Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin"
UMR 7366 CNRS-uB
Territoires contemporains


Espaces et droits sociaux
Quelle(s) échelle(s) pour étudier l’intégration des personnes handicapées sur le marché du travail aux États-Unis ? Proposition d’études de cas new-yorkaise et bostonienne
Marie Assaf
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RÉSUMÉ
Dans cet article, nous revenons sur la question des variations d’application de droits sociaux aux États-Unis. Il s’agit, au travers d’une étude de cas s’intéressant à l’insertion des personnes handicapées sur le marché du travail, de saisir comment l’échelle de la ville permet de répondre au mieux aux nouvelles aspirations de déségrégation des individus. L’exemple pris est celui d’organisation à but non lucratif spécialisée dans cet enjeu et opérant à New-York et Boston.
MOTS-CLÉS
Mots-clés : handicap ; espaces sociaux ; État ; ville ; organisations à but non lucratif
Index géographique : États-Unis
Index historique : xxie siècle
SOMMAIRE
I. Introduction
II. L’échelle fédéraliste du welfare mix à la rencontre du handicap
1) Des variables impondérables : caractéristiques du handicap et des États
2) L’impact du discours anti-welfare
3) Grandes métropoles et petits États
III. L’expérience du travail à l’échelle de la ville : un moyen de mieux saisir la marginalisation politique ?
1) S’insérer dans des espaces citadins, études de cas new-yorkaise et bostonienne
2) Les expériences de terrain : la ville, un espace propice à l’émancipation des individus handicapés ?
IV. Conclusion

TEXTE

I. Introduction

Bien que la catégorie du handicap, avec près d’un Américain sur cinq concerné, soit la plus grande minorité du pays [1], elle est rarement reconnue comme telle, et cela s’explique par plusieurs facteurs, dont le principal est qu’il s’agit à la fois d’une identité (au même titre que la race [2], le genre, ou l’âge), et d’une catégorie administrative. L’identification à cette catégorie ne va pas de soi, d’autant plus qu’elle est soumise à de puissants mécanismes de stigmatisation. Aux États-Unis, le handicap a été défini en miroir de l’incapacité à travailler [3]. Les individus ayant la capacité de travailler doivent le faire et ceux ne pouvant le faire – les personnes handicapées – peuvent être exemptés de ce devoir et percevoir une aide de l’État en compensation de cette incapacité. Ils deviennent ainsi des « pauvres méritants ».

Cette assignation à la sphère de l’assistance est très mal perçue dans le pays où un discours anti-assistance (anti-welfare) a toujours existé et n’a cessé de gagner en popularité, en particulier dans les États les plus conservateurs [4]. La dépense sociale est associée à de la dette publique en faveur de populations peu inclines à travailler, préférant recevoir passivement de l’aide. Et quand bien même les personnes handicapées « mériteraient » cette assistance, elle les enferme dans un rôle passif. Seule leur condition physiologique justifierait ce recours et leurs attentes et besoins seraient dès lors déjà assez entendus. Ainsi, les individus souhaitant travailler courent le risque de perdre leur filet minimal de sécurité.

Mais les personnes handicapées ont cherché à lutter face à cette assignation stigmatisante. Un outil théorique a été développé afin de mieux saisir la dimension sociale et politique du handicap : le modèle social du handicap (« social model of disability », ou SMD). Il est régi par une idée simple : dépasser la dimension individuelle du handicap pour comprendre l’expérience de vie dans la société validiste [5]. Le handicap en soi ne freine pas l’intégration des individus dans la société mais c’est plutôt l’environnement qui handicape les individus.

Le modèle social du handicap en tant qu’outil de distinction entre les « bonnes » et les « mauvaises » pratiques permet d’évaluer le niveau d’exclusion [6]. Et ces pratiques sont établies à une échelle, celle de la décision politique, qu’il convient désormais d’interroger à l’aune de l’expérience handicapée. Car si le SMD met en avant l’inégalité systématique entre personnes valides et handicapées, il peut être aussi mobilisé pour questionner le sens politique d’inégalités territoriales de plus en plus croissantes aux États-Unis.

Une question émerge alors : quelle échelle politique choisir ? Si, traditionnellement, l’accès aux droits sociaux est analysé à l’échelle nationale, il nous semble nécessaire, dans le cadre d’une étude cherchant à faire sens du parcours des individus, de passer par un prisme plus restreint (dans la continuité de la méthode beckerienne sur le cas notamment) [7]. En outre, le thème des inégalités territoriales demeure peu étudié dans le champ des études sur le handicap, bien qu’il s’agisse d’une préoccupation de plus en plus importante pour les individus, tant il agit comme une variable dans leurs expériences de travail et de vie.

À l’échelle d’un territoire aussi divers et traversé par de grandes ruptures sociales, politiques et économiques, tout le monde n’a pas accès ni aux mêmes opportunités, ni aux mêmes droits. Cela s’explique par la nature fédérale de l’État états-unien, qui encourage à considérer plusieurs échelles d’analyses mais également par la nature de son « welfare state », caractérisé par un « welfare mix », au sein duquel plusieurs acteurs se croisent (nous reviendrons sur cette question par la suite). Au sein de ce vaste panorama, difficile donc de distinguer « la bonne focale ».

Dans un pays où l’espace circonscrit les droits sociaux du fait du fort caractère politique de l’assistance, certains États, comme certaines villes, se montrent plus ou moins punitifs, si bien que penser l’espace comme objet politique permet de saisir des mécanismes historiques qui accordent plus ou moins de protection aux personnes handicapées. Croiser cette question avec l’exemple de l’expérience du monde du travail fait ressortir des dynamiques propres invitant in fine à politiser l’expérience même du handicap.

Nous chercherons donc à réfléchir aux implications de penser le handicap comme une question spatiale. En nous appuyant à la fois sur la littérature existante sur le sujet et nos propres recherches, nous chercherons à illustrer comment le sujet du handicap illustre la nécessité de penser les différentes politiques sociales du « welfare mix » à plusieurs échelles. Les droits des personnes handicapées sont toujours menacés ou en cours de construction, ce qui conduit à une mise en concurrence des échelles d’intégration. Certaines personnes sont toujours privées de protection (assurance santé, accès au travail), si bien qu’il est intéressant de voir quelles actions sont menées à de plus petites échelles pour saisir les mécanismes de résistance ou de facilitation politique.

Dans le cadre de nos travaux, nous avons retenu l’échelle de la ville et celle d’un acteur particulier du welfare mix, les associations à but non lucratif spécialisées dans l’aide à l’emploi des personnes handicapées (en majorité des individus souffrant de handicaps intellectuels) : la première, Young Adult Initiative, est située à New-York et la seconde, WorkInc, à Boston. Ici, nous donnerons un aperçu du parcours d’individus dans les villes au travers d’observations participantes et d’entretiens auprès d’agents des organisations. Ainsi, bien que la parole des personnes handicapées ne soit pas directement entendue, ce récit par la « street-level bureaucracy », c’est-à-dire l’analyse bureaucratique à l’échelle du guichet, ou ici l’association, traduit néanmoins des dynamiques sociales de l’expérience au travail des personnes handicapées [8].

Faire entrer en dialogue les différentes échelles d’appréhension des droits sociaux des personnes handicapées – ici celles des États et des villes – permet de renverser certains a priori sur la question de l’insertion d’une catégorie de la population encore très marginalisée. Nous nous intéresserons dans un premier temps à l’influence de l’échelle du fédéralisme états-unien, caractéristique de son welfare mix, sur l’expérience de travail des individus handicapés, à travers des exemples clés, avant de nous pencher sur notre propre étude de cas, qui questionne dans quelle mesure il est possible d’aborder ce même enjeu de l’insertion du handicap à l’échelle de la ville.

II. L’échelle fédéraliste du welfare mix à la rencontre du handicap

1) Des variables impondérables : caractéristiques du handicap et des États

La nature fédérale joue un rôle essentiel dans la sauvegarde et l’avancement des droits sociaux des individus les plus fragilisés, mais des variables impondérables demeurent également dans la répartition et, par extension, dans les parcours de droits, des individus à travers le territoire. Il y a plus ou moins de personnes handicapées dans les États et cette inégale répartition est aussi le reflet de dynamiques économiques historiques au cœur des inégalités territoriales. Nous nous arrêterons ici sur un exemple particulièrement saillant.

Des études statistiques basées sur les chiffres du Census Bureau se sont attachées à saisir cette population très diverse. Les conclusions sont les suivantes : on distingue une « disability belt » partant de la région des Appalaches jusque dans l’Oklahoma, en passant par la vallée du Mississippi, les côtes du Sud-Est et le Missouri. Cette importante présence de personnes handicapées correspond à une concentration de maladies chroniques au sein d’anciennes régions fortement industrialisées. Le Midwest, le Sud de la Californie et la zone métropolitaine de New-York sont les zones qui concentrent le moins d’individus handicapés [9].

Étudier le handicap aux États-Unis demande d’avoir cette carte en tête, car le choix de l’espace et de l’échelle ne sont pas anodins. Lorsque l’on inscrit sa recherche dans le cadre de la disability belt, il convient de questionner les origines de ces hauts chiffres de handicap. En outre, derrière la question du difficile recensement se cache celle de la non-identification : de nombreux handicaps restent sous-diagnostiqués, et ces chiffres augmentent du côté des minorités raciales. Les faibles chiffres de certains grands espaces métropolitains sont aussi le résultat de cette nature invisible du handicap.

De fait, l’espace façonne l’expérience du handicap, à plusieurs échelles :  le lieu de résidence et le lieu d’origine peuvent être aussi importants que les questions identitaires (comme le type de handicap) et en particulier dans un cadre fédéral où des différences majeures demeurent entre les territoires. La littérature émergente sur le sujet s’inscrit dans cette démarche et cherche à saisir les critères de variations pour comprendre pourquoi de telles différences existent.

Afin de comprendre comment l’espace forme l’expérience du handicap sur le marché du travail, il nous semble qu’un phénomène attire l’attention : le lien entre la hausse du chômage et le recours aux aides destinées aux personnes handicapées dans certaines régions. Il s’agit d’une question souvent étudiée, tant la systématicité entre hausse du recours aux principales aides pour personnes handicapées et hausse du chômage revient. Par exemple, dans l’Utah et en Alaska, seuls 2 % de la population en âge de travailler bénéficient des assurances réservées aux personnes handicapées, contre 7 % en Virginie Occidentale [10]. Dans leur article, D. Black, K. Daniel et S. Sanders reviennent en détail sur ce phénomène en prenant le cas des Appalaches. C’est le déclin économique et les vagues de destructions d’emploi dans la région qui ont poussé à la hausse le recours à ce type d’allocations (plus généreuses que le chômage) [11].

En outre, lorsque l’on regarde encore plus en détail, d’autres distinctions naissent, entre les zones urbaines et rurales. Dans les zones rurales plus touchées par le chômage et où la proximité avec le médecin qui évalue le handicap est encore plus forte, on constate qu’il y a plus de chances que la personne soit déclarée handicapée. En effet, les médecins de ces régions en déclin ont conscience de la difficulté à retrouver un emploi par la suite et facilitent la reconnaissance des handicaps afin d’assurer une protection minimale aux individus. Ici, on voit comment l’espace, en influençant le comportement des acteurs, influence également la politisation du handicap. Les aides réservées aux individus handicapés deviennent un objet d’intérêt.

2) L’impact du discours anti-welfare

Le modèle fédéral états-unien de welfare state se caractérise par une grande accumulation de « layers » (couches). À un croisement d’acteurs se couple un enchevêtrement d’échelles d’application et de redistribution. Les programmes et allocations sont gérés à la fois à l’échelle fédérale et celle des États mais aussi des villes et des comtés. Cette variable d’ajustement structurelle est en lien direct avec le choix des individus, via l’orientation politique de l’État.

Comment démêler la superposition entre welfare mix et handicap aux États-Unis ? On l’a vu, le handicap constitue une variable d’ajustement très dispersée, à l’échelle individuelle mais aussi structurelle. Or, dans le cadre d’un État fédéral, émerge une autre variable majeure, celle de l’État en tant qu’espace socio-politique. Car les États, ayant historiquement une affiliation plus forte pour le développement de politiques sociales et un tissu de tiers secteur (en particulier philanthropique) plus important, constituent des lieux plus propices à la protection des individus fragilisés. Un exemple illustre ces réelles différences dans le traitement de la protection des personnes handicapées, celui de l’assurance santé, dont l’obtention dépend souvent directement du statut de travailleur.

Le fonctionnement du principal programme d’assurance santé des personnes handicapées, Medicaid, permet d’analyser rapidement ces dynamiques inégalitaires entre États. Medicaid est l’assurance santé fédérale réservée aux catégories les plus pauvres de la population, dont les personnes handicapées. Elle est financée par l’État fédéral mais distribuée par les États. Or, les individus doivent remplir plus ou moins de « conditions » selon les États où ils résident, avec des effets assez pernicieux. L’Affordable Care Act (ACA) adopté en 2010, était censé lisser le fonctionnement de Medicaid entre les États, mais certains ont refusé l’extension de Medicaid assurée par la loi.

Le résultat est sans appel pour les personnes handicapées : si elles veulent continuer à être éligibles, elles doivent désormais remplir des conditions de recherches d’emploi définis par l’État. Cependant, il est très difficile de rechercher un emploi quand on est handicapé, notamment parce que cela peut entraîner la perte de certains programmes d’assistance. Ces obligations de travail varient entre États mais peuvent atteindre jusqu’à 80 h de travail par mois (ou de volontariat). Les personnes handicapées peuvent demander à être dispensées, mais il faut pour cela affronter la bureaucratie et tout d’abord réussir à faire reconnaître son handicap. Entre les individus qui attendent la reconnaissance de leur handicap et ceux qui doivent se tenir à jour sur des sites web peu accessibles, le taux de couverture de Medicaid a chuté dans certains États [12]. À ce jour, douze États n’ont toujours pas étendu la couverture Medicaid. On y retrouve entre autres l’Alabama, la Caroline du Sud, du Nord, le Tennessee, la Géorgie, le Mississippi – les États de la disability belt.

Ce traitement discriminatoire et difficile s’explique par deux histoires, celle du handicap et celle des politiques sociales aux États-Unis. Pendant longtemps, la catégorie du handicap a été associée à la dépendance. Or, le recours à l’assistance sociale est synonyme de stigma négatif aux États-Unis. Les politiques qui y sont associées sont donc plus fragiles et régulièrement attaquées. Nombre de chercheurs expliquent que cela est dû au fait que ces programmes ne sont pas universels. Dans un État fédéral, cet effet est démultiplié : les États les plus conservateurs font la chasse aux « pauvres non méritants » à des fins électorales, ce qui entraîne de grandes inégalités de traitements, dont le handicap est l’un des principaux exemples. Ici, on voit comment la variable fédéraliste du welfare mix états-unien joue un rôle prépondérant dans l’expérience de travail des individus handicapés.

Si le champ d’étude des politiques a fait ce constat, c’est bien souvent l’approche fédérale qui reste favorisée : le champ institutionnel a eu tendance à s’intéresser plus aux origines et au sens des grandes politiques sociales qu’à leur fonctionnement. La littérature du champ des études sur le handicap a aussi cherché à englober un maximum d’expériences en abordant les discriminations systémiques historiques.

Néanmoins, un retour à des études plus micro, visant justement à saisir différentes expériences, émerge [13]. Mais ces phénomènes micro restent plus difficiles à constituer car les auteurs manquent de documentation : les données par État sont moins accessibles, et plus l’échelle est réduite plus cela est le cas. Pourtant, ce type d’études permet une analyse plus fine de la dimension socio-politique du handicap et de resituer l’individualité dans des spectres spécifiques.

3) Grandes métropoles et petits États

Plusieurs facteurs viennent influencer l’échelle d’analyse fédérale : tout d’abord des données impondérables, comme les structures économiques ou la répartition du handicap, mais aussi des variables politiques, tel que l’impact des discours anti-welfare. Dès lors, il semblerait se dessiner une carte assez claire, avec d’un côté la zone de la disability belt, regroupant les principales populations handicapées les plus défavorisées dans des États plutôt conservateurs ne favorisant pas leur insertion, et de l’autre, des États avec plus ou moins de personnes handicapées mais qui, plus enclins à favoriser l’implémentation de politiques sociales, offriraient une meilleure protection.

Cependant, ces distinctions tracées à gros traits n’arrivent pas à contenir d’autres variables, dont certaines se jouent à l’échelle des individus. Il s’agit ici de décliner l’échelle fédérale, afin de regarder ce qui se joue plus en détails. Or, très rapidement un premier constat émerge, celui du rôle très proactif des États du Midwest dans l’insertion des personnes handicapées sur le marché du travail. Comme souligné plus tôt, le Midwest est l’une des zones qui concentre le moins de personnes handicapées dans le pays, pourtant, c’est également dans ces États que l’on retrouve les plus importants taux d’emploi parmi elles. Les chiffres atteignent parfois le double de la moyenne nationale (par exemple 52 % dans le Dakota du Nord ou 48 % dans le Dakota du Sud) et les États du Dakota du Nord et du Sud, du Wyoming ou encore Minnesota sont cités parmi les « meilleurs lieux pour travailler quand on est handicapé » [14].

Ce constat peut étonner quand on sait qu’il s’agit là d’États généralement conservateurs, ces mêmes États sont généralement moins enclins à développer des mécanismes de protection des individus les plus fragiles. Pourtant, ils sont aussi nombreux à avoir rejoint les programmes fédéraux favorisant l’intégration des personnes handicapées sur le marché du travail [15]. Comment expliquer ce phénomène ? Il faut regarder du côté des individus. Dans le cas du Dakota du Sud par exemple, le rôle du gouverneur Dennis Daugaard a été déterminant dans la mise en place de programme de stages et le recrutement par les services étatiques. Ses parents étaient tous les deux sourds et il a ainsi été un témoin de premier plan de la difficulté de cette catégorie de la population à trouver un emploi.

Le rapport personnel au handicap joue généralement un rôle majeur dans le développement de politiques d’insertion ou de protection, le personnel politique de tout bord y étant plus ou moins sensibilisé. Les présidents Kennedy et Bush Sr., dont la famille et les proches étaient directement concernés par cet enjeu, ont réussi à faire voter des grandes lois de déségrégation à l’échelle nationale [16]. Néanmoins, Andrew Houtenville rappelle le rôle des variables économiques, et les États du Midwest sont moins frappés que d’autres par le chômage, ce qui explique aussi le plus haut taux d’emploi des individus handicapés. En outre, il souligne aussi comment, dans les plus petits États, les services sont moins fragmentés et travaillent souvent dans le même bâtiment. Ils seraient ainsi plus à même de palier la multiplication des échelles au sien du welfare state [17].

Ces constats invitent à regarder du côté d’une échelle plus micro d’application des programmes et de défense des droits sociaux, celle de « l’étude de la bureaucratie par le guichet ». C’est ce que montre D. Rice dans son article sur le sujet : cette échelle de décision politique, individuelle, est soumise à des changements de comportements majeurs selon les croyances des agents et ce qui se passe dans l’espace où ils évoluent [18]. Elle donne l’exemple de l’influence d’un scandale de fraude aux aides sociales. Si ces évènements sont médiatisés et saisis comme des évènements politiques par les acteurs étatiques, alors les agents chercheront à punir les fraudeurs, rejoignant ainsi les mouvements historiques anti-welfare.

Il est donc nécessaire d’adopter cette perspective politique du handicap mais également du welfare state. La politisation de l’espace permet de comprendre que l’espace n’est ni neutre, ni équitable. L’espace doit être une variable permettant de saisir l’expérience du handicap, malgré les difficultés à récolter des données véritablement par État ou à des échelles plus petites. Cela apporte plus d’épaisseur au portrait de ces expériences, surtout à l’aulne des grandes variations existant aux États-Unis.

III. L’expérience du travail à l’échelle de la ville : un moyen de mieux saisir la marginalisation politique ?

1) S’insérer dans des espaces citadins, études de cas new-yorkaise et bostonienne

Face au vide des États du Midwest, se dresse l’épineuse question de la déclinaison de l’insertion dans les villes. Si certaines sont des gros pôles du handicap, d’autres, comme New-York, citée précédemment, le sont moins. Cependant, une analyse fine fait ressortir de puissantes inégalités intra-urbaines, notamment au regard des niveaux d’éducation, qui influencent directement l’accès à l’emploi [19]. L’insertion serait ainsi plus difficile dans ces zones urbaines, peut-être aussi à cause de la fragmentation des services. Nous proposons de questionner cette hypothèse à l’aune de notre propre terrain d’étude.

Aux États-Unis, les politiques sociales sont gérées dans le cadre d’un « welfare mix », c’est-à-dire que les programmes d’aides et allocations sociales peuvent être distribués à la fois par les secteurs public et privé [20]. Au sein de ce « mix », le tiers secteur recouvre plusieurs formes : les organisations à but non lucratif, à but lucratif, et les entreprises. Ces institutions ont souvent la charge de la redistribution d’aides publiques.

C’est dans cette tradition historique que s’inscrivent les acteurs présentés ici. En tant que relais d’information et de redistribution, leur présence constitue un facteur majeur dans l’orientation des individus dans ce labyrinthe d’échelles. Elles rejoignent en ce sens la liste des variables présentées précédemment. Ainsi, afin de continuer à déplier l’échelle infra-urbaine, nous proposons de l’interroger à travers un lieu de ce welfare mix, celui des associations à but non lucratif spécialisées dans l’intégration des personnes handicapées sur le marché du travail.

Nous avons rencontré et observé deux associations : l’une située à New York, Young Adult Initiative et l’autre à Boston, WorkInc. À la suite de la croissance de l’État fédéral dans les années 1960, il est devenu nécessaire de répondre à de nombreuses demandes de services à travers le pays. En ce sens elles sont aussi des espaces garants de droits sociaux, mais à leur discrétion. Ainsi, si elles doivent répondre à des audits, la régulation quotidienne des discours et pratiques reste difficile à mettre en place. L’analyse à l’échelle fédérale seule ne permettant pas de saisir cette variation historique et politique, celle de la ville semblait plus appropriée.

Or, qu’il s’agisse de New York ou Boston, les deux villes abritent un important tissu d’associations à but non lucratif servant de figure de proue de la délégation de l’action publique. Les travaux d’Elisa Chelle, notamment, montrent comment, dans le cas de New York, on peut parler d’une ville majeure de la philanthropie [21]. À Boston, les initiatives de vie civique sont également très répandues. L’État du Massachusetts s’est également spécialisé dans la délégation de nombreux de ses services sociaux à des organisme privés avec lesquels il travaille en bonne intelligence depuis les années 1970.

Le choix de la focale citadine s’explique donc par ces dynamiques historiques, mais également par les opportunités du terrain sur lesquelles nous ne pouvons revenir en détail ici. Néanmoins, nous chercherons à présenter quelques conclusions permettant d’apporter de la nuance aux études présentées précédemment. En effet, il nous semble que l’échelle de la ville, malgré une forte fragmentation, peut constituer un espace d’insertion du handicap, à travers les initiatives proposées par ces associations.

2) Les expériences de terrain : la ville, un espace propice à l’émancipation des individus handicapés ?

Lors d’un entretien avec Jacquan, un job coach de WorkInc, ce dernier nous explique : « Je pense que l’on a de la chance ici. Que ce soit le Massachusetts ou même la ville de Boston, les deux sont vraiment disability-friendly. Ce n’est clairement pas le cas partout dans le pays. Dans le Sud par exemple, c’est beaucoup plus difficile ». Ce propos fait évidemment écho aux études citées précédemment, notamment sur le mouvement anti-welfare des États du Sud, mais peut aussi surprendre face aux chiffres pointant du doigt les inégalités dans les zones urbaines de l’Est.

C’est à travers la parole et l’observation de ces acteurs, travaillant en contact continu avec des individus touchés par des handicaps intellectuels, que nous souhaitons poser la question de la ville comme espace d’émancipation possible de ces individus. Deux exemples en particulier semble illustrer ce propos selon nous : la question de l’accessibilité grâce aux transports publics et celle des opportunités d’emploi dans des lieux connus des quartiers.

Malgré un tissu commun et des fonctionnements similaires en concordance avec les États, l’espace urbain de New York et celui de Boston diffèrent notamment au niveau des transports. Ainsi il est intéressant de noter que le métro new-yorkais, bien que peu accessible aux personnes en fauteuils, représente un atout considérable pour d’autres individus, comme ceux présentés ici. Les job coach rencontrés expliquent par exemple que, pour les individus avec des handicaps intellectuels, la présence d’un important tissu de transports publics aide à accéder à différents emplois à travers la ville.

En revanche, à Boston, l’absence de transports dans les villes adjacentes et la dépendance à la voiture peuvent compliquer la recherche d’emploi. Ainsi, Vanessa, également job coach à WorkInc, nous présente Fernande, employée dans un Costco de Dedham, près de Boston. Bien qu’elle vive à douze minutes seulement du magasin, elle ne sait pas conduire et les taxis coûtent chers : « Alors je lui ai trouvé quelqu’un pour la conduire pour seulement 50 dollars par semaine. Il y a des gros problèmes de transports dans ce quartier, il en manque », nous explique Vanessa.

D’autres individus, comme Jack, employé dans un restaurant aux alentours de la ville de Fitchburg, dépendent même de leurs parents pour atteindre leur lieu de travail. Enfin, d’autres, comme Andy, employé de WorkInc et malvoyant, se sont mobilisés pour rendre les transports plus accessibles. Il est ainsi l’un des principaux instigateurs d’un procès victorieux contre le Massachusetts Boston Transportation Administration (MBTA). Grâce à l’action conjointe de l’association et de plusieurs personnes, les noms des stations sont désormais annoncés à voix haute, rendant le métro plus accessible. Ce cas constitue un exemple saillant de l’appropriation du modèle social du handicap par les individus eux-mêmes. En ce sens, ils se réapproprient aussi l’espace urbain afin d’accomplir leur émancipation.

L’enjeu du trajet et de l’accessibilité est central dans l’expérience de travail des individus handicapés. Souvent, les agents des associations évaluent ces trajets en amont, parfois avec les individus. Ce type de recherche se fait plus facilement dans l’espace urbain, plus accessible. En outre, les agents connaissent ces espaces et il est plus facile pour eux d’aider les individus à se familiariser avec ces lieux et leurs dynamiques. Ainsi, on voit comment la diversité des espaces urbains influence l’expérience de travail des individus handicapés, entendus dans leur diversité. L’échelle de la ville met en avant les différentes attentes politiques de cette catégorie de la population et la nécessité de repenser les normes validistes, mais également les inégalités entre les espaces urbains états-uniens.

Un autre enjeu majeur de l’accès même au travail est celui des opportunités d’emploi. Les études sur les États citées précédemment soulignent l’influence de la variable économique sur l’emploi des personnes handicapées et il en va de même pour les personnes handicapées. Car les opportunités de plus en plus rares pour les personnes valides, le sont d’autant plus pour les individus handicapés. Les villes sont moins frappées par le chômage que les zones rurales, néanmoins, il est aussi difficile d’atteindre les employeurs souhaitant engager des personnes handicapées.

Pourtant, le travail à l’échelle des quartiers permet de tisser des liens forts avec de potentiels employeurs, ce à quoi s’attachent les agents des associations. Ils mènent des enquêtes en amont : certains se renseignent via les sites d’évaluations (Yelp, Google Avis) sur les managers et l’ambiance générale du site d’emploi. D’autres vont même sur place et se font passer pour des clients. Cela leur permet de tester, d’évaluer la bienveillance des lieux et des acteurs envers les personnes handicapées, sachant que les préjugés des employeurs restent parmi les principaux obstacles à l’embauche. L’anonymat de la ville et la multiplicité des expériences permettent de palier certaines déconvenues.

Travailler à l’échelle de la ville permet aussi de tisser plus de relations avec les entreprises locales et d’entretenir des relations à plus long terme. C’est le cas pour les deux associations : à New York nous assistons à un « petit-déjeuner » avec les partenaires de YAI. Par partenaires il faut comprendre les entreprises locales avec lesquelles l’association a l’habitude de collaborer. On retrouve une société de transports tenue par une famille italienne de New York, ou encore une entreprise de ménage (nous avons d’ailleurs observé deux individus sous contrat avec cette entreprise dans d’immenses tours du quartier financier). Une petite cérémonie a lieu : on y remet un prix pour le meilleur employé.

Cela permet aux entreprises de saisir l’effet concret qu’elles ont sur la vie des individus, de mettre en scène leur rôle à l’échelle individuelle. À Boston cela se manifeste aussi par de bonnes relations avec des entreprises locales, des supermarchés ayant souvent l’habitude d’embaucher des individus handicapés. Il s’agit de créer une habitude d’employabilité des clients en envoyant les « meilleurs » en premier. En créant un sentiment de lien dans l’espace urbain, les associations mettent en place les conditions de futures embauches. Ainsi, alors qu’on pourrait croire que la ville fragmente les liens, ces derniers peuvent être recréés dans le cadre du welfare mix.

Ces études de cas n’ont pas valeur à être comprises comme des généralités. Elles sont le reflet d’expériences à très petites échelles individuelles à travers le prisme d’un type de lieu particulier du welfare mix. Elles permettent néanmoins de nuancer certaines études conduites sur l’échelle urbaine. Cette dernière semble être appropriée pour répondre à l’exigence de l’emploi personnalisé qui est prôné par l’État fédéral depuis 2014 (à travers la loi Workforce Innovation and Opportunity Act [22]). La ville est pensée comme un espace positif, qui offre plusieurs opportunités économiques, sociales et politiques. Les acteurs du tiers secteur présentés ici bénéficient aussi de cette échelle : en effet, un des enjeux de ces organisations est celui de survivre sans les subventions étatiques. Or pour ce faire, la ville et, en particulier, des espaces avec de fortes traditions philanthropiques, constituent des lieux propices à cette émancipation. Les villes, en favorisant ces développements, contribuent aussi à l’insertion des individus handicapés.

IV. Conclusion

Dans son ouvrage La bonne focale, H. Becker interroge la façon dont les chercheurs construisent leurs cas d’études. Aux questions de calibrages, d’échelles, de durée, viennent se heurter des réalités sociales qu’il est parfois difficile de démêler dans un parcours de recherche, si bien que la question de « la bonne focale » n’est jamais vraiment résolue. Ici, nous avons cherché à questionner différentes approches possibles dans le cadre d’un vaste sujet, celui de l’insertion des personnes handicapées sur le marché du travail. Il n’y a pas qu’une seule réponse possible, néanmoins, lorsque l’on cherche à faire sens du parcours de vie de cette catégorie de la population, il nous semble nécessaire de devoir palier le défi de la fragmentation du welfare mix états-unien. Or, ce travail ne peut être accompli qu’en réduisant sans cesse l’échelle d’analyse.

Nous avons choisi de retenir l’échelle de la ville, à la fois à la suite des opportunités qui se sont présentées à nous, mais aussi parce qu’il nous semble que les tissus urbains de la côte Est concentrent nombre des difficultés et des défis, mais aussi opportunités, auxquels font face les individus handicapés. Ces zones qui semblent souvent peu adaptées permettent pourtant au chercheur de saisir des dynamiques sociales et politiques qui donnent de l’épaisseur à l’analyse institutionnelle habituellement favorisée.

AUTEUR
Marie Assaf
Doctorante
EHESS, Centre d’Études Nord-Américaines (CENA)

ANNEXES

NOTES
[1] « Nearly 1 in 5 people have a disability in the US, Census Bureau Reports », Census Bureau, 25/07/2021. En ligne.
[2] Il est important de rappeler ici que le terme de race ne recouvre pas le même sens aux États-Unis qu’en France. Il s’agit d’un facteur d’identification normalisé, y compris au sein des statistiques de recensement.
[3] Déborah Stone, The disabled state, Philadelphie, Temple University Press, 1984.
[4] Nancy Fraser et Linda Gordon, « A Genealogy of Dependency: Tracing a Keyword of the U.S. Welfare State », Signs, vol. 19, n° 2, 1994, p. 309-336 ; Romain Huret, La fin de la pauvreté : les experts sociaux en guerre contre la pauvreté aux Etats-Unis (1945-1974), Paris, EHESS, 2008 ; Jennifer Mittelstadt, « Dependency as a Problem to Be Solved: Rehabilitation and the American Liberal Consensus on Welfare in the 1950s », Social Politics, vol. 8, n° 2, 2001.
[5] Apparu aux États-Unis dans les années 1990, le concept de validisme désigne l’ensemble des préjugés et des discriminations qui ciblent les personnes en situation de handicap.
[6] Voir notamment : Eliott Davis Jr, « Study: the best cities for people with disabilities », US News, 02/10/2020 ; « The top 10 wheelchair accessible cities of the US », BraunAbility.
[7] Howard Becker, La bonne focale. De l’utilité des cas particuliers en sciences sociales, Paris, La Découverte, 2016.
[8] Vincent Dubois, La vie au guichet. Relation administrative et traitement de la misère, Paris, Economica, 2010 (première édition en 1999).
[9] Amanda Botticello, Andrew Houtenville et John O’Neill, « The US disability belt: a spatial analysis of geographic variation in disability », Durham, Kessler Foundation, Institute on Disability, University of New Hampshire.
[10] Duncan McVicar, « Why Do Disability Benefit Rolls Vary between Regions? A Review of the Evidence from the USA and the UK », Regional Studies, vol. 40, n° 5, 2006, p. 519-533.
[11] Dan Black, Kermit Daniel et Seth Sanders, « The Impact of economic conditions on participations in disability programs: evidence from the coal boom and bust », The American Economic Review, vol. 92, n° 1, 2002, p. 27-50.
[12] Anna Bailey et Judith Solomon, Center on Budget and policy priorities, « Medicaid Work Requirements Don’t Protect People With Disabilities », 14/11/2018 ; Leighton Ku et Erin Brantley, « Medicaid work requirements in nine states could cause 600,000 to 800,000 adults to lose Medicaid coverage », The Commonwealth Fund, 21/06/2019 ; Terrence Doyle, « Work requirements will deny Medicaid to people with disabilities », HmmDaily, 10/06/2019.
[13] On peut également citer Faye Ginsburg et Rayna Rapp, « Entangled ethnography: imagining a future for young adults with learning disabilities », Social Science & Medicine, n° 99, 2013, p. 187-193 ; John R. Beard et al., « Neighborhood characteristics and disability in older adults », Journal of Gerontology: Social Sciences, 64B(2), p. 252-257 ; Jennifer Karas Montez, Anna Zajacova et Mark D. Hayward, « Disparities in disability by educational attainment across US States », AJPH, vol. 107, n° 7, 2017, p. 1101-1108.
[14] RespectAbility « The best-and worst-states for workers with disabilities », 29/09/2015.
[15] Voir notamment la déclinaison de l’approche « Par l’emploi avant tout » (« Employment First ») : APSE, « Employment First interactive map » qui montre les différentes législations adoptées en ce sens dans les États.
[16] Respectivement le Community Mental Health Centers Act de 1963 et l’American with Disabilities Act de 1990.
[17] Sophie Quinton, « States work to help people with disabilities to find work », Pew, 17/09/2015.
[18] Déborah Rice, « Stree-level bureaucrats and the welfare state: toward a micro-institutionalist theory of policy implementation », Administration and Policy, vol. 45, n° 9, 2012, p. 1038-1062.
[19] Martha Ross et Nicole Bateman, « Disability rates among working-age adults are shaped by race, place, and education », Brookings, 15/05/2018.
[20] Jacob Hacker, The Divided Welfare State: The Battle Over Public and Private Social Benefits in the United States, Cambridge, Cambridge University Press, 2002 ; Michael Katz, The Price of Citizenship: Redefining the American Welfare State, New York, Metropolitan Books, 2001.
[21] Voir notamment Elisa Chelle, « Expérimentation sociale : la tentation américaine », Informations sociales, n° 174, 2012, p. 24-30 ; « Un laboratoire urbain, New York sur le policy Market de la lutte contre la pauvreté », Revue française de science politique, vol. 63, n° 5, 2013, p. 893-915 ; Gouverner les pauvres. Politiques sociales et administration du mérite, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012.
[22] Workforce Innovation and Opportunity Act ou WIOA, votée en 2014. Il y est ainsi défini : « 1° un emploi compétitif sans discrimination pour les individus avec un handicap significatif ; 2° être basé sur la détermination des forces, besoins et intérêt de l’individu handicapé ; 3° être conçu pour correspondre aux capacités spécifiques de l’individu et aux besoins de l’entreprise ; 4° être mis en place grâce à des stratégies flexibles ».

RÉFÉRENCES

Pour citer cet article :
Marie Assaf, « Quelle(s) échelle(s) pour étudier l’intégration des personnes handicapées sur le marché du travail aux États-Unis ? Proposition d’études de cas new-yorkaise et bostonienne », dans Espaces et droits sociaux, Tamara Boussac et Esther Cyna [dir.], Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne], 15 décembre 2022, n° 18, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html.
Auteur : Marie Assaf.
Droits : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC/credits_contacts.html
ISSN : 1961-9944

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