Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin"
UMR 7366 CNRS-uB
Territoires contemporains


Varia
L’Association internationale des travailleurs après la Révolution espagnole (1939-années 1990). Principes, tactiques et finalités anarcho-syndicalistes : crise permanente et résurgences marginales
François Guinchard
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MOTS-CLÉS
Mots-clés : Association internationale des travailleurs (AIT) ; anarcho-syndicalisme  ; internationalisme ; Guerre d’Espagne (1936-1939) ; Confédération nationale du travail (CNT)
Index géographique : Monde ; Espagne
Index historique : xxe siècle
SOMMAIRE
I. Introduction
II. Choix et délimitation du sujet
III. Carence historiographique et éparpillement des sources
IV. Démarche
V. Résultats et perspectives

TEXTE

Ce texte reprend celui de la soutenance de la thèse L’Association internationale des travailleurs après la Révolution espagnole (1939-années 1990). Principes, tactiques et finalités anarcho-syndicalistes : crise permanente et résurgences marginales, qui s’est déroulée à l’université de Bourgogne le 20 novembre 2017.

Le jury était composé de Ludivine Bantigny, Maîtresse de conférences en histoire contemporaine (HDR) à l’université de Rouen (rapporteur), Fabien Conord, Professeur d’histoire contemporaine à l’université Clermont Auvergne (président), Anne-Cécile Douillet, Professeure de Science Politique à l’université de Lille (Lille 2), Oscar Freán, Maîtresse de conférences en Espagnol à l’université de Bourgogne Franche-Comté, Frédéric Monier, Professeur d’histoire contemporaine à l’université d’Avignon (rapporteur), Jean Vigreux, Professeur d’histoire contemporaine à l’université de Bourgogne Franche-Comté, Dijon (directeur).

I. Introduction

Je tiens d’abord à remercier les membres du jury, en particulier les deux rapporteurs pour leur relecture attentive et leurs remarques pertinentes, et également Jean Vigreux, avec qui j’ai pris plaisir à travailler au long de ces années.

Le 20 novembre est une date incroyablement symbolique, du point de vue du sujet dont nous allons traiter. En effet, le 20 novembre 1936, à Madrid, mourrait Buenaventura Durruti, le héros anarchiste espagnol, et le même jour disparaissait José Antonio Primo de Rivera, fils de l’ancien dictateur et fondateur de la Phalange. Deux semaines auparavant, quatre anarchistes réalisaient le paradoxe d’intégrer le gouvernement de la seconde République espagnole. L’ironie du calendrier veut encore que ce soit un 20 novembre, en 1975, que Francisco Franco meurt dans son lit, après avoir exercé près de quarante ans de dictature.

Au-delà des coïncidences, voilà de quoi faire sentir à quel point l’histoire de l’anarcho-syndicalisme est hantée par le spectre de l’Espagne. Rudolf Rocker, membre fondateur et figure emblématique de l’Association internationale des travailleurs (AIT), écrit d’ailleurs dans ses mémoires : « C’est un fait qu’avec la défaite de la guerre civile espagnole, au cours de laquelle notre mouvement a joué un rôle si héroïque, s’est scellé aussi le destin de l’AIT ». Ma thèse s’attache, si l’on peut dire, à tester cette hypothèse.

II. Choix et délimitation du sujet

Si j’ai choisi d’étudier l’histoire de l’AIT anarcho-syndicaliste, c’est avant tout pour satisfaire une curiosité personnelle, ne trouvant qu’une documentation partielle, et bien souvent partiale, concernant ce qui fut l’une des grandes organisations internationales du mouvement ouvrier.

À la fin de mon cursus de master, mon idée était de défricher ce terrain à travers un mémoire, puis de l’approfondir dans le cadre d’une thèse. Cependant, je décidai de suivre le conseil de Jean Vigreux, qui était, au vu de la longueur de la période envisagée ‒ l’essentiel du xxe siècle ‒ d’identifier une césure entre deux unités de temps plus courtes, à étudier successivement. Cette césure ne pouvait être que la Guerre d’Espagne et la révolution qui l’accompagne. Ainsi, mon mémoire traite de l’AIT avant l’éclatement de la guerre civile d’Espagne. L’histoire qu’il retrace est résumée en introduction de ma thèse, et touche essentiellement à la transition d’une partie du mouvement syndicaliste révolutionnaire vers l’anarcho-syndicalisme, dans le contexte de la montée en puissance du communisme bolchevique puis des fascismes. Le choix des termes ‒ guerre ou révolution ‒ n’est pas anodin, et je tiens à insister sur le fait que c’est bien la révolution sociale qui germe en Espagne au long des années 1930 pour éclore le 19 juillet 1936, plus que la République ou la guerre, qui constitue le déterminant principal de l’histoire de l’anarcho-syndicalisme. C’est cette guerre civile dans la guerre civile, entre une large fraction de la classe ouvrière et les institutions de l’État républicain, qui traverse y compris la Confédération nationale du travail (CNT) elle-même. C’est la question de comment et avec qui faire la révolution dont on a tant parlé, et que les anarcho-syndicalistes de l’époque concevaient comme la seule perspective à même d’éviter l’avènement du fascisme et l’éclatement de la guerre. C’est enfin la question de la fin et des moyens, autrement dit des principes, tactiques et finalités que se donne un mouvement révolutionnaire.

Pour des raisons que je donne en introduction, j’envisageais initialement de faire commencer l’étude en 1945, et ce n’est qu’au fil de mes recherches que je me suis rendu compte qu’il était absolument nécessaire d’y inclure la période de la Seconde Guerre mondiale. Quant à celle de la Guerre d’Espagne, il n’était plus temps de m’aventurer dans le « maquis » bibliographique qu’elle représente, et j’ai préféré la survoler en m’attardant surtout sur l’implication des anarcho-syndicalistes d’autres pays.

Concernant la limite finale de la période étudiée, plusieurs possibilités s’offraient. Ma première intention, qui était de la faire durer jusqu’aux années 2010, fut vite abandonnée. À l’inverse, j’aurais pu m’arrêter bien plus tôt, à la fin des années 1950, avec la rupture entre l’AIT et ses sections suédoise, hollandaise, et la CNT clandestine en Espagne. Cependant, le résultat aurait été une histoire tronquée, un fragment insuffisant pour comprendre ce que représente l’anarcho-syndicalisme dans le monde contemporain. Clore la thèse avec la mort de Franco et la transition politique espagnole vers une monarchie parlementaire serait revenu à n’étudier l’AIT qu’au prisme de la question espagnole, ce qui peut se justifier, mais me paraît excessivement réducteur. Finalement, le choix des années 1990 représente un double avantage. Il permet d’une part d’assister aux résurgences de l’anarcho-syndicalisme dans des régions où il n’existait pas ou plus. D’autre part, les conflits internes qui se produisent dans l’AIT durant cette décennie, sans constituer une rupture fondamentale de sa trajectoire historique, dessinent ce qu’elle devient durant les deux suivantes, et préfigurent les évolutions qu’elle connaît depuis quelques années.

III. Carence historiographique et éparpillement des sources

À propos de l’anarcho-syndicalisme dans sa dimension internationale, et plus précisément l’AIT après 1939, il n’existe aucune bibliographie historique académique. On trouve une historiographie militante fortement instrumentalisée, qui n’est utilisable qu’au prix de multiples précautions et vérifications. Il existe par ailleurs un certain nombre d’ouvrages concernant les sections nationales de l’AIT, surtout la CNT espagnole, par essence centrés sur une dimension nationale. Pour plusieurs pays (France, Grande-Bretagne, Italie, Australie), cette bibliographie se limite à un ou deux mémoires ou articles de revues, ce qui ne peut évidemment suffire à une recherche qui se veut complète et précise.

Il convient donc de s’appuyer sur d’autres types de sources, à savoir principalement les archives produites par l’activité des anarcho-syndicalistes. La difficulté majeure que présentent ces archives est leur état d’éparpillement, qui tient en grande partie à la précarité et à la mobilité du secrétariat international de l’AIT, notamment en raison du caractère décentralisé de cette organisation. Il existe bien trois « Fonds AIT » conservés à Amsterdam, Lausanne et Madrid, mais même regroupés ils forment un ensemble très lacunaire. L’éparpillement est également linguistique, inconvénient compensé seulement en partie par l’usage de l’espagnol comme langue internationale, et dans une moindre mesure du français puis de l’anglais.

Après un premier travail de localisation, j’ai dépouillé ces archives autant que le temps, les moyens financiers et les compétences linguistiques dont je disposais me l’ont permis. J’ai visé, sans l’atteindre tout à fait, l’exhaustivité concernant les congrès internationaux et la presse éditée par le secrétariat de l’AIT ; la représentativité la plus complète possible concernant la correspondance organique interne et la presse des sections nationales ; et un échantillon tendant à la représentativité concernant l’activité des syndicats et sections locales, la correspondance personnelle des militants, et les publications des mouvements périphériques ou idéologiquement proches de l’AIT.

Certains fonds me sont malheureusement demeurés inaccessibles, soit que mes demandes d’autorisation de consultation soient restées sans réponse (Fonds Renée Lamberet, Archives de la préfecture de police de Paris), soit ‒ pour les fonds soumis à autorisation des Archives nationales ‒ que les instruments de recherche soient trop imprécis pour me laisser espérer un résultat fructueux en procédant par sondages.

La nature et l’étendue de mon sujet rendaient absolument inenvisageable la constitution et l’analyse d’un corpus exhaustif, je pense néanmoins être parvenu à réunir une documentation suffisante, en dépit d’inévitables lacunes, pour mener une étude sérieuse.

IV. Démarche

Le travail que j’ai effectué présente d’évidents caractères monographiques, et donc un décalage certain avec les tendances actuelles de la recherche historique. Cette approche comporte plusieurs inconvénients, que les rapporteurs du présent jury n’ont pas manqué de souligner. L’étude d’un mouvement international dans sa globalité amène à s’intéresser à une multitude d’acteurs, de faits, de discours, de conflits et de situations, sans pouvoir les décortiquer de manière aussi approfondie qu’ils le mériteraient. Je puis assurer que le sentiment de frustration que cela produit est au moins aussi fort chez l’auteur que chez le lecteur. Ce sentiment n’est apaisé que par la conscience qu’une thèse, si approfondie qu’elle puisse être, n’est jamais le point final à l’histoire qu’elle aborde, et toujours le point de départ possible pour d’autres études sur les pistes qu’elle laisse inexplorées. C’est bien l’absence de travaux d’ordre général sur la dimension internationale du courant et de l’organisation auxquels j’ai consacré ma thèse, qui m’a fait apparaître l’approche monographique comme la plus justifiée, et comme un préalable nécessaire à des recherches plus spécifiques ou transversales.

Parmi les champs que l’on peut légitimement me reprocher d’avoir insuffisamment défrichés, il en est deux sur lesquels je souhaite revenir aujourd’hui. Le premier est celui de la pensée et de la finalité « politiques » de l’anarcho-syndicalisme. Le terme même de politique pose une difficulté qu’a justement soulevée Mme Ludivine Bantigny dans son rapport. On peut lui attribuer deux conceptions distinctes. L’une, classique et étymologique, désigne toute question intéressant l’ensemble des membres d’une collectivité donnée relativement à la gestion de leurs affaires communes, et se rattache à la notion d’intérêt général. L’autre, que je qualifierais de moderne, découle en partie des théories de Machiavel, et se rapporte aux méthodes de conquête et d’exercice du pouvoir, à « l’art » ou au « métier » de gouverner. Elle a habituellement pour corollaire le principe selon lequel la fin justifie les moyens. C’est contre cette dernière conception que beaucoup d’anarchistes et de syndicalistes se sont élevés, lui opposant une approche qu’ils voulaient résolument contraire, et donc antipolitique. À titre d’exemple, je renvoie à l’article « Politique » de l’Encyclopédie anarchiste coordonnée par Sébastien Faure. Pour revenir à l’AIT, je vais tenter de circonscrire la question en formulant quatre remarques : premièrement, ses militants ne sont pas coutumiers de la théorisation intellectuelle ; ils lui ont longtemps préféré l’action syndicale, à laquelle s’est progressivement substituée l’activité de propagande. Deuxièmement, le projet « politique » de l’AIT est à l’origine volontairement flou, comme condition pour agréger des courants très divers. Après la Révolution espagnole, le consensus qui s’établit consiste à cristalliser l’AIT autour de ses principes, tactiques et finalités, tels qu’ils avaient été formulés dans les années 1920, en en donnant une interprétation toujours plus anarchiste, mais toujours imprécise pour maintenir ensemble les différents courants anarchistes qui s’y côtoient. Troisièmement, sur la période étudiée, les débats d’ordre tactique passent au premier plan et occultent les discussions proprement politiques. Quatrièmement, les anarcho-syndicalistes qui ont tenté une rénovation ou révision de leur projet « politique » sont le plus souvent ceux qui se sont retrouvé hors de l’AIT, et ils n’ont en général accompli l’essentiel de cette démarche qu’après que la rupture se soit produite.

Le second aspect de l’histoire de l’AIT restant largement inexploré et que je souhaite aborder est celui des rapports de genre et de la place des femmes dans l’organisation. J’ai évoqué, à chaque fois que j’en avais connaissance, les cas où une section nationale s’est collectivement saisie de cette question. Peut-être aurait-il fallu le souligner plus fortement, l’AIT en tant que telle ne l’a pas fait, ou très peu. J’ai mentionné les prises de positions ou l’existence de groupes constitués de femmes en tant que femmes au sein du mouvement quand j’en ai trouvé les traces. Une recherche plus systématique aurait certainement donné davantage de résultats, en revanche elle se serait nécessairement effectuée au détriment d’autres éléments. Reste le problème des entretiens que j’ai menés, auprès d’un panel exclusivement masculin, ce qui ne va pas sans poser question, mais en même temps reflète une organisation très masculine. Que ce soit parmi les équipes successives du secrétariat international ou les membres de la CNT française en région parisienne, aucune des militantes que j’ai sollicitées n’a souhaité que je recueille son témoignage. J’espérais combler en partie cette lacune à travers l’exploration du Fonds Renée Lamberet, mais comme je l’ai évoqué cela n’a pas été possible. Le parcours de cette militante, tout comme celui de Federica Montseny, parmi d’autres, atteste en tout cas que des femmes ont pu exercer d’importantes responsabilités au sein du mouvement anarcho-syndicaliste. Néanmoins, ceci ne doit en aucun cas occulter le fait que l’AIT, durant la période étudiée, a négligé de réfléchir et de débattre des rapports de genre, que ce soit les problèmes spécifiques de la main d’œuvre féminine, l’exploitation du travail que constitue la répartition des tâches domestiques, ou le cas des comportements et situations discriminatoires au sein même de l’organisation.

Je souhaite à présent traiter d’un autre inconvénient de l’approche monographique, celui de produire une histoire essentiellement interne et « par le haut ». Pour ce qui est de l’aspect interne, c’est un effet mécanique, et je me suis efforcé de connecter l’anarcho-syndicalisme à son environnement. J’admets ne pas y être toujours parvenu, d’autant moins à mesure que l’AIT et ses sections se sont repliées sur elles-mêmes et sur leur propres références. Quant au point de vue « par le haut », il me semble que c’est là encore un mal nécessaire quand on cherche à saisir la globalité d’une structure. J’ai en outre trouvé que c’était un bon moyen de tester la façon dont une organisation, réputée fonctionner « de bas en haut », s’applique ses principes à elle-même. À ce titre, l’attention portée sur les congrès, pour fastidieuse qu’elle puisse paraître, était un passage obligé, tant ils constituent les moments fédéralistes par excellence, lors desquels « la base » façonne son « sommet ». Pour mieux mettre en lumière cette base, j’ai fait le choix de restituer la part des militants en insérant une notice biographique pour chaque nom de personne cité. Il manque sans doute, et il faudra réaliser, une synthèse sur la sociologie des acteurs, leurs réseaux et leurs formes de militantisme à la base.

On m’a également fait la remarque d’être généreux en descriptions et plutôt avare d’analyses. Je reconnais bien volontiers un travers qui est le mien, de croire qu’une fois établis, les faits parlent d’eux-mêmes ou presque. Encore faut-il préciser que dans le cas d’une organisation traversée par de multiples conflits, établir un fait relève bien souvent de l’analyse des discours contradictoires qui s’y rapportent et des positions depuis lesquelles ceux-ci sont énoncés. Si je me suis fréquemment retenu, c’est aussi car je ne voulais en aucun cas « choisir un camp », ni même en donner l’apparence. Dans ce domaine, le principal exemple qui me vienne à l’esprit de ce que je ne voulais pas faire est le livre tiré de la thèse d’Ángel Herrerín López, La CNT durante el Franquismo, dans lequel le parti pris idéologique m’a paru affaiblir la qualité, pourtant réelle, de la recherche accomplie.

V. Résultats et perspectives

Si l’on en vient enfin aux résultats vers lesquels cette recherche m’a conduit, je dirais que le principal est d’avoir mis en évidence la trajectoire de la seule structure internationale de l’anarcho-syndicalisme ainsi que ses déterminants, que j’ai résumés dans le sous-titre : crise permanente et résurgences marginales. Cette trajectoire est la transformation d’organisations syndicales en groupes de propagande unis par une idéologie de plus en plus homogène. C’est en partie le fruit d’une volonté consciente de ne pas suivre l’évolution générale du syndicalisme vers toujours plus d’intégration. C’est, en second lieu, le produit de la situation particulière de la plus nombreuse des sections de l’AIT, la CNT espagnole en exil, devenue une sorte d’Internationale dans l’Internationale, et suscitant ce que j’ai appelé un internationalisme teinté d’hispanisme. Paradoxalement, la Révolution espagnole, qui constitue la plus grande réalisation du mouvement anarcho-syndicaliste en même temps que sa plus grande défaite, a engendré un profond désarroi, et d’interminables disputes autour des questions comment et avec qui faire la révolution. C’est en effet par le conflit et les scissions ou exclusions successives que s’accomplit la marginalisation du mouvement étudié. Ce conflit ressurgit en particulier à chaque fois que des éléments cherchent à renouer avec une pratique proprement syndicale, à propos des compromis que cela implique nécessairement, ce qui explique en partie le caractère marginal de ces résurgences.

Au terme de cet examen, on peut donc estimer que Rudolf Rocker avait vu juste en affirmant que la défaite de la Guerre d’Espagne scellait le destin de l’AIT, au sens ou depuis lors elle tend à ériger les collectivisations de l’été 1936 en un modèle universel qu’elle peine à adapter à la modernité, et à vivre dans l’obsession de se prémunir contre les erreurs ou dérives apparues à cette occasion ; au sens enfin ou elle n’a jamais su terminer ni dépasser le conflit qui en découle quant à l’articulation entre principes libertaires et pratiques syndicales.

 

Pour ce qui est des perspectives de recherches futures que l’on peut esquisser à partir de cette histoire de l’AIT après la Révolution espagnole, je pense en premier lieu à l’exploration des sources qui permettraient de la compléter ou de l’éclairer depuis d’autres points de vue : le Fonds Renée Lamberet, les archives conservées sur le continent américain, en particulier celles de la Fédération ouvrière régionale argentine et des Industrial Workers of the World, celles de la surveillance policière en France, celles des organisations et militants des pays de langues germaniques, scandinaves et slaves, le recours aux témoignages d’autres acteurs, etc. Un autre complément pourrait être l’étude de l’anarcho-syndicalisme en dehors de l’AIT, en particulier du devenir et des relations internationales des organisations et des militants qui en sont sortis. Une perspective comparatiste entre l’AIT et d’autres structures de l’internationalisme révolutionnaire, telles l’Internationale des fédérations anarchistes, les IWW, la ou les Quatrième(s) Internationale(s), le Courant communiste international, l’Entente internationale des travailleurs et des peuples, etc., permettrait probablement de tirer des considérations plus globales, valables pour l’ensemble de l’extrême gauche et du mouvement libertaire, et d’affiner la compréhension des cultures politiques qui s’y rapportent.

D’autre part, on peut imaginer toutes sortes d’approches transversales ou focalisées sur un type d’acteurs ou un aspect particulier de l’activité anarcho-syndicaliste. J’ai déjà évoqué l’analyse à faire des rapports de genre et du rôle des femmes. Il y aurait également matière à se pencher sur la condition de militant exilé selon les pays d’origine et de résidence, ou bien sur la transmission héréditaire de l’engagement militant. Je pense encore à l’examen des similitudes et spécificités des secteurs économiques dans lesquels subsistent des traces d’une implantation anarcho-syndicaliste ancienne (bâtiment, transports, métallurgie, industrie du livre), et de ceux pour lesquels au contraire elle est apparue relativement récemment (éducation, nettoyage, banque et assurance) ; ou à l’évolution des formes et techniques de la propagande. On peut ajouter à cela une infinité d’études locales, régionales et biographiques possibles, pour lesquelles mon travail fournira un cadre de contextualisation ainsi que quelques pistes.

En bref, tout ce que j’espère au terme de cette thèse, c’est que l’histoire de l’anarcho-syndicalisme ne fait que commencer.

AUTEUR
François Guinchard
Docteur de l’université de Bourgogne Franche-Comté

ANNEXES

NOTES

RÉFÉRENCES

Pour citer cet article :
François Guinchard, « L’Association internationale des travailleurs après la Révolution espagnole (1939-années 1990). Principes, tactiques et finalités anarcho-syndicalistes : crise permanente et résurgences marginales », Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne], 18 décembre 2017, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html.
Auteur : François Guinchard.
Droits : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC/credits_contacts.html
ISSN : 1961-9944

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