Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin" UMR 7366 CNRS-uB |
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Territoires contemporains | |
L’essor des biens communs. Une analyse pluridisciplinaire des communs | ||||||||||||||||||||||||||
Les tiers-lieux, espaces d’expérimentation du commun ? | ||||||||||||||||||||||||||
Corinne Martin et Camille Pereira | Résumé | Mots-clés | Sommaire | Texte | Auteur | Annexes | Notes | Références | Outils | |||||||||||||||||||||||||
RÉSUMÉ
En quoi les tiers-lieux peuvent-ils constituer des espaces d’expérimentation du commun ? Comment, et à quelles conditions ? Les tiers-lieux, nouveaux espaces ayant émergé dans les univers urbains et ruraux, sont bien souvent présentés comme des outils d’attractivité du territoire pour penser le monde de demain, dans le cadre de la transition numérique et écologique. En interrogeant les notions de « biens communs », de « communs » (approches économique et juridique), il est apparu que le « faire ensemble » constitue effectivement une façon d’expérimenter des activités, des pratiques et des valeurs communes au sein des tiers-lieux. Mais c’est surtout l’approche sociologique, avec la notion de « principe du commun », principe à instituer, qui a permis de questionner avec le plus de pertinence les modes de gouvernance de ces espaces. Ainsi, les tiers-lieux de type coopératif, semblent les plus à même d’échapper à l’emprise des logiques propriétaires, qu’elles soient privées ou publiques. |
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MOTS-CLÉS
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SOMMAIRE
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TEXTE | ||||||||||||||||||||||||||
I. Introduction La problématique principale liée au dossier « L’essor des biens communs. Une analyse pluridisciplinaire des communs », pourrait s’énoncer comme suit : en quoi les tiers-lieux peuvent-ils constituer des espaces d’expérimentation du commun ? Comment, et à quelles conditions ? Il serait également intéressant de cerner comment, à quelles conditions, ce facteur du commun pourrait-il être identifié comme un élément discriminant pour caractériser ces tiers-lieux ? En effet, les tiers-lieux, ces nouveaux espaces qui sont apparus dans les mondes urbains et ruraux, questionnent. Ils sont présentés par les acteurs qui y interagissent, les politiques notamment, comme des outils de dynamisation, d’attractivité du territoire (créant de la richesse socio-économique), pour penser le monde de demain, dans le cadre de la transition digitale et écologique. Le programme est ambitieux et ce discours quelque peu apologique mériterait quelque déconstruction. Il s’avère qu’il est extrêmement difficile de les définir, tant leur diversité est grande. Nous serions tentées de reprendre la notion d’arc-en-ciel que Michel Lallement [1] introduit pour caractériser les communautés : même s’il s’agit ici d’un autre objet social étudié, l’idée développée par cet auteur d’un continuum, permet d’éviter le piège d’une diversité de cas tous singuliers vs un modèle uniforme. Nous estimions qu’il en existait 600 [en France, en 2018], ils se révèlent être près de 1 800. Ils dessinent le futur de notre rapport au travail et renouvellent la sociabilité. Ils chérissent les anglicismes, mais sont bien ancrés dans leurs territoires. On les appelle « coworking », « FabLab », « atelier partagé », « Living Lab », « garage solidaire », « social place », « makerspace », ou encore « friche culturelle » : ils visent la création, la formation, l’apprentissage, valorisent le partage, la solidarité, le "faire". Ils sont en mouvement dans une société, hybride dans un environnement en profonde mutation, je veux parler des tiers-lieux [2]. Si l’origine du terme Third Place (tiers-lieux) vient du sociologue Ray Oldenburg [3], toujours cité, la définition qu’il en donnait était si large qu’elle en était devenue peu opérante. Effectivement, il demeure très difficile de proposer une définition synthétique d’un tiers-lieu, tant la réalité qu’ils recouvrent est diverse et multiple. Implantés sur les territoires, ancrés dans la culture numérique (les premières imprimantes 3D, l’OpenSource, etc.), les tiers-lieux partagent bien souvent la volonté d’innover, en misant sur le « faire ensemble » [4], sur la rencontre entre métiers et disciplines (des artistes aux designers, aux artisans, en passant par les entrepreneurs et les Startups), en mobilisant l’intelligence collective et en essayant de repenser la relation au travail, d’inventer le monde de demain. Il semble à présent plus pertinent d’aborder le tiers-lieu sous la forme d’un processus, toujours en évolution : sur le terrain, les acteurs concernés, les résidents et administrateurs de ces tiers-lieux recourent à l’expression : « faire tiers-lieux », que nous analyserons. C’est un projet, centré sur les tiers-lieux lorrains, dans le cadre du programme Contrat de Plan État-Région (2017-2019), qui a permis la rencontre, sur le terrain, entre les deux auteures. Une étude qualitative a été conduite durant le projet : plus d’une trentaine d’entretiens semi-directifs ont été réalisés avec des résidents et chefs de projets des tiers-lieux lorrains (dont l’une des deux auteures), des élus et administratifs des collectivités impliquées, ainsi qu’une observation participante sur les deux années du projet. Corollairement, une recherche-action a pu être conduite avec la participation à la création d’un autre tiers-lieu, universitaire celui-ci. L’écriture en commun, entre une enseignante-chercheure à l’université et une chargée de projet dans l’un des plus importants tiers-lieux lorrains, nous a semblé constituer une démarche heuristiquement féconde, en ce qu’elle favorisait la rencontre de deux approches complémentaires qui pouvaient se nourrir réciproquement. Dans une première partie, un parcours sélectif de la littérature sur les communs (approches économique, juridique et socio-politique), nous permettra de construire la boîte à outils théorique, qui nous servira de grille de lecture pour analyser et faire parler le matériau issu du terrain. C’est ainsi que nous pourrons montrer, dans une deuxième partie, combien les tiers-lieux tentent d’expérimenter le commun, à travers les activités et les valeurs partagées. Cette analyse effectuée, il s’est avéré nécessaire de poursuivre l’investigation, afin d’interroger la question centrale de la gouvernance de ces tiers-lieux, la question du pouvoir en somme : ce sera l’objet de la troisième partie. II. Des biens communs au principe du commun : clarification des notions La notion de communs est polysémique et a évolué dans le temps. Un seul terme en anglais pour désigner les commons, en italien, les beni comuni, mais plusieurs termes en français : les biens communs, les communs voire le commun. Cet exemple montre combien ces notions s’avèrent très complexes et la synthèse que nous tenterons sera forcément partielle, très incomplète. Elle est réalisée à partir des travaux d’économistes, de juristes, d’historiens et de sociologues, principalement [5]. Il importera de n’en retenir que l’essentiel, ce qui sera utile pour éclairer notre corpus et matériau d’enquête. 1) L’approche en économie politique d’Elinor Ostrom : la notion de biens communs Elinor Ostrom, au sein de l’École de Bloomington, est à l’origine de ce nouvel intérêt pour le thème des communs dès les années 1980 [6]. Sa théorie sera développée dans son ouvrage paru en 1990, Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Action [7]. Puis, avec l’obtention du prix Nobel d’Économie en 2009, ses travaux ont été consacrés et reconnus fondamentaux, car ils ont permis de déconstruire la fameuse « tragédie des communs » qui postulait que les ressources (naturelles), en accès ouvert à tous, risquaient inéluctablement d’être surexploitées, dévastées, ruinées par les différents intérêts particuliers des usagers. Cette hypothèse s’inscrivait dans le courant libéral dominant de l’individualisme, théorisant un homo œconomicus dont les choix seraient forcément rationnels et orientés vers le seul intérêt individuel. Pourtant, à partir de cas concrets, Elinor Ostrom a pu montrer qu’en réalité, il n’en était rien. Sa théorie repose sur trois piliers fondamentaux : tout d’abord le CPR (Common Pool Resources), autrement dit les ressources partageables, ensuite la communauté, et enfin le bundle of rights (traduit par le faisceau de droits). Ce dernier précise les modalités de l’accès et du partage des bénéficiaires de la ressource. La force d’Ostrom est d’avoir distingué différents types de droits et leur répartition selon les types d’acteurs partageant l’accès et l’exploitation de cette ressource. Ce bundle of rights introduit à un élément-clé, la gouvernance : inscrite dans les formes organisationnelles et institutionnelles, c’est cette gouvernance qui assurera le respect des droits et obligations de chacune des parties prenantes et qui veillera à la reproduction de la ressource. C’est précisément la définition que Benjamin Coriat donne des communs, c’est-à-dire « des ensembles de ressources en accès partagé et collectivement gouvernées au moyen d’une structure de gouvernance assurant une distribution des droits et des obligations entre les participants (commoners) et visant à l’exploitation ordonnée de la ressource, permettant sa reproduction à long terme [8] ». Retenons, pour notre analyse future des tiers-lieux, qu’un commun – une ressource en accès partagé – suppose forcément une structure de gouvernance. Par conséquent, il devient indispensable d’orienter son analyse vers cette gouvernance, lorsque l’on souhaite analyser et comprendre le fonctionnement des communs. Pour poursuivre cette clarification des communs, il faut interroger l’approche juridique, qui apporte des points essentiels à la définition des biens communs. 2) L’approche juridique : les biens communs, sans catégorie générique dans le droit positif Penser les biens communs signifie appréhender la notion de communs par la notion de biens, ce qui n’est pas sans conséquence puisque cela enferme la réflexion dans un schéma propriétaire [9]. En fait, il importe de préciser qu’il n’existe pas de catégorie générique du commun dans le droit positif, seule la dimension collective existe, mais qu’on ne peut assimiler directement au commun : les « choses communes », res communes, notion issue du droit romain, sont plutôt des choses communes par nature, de fait inappropriables et réservées pour l’usage de tous, tels l’air, l’eau courante, la mer et les rivages. En droit privé, quelques exemples existent (le mariage sous le régime de la communauté par exemple). Pour ce qui est du droit public, il importe de prendre en compte une notion centrale : celle de l’affectation du bien. Mais, les biens dits communs étant placés entre les mains du propriétaire public, l’idée même d’une utilité commune se dissout [10]. En fait, nous sommes dans une impasse, certains juristes, comme Béatrice Parance et Jacques de Saint Victor, suggèrent qu’il faudrait repenser les biens communs, « car le droit libéral n’a pensé les traits absolus de la propriété qu’à partir de l’individu » [11]. En résumé, il n’existe pas de véritable catégorie juridique de bien commun, elle reste à inventer en France, telle une troisième voie, entre le privé et le public [12]. En Italie, la Commission Rodotà [13], qui a proposé un projet de loi novateur, semble être allée le plus loin vers la définition des communs mais ce projet, dont le rapport a été remis en 2008, n’a pu aboutir : en effet, le gouvernement italien ayant commandité ce rapport a démissionné. Cette commission proposait de déplacer la perspective, en classifiant les biens non plus dans la relation avec le sujet – celui qui possède – mais selon leur fonction : à quels droits fondamentaux ces biens communs répondent-ils ? C’est ainsi que les biens communs étaient identifiés comme « des choses qui expriment une utilité fonctionnelle à l’exercice des droits fondamentaux ainsi qu’au libre développement de la personne » [14]. Autrement dit, « c’est l’aptitude à satisfaire un droit fondamental de la personne qui fait le bien commun » [15]. Une réflexion importante en Italie [16], qui a pu se concrétiser au travers de quelques expériences, notamment à Naples [17], avec l’occupation et la gestion de l’immeuble Ex-Asilo Filangeri, immeuble remplissant une véritable fonction sociale. Pourtant, cette commission Rodotà ne serait pas allée assez loin, laissant encore et toujours la gestion des biens communs à la personne publique. Après la présentation indispensable de cette approche juridique, pour qui s’intéresse aux communs, d’autres approches, sociologique et anthropologique, vont nous permettre d’avancer, en instaurant une notion nouvelle : celle de « principe du commun ». 3) L’approche sociologique de Dardot et Laval : le principe du commun, un principe à instituer Les deux sociologues Pierre Dardot et Christian Laval [18] saluent les travaux d’Elinor Ostrom en ce qu’ils ont permis de pointer l’importance de cette gouvernance des communs. Pourtant, elle non plus ne serait pas allée assez loin, restant enfermée dans l’« économisme », une approche centrée sur la notion de « biens », sur la possession. En effet, selon ces auteurs, ce n’est pas la qualité du bien – classification économique de quatre types de biens selon les deux critères de rivalité/exclusivité –, qui détermine sa nature – commun vs non commun –, mais c’est le système organisé de gestion qui institue une activité en commun. Louis Assier-Andrieu, en anthropologie du droit, ne dit pas autre chose : « Quand l’économie accepte les communs, c’est comme bien, non comme principe. Or les biens communs, une forme de propriété, ne sont pas le socle sur lequel une communauté se construit […] mais c’est, à l’inverse, à partir de la communauté qu’il est possible de considérer des biens comme communs » [19]. Ainsi, le terme « communs » ne devrait plus être un adjectif accolé à celui de « biens », car le commun n’est pas un bien – que l’on peut posséder. Ainsi, au sens où l’entendent ces auteurs, un commun est « le lien vivant entre une chose, un objet, un lieu, une réalité naturelle (un fleuve, une forêt) ou artificielle (un théâtre, un édifice public ou privé, un service, une entreprise, une place), et l’activité du collectif qui le prend en charge, le préserve, l’entretient et en prend soin » [20]. Et cette activité d’en prendre soin, de le faire vivre, de le réserver pour l’usage commun « n’est pas extérieure au commun, elle n’est pas un accessoire contingent, elle fait partie du commun lui-même » [21]. Alors pourquoi le principe du commun ? C’est un principe qui relève du politique, à partir duquel nous pouvons construire du commun. C’est en effet en repartant des droits fondamentaux de la personne, comme l’a fait la Commission Rodotà, qu’émerge celui, premier, d’accès à la démocratie – qui relie tous les autres : accès à l’eau, accès aux soins, à la culture, etc. – et c’est une affaire de tous les citoyens de définir ce qui est commun, dans une appréciation collective, pour répondre, dans une utilité fonctionnelle, à ces droits fondamentaux du citoyen. Ainsi, le principe (politique) du commun se précise : c’est un acte démocratique qui permet d’instituer le commun. Instituer du commun, c’est en quelque sorte, faire société. Ce sont les citoyens qui sont à l’origine de cet acte d’instituer. L’acte d’instituer, tel qu’a pu le définir Cornelius Castoriadis dans L’institution imaginaire de la société [22], est un acte de création : celui de produire un imaginaire radical, affranchi du déterminisme, des orthodoxies et autres fonctionnalismes, acte par lequel une société s’auto-institue, et construit les significations imaginaires qui font sens pour elle. Cette dimension de l’auto-institution semble essentielle dans l’analyse des tiers-lieux : en effet, pour qu’un tiers-lieu se mette en place, il lui faut cette dynamique des citoyens, dans un effet bottom-up, partant de la base. Et l’on verra combien les élus locaux souhaitent pourtant tous avoir dans leur commune « leur » tiers-lieu, comme ils ont eu leur rond-point [23], mais cela ne fonctionne pas ! En effet, il faut que des activités, une volonté, une dynamique soient auto-instituées par les citoyens, précisément. Pour mieux comprendre, il convient à présent d’aborder la notion de communauté pour voir comment, à travers ce principe du commun, cette institution du commun, se fonde une société. 4) Le processus de commoning, éclairé par la notion de communauté Dans ce nouvel intérêt pour les communs (cf. supra), la notion de commoning a théoriquement émergé. Il s’agit d’« un processus social par lequel un groupe de gens – des pairs – s’organisent pour gérer des ressources, des savoirs, des espaces et autres domaines » [24]. Il n’y a pas de commun sans commoning et réciproquement. Une autre façon de dire que ce sont bien les individus qui vont instituer ce commun et définir les règles pour s’organiser et le gérer collectivement. Précisons qu’il s’agit, de fait, d’un processus d’expérimentation – sinon resurgirait la règle du top-down, verticale, pensée en haut et appliquée, imposée vers le bas – : dans tout processus d’expérimentation, il y a aussi expérience et création, voire re-création du monde. Si la notion de commoning est intraduisible en français, il est possible de trouver des similitudes avec la notion de communauté. Michel Lallement [25] explore les communautés qui existent, en nombre non négligeable, aux États-Unis : il analyse l’engagement, l’attachement, l’enrôlement par les valeurs et les règles de vie au quotidien, inventées, expérimentées, règles qui vont souder ces individus autour d’un projet de vie en commun, dans un véritable désir d’égalité. Projet au sein duquel le travail prend une place essentielle, projet que la communauté va mettre en œuvre, telle une sorte d’utopie concrète pour ré-inventer le monde, et vivre à côté, en marge – mais pas totalement en dehors – de cette société qualifiée de straight. De son côté, Louis Assier-Andrieu évoque un principe de communauté, qui serait en quelque sorte cet « esprit de société », permettant de rentrer dans un cycle d’échanges : « La communauté se fonde sur l’échange au bénéfice de tous, une réciprocité désintéressée » [26]. On pense forcément aux travaux de la revue du MAUSS et notamment à Alain Caillé, qui a permis une analyse renouvelée du don, au travers des extensions du domaine du don, et notamment l’analyse fort intéressante du care : « Le don n’est pas un acte économique mais un opérateur politique » [27], qui produit certes des effets économiques, et de reconnaissance, mais qu’il faut comprendre plus fondamentalement en les rapportant à « l’alliance première », sans laquelle il n’y aurait pas de société et de rapport social. Et c’est cette convivialité, qu’Ivan Illich [28] décrivait dès les années 1970, que nous retrouverons sollicitée dans les tiers-lieux. Toutes ces pistes théoriques vont nous servir de boîte à outils pour comprendre, dans un premier temps, le fonctionnement des tiers-lieux, les activités et les valeurs partagées dans un agir commun et créatrices de lien social. Mais il est aussi apparu essentiel d’aller voir, au-delà de ces communs (tangibles ou intangibles, matériels ou immatériels), comment s’organise la gouvernance de ces espaces par l’ensemble de la communauté, tant salariés que résidents et citoyens de ces tiers-lieux : le principe du commun y est-il – ou non – mis en œuvre ? III. Le « faire ensemble » dans les tiers-lieux : expérimenter au travers d’un agir commun La littérature sur les tiers-lieux existe dans divers champs disciplinaires, notamment en économie, géographie et en sciences de gestion [29]. Dans le cadre d’une approche informationnelle, nous mettrons en évidence, dans un premier temps, les communs présents dans les activités partagées, et comment l’expérimentation y a toute sa place. Les exemples retenus sont issus du terrain (dans le cadre d’un projet CPER, cf. supra) et pourraient, non pas prétendre à la généralisation, mais du moins être assez représentatifs. Dans un second temps, seront évoquées les valeurs partagées dans ces tiers-lieux. 1) Les co-activités créatrices de lien dans un agir commun Le partage dans les tiers-lieux est clairement revendiqué comme faisant partie de l’ADN des tiers-lieux : ancrés dans la culture numérique, avec les communs numériques [30] notamment, on retrouve en effet cette idée du partage et de l’échange dans toutes les briques qui constituent un tiers-lieux : du FabLab au Repair Café [31], en passant par les espaces de coworking [32]. Dans cet univers des makers, imprégnés de culture numérique, il importe de « faire ensemble », dans un agir commun. L’autre revendication a trait à la diversité, au mélange, souvent qualifié d’hybridation, des origines professionnelles de métiers : artistes, artisans, entrepreneurs, designers, développeurs s’y rencontrent. De ces deux caractéristiques (partage et mixité) vont naître des rencontres et projets effectivement improbables, qui revendiquent créativité et innovation [33] et au travers desquels s’opèrent un partage de savoir-faire, de compétences, et une co-création de connaissances [34]. D’ailleurs la définition ontologique d’un tiers-lieu est rejetée, au contraire, c’est l’expression « faire tiers-lieu » qui circule désormais parmi les résidents et administrateurs, renvoyant à cette idée d’un processus en train de se construire, par échanges et partages collectifs, ce que Michel Lallement [35] appelle la « fabrication du nous ». Les espaces aussi sont partagés, l’exemple de la Grande Serre [36] dans le tiers-lieu messin est intéressant : de nombreux artisans et artistes en résidence travaillent dans cet immense ancien entrepôt les uns à côté des autres, certains dans des îlots transparents pour être isolés du bruit des machines. Mais néanmoins, tous se côtoient, se voient travailler et sont curieux et ouverts aux pratiques des autres. Les exemples sont nombreux de résidents qui affirment avoir évolué dans leur pratique professionnelle (découverte de matériaux, outils, façons de faire, etc.) grâce à la confrontation avec l’univers et les pratiques des autres résidents. Et la confrontation entre professionnels et artistes est aussi riche de découvertes. Aperçu des locaux de BLIIIDA Camille Pereira - CC BY De même, des règles d’usage et de vie en commun sont aussi expérimentées, testées au quotidien par les résidents et l’équipe administrative, puis décidées lors du conseil des résidents : elles évoluent en fonction des usages (par exemple dans le tiers-lieu messin, un skate parc ouvert puis arrêté, à la suite d’un conflit d’usage lié au bruit pour les résidents en train de travailler). Enfin, la cantine est bien évidemment le lieu de regroupement de la majorité des résidents et de l’équipe administrative. Le choix d’une cantine avec restaurateur à demeure a été décidé de manière collective (simple salle repas auparavant). Et la cantine est un véritable lieu de sociabilité. De nombreux événements et soirées sont organisés (en interne ou avec accueil du public), auxquels la majorité des résidents participent. Essayons à présent de saisir cet « esprit de société » qui règne au sein des tiers-lieux. 2) Les valeurs partagées Les valeurs, en tant que représentations axiologiques [37], sont importantes dans les tiers-lieux, bien souvent inscrites dans des chartes, et trouvent une partie de leur origine dans la culture numérique, autour du partage – avec les mouvements du logiciel libre, des licences libres et de l’Open source. Le besoin de recréer du lien social, la recherche de convivialité [38], sont aussi essentiels – liés à l’émergence de la culture numérique – et s’inscrivent dans une certaine solidarité revendiquée, marquant une volonté d’ouverture sur l’autre, assez proche d’une sensibilité aux pratiques du care [39]. Par exemple, lors du premier confinement lié à la pandémie de la Covid-19, confinement ayant débuté en mars 2020, on a vu de nombreux FabLab venir proposer leur participation, mobiliser leurs réseaux, afin de produire des masques et visières – à partir de modèles Open source largement diffusés, partagés [40] –, à destination des soignants, pour pallier la pénurie de masques qui sévissait alors. Ainsi, la tribune « Makers : osons organiser un renouveau industriel participant à la relance économique et à la transition écologique [41] » a-t-elle le mérite de poser le débat. Il apparaît que l’univers idéologique dans ces espaces est traversé par un questionnement sur la société de production et de consommation contemporaine, sur la relation éthique face à l’argent [42] et sur la transition écologique. Ces interrogations nous semblent avoir simplement été ravivées avec la crise sanitaire. De même, l’économie sociale et solidaire est un domaine largement présent dans les tiers-lieux. Corollairement, la question du travail est également au cœur de ces tiers-lieux, comme elle l’était au sein des communautés intentionnelles qu’analyse le sociologue du travail Michel Lallement [43] : il est question de retrouver du sens dans la relation au travail et d’en finir avec ces Bullshit Jobs qu’a si bien décrits David Graeber [44]. Cette envie de redonner du sens à son travail est un élément déterminant dans la décision des nouveaux résidents de venir travailler en espace de coworking, ou de se lancer comme auto-entrepreneurs : faire son travail avec passion, ne plus avoir de patron notamment. Toutes ces dimensions fortes, qui structurent les tiers-lieux, questionnent l’individualisme contemporain sur lequel reposent les sociétés actuelles. Ainsi, des tensions fortes apparaissent-elles entre ces rêves, ces désirs d’égalité, de solidarité, et les valeurs de l’entrepreneuriat [45]. Ces dernières, issues du monde néolibéral, dominent dans l’univers des Startups et autres incubateurs, tous résidents des tiers-lieux : rappelons qu’ils sont soumis à des contraintes économiques fortes, puisqu’ils doivent créer leur propre entreprise et leur emploi en un temps record et limité pour convaincre les financeurs. La première partie théorique nous a permis de construire une grille de lecture sur les communs, afin de l’appliquer à notre terrain, pour mieux comprendre comment se mettent en œuvre activités et valeurs partagées, dans un agir commun. Mais, suivant en cela des approches sociologique (Dardot, Laval) et anthropologique (Assier-Andrieu), il faut à présent déplacer quelque peu le curseur pour interroger la question centrale de la gouvernance : quid du principe du commun ? En effet, derrière ces pratiques effectives, ces valeurs partagées, qu’en est-il des décisions, au niveau politique, pour organiser, gérer ces espaces ? Quelle répartition du pouvoir, entre citoyens, résidents, élus, pour instaurer ce principe du commun ? IV. Des modes de gouvernance dans les tiers-lieux Nous chercherons donc à identifier ce principe du commun : où et comment est-il mis en œuvre ? En analysant les modèles de fonctionnement sur lesquels ont été bâtis les tiers-lieux, il sera possible de mettre à jour leur mode de gouvernance, et nous verrons que le principe du commun n’y est pas toujours évident à révéler. Nous présenterons différents modes de gouvernance puis tenterons une étude comparative entre deux types d’associations, pour montrer combien est toujours difficile la quête de ce principe du commun. 1) Quel principe du commun ? Différents modes de gouvernance existent pour les tiers-lieux. Sans être aucunement exhaustives, il est possible d’en citer quelques-uns. En premier lieu, évoquons le modèle en régie, où le tiers-lieu est un service directement géré par la collectivité – avec, sur le terrain, des fonctionnaires en détachement –, l’extension en quelque sorte d’un service public au service des usagers. La puissance publique décide de l’affectation du lieu, en reste « propriétaire » [46], ce qui limite de fait l’instauration d’un principe du commun dans la gestion du lieu, quand bien même s’y déroulent des activités et projets communs. Ensuite existe le modèle de tiers-lieu universitaire, qui est totalement intégré et dépendant de l’administration de l’université (règles de comptabilité publique, etc.) et qui repose sur la bonne volonté et l’initiative d’une poignée d’enseignants, qui est ouvert aux étudiants principalement, plus rarement ouvert sur la ville et les citoyens (contraintes administratives) et plus orienté vers des pédagogies innovantes. Il est difficile d’y trouver un quelconque principe du commun dans la gouvernance : nous avons vécu cette expérience [47] et l’impossibilité de trouver une structure juridique qui aurait permis une autonomie d’existence en dehors de l’administration universitaire (veto catégorique des services juridiques). Le modèle de tiers-lieu privé peut aussi exister. Cela est beaucoup plus rare. Darwin à Bordeaux s’est baptisé « Darwin Écosystème [48] » : il résulte de l’initiative de deux hommes d’affaires, ayant les capacités d’investir, de développer de l’emploi en mixant avec des initiatives citoyennes dans un souci d’une économie plus respectueuse de son environnement (fédération d’entreprises et d’associations, dont Emmaüs, un skate parc, un compost partagé, du street art, etc.). Ce projet a recueilli dès le départ le soutien de la ville – notamment de son maire Alain Juppé – délivrant des occupations temporaires sur des friches industrielles sur la rive droite de la Garonne. Le public est au rendez-vous, le succès est là (véritable succès économique, attesté par pléthore de chiffres : chiffre d’affaires, nombre d’emplois créés, nombre de visiteurs, etc.), devenu incontournable dans la ville – y compris comme attraction touristique vantée par l’office de tourisme. Après une véritable gentrification de la zone urbaine à proximité, Darwin s’est retrouvé au cœur d’un conflit foncier avec la société d’économie mixte de la Métropole associée à des promoteurs immobiliers privés, avec la multiplication par cinq du prix du foncier – le dossier en cours de médiation juridique : « Darwin est aujourd’hui menacé par le rouleau compresseur de stratégies de promotion immobilière obsolètes et prédatrices » [49]. C’est toute la question des friches industrielles, friches culturelles, qui est posée, dans ce mouvement du politique vers l’économique [50]. Comment y voir encore du commun ? 2) Comparaison entre deux modèles associatifs de tiers-lieux : de la difficulté d’instituer du commun Afin de mettre en évidence l’importance de ce principe du commun dans le fonctionnement d’un tiers-lieu, nous souhaitons comparer deux tiers-lieux ayant émergé sur le territoire, a priori similaires, avec tous deux, à l’origine, un modèle de gouvernance de type associatif, et pourtant… Il est indispensable de résumer très brièvement l’histoire et le récit de leur émergence respective. L’un situé à Metz, BLIIIDA, est issu de la volonté forte des élus locaux, après l’apparition d’une friche industrielle en 2014 à la suite du déménagement de l’entrepôt de la régie des bus de l’agglomération, du centre-ville vers une zone d’activité commerciale péri-urbaine. Ces élus font le choix de mettre à disposition l’ensemble des bâtiments et terrains (quelques 30 000 m²) aux artistes qui avaient investi ces lieux le temps d’une nuit blanche. Le projet se développe avec les salariés du pôle culturel de la ville, prend de l’ampleur, le label French Tech est ensuite obtenu pour le territoire, un pôle Startups est lancé avec incubateur, un FabLab, un espace de coworking ; bref, quasiment toutes les briques composant un tiers-lieu s’y installent. L’identité du lieu se précise : ce sera « Arts & Technologies », ce qui permettra d’ancrer cette rencontre entre artistes et entrepreneurs, dans le contexte numérique, en lien avec l’identité du territoire (travail avec l’agence de communication de la ville, participation au festival culturel organisé dans le cadre d’un programme Interreg, etc.). Le modèle de gouvernance retenu à l’origine est celui d’une association, embauchant une équipe d’une dizaine de salariés dont quelques initiateurs de l’idée de départ (organisateurs de la Nuit Blanche et anciens salariés du pôle « Culture » de la ville), équipe assurant l’animation du lieu, projets, événements, gestion au quotidien, accompagnée par un Conseil des résidents. Et la propriété et la gestion des bâtiments et du terrain ont été cédées par la ville et la métropole à la société d’économie mixte de cette métropole. C’est une gestion bicéphale (Société d’économie mixte, association), certes, sauf que cette association, créée dès l’amorce du projet, l’a été par les membres fondateurs, d’une part la Ville et la Métropole – 10 membres de droit – et d’autre part des partenaires publics-privés – 14 membres qualifiés [51] – plus ou moins proches des collectivités. Enfin, l’ensemble des résidents ne possèdent que 4 sièges (1 représentant par quartier), donc 4 voix sur 28 pour les votes. Aucun siège n’a été prévu pour les habitants du quartier. Ainsi, il apparaît clairement que la gouvernance demeure étroitement liée à l’équipe d’élus en place, d’où le risque d’un bouleversement de son fonctionnement à la suite des élections municipales : le tiers-lieu risque ainsi d’être réduit à devenir un outil de service public, un outil au service du public, certes, mais à côté de tout véritable principe du commun. Ce n’est pas seulement son modèle économique qui fragilise cette structure financée à hauteur de 60 % par des subventions, c’est aussi et surtout son mode de gouvernance. Ainsi, une fois encore, le commun n’a pas véritablement sa place, il est condamné à être propriété de personnes publiques. La démarche est en mode top-down et tributaire de la volonté politique : les citoyens, les résidents du tiers-lieu, en cas de désaccord, n’ont pas la marge suffisante pour définir leurs règles, auto-instituer leur fonctionnement, choisir, créer leurs projets. Par exemple, la candidature d’un résident, responsable de l’espace de coworking, au bureau de l’association a été refusée au motif du potentiel « conflit d’intérêt » ! Un résident du tiers-lieu montrerait-il trop d’intéressement à son affaire ? S’adonnerait-il trop intensément à la structure dans laquelle il œuvre ? Il y a confusion entre intérêt et intéressement-désintéressement [52]. Même si la création et l’évolution du Conseil des résidents ouvrent un espace d’échange et de co-construction – les représentants des résidents peuvent régulièrement rencontrer des membres de l’association et le propriétaire pour faire valoir leurs problèmes et leurs projets –, il est clair qu’il est refusé aux membres de ce tiers-lieu de participer de trop près à la gouvernance du lieu. Par comparaison, une autre association, gérant un tiers-lieu (La Palanquée à Sète - Hérault), procède d’une démarche totalement inversée : à l’origine, on trouve une volonté citoyenne, incarnée par un groupe d’habitants qui ressent le besoin d’espaces de travail dans un lieu convivial. Ils créent un espace de coworking, puis la dynamique s’essouffle, le projet ne survit qu’un an. C’est alors qu’une rencontre avec une personnalité locale, retraitée, non élue, ayant notamment œuvré dans l’économie sociale et solidaire, va être déterminante : elle est très intéressée par l’idée de tiers-lieu, va relancer la dynamique pour aller à la recherche du soutien des élus (mise à disposition de locaux, subventions, etc.). Et c’est ici que tout diffère : cette association va créer une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) (une personne, une voix) qui va intégrer des collectivités (ville, agglomération) en son sein (25 % des voix), des partenaires extérieurs privés (15 %), des résidents et salariés (15 %) mais dont les « initiateurs du projet » vont conserver 45 % des voix, incluant l’association des habitants porteurs du projet originel. C’est exactement le mouvement inverse, qui part de la base (bottom up) : ce sont les habitants, les citoyens porteurs du projet qui intègrent les collectivités, et instaurent ce principe du commun. Certes, l’une des limites de cette comparaison tient à la différence de taille de ces structures : 13 salariés d’un côté contre 3 de l’autre ; même ordre de différence pour le budget, la superficie occupée, le nombre de résidents entrepreneurs et Startups, etc. Il nous a toutefois semblé que c’est bien la différence de gouvernance qui est première : ainsi, le principe du commun est une condition nécessaire, mais pas forcément suffisante (quid en cas de défection de la collectivité qui met à disposition les locaux/le foncier ?) pour instituer ces espaces tiers-lieux, les gérer et les faire vivre. En somme, dans ce tour d’horizon de quelques tiers-lieux au niveau national, il nous a semblé que les structures de type coopératif comme les Sociétés coopératives et participatives (SCOP) et autres SCIC seraient les plus à même de garantir cette pratique d’instituer du commun. V. Conclusion À la suite du rapport de la Mission Coworking « Faire ensemble pour mieux vivre ensemble » rendu en 2018 [53], la puissance publique d’État a lancé un appel à manifestation d’intérêt pour favoriser la création de nouveaux tiers-lieux dans un objectif de développement des territoires (dimension économique). Le risque d’un « label » pour ces tiers-lieux est posé par certains acteurs du terrain, qui craignent un mouvement d’institutionnalisation [54], lequel ferait perdre aux divers tiers-lieux leur singularité chèrement construite, et refermerait, par un mouvement du haut vers le bas, par l’imposition d’un modèle, les impulsions et initiatives citoyennes en train d’émerger ici ou là sur les territoires. À partir de la réflexion théorique sur les notions de communs, nous avons montré combien les tiers-lieux tentaient d’expérimenter, dans un agir commun, des activités et des projets créateurs de lien social tout en s’inscrivant, avec certaines tensions, dans la production de richesse économique. Mais nous avons pu mettre en évidence la fragilité de nombre de ces espaces, fragilité liée au mode de gouvernance : le devenir n’est jamais assuré, toujours à la merci des logiques propriétaires, qu’elles soient issues du privé ou du public. La question demeure : ces tiers-lieux, qui ont émergé dans les espaces urbains et péri-urbains, sont-ils condamnés à être limités aussi bien dans le temps – le temps du mandat d’une équipe municipale – que dans l’espace – le temps d’une occupation temporaire d’une friche en cours de gentrification ? Seraient-ils ainsi condamnés à demeurer des microbulles dans un océan de compétition économique néolibérale ? Il semble qu’émerge une réflexion sur des lieux qui seraient nouveaux, qualifiés d’intermédiaires [55], afin de tenter de sortir de cette impasse de l’éphémère. Cette piste reste entièrement à explorer pour nous. Sur le terrain, il est apparu combien il était difficile d’instituer le principe du commun dans un tiers-lieu, les modèles de coopératives semblant à cet égard les plus propices : une condition certes nécessaire, mais pas forcément suffisante non plus : demeure bien souvent le risque de défection des collectivités, notamment pour le foncier/prêt de locaux. Il nous semble que cette piste des coopératives est sous-exploitée dans l’univers des tiers-lieux et gagnerait à être développée [56]. Si un cadre juridique existe, et s’il nous a semblé ne pas être toujours bien connu sur le terrain par les enquêtés, il n’en demeure pas moins qu’au-delà du juridique, il importe qu’existe cette démarche politique pour instituer le principe du commun. Dans la proposition politique n° 5 de leur ouvrage Commun. Essai sur la révolution au xxie siècle, Pierre Dardot et Christian Laval (2014) s’interrogent : « Peut-on refaire la société à partir de l’économie sociale ? » La question reste entière, les expériences conduites depuis quelques décennies demeurant très limitées, n’incitent pas vraiment à l’optimisme. Nous conclurons par une citation de ces deux auteurs, où il apparaît clairement que c’est dans l’économie sociale et solidaire que l’on approcherait au plus près ce principe du commun, lequel se situe clairement aux antipodes des valeurs fondant le capitalisme : « Les principes fondamentaux de l’économie sociale et solidaire, héritages d’une protestation contre les formes capitalistes de production, entretiennent des affinités électives avec le principe du commun tel que nous l’avons énoncé » [57]. |
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AUTEUR
Corinne Martin
Camille Pereira |
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ANNEXES |
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NOTES
[1]
Michel Lallement,
Un désir d’égalité. Vivre et travailler
dans des communautés utopiques, Paris, Seuil, 2019.
[2]
Patrick Lévy-Waitz, « Tiers-lieux, un
défi pour les territoires », rapport Mission
Coworking, territoires, travail numérique : Faire
ensemble pour mieux vivre ensemble, Commissariat général
à l’égalité des territoires, 2018 (p. 3).
[3]
Ray Oldenburg,
The Great Good Place: Cafés, Coffee shops, Bookstores,
Bars, Hair salons, and Other Hangouts at the Heart of a
Community, Cambridge, Da Cap Press, 1999 (1989).
[4]
Michel Lallement, L’âge du faire. Hacking, travail et anarchie,
Paris, Seuil, 2015. Série documentaire produite à
l’issue de l’enquête dans le cadre du projet CPER
(2017-2019) : Corinne Martin, Dis, c’est quoi un tiers-lieu ?, 2019, disponible
sur
https://videos.univ-lorraine.fr/index.php?act=view&id_col=618, page consultée le 15/01/2021.
[5]
Marie Cornu, Fabienne Orsi et Julie Rochfeld, [dir.], Dictionnaire des biens communs, Paris, PUF, 2017. Cet
important travail de clarification de toutes les notions liées
aux communs s’inscrit dans le prolongement du programme de
recherche ANR Propice, largement pluridisciplinaire.
[6]
Benjamin Coriat, « Communs (approche
économique) », dans Marie Cornu et al.
[dir.], Dictionnaire des biens communs, op. cit., p. 266-269 ; Benjamin Coriat, « Biens
communs (approche économique) », dans Marie Cornuet al. [dir.], Dictionnaire des biens communs, op. cit., p. 98-101 ; Benjamin Coriat (dir.),
Le retour des communs. La crise de l’idéologie
propriétaire, Paris, Les Liens qui libèrent, 2015.
[7]
Elinor Ostrom,
Governing the Commons: The Evolution of Institutions for
Collective Action, Cambridge / New York, Cambridge University Press.
[8]
Benjamin Coriat, dans Marie Cornu et al. [dir.], Dictionnaire des biens communs, op. cit.,
p. 267-268.
[9]
Marie Cornu, « Biens communs (approche
juridique) », dans Marie Cornu et al. [dir.], Dictionnaire des biens communs, op. cit.,
p. 101-107.
[10]
Id.
[11]
Béatrice Parance, Jacques de Saint Victor, « “Commons, biens communs, communs” : une
révolution juridique nécessaire »
(introduction), dans Béatrice Parance et Jacques de Saint
Victor [dir.], Repenser les biens communs, Paris, CNRS
Éditions, 2014, p. 20.
[12]
Marie Cornu et al. [dir.], Dictionnaire des biens communs, op. cit.,
p. 101-107.
[13]
Du nom de son auteur, le juriste italien Stefano Rodotà
(1933-2017).
[14]
Daniela Mone, « Commission Rodotà
(Italie) », dans Marie Cornu et al. [dir.], Dictionnaire des biens communs, op. cit.,
p. 196-199 (p. 197).
[15]
Pierre Dardot, « Les limites du juridique », Tracés. Revue de sciences humaines, 2016,
hors-série, p. 257-270. En ligne : DOI :
https://doi.org/10.4000/traces.6642.
[16]
Daniela Festa, « Biens communs (mouvement social –
Italie) », dans Marie Cornu et al. [dir.], Dictionnaire des biens communs, op. cit.,
p. 107-111.
[17]
Alberto Lucarelli, « Naples (Expérience de bien
commun) », dans Marie Cornu et al. [dir.], Dictionnaire des biens communs, op. cit.,
p. 835-838. Ou à Barcelone, voir Pierre Sauvêtre,
« Le nouveau paradigme politique du commun à
Barcelone et en Catalogne : un municipalisme des
communs », dans Nicole Alix et al. [dir.], Vers une république des biens communs ?, Paris,
Les liens qui libèrent, 2018, p 185-194.
[18]
Pierre Dardot et Christian Laval, « Du public au
commun », Revue du MAUSS, 2010, vol. 1,
n° 35, p. 111-122 ; Pierre Dardot et Christian
Laval,
Commun. Essai sur la révolution au xxie siècle, Paris, La Découverte, 2014 ; Pierre Dardot et Christian
Laval, « Commun », dans Marie Cornu et al. [dir.], Dictionnaire des biens communs, op. cit., p. 217-220.
[19]
Louis Assier-Andrieu, op. cit., p. 227.
[20]
Pierre Dardot et Christian Laval, « Commun »,
art. cit., p. 217-220 (p. 219-220 ; ce sont les
auteurs qui soulignent).
[21]
Id.
[22]
Cornélius Castoriadis, L’institution imaginaire de la société,
Paris, Seuil, 1999 (1975).
[23]
Interview de Bruno Martin, fondateur de Meshwork, dans Corinne
Martin, Dis, c’est quoi un tiers-lieu ?,
série documentaire, 2019, disponible sur
https://videos.univ-lorraine.fr/index.php?act=view&id_col=618, page consultée le 15/01/2021.
[24]
Silke Helfrich et David Bollier, « Commoning
», dans Marie Cornu et al. [dir.], Dictionnaire des biens communs, op. cit.,
p. 204-211 (p. 206).
[25]
Michel Lallement, Un désir d’égalité, op. cit. ; Michel Lallement, L’âge du faire, op. cit.
[26]
Louis Assier-Andrieu, 2017, op. cit., p. 228.
[27]
Alain Caillé,
Extensions du domaine du don. Demander-donner-recevoir-rendre, Paris, Actes Sud, 2019, p. 81 ; Alain Caillé et al.,
De la convivialité. Dialogues sur la société
conviviale à venir, Paris, La Découverte, 2011.
[28]
Ivan Illich, La convivialité, Paris, Seuil, 2014
(1975).
[29]
Arnaud Scaillerez et Diane-Gabrielle Tremblay,
« Coworking, fab labs et living labs. État des
connaissances sur les tiers-lieux »,
Territoire en mouvement. Revue de géographie et
aménagement, Dossier « La révolution numérique :
tiers-lieux, hauts-lieux et territorialisation »,
n° 34, 2017, disponible sur
https://journals.openedition.org/tem/4200, p. 1-18 ; Antoine Burret, Tiers-lieux… Et plus si affinités, Paris, FYP
Éditions, 2015.
[30]
Maud Pelissier, « Communs culturels et environnement
numérique : origine, fondements et
identification », Tic & Société,
vol. 12, n° 1, 2018, disponible sur
https://journals.openedition.org/ticetsociete/2395.
[31]
Pour réparer soi-même les objets du quotidien, dans le
souci de consommer autrement.
[32]
Bruno Moriset, « Inventer les nouveaux lieux de la ville
créative : les espaces de coworking »,
Territoire en mouvement. Revue de géographie et
aménagement, Dossier « La révolution numérique :
tiers-lieux, hauts-lieux et territorialisation »,
n° 34, 2017, disponible sur
https://journals.openedition.org/tem/3868, p. 1-22.
[33]
Corinne Martin, « Questionner l’utopie des
tiers-lieux : injonctions à la création et
limites », dans Ioanna Vovou, Yanita Andonova et
Anne-France Kogan (dir.),
La contagion créative. Médias, industries,
récits, communautés / The creative contagion. Media, industries, storytelling,
communities, Athènes, Université Panteion, 2019, p. 156-164. En
ligne :
https://crea2s.hypotheses.org/298.
[34]
Raphaël Suire, « La performance des lieux de
cocréation de connaissances. Le cas des FabLabs », Réseaux, Dossier « Lieux et
création », n° 196, 2016, p. 81-109.
En ligne :
https://www.cairn.info/revue-reseaux-2016-2-page-81.htm.
[35]
Michel Lallement, 2019, op. cit.
[36]
BLIIIDA a été créé en 2014, soutenu par la
collectivité locale (Ville de Metz), et il regroupait à
l’origine principalement un collectif d’artistes (pour
l’histoire détaillée de BLIIIDA, cf. supra,
§ III.2.). Il a été créé sur une
friche industrielle, ancien entrepôt des bus de la
Métropole.
[37]
Nathalie Heinich, « Dix propositions sur les
valeurs », Questions de communication, 2017,
n° 31, disponible sur
https://journals.openedition.org/questionsdecommunication/11156, p. 291-313.
[38]
Ivan Illich, 1999, op. cit. ; Alain Caillé et al., 2011, op. cit.
[39]
Alain Caillé, 2019, op. cit.
[40]
Partage via Facebook au sein du groupe « Makers
contre le #COVID19 ».
[41]
Le Monde, 01/10/2020. En ligne :
https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/10/01/makers-osons-organiser-un-renouveau-industriel-participant-a-la-relance-economique-et-a-la-transition-ecologique_6054314_3232.html.
[42]
Michael Sandel, Ce que l’argent ne saurait acheter,
Paris, Seuil, 2014.
[43]
Michel Lallement, 2019, op. cit.
[44]
David Graeber, Bullshit Jobs, Paris, Les liens qui
libèrent, 2018.
[45]
Sarah Abdelnour,
Moi, petite entreprise. Les auto-entrepreneurs, de
l’utopie à la réalité, Paris, PUF, 2017.
[46]
Marie Cornu, 2017, op. cit. ; c’est un tel
changement d’affectation qu’est en train de vivre le
Shadok à Strasbourg, étant en régie municipale.
[47]
Dans le cadre d’une recherche-action au sein du projet CPER
sur les tiers-lieux (cf. supra).
[48]
L’analyse de ce cas est basée sur des sources
documentaires et des échanges professionnels antérieurs
avec l’une des auteures. Darwin Ecosystème ne met pas en
avant son identité de tiers-lieu, mais il fait partie des
premiers lieux alternatifs qui « font
référence » en France, dans l’univers des
tiers-lieux.
[49]
En ligne sur l’office de tourisme de la ville. Disponible sur
https://www.bordeaux-tourisme.com/patrimoine-culturel/darwin-caserne-niel.html, page consultée le 15/01/2021.
[50]
Jules Desgouttes, « Les communs en friche », Métropolitiques, Dossier « Les communs
urbains, nouveau droit de cité ? », juin 2019,
disponible sur
https://metropolitiques.eu/Les-communs-en-friches.html, page consultée le 15/12/2020.
[51]
Ces membres qualifiés sont des banques, des entreprises
associées à des régies de la Ville, ou des
institutions dont les élus sont aussi membres du conseil
d’administration.
[52]
Caillé, 2019, op. cit.
[53]
Rapport Lévy-Waitz, 2018, op. cit.
[54]
Instituer (faire du nouveau, quand bien même serait-ce à
partir de ce qui existe déjà) et institutionnaliser (se
borner à reconnaître après-coup quelque chose qui
existe déjà : coutume, habitude) sont des mouvements
fort différents (Pierre Dardot et Christian Laval, 2017, op. cit. ; Castoriadis, 1999, op. cit.).
[55]
Jules Desgouttes, 2019, op. cit.
[56]
La création des SCIC date de 2001, la loi sur
l’économie sociale et solidaire (ESS) de 2014. Les SCOP
existent quant à elles depuis 1947. Merci à Jonathan
Viot, expert-comptable, ancien réviseur à Révicoop
Paris, de nous avoir fait découvrir les SCIC. Pour des
précisions sur leur histoire, issue des coopératives et
associations du xixe siècle, sur leur
fonctionnement actuel, voir :
https://www.les-scic.coop/sites/fr/les-scop/culture-scop/histoire.
[57]
Pierre Dardot et Christian Laval, 2014, op. cit.,
p. 501.
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RÉFÉRENCES Pour citer cet article : Corinne Martin et Camille Pereira, « Les tiers-lieux, espaces d’expérimentation du commun ? », dans L’essor des biens communs. Une analyse pluridisciplinaire des communs, Hervé Marchal et Jean-Marc Stébé [dir.], Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne], 7 septembre 2021, n° 15, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html. Auteur : Corinne Martin et Camille Pereira. Droits : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC/credits_contacts.html ISSN : 1961-9944 |
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