie selon les structures et les contextes nationaux. Côté allemand, l’aspect financier est abordé ouvertement en tant que placement, avec un taux d’intérêt plus intéressant qu’un livret bancaire. Ce responsable de la coopérative BEG Kehl le met en avant : « C’est un placement d’argent sûr, les gens en sont conscients. […] Le projet 100 % renouvelables a été publié dans la Kehler Zeitung. Quand on a dit 3 % de rendement alors qu’on ne reçoit plus rien sur le livret d’épargne, c’est rentable, les gens sont venus » (Workshop RES-TMO, 23/09/2019). De même, le frein social constitué par un prix assez élevé des actions est assumé : Les gens pauvres ont un problème majeur : ils ont toujours besoin d’argent. […] Désolé, mais si chaque mois il vous manque 50 € par-ci, 50 € par-là, peut-être qu’à un moment vous direz « tiens maintenant que j’ai 50 €, je veux devenir membre de la coopérative », mais 6 mois après vous demanderez à la coopérative de vous les rendre car vous en aurez besoin, et pour nous c’est beaucoup de travail pour rien ! (membre du conseil de gestion BEG Endingen, entretien, 15/07/2019). La structure juridique retenue est aussi corrélée avec le rapport économique engagé. En Suisse romande, l’énergie citoyenne connaît trois modes d’organisation : des coopératives, qui nécessitent une inscription au registre du commerce, et des associations, qui demandent moins de formalisme, toutes deux de droit privé, ainsi que des initiatives communales, de droit public. Dans cette troisième situation, des communes lancent des projets, où l’implication citoyenne se limite à la participation financière, le reste étant confié à des professionnels de l’énergie. Les motifs à l’adhésion varient en fonction du type de structure. Si des motivations environnementales sont exprimées à chaque fois (réduction des émissions de CO2, sortie du nucléaire, etc.), les « motivations politiques », au sens de « l’envie de se sentir acteur de la politique énergétique », ressortent en particulier auprès des coopératives. Les « motivations personnelles » ayant trait au « changement de valeurs ou au rapport de l’individu à la nature » se dégagent au premier rang auprès des associations ; et les « motivations économiques » du retour sur investissement sont les plus nettes chez les membres des initiatives communales [56]. Troisièmement, l’accessibilité financière des parts et le registre écologique ou de participation citoyenne ne sont pas mécaniquement synonymes d’engagement actif des membres et de plus de démocratie en actes. Nombre d’interviewés membres des CV de Saverne comme d’EPA déclarent s’impliquer peu dans la structure : « J’ai jamais été à une réunion d’EPA » (entretien, 08/05/2020) ; « En fait, je suis seulement actionnaire. […] Je crois, une fois par an seulement il y a une réunion d’AG… » (entretien, 08/04/2020) ; « Il faut être honnête, vu que l’équipe est en place, on n’a pas forcément besoin d’être impliqué » (entretien, 14/04/2020) ; « Je participe financièrement, pas plus. […] C’est comme si je faisais un don à une ONG, c’est pareil » (entretien, 31/03/2020). Organisé autour d’un noyau actif, le fonctionnement des coopératives apparaît davantage tourné vers la recherche permanente de sites d’implantation et de subsides que vers un engagement fort de tous les membres. Une ligne de partage apparaît entre porteurs et membres de base, pas forcément sollicités pour s’engager au-delà de l’achat d’actions : « Je n’ai pas demandé, on ne m’a pas demandé non plus. […] Je pense qu’ils se suffisent à eux-mêmes, qu’ils n’ont besoin de personne » (actionnaire CV Saverne, entretien, 17/04/2020). Cet autre adhérent regrette un manque de communication et y revient plusieurs fois durant l’entretien : Un petit peu déçu de ce point de vue-là, je pense qu’il y a un petit manque de communication, parce que normalement il devait y avoir un retour sur le taux de productivité et compagnie, il n’y en a pas eu. […] On a eu une AG, ça fait plus de 2 ans maintenant, et c’est tout. On devait avoir des infos par mail sur la consommation, sur tout ça, on a eu 2 lettres en 2 ans à peu près. Donc là c’est un peu juste. […] [Le site Internet] il n’y a rien qui bouge en fait (adhérent CV Saverne, entretien, 14/04/2020). Le cas d’une coopérative éolienne – technologie qui nécessite des moyens importants – dans la commune rurale alsacienne de Saâles confirme que l’on a affaire à un groupe de porteurs disposant de compétences spécifiques. Il ne s’agit pas d’acteurs lambda, mais d’un collectif socio-technique qui exerce un rôle de consultant en ingénierie de projets, autour de milieux proches du secteur des énergies : entreprises spécialisées dans l’hydraulique ou dans les innovations énergétiques, bureau d’étude dans les technologies renouvelables, etc. De plus, ces ressources sont couplées avec un capital politique territorialisé, à l’instar du maire de la commune lui-même, soit un cumul de capitaux locaux [57]. Les facteurs de viabilité économique des coopératives, sinon de rentabilité, l’accessibilité financière différentielle des parts, l’engagement différent entre un groupe de porteurs et les « simples » coopérateurs qui s’en tiennent à l’achat d’actions (qu’il soit motivé sur un plan écologique ou de placement), ainsi que le profil expert et le capital relationnel desdits porteurs définissent les contours d’un fonctionnement se rapprochant de clubs. Un tel constat se retrouve, à des degrés divers, dans l’ensemble du Rhin supérieur, à l’exemple de Franches Énergies dans le Jura suisse : Un des membres du comité va souvent travailler avec un installateur des Franches-Montagnes qui fait de l’installation de panneaux photovoltaïques. Lui, tout de suite, quand on a un projet, nous dit « Écoutez, il y a tant de surface, on pourrait faire comme ça, on pourrait produire ceci, il y a tant d’autoconsommation ». […] Dans l’équipe du comité, il y a aussi un ingénieur, qui s’occupe de l’électricité, donc il est très très actif là-dedans. Et puis il y a X qui travaille au Canton du Jura pour les énergies. Donc il peut aussi bien nous renseigner […] quand il y a des nouvelles aides financières, etc. (responsable coopérative Franches énergies, entretien, 22/05/2020). Ces logiques de club se marquent autour d’un capital social qui traduit la part immatérielle des communs énergétiques et le lien à un territoire dans lequel se renforcent les capitaux détenus : « Cette imbrication des common pool resource institutions dans les arrangements politico-administratifs dépend notamment de leur capacité de médiation, de la multipositionnalité de leurs membres, ainsi que de leur complémentarité avec les autorités publiques dans les processus de mise en œuvre des politiques publiques [58] ». 2) Le dilemme des échelles : territorialisation vs. mise en réseau ? Les coopératives s’inscrivent dans un balancement entre une inscription territoriale forte et la promotion de réseaux élargis correspondant à une globalisation des communs qui amène des changements d’échelles : la transition écologique « vertueuse » que veulent incarner les communautés énergétiques passe par une légitimation mondialisée de global commons ou de « monde commun [59] ». Les initiatives observées montrent qu’il s’agit de faire sens localement tout en se préoccupant de la viabilité du projet et de ses effets réels face à des enjeux planétaires, ce qui plaide pour des mises en réseaux. Ce coopérateur des CV de Saverne, qui est aussi localement premier adjoint au maire de la commune de Dossenheim, le laisse paraître : « C’est un peu comme le monde associatif, alors à une autre échelle, là finalement pour le bien commun et, on va dire, de la planète, même si c’est une goutte d’eau pour le moment » (entretien, 14/04/2020). L’inscription territoriale renvoie d’abord à une légitimation des projets, des porteurs ainsi que des formes collectives retenues [60]. C’est vrai des « communs de résistance » que peuvent porter des communautés énergétiques : un fort ancrage identifie la communauté, ainsi que des règles adaptées au contexte local [61] – y compris les données météorologiques, etc. À ce titre, les grands industriels sont dénoncés : « C’est Total, EDF Énergies nouvelles, ou je sais pas quoi. C’est le combat de David contre Goliath. […] C’est toujours une question de business, d’opportunités, qui préside à leur choix » (coopératrice EPA, entretien, 08/05/2020). Par distinction, une approche militante bottom up est valorisée par ce membre des CV de Saverne : « Notre système de distribution de l’électricité est tellement centralisé, et puis des entreprises qui ont un poids politique, des lobbys importants. Là non, c’est les gens à la base qui le font, ça ne va pas loin ces CV, l’énergie produite est distribuée dans le coin, et pour moi c’est ça qui est l’avenir » (entretien, 31/03/2020). La participation à un projet concret dans la commune de résidence est couramment avancée comme facteur déclenchant, à l’exemple de cet habitant de Dossenheim près de Saverne : « C’était dans le cadre du projet d’installation sur l’école. […] Comme ça se faisait en plus dans la commune, c’était ça qui faisait un point en plus, dire que le projet pouvait être viable et que ça pouvait être intéressant de soutenir […] dans ce cadre-là, participatif » (entretien, 14/04/2020). En retour, ceci peut amener un effet d’entre soi, qui produit de la confiance pour agir dans un projet commun mais en limite aussi la portée pour une alternative sociétale. Ces adhérents des CV de Saverne l’expriment : Ça reste aussi du relationnel, les personnes qui sont dans le conseil de gestion, pour une partie je les connaissais déjà avant. Il y a cette relation de confiance qui joue (entretien, 27/03/2020). En fait, l’association écolo dont je fais partie à Marmoutier, qui prend un peu en compte Saverne, j’ai rencontré les mêmes personnes qui participent à cette association et aux panneaux photovoltaïques. […] C’est bête, c’est qu’on retrouve les mêmes personnes, ce serait bien que des personnes extérieures s’intéressent à ça (entretien, 18/04/2019). Raisonner en termes de métabolisme territorial permet de prolonger l’analyse en croisant la notion d’« agir commun » avec celle de « capabilité » d’Amartya Sen [62], axée sur l’autonomie individuelle et relue comme enjeu de « capabilité territoriale [63] ». L’agir commun qui caractérise les coopératives énergétiques correspond à chaque fois à des ressources et des contraintes matérielles – comme les conditions climatiques et l’ensoleillement [64] –, à l’élaboration et la mobilisation de savoir-faire, en particulier techniques (à l’exemple de la formation d’ingénieur et la profession d’installateur PV pour le président d’EPA, à l’origine même de sa démarche [65]), et à un regroupement sous forme de coopérative. Ceci peut se lire comme un accroissement de la capabilité territoriale en matière d’énergies renouvelables pour une diversité d’acteurs, des fournisseurs de matériaux et installateurs aux particuliers ou aux collectivités et entreprises lorsqu’il s’agit de toits collectifs. Mais la territorialisation comme cadre de ressources et d’action n’est pas tout. Dans leur fonctionnement concret, les coopératives énergétiques se situent dans un double rapport de concurrence possible à une même échelle locale et de coordination entre échelles de niveaux différents. La question se pose en effet de la coexistence de plusieurs collectifs au sein d’un même territoire et d’enjeux de coopérations pour peser au sein de systèmes énergétiques organisés à des échelles plus larges. Le premier enjeu explique des règles d’autolimitation territoriale posées par certaines coopératives dans leurs statuts pour ne pas empiéter sur l’espace de développement d’une autre initiative, tout en laissant les frontières fluctuantes : bassin de vie ou périmètre d’une collectivité qui soutient la démarche ou souhaite en engager une autre, absence ou présence d’une autre coopérative à proximité, etc. : Dans les statuts, ce qui a été défini c’est que c’était sur la communauté de communes et sur des communes limitrophes qui seraient intéressées et qui n’ont pas de projet similaire. […] L’idée, c’est qu’on peut aller voir un peu chez les voisins mais en gros on se limitera au maximum aux territoires de Comcom qui sont proches, avec lesquels on a des frontières. […] Il n’y a pas non plus d’intérêt à faire de l’autoconcurrence (membre du conseil de gestion CV Saverne, entretien, 27/03/2020). Une concurrence pratique apparaît dans le Haut-Rhin à travers les propos du président d’EPA, que l’émergence d’une autre coopérative dans le Sud-Alsace, avec le soutien d’élus, contrarie : J’ai constaté par moi-même que faire une structure pour des petits projets, c’est trop d’énergie et trop d’argent dépensé, ce qui fait que c’est pas viable. Mon expérience est directe puisqu’une des quatre centrales d’EPA, on l’avait développée sous une autre structure privée, à 4 ou 5 actionnaires, pour une toiture de 30 kW. Et on s’est vite rendu compte qu’entre les frais de gestion, de comptable et autres, vu le chiffre d’affaires, c’était pas viable. Donc on a absorbé cette structure dans EPA. Moi ça fait dix ans que j’ai créé ça dans le Sundgau, il y a une seule commune qui m’a proposé un toit. Et que maintenant y’en a qui ont des velléités de faire une autre structure pour leurs toitures, je trouve ça totalement absurde. […] Alors que nous on aurait tout à fait besoin et envie de se développer et […] travailler ensemble (entretien, 08/05/2020). La coordination pratique entre échelles est précisément un second aspect structurant. Le lien est bien exprimé par ce chargé de mission transition énergétique du Pôle d’équilibre territorial et rural de Saverne aussi membre des CV locales : « L’avantage des démarches des CV [comme réseau national], c’est que les personnes qui vont s’intégrer dans ce type de programmes-là, ils vont aussi avoir un retour d’expérience d’autres sociétés, et ça évite de recommencer à zéro sur les documents administratifs à créer, etc. » (entretien, 27/03/2020). Dans ce fonctionnement pluri-scalaire, les animateurs d’une initiative locale peuvent se rapprocher d’un réseau régional, lui-même inscrit dans une fédération nationale, comme « boîte à outils » technique et juridique [66]. Le contexte de technicité à maîtriser pousse à agir en réseau pour essaimer, à l’instar du président de Coopergy en Suisse : « Le partage d’expertise : on ne va pas réinventer la roue à chaque fois. Le lobbying par rapport aux collectivités locales et aux politiques, par rapport au prix de l’énergie : cela permet d’en faire plus qu’individuellement. Enfin, il faut pouvoir se professionnaliser et recruter : le bénévolat a un certain nombre de limites » (Workshop RES-TMO, 23/09/2019). Ceci se couple avec une vision de l’avenir, fondée sur les initiatives locales, mais avec l’objectif de sortir du symbolique pour arriver à un volume de production et un nombre de personnes engagées de nature à faire alternative et pas seulement « niche ». Cette adhérente des CV de Saverne l’exprime : L’idéal, ce serait quand même qu’un peu plus de personnes y participent, parce que 100 ça fait pas grand-chose, sur 10 000 ou 20 000 habitants sur la grande périphérie. Je pense que si on arrivait à 1 000 personnes, ça pourrait être vraiment bien. On arriverait à une structure suffisamment grande, peut-être pas pour être autosuffisant, faut pas se leurrer, mais ce serait vraiment super bien (entretien, 18/04/2019). Dans le rapport complexe entre communs et territoires, un double sens des lieux se dégage de la sorte, que traduisent les coopératives énergétiques : à savoir la « communauté » comme lieu (place), c’est-à-dire un ensemble de relations sociales ancrées dans un territoire, et comme réseau (network), qui s’étend au-delà des interactions spécifiquement axées sur un territoire et forme une communauté d’intérêts et/ou de valeurs [67]. Ces deux plans demeurent en tension, ce qui se traduit dans des dynamiques d’hybridation et des transactions territoriales toujours pendantes et relatives derrière l’énoncé d’un agir commun, citoyen ou alternatif [68]. Ce dernier est intégré au monde social, au risque de confirmer ou produire de nouveaux entre-soi, y compris environnementalistes, autour de la capacité légitimatrice à agir pour la transition énergétique comme bien commun, réencastrée dans des logiques qui s’apparentent, en partie au moins, à celles de clubs. IV. Conclusion La transition énergétique encourage des pratiques qui valorisent ceux qui les adoptent (« éco-gestes », etc.) et s’appuie sur des appels au citoyen actif et, fréquemment, à une gouvernance territorialisée et plus inclusive. L’affirmation d’un tel registre parmi les décideurs mais aussi pour une part parmi les milieux associatifs et environnementalistes peut toutefois conduire à de nouveaux clivages entre les citoyens ou les habitants, ou encore les contraindre à des relations asymétriques, dans lesquelles l’« alternative » aux réseaux centralisés peut prendre la forme de biens de club. C’est pourquoi, plutôt que d’endosser des arguments binaires ou experts sur les barrières et les leviers techniques et sur le changement de comportement, il est utile d’intégrer dans l’analyse les interactions locales, les modes de participation concrets et les représentations citoyennes, ainsi que les capacités des différents groupes sociaux à participer à la construction d’une société plus « durable ». Penser en relation les systèmes énergétiques, c’est-à-dire combiner une approche par les capacités avec la question de la gouvernance de la durabilité, conduit à relire le balancement continuité/rupture couramment retenu pour définir les processus de transition, entre énergéticiens historiques et nouveaux entrants, acteurs et réseaux centralisés ou décentralisés, etc. Dans les dynamiques en train de se faire, se défaire et se recomposer, la définition de l’« alternative » mérite d’être considérée sur plusieurs plans, économique et écologique, mais aussi social. Notre étude porte précisément l’attention sur la promotion du lien social, impliquée dans le répertoire des communs en tant qu’agir commun. Une telle appréhension effectivement ternaire de la transition énergétique peut renouveler le regard sur l’action collective, que ce soit du point de vue de l’utilisation des ressources, de l’organisation des coopératives comme des perceptions territoriales et sociales. Le défi est celui d’une contribution effective des différents acteurs au (bien) commun, vu comme un horizon de pratiques complexes et enserrées dans le social plutôt qu’une devise normative unificatrice pouvant occulter des capacités et appropriations sélectives.
Cette recherche a bénéficié du soutien de l’Union européenne dans le cadre du projet RES-TMO : Concepts régionaux pour un approvisionnement et un stockage énergétiques intégrés, efficaces et durables dans la région métropolitaine trinationale du Rhin supérieur. RES-TMO (Réf. : 4726/6.3.) est cofinancé par le programme communautaire Interreg V Rhin supérieur et le Fonds européen de développement régional (FEDER) pour la période du 01/02/2019 au 31/01/2022. |
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AUTEUR Philippe Hamman Professeur de sociologie Université de Strasbourg, SAGE-UMR 7363 |
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ANNEXES |
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NOTES
[1]
Marie Cornu, Fabienne Orsi et Judith Rochfeld [dir.], Dictionnaire des biens communs, Paris, Presses
universitaires de France, 2017, p. i-xxviii.
[2]
Voir les dossiers « Communs (im)matériels. Conjuguer
les dimensions matérielles et immatérielles des
communs », Développement durable et territoires, 2019,
vol. 10, n° 1 ; « Biens communs et
territoires », Espaces et sociétés,
2018, n° 175 ; et « À la recherche du
bien commun territorial », Urbanisme, 2015,
n° 52.
[3]
Leïla Kebir, Stéphane Nahrath et Frédéric
Wallet, « Éditorial. Biens communs et
territoires », Espaces et sociétés,
2018, n° 175, p. 9-17.
[4]
Arnaud Buchs, Catherine Baron, Géraldine Froger et Adrien
Peneranda, « Communs (im)matériels : enjeux
épistémologiques, institutionnels et
politiques », Développement durable et territoires [en ligne],
2019, vol. 10, n° 1, 2010, disponible sur
http://journals.openedition.org/developpementdurable/13701, page consultée le 20/03/2021.
[5]
Philippe Hamman, Gouvernance et développement durable,
Paris, Bruxelles, De Boeck, 2019.
[6]
Philippe Hamman, « Transition
(énergétique) », Publictionnaire. Dictionnaire encyclopédique et critique des publics [en
ligne], 03/03/2020, disponible sur
http://publictionnaire.huma-num.fr/notice/transition-energetique/, page consultée le 20/03/2021 ; « Definitions
and Redefinitions of Urban Sustainability: A Bibliometric
Approach », Urban Environment [en ligne], 2017,
vol. 11, disponible sur
http://journals.openedition.org/eue/1540, page consultée le 20/03/2021.
[7]
Emiliano Scanu, « Urban Climate Action and the Challenges
of Sustainability: Towards a “Climatisation” of the
City? », dans Philippe Hamman et Stéphane
Vuilleumier [dir.],Sustainability Research in the Upper Rhine Region. Concepts and Case Studies, Strasbourg, Presses
universitaires de Strasbourg, 2019, p. 69-82.
[8]
Antoine Fontaine, « L’essor des coopératives
énergétiques citoyennes », Multitudes, 2019, vol. 77, n° 4,
p. 88-93.
[9]
Olivier Labussière et Alain Nadaï [dir.], Energy Transitions. A Socio-technical Inquiry,
Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2018 ; Christian
Büscher, Jens Schippl et Patrick Sumpf [dir.],
Energy as a Sociotechnical Problem. An Interdisciplinary
Perspective on Control, Change, and Action in Energy
Transitions, Abingdon, New York, Routledge, 2019.
[10]
Guillaume Christen et Philippe Hamman,
Transition énergétique et inégalités
environnementales : énergies renouvelables et
implications citoyennes en Alsace, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2015.
[11]
Philippe Hamman et Marie Mangold, « Les coopératives
énergétiques, levier de transition écologique ?
Quelques réflexions comparées
France-Allemagne-Suisse-Belgique », Etopia – Revue d’écologie politique, 2020,
n° 14, p. 136-173.
[12]
Dans le cadre limité de cet article, nous ne pouvons revenir
sur les processus socio-historiques de constitution du champ des
énergies renouvelables dans les trois parties nationales
considérées et focalisons sur la période
d’activité présente des coopératives.
[13]
« Regional Concepts for an Integrated, Efficient and
Sustainable Energy Supply and Storage in the Trinational
Metropolitan Region Upper Rhine – RES-TMO »,
cofinancé par l’Union européenne et le programme
Interreg V Rhin supérieur via le Fonds
européen de développement régional, pour la
période du 01/02/2019 au 31/01/2022.
[14]
Réalisés depuis février 2019 avec l’aide de
Marie Mangold, post-doctorante en sociologie, Aude Dziebowski,
Sophie Henck, Flandrine Lusson, Patricia Schneider et Mathilda
Wingert, étudiantes du Master Ville, environnement et
sociétés de l’université de Strasbourg, dans
le cadre de leur stage recherche au sein du projet RES-TMO. Nous
les remercions vivement.
[15]
Pierre Dardot et Christian Laval, « Du public au
commun », Revue du MAUSS, 2010, n° 35,
p. 111-122, cité p. 120.
[16]
Marie Cornu, Fabienne Orsi et Judith Rochfeld [dir.], Dictionnaire des biens communs, op. cit.
[17]
En s’inspirant de Leïla Kebir, Stéphane Nahrath et
Frédéric Wallet, « Éditorial »,
art. cit., p. 10-11.
[18]
Hervé Defalvard, « Des communs sociaux à la
société du commun », Revue internationale de l’économie sociale, 2017,
vol. 345, n° 3, p. 42-56.
[19]
Ibid.
[20]
Elinor Ostrom,
Governing the Commons: The Evolution of Institutions for
Collective Actions,
Cambridge, Cambridge University Press, 1990 ; et Crafting Institutions for Self-Governing Irrigation Systems,
San Francisco, ICS Press, 1992.
[21]
Benjamin Coriat,
Le retour des communs : la crise de
l’idéologie propriétaire, Paris, Les liens qui libèrent, 2015.
[22]
Leïla Kebir, Stéphane Nahrath et Frédéric
Wallet, « Éditorial », art. cit.,
p. 10.
[23]
Pierre Dardot et Christian Laval, « Du public au
commun », art. cit., p. 116.
[24]
Diego Miralles Buil, « L’habitat coopératif,
vecteur de nouveaux communs territoriaux à
Barcelone », Espaces et sociétés, 2018,
n° 175, p. 69-86.
[25]
Hélène Subrémon,
Anthropologie des usages de l’énergie dans
l’habitat. Un état des lieux, Paris, PUCA-Recherche, 2011.
[26]
John R. Wagner, « Water and the Commons
Imaginary », Current Anthropology, 2012,
vol. 53, n° 5, p. 617-641 ; Rémi
Barbier, Bernard Barraqué, Cécile Tindon,
« L’eau potable pourrait-elle devenir un bien
commun ? », Développement durable et territoires [en ligne], 2019,
vol. 10, n° 1, disponible sur
http://journals.openedition.org/developpementdurable/13231, page consultée le 20/03/2021.
[27]
Arnaud Buchs et al. parlent de « dichotomie
illusoire » : « Communs
(im)matériels », art. cit.
[28]
Pierre Lemonnier, « De l’immatériel dans le
matériel… et réciproquement ! Techniques et
communication non verbale », Journal de la Société des Océanistes [en
ligne], 2013, n° 136-137, disponible sur
http://journals.openedition.org/jso/6959, page consultée le 20/03/2021.
[29]
Pierre Dardot, Christian Laval, « Du public au
commun », art. cit., p. 117-118.
[30]
Simone Ranocchiari, Christophe Mager, « Bologne et Naples
au prisme des biens communs : pluralité et
exemplarité de projets de gestion “commune” de l’urbain », Développement durable et territoires [en ligne],
2019, vol. 10, n° 1, disponible sur
http://journals.openedition.org/developpementdurable/13238, page consultée le 20/03/2021.
[31]
En relisant la proposition d’Arnaud Buchs et al.,
« Communs (im)matériels », art. cit.,
§ 13 et § 25.
[32]
Philippe Hamman et Marie Mangold, « Les coopératives
énergétiques, levier de transition
écologique ? », art. cit.,
p. 144-148.
[33]
Guillaume Christen et Philippe Hamman,
Transition énergétique et inégalités
environnementales, op. cit., p. 21-73.
[34]
« Nucléaire : le dialogue de sourds entre
Allemands et Français », Le Monde,
23/05/2018.
[35]
Mònica Serlavos, « Les citoyens deviennent acteurs
de la transition énergétique. L’exemple de
l’énergie citoyenne en Suisse romande », dans
Nelly Niwa et Benoît Frund [dir.],
Volteface, la transition énergétique : un projet
de société, Lausanne / Paris, Éditions d’en bas / Éditions
Charles Leopold Mayer, 2018, p. 91-109.
[36]
Antoine Fontaine, « L’essor des coopératives
énergétiques citoyennes », art. cit.
[37]
Béatrice Cointe, « From a Promise to a Problem: The
Political Economy of Solar Photovoltaics in France », Energy Research and Social Science, 2015, vol. 8,
p. 151-161.
[38]
Stéphane Nahrath, « Bien commun », dans
Dominique Bourg et Alain Papaux [dir.], Dictionnaire de la pensée écologique, Paris,
Presses universitaires de France, 2015, p. 74-78.
[39]
Fabienne Orsi, « Elinor Ostrom et les faisceaux de
droits : l’ouverture d’un nouvel espace pour
penser la propriété commune », Revue de la régulation [en ligne], 2013,
n° 14, disponible sur
http://journals.openedition.org/regulation/10471, page consultée le 20/03/2021.
[40]
« Le [choix du] photovoltaïque, c’est aussi
une question de compétence, moi c’est aussi mon
métier, donc ça me permet de savoir de quoi je
parle », déclare le président d’EPA
(entretien, 08/05/2020).
[41]
Marie Mangold, « La maison individuelle
“durable”, une écologie de “bonne
conscience” ? », Sciences de la société, 2017, n° 98,
p. 110-125.
[42]
https://www.erneuerbare-energien.de/EE/Navigation/DE/Recht-Politik/recht-politik.html, page consultée le 20/03/2021.
[43]
https://www.pv-magazine.fr/2019/12/20/la-cre-fait-evoluer-le-raccordement-pour-faciliter-les-prosumers/, page consultée le 20/03/2021.
[44]
Mònica Serlavos, « Les citoyens deviennent acteurs
de la transition énergétique », art. cit.,
p. 103.
[45]
Jacques Garnier et Jean-Benoît Zimmermann,
« Solidarité sociale et proximités : de
l’État providence aux communs sociaux », Espaces et sociétés, 2018, n° 175,
p. 19-33.
[46]
Arnaud Buchs, La pénurie en eau est-elle inéluctable ?,
Bruxelles, PIE-Peter Lang, 2016.
[47]
Elinor Ostrom, « Beyond Markets and States: Polycentric
Governance of Complex Economic Systems », The American Economic Review, 2010, vol. 100,
n° 3, p. 641-672 ; Pierre Dardot et Christian
Laval, « Du public au commun », art. cit.,
p. 112-113.
[48]
Ali Douai, « De la dimension politique de la
propriété et des institutions : apports et limites
de l’approche d’E. Ostrom », Revue internationale de droit économique, 2014,
vol. 28, n° 3, p. 301-317.
[49]
Jean-Marie Harribey, « Le bien commun est une
construction sociale. Apports et limites d’Elinor
Ostrom », L’Économie politique, 2011,
n° 49, p. 98-112, cité p. 107.
[50]
Elinor Ostrom, « Beyond Markets and States »,
art. cit. ; Pierre Dardot et Christian Laval,
« Du public au commun », art. cit.,
p. 114-117 ; Stéphane Nahrath, « Bien
commun », art. cit., p. 74-76 ; Arnaud
Buchs et al., « Communs
(im)matériels », art. cit., § 10.
[51]
Stéphane Nahrath, « Bien commun »,
art. cit., p. 75.
[52]
Robert McC. Netting, « The System Nobody Knows: Village
Irrigation in the Swiss Alps », dans Theodore E.
Downing et McGuire Gibson [dir.], Irrigation’s impact on society, Tucson, The University
of Arizona Press, 1974, p. 67-76.
[53]
Pierre Dardot et Christian Laval, « Du public au
commun », art. cit., p. 118-119.
[54]
Jean-Marie Harribey, « Le bien commun est une
construction sociale », art. cit.
[55]
Stéphane Nahrath, Jean-David Gerber, Peter Knoepfel et
Christina Bréthaut, « Gestion des ressources
communes en Suisse », Natures Sciences Sociétés, 2012, vol. 20,
n° 1, p. 39-51.
[56]
Mònica Serlavos, « Les citoyens deviennent acteurs
de la transition énergétique », art. cit.,
p. 100-104.
[57]
Guillaume Christen et Philippe Hamman, « Associer les
habitants à la transition écologique. Quelle dimension
participative des projets d’énergies renouvelables en
Alsace ? », Cahiers de recherche sociologique, 2015, n° 58, p. 119-137.
[58]
Stéphane Nahrath et al., « Gestion des
ressources communes en Suisse », art. cit.,
p. 50.
[59]
Catherine Larrère et Raphaël Larrère, « Du
bien commun au monde commun : la
biodiversité », dans
Penser et agir avec la nature. Une enquête philosophique, Paris, La Découverte, 2015, p. 263-278.
[60]
Stéphanie Leyronas et Tamatoa Bambridge, « Communs
et développement : une approche renouvelée face aux
défis mondiaux », Revue internationale des études du développement,
2018, vol. 233, n° 1, p. 11-29.
[61]
Pierre Dardot et Christian Laval, « Du public au
commun », art. cit., p. 120.
[62]
Amartya Sen,
Un nouveau modèle économique. Développement,
justice, liberté, Paris, Odile Jacob, 2000.
[63]
Nicolas Buclet et Juliette Cerceau, « Interactions et
rétroactions entre dimensions matérielle et
immatérielle de systèmes communs de ressources
spatialisés », Développement durable et territoires [en ligne],
2019, vol. 10, n° 1, disponible sur
http://journals.openedition.org/developpementdurable/13467, page consultée le 20/03/2021.
[64]
« Le nombre d’heures d’ensoleillement
n’est pas le même partout, et la rentabilité
économique du projet n’est donc pas la même :
il est plus difficile de construire des projets dans le
Nord ! », pointe la présidente des CV de
Saverne (Workshop RES-TMO, 23/09/2019).
[65]
« Je me suis dit : pour pouvoir poser du
photovoltaïque, il faut être propriétaire de son
logement, que le logement soit une maison, et que le toit s’y
prête. […] Les 90 % qui restent, s’ils ont
envie de participer, ils pourraient prendre des parts de projets
collectifs. […] C’est un peu comme ça que
c’est parti » (entretien, 08/05/2020).
[66]
Guillaume Christen et Philippe Hamman, « Des
inégalités d’appropriation… »,
art. cit.
[67]
Gordon Walker, « The Role for “Community” in
Carbon Governance », Wiley Interdisciplinary Reviews Climate Change, 2011,
vol. 2, n° 5, p. 777-782.
[68]
Philippe Hamman, « Durabilité et lien social :
transitions et transactions dans
l’expérimentation », SociologieS [en
ligne], 16/06/2016, disponible sur
http://journals.openedition.org/sociologies/5384, page consultée le 20/03/2021.
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RÉFÉRENCES Pour citer cet article : Philippe Hamman, « Les coopératives énergétiques citoyennes dans le Rhin supérieur (France, Allemagne, Suisse) : communs ou clubs ? », dans L’essor des biens communs. Une analyse pluridisciplinaire des communs, Hervé Marchal et Jean-Marc Stébé [dir.], Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne], 7 septembre 2021, n° 15, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html. Auteur : Philippe Hamman. Droits : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC/credits_contacts.html ISSN : 1961-9944 |
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