Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin"
UMR 7366 CNRS-uB
Territoires contemporains


L’essor des biens communs. Une analyse pluridisciplinaire des communs
La construction de l’eau comme bien commun : entre discours consensuel global et usage contestataire local
Pauline Bascou
Résumé | Mots-clés | Sommaire | Texte | Auteur | Annexes | Notes | Références | Outils
RÉSUMÉ
Cet article vise à présenter les évolutions historiques qui ont accompagné les différentes acceptions du bien commun, appliqué spécifiquement à l’eau et à sa gestion dans le monde occidental contemporain. La notion, dont on peut retracer la genèse dans l’Antiquité, a retrouvé au cours du xxe siècle une acuité nouvelle en ce qui concerne le débat entre gestion privée et administration publique, notamment suite aux travaux d’Elinor Ostrom. Si l’on peut expliquer les transitions sémantiques de l’eau en tant que bien commun par des glissements dans les imaginaires de l’urbain et de la bonne allocation de la ressource, l’article montre également que le recours au bien commun a alimenté la contestation de la marchandisation de l’eau bien au-delà de simples postures discursives.
MOTS-CLÉS
Mots-clés : bien commun ; patrimoine commun ; droit à l’eau ; communauté de l’eau ; enclosures ; propriété ; imaginaire de l’eau
Index géographique :
Index historique :
SOMMAIRE
I. L’eau marchandise contre l’eau bien commun ?
1) Les commons à l’épreuve des enclosures
2) Le retour en grâce de l’eau « bien commun »
II. De quelle eau parle-t-on ? Évolutions des représentations de l’eau au cours des siècles
1) L’eau physique contre « l’eau des rêves » : une socio-histoire de l’imaginaire urbain au prisme de l’eau
2) L’accès à l’eau potable et son financement : la consumérisation progressive du service
III. Actualisation contemporaine de l’eau comme bien commun : les entraves à la démocratisation de la gestion de l’eau dans un contexte global
1) Principes et limites opérationnelles d’une gestion « en commun »
2) La bonne administration de l’eau « en commun » : la question de l’échelle ou l’enjeu de « faire communauté »
IV. En guise de conclusion

TEXTE

Le pouvoir d’évocation de la notion de bien commun est particulièrement puissant concernant l’eau car il s’agit, avec l’air, de la condition de survie commune du vivant, qu’il soit humain, animal ou végétal. Parmi les entités couramment admises comme communes à l’échelle du monde, l’air et l’eau font probablement partie des plus citées. Il va en effet de soi que ce sont des éléments nécessaires à la survie de toute espèce peuplant la planète. Considérer l’eau comme « bien commun » est une position univoque en ce sens qu’il en existe un volume défini pour toutes les espèces : il est dès lors évident que l’on doit partager son usage et/ou sa propriété. L’on peut également souligner la polysémie du mot « bien », qui engage à la fois une conception matérialiste, entendu comme actif ou capital qu’on possède, ainsi qu’une conception morale, de ce qui est bon.

Néanmoins, l’acception descriptive et consensuelle du caractère commun de l’eau doit être dépassée pour envisager ce que le partage d’une telle ressource, non uniformément répartie, suppose comme maillage social et politique. En d’autres termes, affirmer que l’eau est un bien commun ne suffit pas pour comprendre ou avancer la manière dont on doit la distribuer. Il faut dès lors s’intéresser aux modalités pratiques qui conduisent à adopter tel ou tel mode de gestion, impliquant telle ou telle partie prenante. Affirmer que l’eau est un bien commun de l’Humanité, par exemple, n’empêche pas la survenue de guerres de l’eau dans les régions du monde où la ressource s’amenuise, notamment dans les pays du Sud, ou de conflits économiques autour de ce que l’on a appelé « l’or bleu », en référence à « l’or noir » et à la manne financière qu’elle représente, dans un contexte où l’accès à la ressource devient critique.

Ainsi, comment s’est affirmé le caractère commun de l’eau en Occident, et quelles modalités de partage de la ressource cette notion a-t-elle ouvertes ou ré-ouvertes ? L’eau comme commun permet-elle d’arbitrer les tensions entre droits de propriété et droits d’usage, véritable champ de mines de la géopolitique de l’eau ?

Afin de répondre à ces questions, nous expliciterons tout d’abord l’historicité de l’eau en tant que bien commun depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, en insistant sur les enclosures qui ont progressivement fondé sa marchandisation. Puis, nous évoquerons les mutations culturelles de l’eau elle-même, en montrant que la consumérisation du service de distribution d’eau potable est davantage un choix politique contingent qu’une solution purement technique au problème posé par son financement coûteux. Enfin, en prenant appui sur les argumentaires contemporains portés par les promoteurs du bien commun et sur deux exemples locaux de critique de la gestion privée des services d’eau, nous détaillerons les alternatives permises par la défense locale du bien commun, mais aussi les principales entraves à l’administration de l’eau « en commun » en contexte global.

I. L’eau marchandise contre l’eau bien commun ?

1) Les commons à l’épreuve des enclosures

La notion de bien commun est très ancienne, les premiers textes réglementaires à y faire référence datent de la période romaine. Le code Justinien de 535 distingue quatre types de propriétés (corpus juris civilis sous Justinien Ier ) : ce qui appartient à des individus (res private) ou à l’État (res publicae), et ce qui n’appartient à personne (res nullius) mais qui le pourrait, comme le poisson, qui une fois péché, sera l’objet d’une propriété individuelle, et ce qui appartient à tous (res communes) comme par exemple l’air.

Il est intéressant de noter que dans l’Antiquité, à Rome, on observe déjà une dichotomisation des formes de l’eau et une certaine ubiquité des droits de propriété qui lui sont associés en fonction de ses états physiques. Ainsi, seule l’eau courante est commune : fixe, elle appartient au maître du sol où elle repose. Les fontaines romaines publiques voient ainsi leur accès être complètement libre, quand un puits est à l’usage réservé de son propriétaire et un cours d’eau la chose commune disponible pour quiconque cherche à se sustenter, sans toutefois en être propriétaire. Au Moyen Âge, il n’y a pas de texte juridique précis mais l’idée d’une eau commune est acquise et partagée. L’accès aux biens de la nature et la jouissance de leur libre distribution sont considérés comme un droit divin, on peut ainsi librement accéder aux pâturages ou aux étangs et il est alors immoral d’en restreindre l’accès.

Dans les sociétés occidentales actuelles, l’influence du catholicisme s’est estompée mais c’est néanmoins au nom d’un droit à l’eau que son acception en tant que bien commun s’est développée. Initialement formée selon des préceptes religieux, la notion s’est ensuite stabilisée dans son format technico-juridique contemporain. Les principes d’un droit à l’eau sont en effet adoptés par l’Organisation des nations unies, ainsi que par quinze États-nations. L’Assemblée générale de L’ONU du 28 juillet 2010 adopte la résolution selon laquelle chaque être humain se voit reconnaître le droit fondamental à une eau potable salubre et propre. La Communauté européenne, quant à elle, ne légifère pas sur la question, considérant qu’il s’agit d’une charge liée à la souveraineté étatique. Cependant, le Conseil de l’Europe approuve en 2001 la Charte de l’eau, après avoir adopté en 1968 la Charte européenne de l’eau [1], qui reconnait le droit individuel à l’accès à l’eau. Le texte cadre idéologiquement et en principe les pratiques en matière de réglementation des États-nations inscrits dans la communauté européenne. L’approche par le droit individuel à l’eau est cependant critiquée au motif qu’elle est constitutive d’un imaginaire libéral et de l’individualisation croissante du droit : l’attention est portée sur les besoins individuels, sans faire valoir les droits collectifs à la bonne gestion de l’eau [2].

Le déclin de la pensée « en commun » de l’eau au cours du xixe siècle jusqu’au xxe siècle, après une tradition antique puis médiévale qui s’inscrivait plutôt dans cette perspective, coïncide avec l’essor de la pensée libérale. Cette dernière a tendu à accroître l’exclusion des mauvais payeurs et à décrédibiliser la gestion collective au profit d’une gestion de marché. Ceci témoigne d’une vision malthusienne de la société, où toute consommation supplémentaire d’une denrée finie pénalise l’ensemble du groupe et amenuise le stock de ressources disponibles. La théorie malthusienne considère que le contrôle strict de l’évolution démographique permet le renouvellement des ressources alimentaires et des ressources naturelles, au rythme de reproduction plus lent que l’évolution démographique.

La théorisation de la pensée libérale de la gestion des ressources naturelles revient à Garrett Hardin, biologiste américain qui publie en 1968 un article, « La Tragédie des biens communs » [3]. Son article fait état d’une expérience de pensée mathématique, qui ne s’appuie sur aucun cas pratique mais qui prétend modéliser l’universalité des gestions en commun. L’auteur conclut par le fait que l’intérêt individuel prévaut sur la considération collective de la ressource, en l’occurrence en herbe. Le stock d’herbe réduit inexorablement, pendant que chacun rationalise son expansion et la favorise sur celle des autres. Cette attitude conduit à la catastrophe, c’est-à-dire à l’anéantissement du pâturage.

Ce n’est cependant pas une idée nouvelle : bien qu’acceptée dans l’Antiquité l’idée d’une gestion en commun des ressources n’est néanmoins pas uniforme. Tandis que la Rome antique consacrait le caractère commun de l’eau, Aristote, penseur du politique de la Grèce antique, s’en faisait le détracteur. Un bien commun est selon lui forcément voué à disparaître sous le coup d’une administration égoïste inhérente à la nature humaine, à la différence du bien privé dont la propriété individuelle garantit une meilleure gestion. Ainsi, « ce qui est commun au plus grand nombre fait l’objet des soins les moins attentifs. L’homme prend le plus grand soin de ce qui lui est propre, il a tendance à négliger ce qui lui est commun » [4].

Même si les éleveurs sont conscients de la tragédie à venir, c’est une logique inexorable et chacun agit dans son intérêt propre selon la logique du passager clandestin. Dans ce contexte, deux solutions sont proposées. La première consiste à nationaliser, c’est-à-dire à confier la régie de la ressource naturelle à une administration subsidiairement supérieure au groupe qui en aura l’usage. La seconde, et selon le biologiste la plus efficace, revient à privatiser des portions du pâturage, autrement dit en s’en remettant aux vertus supposées de la propriété privée, en laissant le marché réguler la ressource.

Hardin défend la thèse qu’il est préférable de creuser les inégalités que de ruiner l’ensemble du collectif. Cette thèse a une assise historique réelle, avec ce que l’on a nommé le mouvement des enclosures, ou la fin des communs séculaires. Les enclosures opposaient les riches propriétaires terriens aux personnes sans ressource et sans propriété. Cette frange de la population avait jusqu’alors des droits d’usage sur les communs, l’eau courante notamment. Les plus pauvres se sont en conséquence trouvés privés de leurs moyens de subsistance. Le mouvement des enclosures désigne alors la tendance dans l’Angleterre du xiie siècle au xviie siècle à convertir les terres communes en propriétés, puis par extension toute privatisation des ressources collectives pour intensifier leur exploitation économique. La logique de parcellisation des terres et leur privatisation ou location a provoqué un exode rural massif des plus pauvres, partis renforcer la main d’œuvre des villes industrielles pour échapper au dénuement sur les terres agricoles.

L’essor de l’appropriation des ressources en eau a notamment conduit à l’émergence du « free-market environnmentalism ». Très populaire au sein des administrations américaines au cours des années 1980-1990, la « tragédie des biens communs » a conduit à des logiques de création de marchés de droits d’usage et d’appropriations, parallèlement à la montée en puissance de la notion de capital naturel [5]. La marchandisation croissante des ressources naturelles correspond à un nouveau paradigme de gestion et mouvement d’enclosures, les ressources naturelles – comme les montagnes – étant auparavant extraites des logiques de marché et du jeu de la finance. Le phénomène des enclosures concerne une période historique en réalité étendue et transitive. Le premier mouvement de privatisation collective, né en Angleterre, s’est étendu en Europe jusqu’au xixe siècle. Il a dans le monde contemporain une résonnance nouvelle, avec la financiarisation de la nature et la question du monopole d’usage des sources accordées à des entreprises privées, comme par exemple la société Nestlé à Vittel [6].

2) Le retour en grâce de l’eau « bien commun »

Dans le modèle de Hardin, les commons sont entendus comme des ressources en libre accès. Or, en modulant la communication entre les différents protagonistes, il est possible de faire transiter le libre accès à la fatalité destructrice vers une autogestion collective. De plus, le modèle fait la part belle aux intérêts financiers des acteurs, comme seule motivation à leurs actions et comportements, ce qui revient à les mobiliser en homo economicus et nier la variabilité de leurs aspirations sociales, qui peuvent transcender leurs intérêts économiques.

Néanmoins, comment sortir de la binarité État-marché proposée par Hardin en ce qui concerne la gestion de l’eau et des ressources naturelles ? Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie de 2009, propose en 1990 [7] une nouvelle analyse de la gestion des communs, notamment de l’eau. Ses travaux, initiés dans les années 1960, reposent sur des observations empiriques et anthropologiques de terrain et témoignent du fait que les communautés sont capables d’organiser durablement des règles d’usage, sans avoir recours à l’État ou au jeu du marché : par exemple en Turquie où des groupes de pêcheurs co-administrent leurs ressources en autonomie sur les zones littorales d’Alanya, ou encore au Népal où les systèmes d’irrigation agricoles sont gérés de façon communautaire. Elle montre que certaines gestions en communs sont séculaires, comme la gestion de l’eau à Oman qu’elle évalue à seize siècles d’ancienneté.

Son travail est aussi méthodologique : elle pose la question de ce qui fait la pérennité d’un commun, comment faire pour qu’une telle auto-organisation subsiste, sans que la tragédie advienne. Sa démarche est très différente de celle de Hardin, puisqu’elle ne cherche pas à modéliser une situation universelle, mais à déceler le facteur de pérennité de multiples expériences singulières de gestion en commun, en tenant compte de leurs contextes locaux. Elle aboutit à un ensemble méthodologique de règles fondamentales et à une définition formelle du common-pool resources. L’eau bien commun serait ainsi caractérisée par sa soustractibilité et la difficulté d’exclusion des nouveaux usagers. Cela concerne donc l’ensemble du système social associé à la ressource, indissociable de cette dernière. Le schéma qu’elle dresse est un triptyque ressource-communauté-règles d’usage, avec une insistance sur le rôle social des conflits et de leur résolution collective. Elle étaye cette théorie grâce à des exemples à travers le monde d’organisations locales ayant pour but de respecter les droits de chacun tout en évitant la surexploitation.

La gestion en commun telle qu’elle est décrite représente une troisième voie par rapport à la privatisation (propriété privée) et la gestion publique (avec des inclus et des exclus, même si le réseau de raccordement en eau tend à être très étendu dans les pays occidentaux). Les sociologues Pierre Dardot et Christian Laval [8] vont plus loin et soulignent la dimension sociale prépondérante à toute gestion en commun. Ce n’est, selon eux, pas tant la caractéristique du bien qui fonde le commun, que la façon dont il est géré. Ils définissent ainsi le commun comme une praxis instituante en tant que processus politique d’administration des différents communs. Autrement dit, ce qui fonde le commun, c’est la gestion communautaire, et pas le caractère fini de la ressource, en eau notamment, ni même le corpus de règles en tant que tel, et surtout pas le régime de propriété. L’enjeu n’est alors pas tant technique que socio-politique, et suppose qu’une communauté de fait propose des règles avec des aspirations et valeurs communes, dans une relation de co-obligation. Dardot et Laval réfutent l’expression de bien commun, antinomique : les communs ne sont pas un objet d’appartenance et de propriété mais davantage définis par la communauté d’usage et les règles qu’elle se fixe, loin de l’idée d’une communauté « humaine » évanescente ou d’une lecture étatiste, économiciste ou juridique qui ferait du commun une fable que seules ces institutions seraient en mesure de définir. À l’ère du cosmo-capitalisme, selon les auteurs, il faut faire valoir le droit d’usage par le fait plutôt que le droit de propriété. L’enjeu du droit d’usage dans un contexte capitaliste régi à grande échelle est alors de prétendre à l’écriture des règles.

II. De quelle eau parle-t-on ? Évolutions des représentations de l’eau au cours des siècles

1) L’eau physique contre « l’eau des rêves » [9] : une socio-histoire de l’imaginaire urbain au prisme de l’eau

L’eau apparaît à première vue comme une ressource naturelle objectivable, une entité physique neutre, scientifique et factuelle. Pour autant, elle demeure dépendante du contexte culturel, de l’époque et de la culture à laquelle elle est rattachée. S’il est difficile de mettre en doute le fait que l’eau est universellement H2O, Yvan Illich montre en 1984 [10] qu’il s’agit d’une nouvelle étape dans les représentations de l’eau, qui bien que présentée comme objective et positive, est pourtant le résultat d’une historicité propre et d’une construction socio-technique des temps modernes. Une question se pose désormais : si l’on assiste à un retour en grâce de l’eau en tant que bien commun, perspective pourtant répandue dès l’Antiquité et bien après le Moyen Âge sous l’influence du catholicisme, comment se construit cet imaginaire de l’eau H2O, capitalisée et appropriée ? Il est dès lors nécessaire de retracer la genèse de son hégémonie dans le milieu gestionnaire de l’eau. L’eau aurait perdu sa capacité à refléter les rêves, en d’autres termes, elle s’est soustraite à des considérations ordinaires et populaires pour embrasser le domaine de la technique et de la gestion. Dans sa démonstration, Illich avance que l’eau a été considérée dans les sociétés occidentales selon trois imaginaires successifs : l’eau des rêves, l’eau bien commun et l’eau H2O.

La première phase s’étend des premiers temps jusqu’au ve siècle av. J.-C., elle coïncide avec la référence à l’eau comme métaphore d’un passage entre vie et mort, d’une étape de purification ontologique. On peut citer l’exemple des « fleuves infernaux » Achéron, Styx et Léthé qui symbolisent l’étendue d’eau qui sépare les vivants des morts dans la mythologie grecque, bien qu’Illich affirme que cette eau des rêves s’exprime dans toutes les civilisations indo-européennes. Puis, à partir du ve siècle av. J.-C. jusqu’au xixe siècle, la seconde phase témoigne d’un imaginaire de l’eau en tant que bien commun. Cette eau n’appartient plus au domaine métaphysique, imaginatif ou de la croyance mais est associée à la vie, au déploiement du vivant et résolument exclue de la sphère économique. Autrement dit, l’eau a une valeur d’usage mais pas de valeur d’échange : l’eau étant un besoin commun et impondérable, il est dès lors immoral d’en interdire l’accès, dans la perspective d’un droit divin inaliénable de tout être vivant. Enfin, la troisième et dernière période recensée par Illich correspond à l’imaginaire contemporain de l’eau, dont la genèse remonte au xixe siècle. Son déploiement coïncide selon lui avec le développement du capitalisme et la création de réseaux d’assainissement. La valeur d’échange de l’eau prend désormais une importance non négligeable : devenue marchandise, elle est exploitée, a une valeur économique, et à l’issue du processus, est considérée comme un déchet, et transite donc d’un statut d’utilité bénéfique à celui d’insalubrité. Les eaux usées sont évacuées de manière plus efficiente à mesure que les progrès techniques se développent, ce qui pour Illich témoigne d’une croyance immodérée en la technologie comme réponse à tout problème. Pour l’auteur, c’est d’ailleurs la financiarisation de l’eau, corrélative des investissements techniques coûteux nécessaires à sa circulation dans des villes de plus en plus denses, qui a permis l’apparition de l’eau H2O.

Il serait toutefois possible d’affirmer que le besoin en eau potable est immuable, quelles que soient les sociétés et les périodes historiques. C’est ce que véhicule l’idée d’un droit inaliénable à une eau potable de qualité, pour autant il n’en est rien. Le statut de l’eau et ses imaginaires convoyés ont été considérablement transformés. S’il existe des cultures de l’eau, c’est-à-dire des contingents civilisationnels qui déterminent socialement la manière dont cet objet physique va être traité, arrêtons-nous un instant sur les grandes transitions historiques recensées en Occident concernant le rapport social à l’eau, à la suite du philosophe Georges Vigarello [11] ou encore l’historien Alain Corbin [12]. Ces derniers montrent une segmentation temporelle de l’imaginaire ordinaire de l’eau, de la fin du Moyen Âge à nos jours.

Selon Georges Vigarello, trois périodes majeures se sont succédées dans le monde occidental moderne. D’abord, l’eau inquiétante, ensuite l’imaginaire liquide de la première révolution urbaine, et enfin la ville souterraine de la deuxième révolution urbaine. L’eau inquiétante caractérise la période occidentale moderne, au cours de laquelle il existe une grande méfiance vis-à-vis de l’eau. Ainsi, on ne trouve pas de bains ni d’eau à boire – à la différence de l’Antiquité –, on boit l’eau avec parcimonie et on parle moins de propreté du corps que de propreté des linges. L’eau est considérée comme un danger, que l’on pointait depuis la diffusion des grandes pestes, il était de notoriété publique d’éviter les eaux chaudes et de pratiquer la « toilette sèche » dans une optique sanitaire [13].

La deuxième période, que Vigarello appelle l’imaginaire liquide, s’étend à compter du xviiie siècle. C’est un nouveau paradigme du traitement de l’eau qui s’impose : l’eau doit circuler. Les villes sont transformées en conséquence, de grands réseaux d’eau sont construits de manière à abreuver les villes en eau potable. À Paris, on tire d’abord l’eau du fleuve grâce à des infrastructures techniques à vapeur. Le projet du canal de l’Ourcq débute en 1817 et dure vingt ans, avec un transfert de l’eau fonctionnant par inertie, ce qui est bien moins coûteux et donc plus efficace. Ce canal marque un palier capital dans l’efficacité technique de la distribution de l’eau à Paris, puisqu’il représente 50 % de l’eau conduite sur la rive droite de la ville.

La troisième période prolonge la précédente dans l’entreprise d’une circulation facilitée des eaux, avec le déploiement de vastes réseaux souterrains. Avec une plus grande quantité d’eau potable distribuée sur le territoire, l’enjeu était désormais de résorber les eaux usées. Bien que des égouts existaient déjà au xixe siècle, leur faible étendue rendait leur efficience insuffisante. Les avancées techniques en la matière sont indissociables de la pénétration d’un nouvel imaginaire de la ville, pensée dans une perspective organique comme un corps avec cœur, poumons, vaisseaux sanguins et bien sûr intestins. Combinée à des impératifs de salubrité, déjà prégnants à cette époque marquée par l’hygiénisme, la captation des eaux de surface dans le fleuve ou les canaux laisse progressivement – quoi que promptement – la place à des infrastructures souterraines. Celles-ci exerçaient une grande fascination sur leurs contemporains, les « intestins de la ville » se visitent et attirent un grand nombre de visiteurs, de même que les Catacombes – autre forme urbaine intestinale – à compter des années 1870. Cette ville ainsi transposée en corps humain transforme également le logement et le rapport quotidien à l’eau, avec le développement parallèle de la salle de bain et de la baignoire dans les foyers des plus aisés.

Ces trois transitions majeures ont fondé nos pratiques et représentations actuelles de l’eau en Occident, avec la démocratisation de l’usage de la salle d’eau ou la représentation de l’eau non plus comme un danger, mais comme un vecteur d’abandon de soi, de détente et de loisirs [14]. Ainsi, le xviiie siècle voit la diffusion de bains publics dans de nombreuses villes, qui permettent l’immersion des corps dans les lacs, fleuves et canaux urbains. La baignade, associée à de nouvelles vertus sanitaires, séduit les populations environnantes, par exemple à Metz [15]. La tradition des bains antiques avait pourtant été abandonnée durant le Moyen Âge ; sa reprise a concerné d’abord les élites avant de se démocratiser progressivement. La baignade en plein air a perdu en attrait au cours du xxe siècle, sous l’effet du conflit d’usage opposant loisirs et développement industriel [16]. Le recul du secteur secondaire de ces dernières années a laissé place à de nouveaux projets de bains publics en plein air, l’optique sanitaire ayant toutefois laissé la place à des motivations environnementales, liées au développement de projets urbains durables, comme notamment à Berlin [17].

L’attention portée aux formes de l’eau, par exemple les flaques d’eau, les conditions météorologiques locales, la rivière ou l’égout, diffère également selon un gradient socio-culturel variable dans le temps [18]. C’est particulièrement prégnant en ce qui concerne les services écosystémiques rendus par la nature, en plein essor au cours de ces dernières années [19]. Ainsi les eaux de pluie étaient considérées comme nuisibles et dangereuses car propices aux inondations. Elles reviennent progressivement en grâce dans les pratiques techniques et l’imaginaire urbain. Leur ré-usage est qualifié de rétro-innovation [20] : alors que l’emploi des eaux de pluie est une pratique ancienne, ce n’est qu’à partir de l’arrêté du 21 août 2008 [21] qu’elles font l’objet d’une réglementation spécifique. La pluie peut être utilisée pour l’arrosage, la chasse d’eau, le sol ou le linge, mais cela ne concerne que les eaux collectées en aval de toitures non accessibles. Les eaux de pluie ont ainsi gagné en valeur, au-delà de services écosystémiques rendus dans la sphère privée et relativement marginaux, dans le cadre de la « ville perméable », gérées notamment par des outils réglementaires comme la Trame verte et bleue (TVB) [22]. Les eaux de pluie deviennent par le même temps un puissant levier de transformation de la ville, puisque par exemple à Lyon la renaturation du ruisseau des Planches, employé pour l’écoulement des eaux, a permis d’augmenter la pression foncière et donc de modifier l’architecture socio-spatiale de cette zone de la ville [23].

Si ce que l’on considère comme étant une ressource est dépendant du contexte socio-culturel dans lequel une communauté humaine évolue, il en va de même en ce qui concerne la lecture des problèmes sociaux et techniques que pose ce qui va être conjoncturellement associé à un déchet. Actuellement, le décloisonnement sectoriel progressif de l’eau pour l’intégrer au nexus « eau alimentation énergie » en témoigne [24]. La nouveauté de cette démarche concerne la prise en compte de l’interdépendance des problèmes que connaissent ces trois secteurs, l’intégration au nexus a pour visée de leur proposer une réponse conjointe. La réutilisation des eaux de pluie à grande échelle en est d’ailleurs un bon exemple, car cela permet notamment d’irriguer les cultures agricoles sans ponctionner dans les réserves d’eau salubre.

2) L’accès à l’eau potable et son financement : la consumérisation progressive du service

La forme marchande de l’eau est consacrée au cours du xixe siècle par l’abonnement contractuel au réseau d’eau. Le « Service des eaux » permettait un accès à l’eau au domicile de quelques privilégiés, parallèlement au développement du service public de l’eau, qui ne concernait encore que les égouts et les fontaines publiques. L’eau « bien de club » est progressivement confiée au service public, avec un financement fiscal. Le service public de l’eau ne saurait néanmoins se confondre avec une mise en commun de l’eau : le financement dépend des volumes consommés, à la différence des lavoirs, fontaines publiques et abreuvoirs qui étaient laissés en libre-service. L’individualisation de la facture représente l’aboutissement de cette dynamique de rationalisation de l’accès à l’eau, matérialisée notamment par le compteur d’eau, introduit à partir des années 1960. L’usager est peu à peu transformé en consommateur, par ailleurs contractuellement protégé par le droit de la consommation. Si l’on peut, à la suite de Hardin [25], penser que cela fut pensé comme la solution pour atténuer des tensions et injustices liées au libre accès et à la tragédie qu’elle engendre, c’est sans compter les querelles qui ont agité l’ensemble des acteurs impliqués – compagnie des eaux, propriétaires, locataires – dès l’introduction de la facture individualisée par litre consommé et du compteur d’eau [26].

La consumérisation du service représente une mutation profonde dans l’imaginaire du partage de la ressource, puisqu’au-delà du seul aspect gestionnaire de l’eau, les fontaines en libre accès représentaient un puissant vecteur de socialisation, et l’histoire de telles infrastructures est par ailleurs fondamentale pour comprendre la manière dont s’agençaient les lieux de vie. La facturation de l’eau selon les litres consommés ne dépend pas par ailleurs des modes de financement privés ou public, le compteur d’eau s’est largement généralisé dans le monde occidental au cours de la dernière moitié du xxe siècle.

L’individualisation des coûts pose deux problèmes majeurs : tout d’abord, l’eau n’est pas au même prix pour tous les acteurs. Les tarifs sont en effet dégressifs pour les secteurs agricoles et industriels ; les usages non domestiques de l’eau représentent près de 90 % [27] de la consommation totale de l’eau dans le monde et ce sont finalement les usagers domestiques qui en assument le coût, car ce sont les seuls à payer le prix de l’eau en fonction du volume consommé. Enfin, l’assainissement est lui-même facturé à l’usager, bien qu’il ne soit pas un service rendu mais bien un problème de salubrité publique [28]. Certains États-nations occidentaux ont fait le choix de détacher l’accès à l’eau de la consommation, c’est le cas de l’Angleterre et de tout le Commonwealth. L’accès à l’eau y est en effet financé par l’impôt local, en d’autres termes les dépenses sont mutualisées par l’impôt et indépendantes des volumes consommés [29].

L’individualisation de la facture ou la mutualisation par l’impôt repose néanmoins sur une certaine étendue des réseaux d’eau : cette tension entre les deux modalités de financement n’est rendue possible que lorsque l’ensemble des acteurs sont raccordés au même réseau générique. Or dans les pays du Sud peu d’acteurs se trouvent connectés au réseau, de même qu’en Occident, certains modes de gestion pourraient relever de systèmes de gestion communautaires, comme le Service public d’assainissement non collectif (SPANC), si ces foyers non raccordés au Service public d’assainissement collectif (SPAC) se fédéraient en groupement.

Du fait que la ponction dans la ressource ainsi que sa distribution soient coûteuses, l’eau est considérée comme ayant une valeur économique et cela fonde sa conception en tant que bien. L’assise économique de la valeur de l’eau est devenue le discours dominant sur l’eau au niveau international, à la suite du « Consensus de Dublin », lors d’une conférence de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) de 1992 : « L’eau a une valeur économique dans toutes ses utilisations concurrentes et doit être reconnue comme un bien économique » [30]. Le paradigme de l’eau comme bien marchand s’installe dans les années 1990, revendiqué et mis en œuvre au sein des grandes institutions supranationales. L’or bleu a d’ailleurs été comparé à l’or noir, pour mettre en avant d’une part son grand potentiel de rentabilité, et d’autre part les conflits et guerres que sa rareté a suscités [31]. Pour mieux comprendre la manière dont l’eau s’est construite de façon contemporaine comme marchandise dans le même temps que le droit individuel et universel à l’accès à l’eau s’étendait, arrêtons-nous un instant sur les théories économiques qui sous-tendent les acceptions de l’eau-marchandise.

Les biens économiques sont divisés en quatre types, différenciés selon deux critères : la rivalité et l’excluabilité. Un bien est dit rival si sa consommation entraîne l’impossibilité pour d’autres de le consommer en même temps, comme par exemple une pomme. Un bien est dit exclusif si l’on peut limiter son accès, c’est le cas d’un club de sport, à l’inverse d’un logiciel libre. En termes de propriété, un bien rival et exclusif est un bien privé, un bien non rival et non exclusif est un bien public pur. Comment placer l’eau selon la logique économique ? Il ne s’agit pas là d’un bien public pur, comme l’air, étant donné qu’il en existe un stock prédéfini dont le partage en part équivalente n’est pas garanti par sa répartition sur l’espace mondial. En revanche, l’eau en tant que bien commun peut relever de deux formes de biens publics impurs : elle peut être qualifiée de bien commun, ou alors de bien de club (ou à péage). Premièrement, un bien commun, rappelons-le, concerne les biens avec rivalité et sans exclusion [32]. L’eau en tant que bien commun caractérise l’idée d’un commun matériel de l’eau, c’est cette acception qui sous-tend des dispositifs de gouvernance de la ressource comme en France le Contrat de rivière ou le Schéma d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE) depuis 1992. Ces derniers sont des outils opérationnels s’appuyant sur des commissions de partage entre différents acteurs, les Commissions locales de l’eau (CLE), référents de tous les usages rivaux adossés à un même bassin hydrologique.

L’eau peut également être considérée comme la seconde forme de bien public impur, à savoir le bien de club, ou encore à péage : celui-ci est caractérisé par sa non-rivalité, permise parce qu’il y a exclusion. Bien que cela puisse paraître contre-intuitif, c’est le cas du service public de l’eau, effectivement exclusif puisqu’il est nécessaire d’être raccordé au réseau et de payer sa cotisation pour bénéficier du service, a fortiori lorsque le réseau est en cours de construction – même si cela est de moins en moins vrai en France depuis la loi Brottes de 2013 [33] qui interdit les coupures d’eau dans les résidences principales.

L’eau courante, d’abord placée comme objet de marché comme un autre, se voit remise en question. Cela témoigne que son ascension en tant que bien ne va pas de soi, et est à articuler à l’historicité de la gestion de la ressource et de ses infrastructures. Le résultat de cette histoire est l’objet d’un enjeu politique, celui du retournement des rapports de force. Les déterminants d’une gestion en commun relèvent de l’imaginaire de ce qu’est le commun, et des grands principes moraux qui prévalent au partage de la ressource et à sa distribution, bien au-delà d’une conception purement économique de ce qu’est le commun. Parler de bien commun, c’est insister sur l’adoption d’un point de vue global de gestion, l’auto-organisation. Le commun appelle des valeurs morales au-delà de sa seule évaluation marchande.

III. Actualisation contemporaine de l’eau comme bien commun : les entraves à la démocratisation de la gestion de l’eau dans un contexte global

1) Principes et limites opérationnelles d’une gestion « en commun »

Les promoteurs de l’eau bien commun avancent trois dimensions pour appuyer leur argumentaire : d’abord le droit à l’eau potable pour tous ; puis, l’interdiction des profits et donc la remise en cause de la gestion privée ; enfin la démocratisation de la gestion de l’eau. Ces trois objectifs affichés sont dans les faits corrélés : faire valoir l’eau comme common participe finalement d’une redéfinition morale et symbolique des modes de gestion et des dynamiques institutionnelles. Deux exemples contemporains permettent d’illustrer les mouvements de bascule d’un mode de gestion privé vers une renationalisation ou une remunicipalisation des services de l’eau, celui de l’Italie et celui de Paris, en France. Dans les deux cas, le recours au bien commun a permis de faire entrer des revendications démocratiques et anti-néolibérales dans le débat public.

En Italie, c’est à l’issue d’un long processus militant que la renationalisation de l’eau a été acquise par référendum le 13 juin 2011. En réaction au « Berlusconisme », branche locale du « cosmo-capitalisme » [34], et plus spécifiquement au décret Ronchi de 2009 qui forçait l’attribution par appel d’offre d’au moins 40 % des actions à des entreprises privées dans les sociétés de distribution de l’eau, le mouvement s’est accéléré. La valeur commune de l’eau a pris corps dans l’opinion, via les actions d’une fédération d’associations et de comités citoyens, active depuis le début des années 2000. Le Forum italien des Mouvements pour l’eau publique propose un référendum abrogatif, dont deux questions concernent la distribution d’eau. La première contestait la privatisation forcée et la seconde l’obligation d’au moins 7 % de profits pour la rémunération du capital [35]. Le vote aboutit à 95 % de votants en faveur de la renationalisation, avec 57 % de taux de participation, soit 26 millions d’italiens [36]. À la suite du vote contre les privatisations, sont créées des « Chartes municipales pour les biens communs urbains », approuvées par les municipalités et des expériences locales dites ABC (Acqua Bene Comune) fleurissent, se nourrissant de l’expérience napolitaine de création d’un organisme public à vocation participative pour la distribution de l’eau.

Au-delà de la question de la propriété de l’eau ou du service, c’est bien du renouvellement de processus démocratique dont il est question, puisqu’il s’agit d’appuyer la fonction sociale du service de distribution d’eau et de renouveler les possibilités de contrôle démocratique sur l’allocation de la ressource et le respect des droits fondamentaux. La commission Rodotá propose en 2010, à l’issue d’un important travail de requalification juridique [37], une nouvelle catégorie de biens (avec privé et public), le bien commun [38]. Bien au-delà du droit de propriété, les réflexions portent sur la garantie des droits fondamentaux et sur la vocation sociale et citoyenne des dispositifs de gestion. Le recours au bien commun a en réalité conduit à faire valoir la gestion de la distribution de l’eau comme bien public, en reconnaissant à l’État la valorisation des droits humains et la garantie des processus démocratiques et donc sa capacité à faire communauté.

Dans un mouvement analogue de requalification de la gouvernance de l’eau, Paris est de nouveau sous régie publique. À la différence de l’Italie, la France n’a pas légiféré à l’échelle nationale car ce sont les municipalités et intercommunalités qui sont compétentes en la matière. C’est le manque de possibilité de contrôle sur les activités et les tarifs du service de distribution d’eau qui a motivé une transition du privé vers le public. La promotion des commons est également associée à la lutte contre la pauvreté en eau par éviction du réseau, incarnée en France par la Fédération nationale « Eau bien commun », relayée par diverses antennes régionales. Cela a structuré en France nombre de mobilisations locales dans les années 1990 contre l’intervention des entreprises privées et leur rôle dans l’augmentation des prix de l’eau sur la facture des usagers ménagers [39]. Depuis 1985, la gestion de la distribution en eau potable à Paris était confiée aux deux entreprises privées leaders du secteur, la Lyonnaise des Eaux et la Générale des Eaux, transformées aujourd’hui respectivement en Suez Environnement et Véolia. Leur mise en concurrence sur le territoire de Paris devait bénéficier à l’usager, d’autant que la mairie était censée en garder le contrôle et garantir une certaine transparence sur leurs activités via la Société anonyme de gestion des eaux de Paris (SAGEP). C’est la facture de l’eau potable, en hausse constante jusqu’à la remunicipalisation de sa gestion en 2009, qui motivera la transition après l’élection de la gauche à la mairie en 2001. Les profits générés par les sociétés privées sont devenus criants en 2003 après que la Cour des Comptes ait souligné les incohérences de l’allocation des ressources financières des grands groupes [40]. En 2010 la Régie publique nouvellement créée, Eaux de Paris, décrète la baisse des tarifs de l’eau potable à hauteur de 8 %.

Le rejet d’une gestion de l’eau profitable économiquement a motivé une réflexion institutionnelle sur le bien commun, qui s’est incarnée dans le choix des parties prenantes du conseil d’administration notamment. Il s’agissait de garantir un meilleur contrôle à la fois politique et citoyen de la gestion des eaux, par l’inclusion d’un grand nombre d’acteurs, opérationnels, représentants politiques, associatifs et experts. Les usagers eux-mêmes sont responsabilisés dans le contrôle des activités de la régie, puisqu’est créé en 2006 l’Observatoire parisien de l’eau (OPE) [41] qui est à la fois extra-municipal et indépendant des Eaux de Paris et dont un membre élu est nommé au conseil d’administration. Il permet aux citoyens intéressés de soumettre leurs réflexions et interrogations qui sont ensuite relayées à l’exécutif et d’échanger avec les experts opérationnels de la distribution et de l’assainissement de l’eau. L’ambition démocratique de l’eau ainsi fondée comme bien commun par le fait est une fois encore au cœur du projet : les instances ainsi créées permettent de maintenir un lien entre les usagers et les administrateurs, dans le cadre d’une gouvernance durable de la ressource avec contrôle sur la qualité du service fourni. Eaux de Paris se voit ainsi octroyer en 2016 le label international « Communauté bleue » pour sa reconnaissance pragmatique de l’eau comme bien commun.

Or, la démocratisation de la gestion de l’eau, objectif affiché des mouvements en faveur de l’eau bien commun, souffre néanmoins de plusieurs obstacles. Marie Tsanga Tabi [42] qualifie le champ de l’eau de « citadelle technique », pour désigner le fait qu’à l’instar de l’énergie, le secteur requiert un certain niveau d’expertise. Pour que le citoyen ordinaire puisse dialoguer avec les experts, il doit lui-même devenir expert et donc s’éloigner des considérations populaires de gestion de l’eau. Le coût d’entrée dans cette citadelle technique est très élevé et suppose un investissement conséquent de la part d’acteurs non spécialistes. La polarisation militante des membres des associations citoyennes de l’eau devient inévitable [43]. De plus, au-delà de la simple entrée dans le débat expert de ce secteur technique, la gestion en commun suppose un co-pilotage permanent. En effet, joindre des acteurs aux intérêts divergents fait survenir un grand nombre de conflits. Or, qu’en est-il de la neutralité du médiateur ?

Outre la facture gonflée artificiellement sous l’effet de l’opacité de la gestion privée, il est néanmoins nécessaire de rappeler l’ancrage territorial et contextuel des choix de gestion de l’eau. Si les deux cas présentés ci-dessus sont issus du monde occidental, une part croissante des pays du Sud souffre de stress hydrique et de pauvreté en eau. Affirmer l’eau comme bien commun et aboutir en fait à la publicisation du service n’est possible que lorsque le réseau est viable. L’entretien des réseaux voire leur création est très coûteux et le recours au privé peut être une manière efficace de garantir efficacement la circulation de l’eau potable dans les pays du Sud, dans un contexte de densification urbaine (hors gestion communautaire à petite échelle).

2) La bonne administration de l’eau « en commun » : la question de l’échelle ou l’enjeu de « faire communauté »

Selon Ostrom [44], fonder un commun implique la définition d’une communauté. La question de l’échelle est donc centrale, et avec une dimension aussi large que celle d’Humanité, il est difficile de faire du commun davantage qu’un discours. Aussi du point de vue de la gouvernance le patrimoine commun régional fait plus sens, bien que cela suppose une fois encore de questionner la bonne étendue de gestion. À large échelle, la référence au bien commun peut devenir la cachette discursive idéale de nouvelles enclosures, masquées par des discours généreux, au prétexte que donner une valeur monétaire à une ressource est la seule manière de la protéger, tout en niant les spécificités locales [45]. Les solutions globales sont de fait difficile à définir et à mettre en place.

La question de la bonne échelle de gouvernance revient à poser la question de la « confiance territoriale » [46] dont Bernard Barraqué distingue trois types, qui vont se manifester dans les choix techniques de mise en accès de l’eau. Premièrement, l’étatisme a de longue date été l’échelle de gestion privilégiée. Karl August Wittfogel [47] a montré dans les années 1970 l’essor d’empires de l’eau et de régimes dictatoriaux à l’origine de grands ouvrages hydrauliques, ces ensembles institutionnels centralisés et autoritaires qu’il nomme les « civilisations hydrauliques ». L’État centralisé et centralisateur a été une échelle de gestion privilégiée de longue date, en Occident comme en Orient. Cela fut le cas au Brésil, aux États-Unis, au Portugal, ou encore dans l’Espagne franquiste. Deuxièmement, la confiance territoriale peut être placée en l’administration municipale. En Europe occidentale et centrale, il s’agit de l’échelon compétent en matière de potabilité ou d’assainissement de l’eau. Troisièmement, la communauté la plus petite à laquelle est confiée la gestion de l’eau est celle du village ou du quartier. Dans les pays en développement, c’est l’absence de réseau qui fait de cet échelon la focale privilégiée. Il s’agit d’une gestion en bien commun « de fait », lorsque le réseau n’existe pas et qu’aucun contrôle de la consommation n’est possible.

Il est même possible de trouver des échelles de gestion en commun bien plus petites [48] : les compteurs collectifs ont fait de l’eau un bien commun au sein d’un immeuble, encore actuellement, dès lors que certains logements ne disposent pas de compteurs individuels. D’après Bernard Barraqué, cela n’est pas à sous-estimer si l’on pense faire de l’eau un bien commun, et cela peut conduire à contrer l’individualisation de la facture et donc la marchandisation du service, dans la mesure où il s’agit d’un levier de responsabilisation des acteurs idoines.

Si le financement de l’accès à l’eau et la bonne focale administrative font débat, le recours au bien commun de l’Humanité semble pourtant partagé tant par les tenants d’une gestion locale municipale de l’eau, que par une coalition d’acteurs privés et supranationaux. Le débat concernant l’eau comme bien commun s’est incarné au travers d’autres références, comme à celle de patrimoine commun de l’Humanité. S’agit-il d’une autre manière de qualifier la nature commune de l’eau, sans y apposer la notion de bien ou la capitaliser ? Le recours au patrimoine véhicule l’idée de transmission de la ressource aux générations futures, du point de vue de sa qualité : « On gère un capital pour l’augmenter, on gère un patrimoine pour le transmettre » [49]. Ainsi, la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 3 janvier 1992 stipule que l’« eau fait partie du patrimoine commun de la nation » (art. 1). À l’échelle européenne, la Directive cadre européenne sur l’eau de 2000 consacre l’eau comme « patrimoine » tout en remettant en cause sa seule perception rationalisée économiquement : l’eau n’est « pas un bien marchand comme les autres » [50]. La notion de patrimoine mondial ou étatique permet ainsi une contestation du « Consensus de Dublin ». La dissociation des perspectives économiques de l’eau par l’intermédiaire du patrimoine commun de l’Humanité a permis d’introduire le concept de durabilité des eaux, notamment par la charte européenne des ressources en eau du 17 octobre 2001.

La genèse de l’eau comme patrimoine commun est néanmoins intéressante. Le premier à promouvoir cette conception de l’eau est l’ambassadeur maltais aux Nations unies en 1967, non pas pour plaider pour une meilleure protection, mais pour promouvoir un meilleur partage et remettre en question l’ascendant des pays occidentaux dans la géopolitique hydraulique, du point de vue de leurs dispositions technologiques conséquentes leur permettant une plus grande facilité d’exploitation [51]. Le concept appelle également à changer le rapport à la gouvernance de l’eau, en mêlant un nombre croissant d’acteurs, qu’il s’agisse d’acteurs publics, privés, d’associations et de collèges experts.

Progressivement, les unités de gestion de l’eau s’élargissent et outrepassent les zones d’autorités politiques traditionnelles, avec une tendance à impliquer un plus grand nombre d’acteurs et de secteurs dans la prise de décision. Les frontières politiques s’adaptent à la situation géo-hydrologique dans le but explicite de minimiser les injustices en termes de ressources en eau disponibles et les conflits géopolitiques. La reprise de la patrimonialisation de l’eau est désormais un lieu commun des organisations internationales, comme le Conseil mondial de l’eau, le Partenariat mondial de l’eau ou les Nations unies. Le nouveau cadre de référence qu’il appelle, la Gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) va de pair avec de nouvelles échelles pertinentes (bassin versant, fleuve, lac, aquifère) et de nouveaux outils de gestion.

Le succès de la notion de patrimoine commun témoigne d’une remise en question de la propriété de l’eau et insiste sur la collectivisation et la mutualisation des usages, le partage de la ressource et la recherche d’une gouvernance durable. Si le mouvement de patrimonialisation de l’eau permet de contester la marchandisation de l’eau par des éléments de langage et des glissements sémantiques, il n’a cependant pas clarifié les modalités de gestion, laissant le soin aux administrations subalternes d’administrer le captage et la distribution d’eau en faisant usage de leur souveraineté. États, municipalités ou autorités régionales collégiales – souvent supranationales –, dans le cadre de la Gestion intégrée des ressources en eau, sont sommés d’harmoniser leurs politiques de gestion, sans y être contraints. Le patrimoine mêle conceptions écologiques, techniques et économicistes (utilisateur pollueur payeur, recouvrement des coûts en fonction des volumes vendus) [52]. La contestation du « Consensus de Dublin » n’est alors pas totale.

IV. En guise de conclusion

On observe en conclusion un certain localisme culturel du rapport à l’eau, où l’évolution locale des acteurs impliqués dans la gouvernance et leurs rapports dépendent du chemin emprunté. Celui-ci est déterminé par l’histoire de la gestion de la ressource et du service ainsi que de l’imaginaire local associé à la ressource, en contexte d’opulence, de rareté et désormais de raréfaction. Les institutions héritées localement sont prégnantes dans les modèles de gestion de l’eau, alors que les diverses organisations mondiales tendent à organiser un lissage des différences locales par des préconisations discursives. Aujourd’hui l’idée d’un commun de l’eau est largement partagée, dans une perspective descriptive – le volume de la ressource en eau est fini et il importe de le partager – tout en ayant une portée contestataire voire militante. Il s’agit là d’une idée défendue par une coalition d’acteurs hétérogènes, à toutes les échelles de gestion, du local à l’international, dont le point commun est de critiquer la marchandisation de la ressource. On observe alors l’essor d’une définition de la ressource en eau comme bien commun de l’Humanité. L’Humanité peut-elle être rapprochée d’une communauté au sens d’Ostrom ou encore de Laval et Dardot ? En d’autres termes, décréter l’eau en tant que patrimoine commun de l’Humanité suffit-il à fonder l’Humanité comme communauté légitime ? Cela est-il même possible ?

Si le commun de l’eau s’avère être à l’échelle globale un élément de langage prônant un meilleur partage de la ressource, à l’échelle régionale ou locale il apparaît bien plus comme un outil de contestation citoyen. Le retour en grâce de l’idée de communs observé notamment en Italie et à Paris concerne finalement un retour à la gestion publique et non communautaire – bien que les termes soient amalgamés – dans le but de remettre en question l’exploitation économique de l’eau et dans le même temps de démocratiser la gestion de la ressource.

AUTEUR
Pauline Bascou
Doctorante en sociologie urbaine
Université de Lorraine, 2L2S-EA 3478
École doctorale Sociétés Langues Temps et Connaissances (SLTC)

ANNEXES

NOTES
[1] La Charte européenne de l’eau a été approuvée par le Conseil de l’Europe le 6 mai 1968.
[2] Gabriel Blouin Genest et Sylvie Paquerot, « Les droits humains comme grammaire de “l’en-commun”. Confrontations politiques et champ de bataille de “l’en-commun” », SociologieS [en ligne], Dossiers, mis en ligne le 19/10/2016, disponible sur http://journals.openedition.org/sociologies/5654, consulté le 31/05/2026.
[3] Garrett Hardin, Laurent Bury et Dominique Bourg, La tragédie des communs, Paris, Presses universitaires de France, 2018.
[4] Aristote, La politique, livre 2, chapitre 3, Paris, Vrin, 2014.
[5] Robert M. Solow, « The Economics of Resources or the Resources of Economics », The American Economic Review, n° 64, 1974, p. 1‑14.
[6]  « À Vittel, Nestlé privatise la nappe phréatique », Reporterre, le quotidien de l’écologie, 2018, disponible sur https://reporterre.net/A-Vittel-Nestle-privatise-la-nappe-phreatique, page consultée le 29/05/2021.
[7] Elinor Ostrom, Governing the commons: the evolution of institutions for collective action, Cambridge, Cambridge University Press, 1990.
[8] Pierre Dardot et Christian Laval, Commun. Essai sur la révolution au xxie siècle, Paris, La Découverte, 2015.
[9] Ivan Illich, Thierry Paquot et Maud Sissung, H2O Les eaux de l’oubli, Paris, Terre urbaine, 2020 [1984].
[10] Ibid.
[11] Georges Vigarello, « L’invention de l’eau moderne et ses imaginaires renouvelés », Constructif, n° 43, 2016, p. 8‑11.
[12] Alain Corbin, Le Ciel et la mer, Paris, Flammarion, 2014.
[13] Georges Vigarello, Le propre et le sale. L’hygiène du corps depuis le Moyen Âge, Paris, Seuil, 2013.
[14] Alain Corbin, L’avènement des loisirs, 1850-1960, Paris, Flammarion, 2009.
[15] Jean-Christophe Diedrich, « Les bains et piscines à Metz. Du bain dangereux au bain vertueux, ludique et sportif », Cahiers Lorrains, vol. 2, n° 2, 2008, p. 57‑75. L’association « Metz Ville d’Eau » étudie actuellement la mise en place d’une baignade urbaine (« Bains des Remparts »), en eaux naturelles, à l’emplacement de l’exutoire d’un canal au pied des anciennes fortifications du centre-ville de Metz.
[16] Rinio Bruttomesso (dir.), Waterfronts. A new frontier for cities on water, Venise, International center cities on water, 1993.
[17] Sibylle van der Walt, « Flussbad Berlin, un projet citoyen de baignade urbaine dans le canal de la Spree », Allemagne d’aujourd’hui, vol. 4, n° 234, 2020, p. 59‑70.
[18] Alain Corbin, Histoire buissonnière de la pluie, Flammarion, Paris, 2017.
[19] Xavier Arnauld de Sartre (dir.), Political ecology des services écosystémiques, EcoPolis, n° 21, Bruxelles / New York, 2014 ; cf. également, Antoine Bailly et Lise Bourdeau-Lepage, « Concilier désir de nature et préservation de l’environnement : vers une urbanisation durable en France », Géographie, économie, société, vol. 13, n° 1, 2011, p. 27‑43.
[20] Bernard de Gouvello, « La récupération et l’utilisation de l’eau de pluie (RUEP) en France : état des lieux de la pratique et des recherches », Journées Franco-Brésiliennes en Hydrologie Urbaine, Paris, 2010.
[21] Arrêté du 21 août 2008 relatif à la récupération des eaux de pluie et à leur usage à l’intérieur et à l’extérieur des bâtiments.
[22] Les TVB correspondent au maillage de « corridors écologiques » par lesquels les espèces terrestres et aquatiques peuvent circuler, sans qu’il n’y ait de discontinuité dans leurs parcours de migration et de reproduction. Article L. 371-1 et suivants du Code de l’environnement et Article L. 110 du Code de l’urbanisme.
[23] Alexandre Brun, Stéphane Coursière et Évariste Casetou, « Eau et urbanisme à Lyon : le projet de renaturation du Ruisseau des Planches », Territoire en mouvement, n° 22, 2014, p. 112‑126.
[24] David Blanchon, « L’eau dans le “nexus eau-énergie-alimentation” », dans David Blanchon, Géopolitique de l’eau : entre conflits et coopérations, Paris, Le Cavalier Bleu, 2019, p. 45‑48.
[25] Garrett Hardin, Laurent Bury et Dominique Bourg, La tragédie des communs, op. cit. supra note 3.
[26] Konstantinos Chatzis, « Brève histoire des compteurs d’eau à Paris, 1880-1930 », Terrains & travaux, vol. 2, n° 11, 2006, p. 159‑178.
[27] « La valeur de l’eau », rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau, Paris, UNESCO, 2021.
[28] Bernard Barraqué, « Pour une histoire des services d’eau et d’assainissement en Europe et en Amérique du Nord », Flux, vol. 3‑4, nos 97‑98, 2014, p. 4‑15.
[29] Bernard Barraqué, « Le compteur d’eau : enjeux passés et actuels », Sciences Eaux Territoires, vol. 1, n° 10, 2013, p. 98‑105.
[30] UN, The Dublin Statement on Water and Sustainable Development, International Conference on Water and the Environment, Organized by the United Nations, Dublin, Ireland, January 1992.
[31] David Blanchon, Géopolitique de l’eau : entre conflits et coopérations, Paris, Le Cavalier bleu, 2019.
[32] Richard A. Musgrave et Alan T. Peacock, Classics in the theory of public finance, Londres / New York, Macmillan, 1958.
[33] Loi n° 2013-312 du 15 avril 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes.
[34] Pierre Dardot et Christian Laval, Commun, op. cit. supra note 8.
[35] Art. 154 du décret environnemental du gouvernement Prodi, 2006.
[36] En Italie, le quorum de validation d’un référendum abrogatif est établi à 50 %.
[37] Daniela Festa, « Les communs urbains. L’invention du commun », Tracés. Revue de Sciences humaines, n° 16, 2016, p. 233‑256.
[38] Le projet de loi issu des conclusions de la commission Rodotá en 2008 n’a jamais été discuté, bien qu’il ait largement alimenté les discussions et débats publics dont émerge la mobilisation pour la renationalisation de l’eau, jusqu’à l’échéance du vote de 2011.
[39] Cécile Tindon et Rémi Barbier, « Se mobiliser pour l’eau potable : une forme de régulation civique ? », Participations, vol. 21, n° 2, 2018, p. 143‑162.
[40] Agnès Sinaï, L’eau à Paris. Retour vers le public, Paris, Eaux de Paris, 2014.
[41] Arrêté municipal du 22 mars 2013.
[42] Marie Tsanga Tabi, Théorie et réalité du service public local : le cas de la distribution d’eau potable, université de Paris 10, thèse de doctorat en sciences de gestion, 2003.
[43] Cécile Tindon, S’engager pour l’eau potable : de l’indignation à la régulation civique, université de Strasbourg, thèse de doctorat en sociologie, 2018.
[44] Elinor Ostrom, Governing the commons, op. cit. supra note 7.
[45] Rémi Barbier, Bernard Barraqué et Cécile Tindon, « L’eau potable pourrait-elle devenir un bien commun ? Espace de coexistence et imaginaire social du commun », Développement durable et territoires. Économie, géographie, politique, droit, sociologie, vol. 10, n° 1, 2019, disponible sur http://journals.openedition.org.bases-doc.univ-lorraine.fr/developpementdurable/13231, page consultée le 15/09/2020.
[46] Bernard Barraqué, « Eau Bien Commun, Eau Service Public : discussion Nord-Sud », 2016, https://www.afd.fr/fr/media/download/11916.
[47] Karl August Wittfogel, Le despotisme oriental: étude comparative du pouvoir total, Paris, Éditions de Minuit, 1977.
[48] Bernard Barraqué, Le compteur d’eau, op. cit. supra note 29.
[49] Yves Barel, La société du vide, Paris, Seuil, 1984.
[50] Iratxe Calvo-Mendieta, Olivier Petit et Franck-Dominique Vivien, « 2. Entre bien marchand et patrimoine commun, l’eau au cœur des débats de l’économie de l’environnement », dans Graciela Schneier-Madanes (dir.), L’eau mondialisée, Paris, La Découverte, 2010, p. 61‑74.
[51] Alexandre Taithe, « L’eau comme patrimoine commun », Constructif, n° 43, 2016, http://www.constructif.fr/bibliotheque/2016-3/l-eau-comme-patrimoine-commun.html?item_id=3515, page consultée le 25/09/2020.
[52] Olivier Petit et Bruno Romagny, « La reconnaissance de l’eau comme patrimoine commun : quels enjeux pour l’analyse économique ? », Mondes en développement, vol. 145, n° 1, 2009, p. 29‑54.

RÉFÉRENCES

Pour citer cet article :
Pauline Bascou, « La construction de l’eau comme bien commun : entre discours consensuel global et usage contestataire local », dans L’essor des biens communs. Une analyse pluridisciplinaire des communs, Hervé Marchal et Jean-Marc Stébé [dir.], Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne], 7 septembre 2021, n° 15, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html.
Auteur : Pauline Bascou.
Droits : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC/credits_contacts.html
ISSN : 1961-9944

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