Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin" UMR 7366 CNRS-uB |
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Territoires contemporains | |
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Des civils au cœur de la guerre franco-allemande : écritures de soi et expériences sensibles (1870-1914) | ||||||||
Sandra Chapelle | Mots-clés | Sommaire | Texte | Auteur | Annexes | Notes | Références | Outils | |||||||
MOTS-CLÉS
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SOMMAIRE
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TEXTE | ||||||||
Ce texte est une mise à l’écrit du discours prononcé à l’occasion de la soutenance de ma thèse qui s’est déroulée à Dijon le 6 avril 2022. Le jury était composé de monsieur Jacques-Olivier Boudon, professeur à l’université de Paris IV (président du jury), de monsieur Stéphane Audoin-Rouzeau, directeur d’études à l’EHESS (rapporteur), de monsieur Stéphane Tison, maître de conférences à Le Mans université (rapporteur), de madame Mareike König, directrice-adjointe de l’Institut historique allemand de Paris (examinatrice), de monsieur Pascal Lécroart, professeur à l’université de Franche-Comté (examinateur) et de madame Odile Roynette, professeure à l’université de Bourgogne (directrice de thèse).
Je tiens tout d’abord à remercier les membres du jury, pour leur présence, et, une nouvelle fois, ma directrice de thèse, Odile Roynette, pour son accompagnement.
I. Présentation du sujet J’aimerais commencer cette présentation en citant les premières lignes du journal de Paul Montarlot, écrites en 1871, alors qu’il était substitut du procureur à Châteaudun : 1871 – Impartial et scrupuleux comme un témoin, je raconte simplement ce que j’ai vu […] je traduis jour par jour, – si ce n’est heure par heure, – les impressions que nous avons tous ressenties, perplexités, terreurs, courtes espérances et patriotiques angoisses […] Il me reste à m’excuser de publier des pages où ce que j’ai vu et pensé occupe à peu près constamment la scène […] le lecteur s’apercevra promptement que ce pronom si personnel était réclamé par la forme même du livre, et qu’on fond ce n’est pas mon humble individualité que j’ai mise en jeu, mais bien les incidents multiples dont Châteaudun a été le théâtre et les personnages très divers qui ont été à un degré quelconque les acteurs ou les comparses de ce drame de six mois [1]. Dans ce passage, Paul Montarlot témoigne du besoin qu’il a ressenti d’écrire chaque soir, entre septembre 1870 et mars 1871, lorsqu’il était personnellement confronté à la présence des troupes allemandes dans la ville de Châteaudun. Plus encore, il considère son témoignage comme un porte-parole de ce qu’ont pu vivre et ressentir ses contemporains. Ce sentiment d’une nécessité d’écrire est-il propre au magistrat ou la guerre de 1870-1871 a-t-elle bouleversé de manière plus large, les gestes et les modalités d’écriture des contemporains restés à l’abri des combats ? Son journal appartient-il à un ensemble plus vaste de textes écrits par des civils qui aurait été jusque-là négligé par les historiens ? Dans l’étude des conflits armés, l’histoire militaire tournée vers le récit des combats, la biographie des grands hommes de guerre, l’histoire de la stratégie ou des techniques militaires ont longtemps été privilégiées. Les approches historiques faisant une place croissante aux témoignages ont, jusqu’à récemment, concentré leur attention sur les combattants confrontés à l’épreuve du champ de bataille et ont rejeté dans l’ombre les civils. Pourtant, à partir de 1870, un phénomène inédit semble s’opérer. Dans la trentaine de départements français envahis et occupés par les armées allemandes, des hommes et des femmes non combattants, de profils très variés (tant concernant leur milieu social, culturel et professionnel que leur âge, leurs opinions politiques ou encore religieuses) prennent la plume, s’astreignant à un travail quotidien d’écriture. J’ai voulu comprendre les raisons et le sens de ces pratiques dont l’ampleur se distingue des périodes précédentes, notamment de 1814-1815. Dans le travail que je souhaite vous présenter aujourd’hui, j’ai eu à cœur de toujours faire primer l’analyse de l’écriture sur celle de la guerre, puisque pour les contemporains du conflit, ce n’est pas la guerre qui donne du sens à l’écriture, c’est l’écriture qui donne du sens à la guerre. En transcrivant chaque jour sur le papier leurs impressions et leurs émotions, les civils n’ont pas la prétention d’écrire une histoire politique, militaire, économique ou encore diplomatique du conflit. Ils ne confèrent d’ailleurs à leurs textes aucune autorité scientifique ou intellectuelle. Au contraire, ils sont très souvent les premiers destinataires de leur écriture et, lorsqu’ils se décident à la diffuser, ils s’excusent très souvent – comme Paul Montarlot – d’avoir rédigé à la première personne du singulier. Pourtant, le magistrat reconnaît que le « je » est « réclamé par la forme même [2] » de l’écriture choisie. En effet, la rédaction de journaux, de lettres ou encore de souvenirs met d’abord en scène les auteurs. Il s’agit de ce que les littéraires appellent les écritures de soi ; ici l’objet de leur écriture n’est pas la guerre mais eux-mêmes (bien que très souvent, mais pas systématiquement, le conflit a déclenché l’écriture). Les événements guerriers sont lus et interprétés à travers leurs propres grilles de lecture qui ne sont pas accessibles au premier abord. La distance temporelle qui sépare l’historien de la guerre de 1870 impose d’une façon générale, un « puissant effort d’érudition, mais aussi d’imagination [pour] reconstituer l’univers, tout l’univers physique, intellectuel, moral [3] » au milieu duquel ces textes ont été écrits. II. Questions et problématiques Cet intérêt pour la littérature et l’histoire culturelle de la guerre est né lors de mes études en Licence et s’est concrétisé dans mes travaux de Master. J’avais alors étudié quatre journaux écrits à Besançon et à Dijon à partir desquels j’avais mis au jour quelques modalités du témoignage non-combattant. L’analyse était restée limitée en raison du nombre restreint de sources. Néanmoins, ce travail m’avait permis d’identifier plusieurs pistes que je souhaitais creuser dans le cadre d’une thèse de doctorat. Tout d’abord la pertinence d’utiliser le genre comme catégorie d’analyse. À mon sens, l’approche genrée se justifie pleinement dans un sujet qui combine l’analyse d’une pratique traditionnellement dévolue aux femmes (l’écriture de soi) et celle d’une activité masculine par excellence (la guerre). Au terme de mon Master, j’avais décelé des modalités différentes de la confidence en 1870-1871 selon que les diaristes étaient des hommes ou des femmes. Dans ma thèse, j’ai poursuivi et approfondi cette approche au sein d’un corpus, bien plus étoffé, de plus d’une centaine d’individus. La composition même de ce corpus invitait d’emblée à interroger le déséquilibre entre les textes écrits par des hommes (environ quatre-vingts) et ceux écrits par des femmes (à peu près une trentaine). Une question se posait alors : dans quelle mesure le genre a-t-il pu influer sur les gestes d’écriture, sur la forme des textes ou encore sur leur devenir (destruction, conservation, publication) ? Une autre dimension, que j’avais commencé à aborder en Master, me paraissait fondamentale pour une compréhension en profondeur des gestes et des modalités d’écriture en temps de guerre : celle des sensibilités et des émotions. Ces textes personnels, voire intimes, sont truffés de références, de sous-entendus, d’allusions, qui sont loin d’être évidents à décrypter pour le lecteur du xxie siècle. Leur compréhension n’est accessible qu’au prix d’un intense travail d’identification et de restitution des représentations et des imaginaires de ces hommes et de ces femmes de la deuxième moitié du xixe siècle. Cette approche m’a aussi permis de ne pas m’enfermer dans l’analyse du conflit lui-même mais d’étudier tous les champs concernés par l’expérience de guerre et d’inscrire plus largement mes recherches dans l’histoire du xixe siècle. Tout cela m’a menée à aborder, dans le cadre de ma thèse, les écritures de soi des civils à travers le prisme de l’histoire des sensibilités. J’ai ainsi fondé mes travaux sur une analyse fine des sources. Cela m’a notamment permis d’esquisser une reconstitution des environnements physique et sensoriel dans les territoires envahis et occupés. Cela m’a aussi amenée à analyser les différents mécanismes mis en place par les civils pour faire face à la défaite dans laquelle la question des traumatismes est apparue centrale. Au regard de leur poids sur les gestes d’écriture, j’ai interrogé les modalités de perception et de réception de la défaite. Pourquoi un tel choc à l’annonce des premiers échecs de l’armée française ? Pourquoi les non-combattants perçoivent-ils d’emblée la défaite comme morale et identitaire, et pas seulement comme militaire ? Cette lecture des événements, d’abord visible dans les textes des individus appartenant aux classes aisées, est-elle aussi perceptible dans les textes écrits par ceux appartenant aux classes populaires ? La perception et le ressenti de la défaite et des traumatismes qui en découlent, sont-ils les mêmes pour les hommes et les femmes ? Pour les jeunes et les plus âgés ? Pour les Parisiens et les provinciaux ? Pour les républicains et les monarchistes ? Pour les catholiques, les protestants ou encore les anticléricaux ? Enfin, quelle place ces traumatismes occupent-ils dans la mémoire et la culture de la défaite qui se construisent entre 1870 et 1914 ? III. Méthodologie et difficultés Pour répondre à ces questions, j’ai dû m’astreindre à un cadre méthodologique assez rigoureux qui m’a confrontée à de nombreuses difficultés. Tout d’abord, la constitution du corpus dont je devais définir les limites. La première était d’ordre chronologique : quelle période d’étude devais-je envisager ? Simplement le temps court de la guerre (1870-1871) ? Devais-je intégrer le temps des occupations qui se poursuit jusqu’en 1873 dans certains départements ? Ou devais-je considérer une période plus longue intégrant les décennies suivantes ? Cette dernière option m’a paru la plus pertinente d’autant que mon objet de recherche, les écritures de soi, permet précisément de suivre les continuités entre le temps de guerre et le temps de paix ; aussi étudier seulement la période 1870-1873 est rapidement apparu trop restrictif. Il m’a alors semblé évident d’étendre mon analyse jusqu’en 1914 ; excluant de fait les textes écrits ou publiés pendant ou après la Première Guerre mondiale. Ces derniers auraient très probablement été une relecture de 1870-1871 à la lumière de 1914-1918, ce qui aurait faussé l’analyse que je me proposais de mener. Si cette posture m’a imposé la discipline de ne pas regarder les analyses des écrits personnels et intimes des conflits postérieurs et notamment des deux guerres mondiales, je me rends compte aujourd’hui que ce principe m’a sans doute privée des analyses des écrits de ces périodes et donc de clés de compréhension qui auraient pu enrichir davantage mon travail. Pour autant, ce manque me permettra certainement, dans la suite de mes travaux, de mieux cerner les problématiques propres aux textes écrits après 1914 et de mesurer le poids des deux conflits mondiaux sur les récits de la guerre et de la défaite de 1871. Une fois la période chronologique définie, il convenait de constituer un corpus de textes. Pour ce faire, les deux termes clés de mon sujet (« civils » et « écritures de soi ») devaient être définis. Si la notion de « civils » paraît aller de soi – ce sont ceux qui ne combattent pas – il m’est vite apparu que la réalité était plus complexe. Pour y voir plus clair, j’ai consulté les règlements militaires, en particulier lorsqu’il s’agissait des gardes nationaux ou des aumôniers, tant leurs statuts sont flous en 1870. J’ai ainsi considéré comme civil tout individu indépendant de l’institution militaire, c’est-à-dire celui qui n’est soumis ni à sa hiérarchie, ni à sa discipline. Concernant les « écritures de soi », le choix des textes nécessitait une connaissance approfondie des formes, des modalités et des pratiques d’écriture. Je me suis donc progressivement familiarisée avec les concepts et les outils des littéraires et des historiens de la littérature. Ces apports théoriques étaient cependant loin de répondre à toutes mes questions. En effet, la lecture de plus d’une centaine de journaux, de lettres et de souvenirs, m’a fait prendre conscience que chaque individu a ses propres représentations à la fois de son texte et de sa pratique d’écriture. Aussi, lorsque les hommes (adultes et adolescents), entreprennent la rédaction d’un journal, leur projet n’est pas – contrairement aux femmes et aux jeunes filles – de tenir un journal intime. Pour eux, le « journal » est bien davantage lié au monde bouillonnant de la presse, au périodique connecté à l’actualité, qu’à une pratique secrète et solitaire. Ces représentations différenciées du journal sont sans doute à mettre en lien avec celles des processus éducatifs au xixe siècle. Elles font apparaître le journal (et plus largement les écritures de soi), d’abord comme une pratique sociale. Pour restituer au plus près le sens de cette pratique pour les contemporains, je devais retracer leur trajectoire individuelle jusqu’en 1870 ou jusqu’au moment de rédaction de leur texte, qui pouvait être bien plus tardif. Ces reconstitutions ont été une part importante de mon travail préliminaire, d’autant qu’il s’agit d’individus qui ne sont ni des personnalités historiques ni des écrivains. Les traces de leur existence sont parfois ténues. Pour certains ou certaines, leur expérience de la guerre franco-allemande est le seul texte écrit de leur main. Il a alors fallu traquer le moindre indice afin d’être en mesure de retrouver leurs empreintes dans les états-civils, dans les recensements de population ou encore les diverses bases de données, comme Leonore qui recense les individus détenteurs de la Légion d’honneur ou encore celle du Comité des travaux historiques et scientifiques qui répertorie, entre autres, les individus membres des sociétés savantes. Ces reconstitutions ont servi de base à l’élaboration de sociographies, indispensables pour comprendre le sens et la place de ces textes dans la vie de ceux qui les ont écrits. En outre, la variété des thèmes abordés dans ces textes a imposé une connaissance précise de chacun afin de les analyser, de comprendre leurs significations dans le cadre des écritures de soi en temps de guerre. Ces difficultés, une fois surmontées, ont considérablement enrichi mes réflexions et m’ont permis de formuler des hypothèses dans de nombreux domaines et de livrer une étude la plus complète possible sur les écritures de soi des civils entre 1870 et 1914. IV. Résultats Tout d’abord, mes recherches ont permis de mettre au jour le caractère massif du témoignage civil en 1870-1871, surtout au regard de la période 1814-1815, où l’écriture des non- combattants semblait largement restreinte aux membres des autorités locales confrontés à la présence étrangère. C’est que la variable sociale et le genre pèsent toujours fortement sur le geste d’écrire dans le dernier tiers du xixe siècle. Ce sont très majoritairement des hommes membres des classes moyennes supérieures et de la bourgeoisie qui prennent la plume, c’est-à- dire des notables qui avaient une pratique régulière de la langue écrite avant la guerre. Si les femmes semblent avoir laissé moins de traces, elles ont pourtant largement participé à l’effort de guerre. Les « Dames » de l’aristocratie et de la bourgeoisie se sont engagées dans des œuvres de charité et se sont enrôlées dans les sociétés de secours aux blessés, affiliées à la Croix-Rouge, afin de venir en aide aux soldats et à leurs familles. Leurs textes ont dévoilé́ une profonde intériorisation de leur exclusion du port des armes dans le contexte d’apparition d’une prise en charge humanitaire. Le genre s’est révélé très opératoire pour étudier les textes des soignants dans la mesure où les rôles, les gestes et les tâches apparaissent socialement et culturellement très codifiés. Cette répartition genrée des rôles semble nettement moins acceptée par les « femmes » des classes populaires, en particulier à Paris. Si je ne dispose pas de textes écrits de leurs mains, ceux des lettrés les mentionnent très fréquemment, notamment lorsqu’elles revendiquent le droit d’infliger la violence. Pour les hommes comme pour les « Dames », il s’agit là d’une perturbation inacceptable de l’ordre social qui remet en cause la nature « humaine » de ces individus. Au fil des pages, les textes des lettrés dévoilent une réactivation de l’angoisse bourgeoise du peuple en armes, à la fois dans les villes et dans les campagnes. Cette anxiété́ prend une dimension spécifique à Paris (qui est le théâtre de plusieurs journées révolutionnaires pendant le siège) et culmine lors de la Commune, qui consomme définitivement la rupture entre les classes aisées et le peuple grouillant des faubourgs, mais aussi celle entre la capitale et la province. Plus largement, les non-combattants n’ont de cesse de dénoncer dans leurs textes toutes les formes de violence, au premier rang desquelles celles de la guerre, alors perçue comme un moyen archaïque de règlement des conflits. Cette conviction, très largement partagée en 1870 témoigne, à mon sens, d’une évolution des sensibilités dans le monde civil face à une violence dont les contemporains sont spectateurs, parfois lointains, souvent proches, et fréquemment victimes. Leurs textes sont révélateurs du franchissement d’un seuil de violence qui les pousse à écrire et à se dévoiler davantage dans la mesure où ils se sentent menacés dans leur existence par la présence des troupes allemandes. Les écritures de soi apparaissent comme un réceptacle de l’extériorisation de leur intimité malmenée par la guerre. À cet égard, mes recherches ont révélé que la présence des soldats allemands sur le territoire national a restreint la perception de l’espace des civils. Dans les départements envahis et occupés, ils ont la sensation d’être enfermés et isolés du reste de la France. Ils ont le sentiment que le territoire qui les entoure s’est resserré. Cette impression, inédite pour eux, du poids de la présence étrangère se traduit par l’utilisation de nouveaux mots forgés à partir du terme « Prusse », tels que « emprusser », « emprussifier », « prussianiser ». À Paris, cette sensation d’étouffement, d’enfermement et d’isolement prend une forme spécifique. Le siège de la capitale provoque une sensation d’insularité chez de nombreux habitants. Ce sentiment de coupure avec l’extérieur amène un certain nombre de Parisiens à s’identifier à des aventuriers comme Robinson Crusoé, puis à des naufragés comme ceux du radeau de Méduse, lorsque la famine fait son apparition. J’ai émis l’hypothèse que la mobilisation de ces figures touchant à l’imaginaire de l’évasion et de la survie serait une des conséquences de l’inversion des rapports entre Paris et la province induite par le siège. Cette inversion serait non seulement une dimension essentielle des expériences civiles du siège de Paris mais aussi de la guerre de 1870, dont la défaite française puis la Commune mettent à mal le statut de capitale. Enfin, le déclenchement ou l’accélération de l’écriture des non-combattants à partir de 1870 traduirait une altération de leur perception du temps ; un temps que l’activité guerrière et surtout les défaites militaires rendent incompréhensible sur le moment, car perçu à rebours de celui du progrès. J’ai voulu démontrer que l’enjeu des écritures de soi des civils entre 1870 et 1914, au-delà de leur dimension testimoniale qu’il convient de ne pas négliger, est la construction d’une mémoire et d’une culture de la défaite qui doit permettre de reconstruire l’identité nationale française. Ne pouvant puiser dans le présent de la défaite pour se reconstruire, les Français doivent utiliser leur passé. La guerre et la défaite sont alors lues ou relues à l’aune d’épisodes historiques connus par les contemporains, en particulier de la fin de l’Antiquité (au moment de la chute de l’Empire romain d’Occident) et du Moyen Âge. L’omniprésence de ces références dans les textes révèle une lecture largement partagée de l’invasion, des occupations et de la défaite en termes de régression de la civilisation latine et du retour de la « barbarie » germanique en Europe, qui traduisent la profondeur et la durabilité du traumatisme de la défaite jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale. |
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AUTEUR Sandra Chapelle Docteure en histoire contemporaine de l’université de Bourgogne-Franche-Comté |
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ANNEXES |
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NOTES
[1]
Paul Montarlot, Journal de l’invasion : Châteaudun (4 septembre
1870-11 mars 1871), Châteaudun, Pouillier-Vaudecraine, 1871, p. I et III.
[2]
Ibid., p. III.
[3]
Cette phrase, écrite par Lucien Febvre, est citée par
Alain Corbin dans son article « “Le Vertige des
foisonnements”. Esquisse panoramique d’une histoire
sans nom », Revue d’histoire moderne et contemporaine,
n° 39/1, janvier-mars 1992, p. 107.
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RÉFÉRENCES Pour citer cet article : Sandra Chapelle, « Des civils au cœur de la guerre franco-allemande : écritures de soi et expériences sensibles (1870-1914) », Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne], 2 mai 2022, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html. Auteur : Sandra Chapelle. Droits : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC/credits_contacts.html ISSN : 1961-9944 |
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