Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin"
UMR 7366 CNRS-uB
Territoires contemporains


Varia
Moscou-Paris-Alger, naissance et affirmation du Parti communiste algérien, 1920-1939
Éloïse Dreure
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MOTS-CLÉS
Mots-clés : histoire du communisme ; histoire coloniale ; parti communiste français ; parti communiste algérien ; anticolonialisme
Index géographique : Algérie ; Alger ; Oran ; Constantine
Index historique : xxe siècle
SOMMAIRE
I. Délimitation du sujet
1) Bornes chronologiques
2) Renoncements et problèmes
II. Principaux apports
1) Spécificité du territoire colonial
2) La répression
3) La barrière coloniale
4) Identité du PCA
III. Limites et perspectives
1) Limites
2) Perspectives

TEXTE

Ce texte reprend celui de la soutenance de thèse Moscou-Paris-Alger, naissance et affirmation du Parti communiste algérien, 1920-1939, qui s’est tenue le 30 septembre 2022 à l’université de Bourgogne.

Le jury était composé de Serge Wolikow, professeur émérite d’histoire contemporaine, université de Bourgogne-Franche-Comté (président du jury), Jean Vigreux, professeur des universités, université de Bourgogne-Franche-Comté (directeur de thèse), Françoise Blum, ingénieure de recherche hors classe (rapporteure), Habib Kazdaghli, professeur des universités, université de la Manouba (rapporteur) et Alain Ruscio, historien, spécialiste de l’Algérie.

Monsieur le président,

Madame et Messieurs les membres du jury,

Je tiens tout d’abord à vous remercier pour l’intérêt que vous portez à mon travail, et pour avoir accepté de faire partie de ce jury. Merci en particulier à Françoise Blum et Habib Kazdaghli pour avoir été les premiers lecteurs attentifs et critiques de ma thèse. Je tiens également à associer à ces remerciements Morgan Poggioli de l’école doctorale SEPT et Frédérique Poirot du laboratoire LIR3S qui ont organisé cette soutenance.

Enfin, je remercie Jean Vigreux pour m’avoir accompagnée durant toutes ces années, avec patience et attention, et pour ses relectures et ses conseils avisés.

Alors que je cherchais un sujet de recherche pour mon mémoire de Master 1, Xavier Vigna a éveillé mon intérêt pour l’Algérie coloniale. Sur ses conseils, j’ai cherché à observer les conséquences de la guerre d’indépendance en France métropolitaine, en particulier pour la population nord-africaine et en prenant comme exemple les régions de Bourgogne et de Franche-Comté. J’ai alors mis en évidence les phénomènes d’encadrement des Algériens, qu’il s’agisse de mesures policières mais aussi de mesures sociales, par exemple de relogement, dans le but de soustraire cette population nord-africaine à l’influence du Front de libération national. Ces recherches m’ont permis de travailler, pour la première fois, sur des archives policières, mais également de réfléchir aux phénomènes de domination liés à la colonisation.

Je poursuivis ce premier travail en deuxième année de Master, et, durant cette période, pus découvrir l’Algérie en participant à un voyage d’étude organisé par Pierre Vermeren et l’université Paris 1-Panthéon-Sorbonne.

Après avoir obtenu mon Master 2, je changeai quelque peu de direction en m’inscrivant en Master professionnel Métiers du livre afin de m’orienter vers l’édition scientifique. Cela me permit de travailler quelques mois aux Éditions universitaires de Dijon avant d’occuper un poste d’ingénieur d’étude au sein de mon laboratoire, le LIR3S (alors Centre Georges Chevrier). Ce fut le moment où le programme Paprik@2F démarra, porté à la fois par le laboratoire et par la Maison des sciences de l’Homme (MSH) et dirigé par Jean Vigreux. Dans le cadre de mon emploi, je fus ainsi en contact avec une équipe d’archivistes et de chercheurs et pris ainsi connaissance de l’historiographie du communisme, des thèmes de recherche alors en développement, qu’il s’agisse de l’étude des cadres du PCF, de l’étude de l’ancrage local du phénomène communiste, du possible décalage entre l’orientation nationale et les pratiques locales et de l’indispensable jeu d’échelle qui dépasse une vision surplombante ou monographique et lie différents degrés d’analyse. Je découvris également les archives de l’Internationale communiste et les liens entre le Komintern et les partis nationaux, mais également l’usage de la méthode prosopographique, ou de biographie collective, pour étudier les militants.

I. Délimitation du sujet

Tout cela a nourri ma réflexion et j’ai souhaité lier l’étude du phénomène communiste à mes propres questionnements sur le phénomène de colonisation. Jean Vigreux accepta alors de m’accompagner dans un travail de thèse qui aurait pour sujet la naissance et le développement du Parti communiste en Algérie.

Je souhaitais d’abord observer la façon dont l’organisation communiste se développait sur le territoire algérien, mais j’avais à l’esprit que cette étude ne pouvait s’effectuer que dans un jeu d’échelle entre Paris, Moscou et Alger, l’action des communistes dans la colonie étant fonction des décisions prises dans les deux centres, qu’il s’agisse pour eux de suivre les directives, de s’y opposer ou de s’en émanciper.

La spécificité du territoire colonial m’est également apparue très tôt comme fondamentale et mes premières interrogations portaient déjà sur la façon dont il était possible d’être à la fois communiste et membre de la population colonisatrice en Algérie coloniale, où la domination, à la fois politique, sociale et économique, était établie juridiquement par le code de l’indigénat.

Il semblait que les communistes d’Algérie devaient être en rupture avec l’ordre colonial, et il s’agissait de vérifier cette idée.

1) Bornes chronologiques

J’ai choisi de faire démarrer cette étude en 1920, autrement dit, à la suite du Congrès de Tours, à partir de la scission au sein de la SFIO et donc de la naissance de ce qui allait devenir le Parti communiste français, et de ses fédérations en Algérie. La période des années 1920 et 1930 est aussi celle du début du nationalisme algérien. C’est un moment où, après la Première Guerre mondiale, les colonisés s’emparent d’un espace politique jusque-là réservé aux Européens, et naissent les organisations fondatrices du nationalisme algérien, comme l’Étoile-nord-africaine.

J’avais prévu, tout d’abord, de mener cette étude jusqu’en 1945 et le massacre de Sétif. J’ai finalement décidé d’arrêter mon étude en septembre 1939, au moment de l’interdiction du parti communiste, et cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord, après l’été 1939 et le pacte germano-soviétique, le parti devient clandestin et, de fait, les pratiques militantes se transforment. De plus, avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, le contexte national et international évolue lui aussi radicalement et le territoire algérien change également de nature. Il devient un lieu de déportation pour de nombreux communistes de métropole puis, après le débarquement allié en Afrique du Nord, la terre d’accueil du Gouvernement provisoire de la République. Tout cela confère à la période qui suit 1939 un caractère exceptionnel qui demanderait à elle seule une étude plus précise.

Durant les années 1920 et 1930, le Parti communiste français suit diverses stratégies, de la bolchevisation en 1924, à celle de l’alliance antifasciste, initiée en 1934, et qui évoluera vers la stratégie de Front populaire, officialisée par l’Internationale communiste lors de son 7e congrès en 1935. Cette orientation perdure jusqu’en 1939, malgré la fin de l’expérience Front populaire au printemps 1938.

Le parti communiste en Algérie suit ces évolutions, avec une chronologie parfois décalée et des évènements qui lui sont propres, comme la création du Parti communiste algérien en 1936.

2) Renoncements et problèmes

Il a fallu également renoncer à certaines interrogations et à certains axes de recherche.

Si je comptais étudier le mouvement communiste dans son ensemble, j’ai dû recentrer mon étude sur celle du seul parti et n’observer les syndicats et les organisations satellites que pour considérer la façon dont leur fonctionnement s’articulait avec celui du parti.

J’espérais également pouvoir intégrer à mon étude un travail prosopographique de grande ampleur, en sous-estimant le temps que ce travail à lui seul me prendrait. J’ai, plus modestement, mené un travail de biographie collective sur 26 personnes que j’ai pu identifier comme ayant été secrétaires fédéraux, secrétaires régionaux ou secrétaire du PCA.

J’ai, dès le début de mon travail, rencontré des problèmes liés au fait que je n’avais, lors de mes précédents travaux de recherche, travaillé ni sur l’histoire du communisme, ni sur la période des années 1920 et 1930. Je n’avais, ainsi, qu’une connaissance limitée de l’histoire du Parti communiste français ou de l’Internationale communiste (IC) et j’ai dû rapidement rattraper mon retard en travaillant sur l’historiographie. Mes premières recherches, qui ont ciblé les archives de surveillance aux Archives nationales et les Archives de l’IC, à l’époque consultables ici, à la MSH, ont ainsi parfois pu donner lieu à des hésitations et des tâtonnements.

Une fois familiarisée avec le sujet, j’ai pu affiner ma recherche, commencer à construire un plan et consulter des fonds divers, avant d’être, malheureusement, quelque peu entravée par l’irruption de l’épidémie de Covid-19 et tous les empêchements qu’elle a générés. Je n’ai pas pu, comme je le souhaitais, retourner aux Archives nationales d’Outre-mer à Aix-en-Provence pour compléter mes recherches, ou me rendre à la Contemporaine à Nanterre. En effet, alors que ces lieux redevenaient accessibles, j’étais alors trop avancéex dans ma rédaction et je n’avais plus guère de temps à consacrer aux recherches proprement dites. J’ai mis, cependant, ce temps à profit pour consulter la presse disponible sur Gallica, ce qui a, je crois, permis d’enrichir mon travail.

Des questionnements ont ainsi surgi à mesure de l’avancement du travail et du dépouillement des sources et m’ont permis d’arriver aux résultats sur lesquels je peux maintenant m’attarder.

II. Principaux apports

1) Spécificité du territoire colonial

Je voudrais d’abord souligner la spécificité du caractère colonial du territoire algérien et la façon dont elle a pesé sur l’organisation du mouvement communiste. Alors que j’observais la façon dont le parti communiste, en Algérie, se déployait dans un jeu d’échelle entre Paris, Moscou et Alger, j’ai particulièrement noté les tâtonnements qui était alors à l’œuvre dans l’appropriation du modèle d’organisation de l’IC, celui-ci restant finalement davantage un but à atteindre qu’une réalité de terrain.

De plus, avant 1936, la direction du PCF devait gérer l’Algérie comme n’importe quelle autre fédération ou région de métropole. Mais elle s’est heurtée, très rapidement, à la grandeur du territoire algérien. La liaison entre les différents lieux de la colonie était malaisée, tout comme était difficile la communication entre Alger et Paris. Des émissaires étaient envoyés régulièrement dans la colonie, surtout à partir de 1925, mais, parfois peu préparés, ils se plaignaient de la dureté du climat ou de la longueur des voyages. Les militants algériens se retrouvaient alors souvent livrés à eux-mêmes.

Cependant, j’ai pu constater que le Parti communiste ne se déployait pas sur l’ensemble du territoire de la colonie et que son implantation résultait surtout de sa composition. Il fut présent, en effet, d’abord là où vivait la population européenne.

Les effectifs du parti communiste en Algérie ont connu également des dynamiques et des évolutions particulières et nous pouvons mesurer une chronologie décalée par rapport à la métropole. Par exemple, la mise au point de l’IC sur la question coloniale en 1923 provoqua une perte d’effectifs en Algérie avant même la bolchevisation du PCF. Ces effectifs connurent une poussée importante au moment du Front populaire, comme en métropole, mais en Algérie, cela se traduisit aussi par l’intégration de militants issus de la population colonisée.

Enfin, en 1936, la création du Parti communiste algérien sembla signifier un changement majeur dans l’organisation, mais cette idée reste finalement à relativiser car le PCF intervint toujours dans l’organisation du PCA, en envoyant des consignes et des délégués.

L’étude des cadres du PC en Algérie a également montré une certaine instabilité de la direction qui est caractéristique des difficultés que traverse le PC, dues à la répression mais également aux tâtonnements et aux contradictions entre la ligne politique héritée de la SFIO, la société coloniale et la volonté de rupture édictée par l’IC. Il faut aussi pointer le fait qu’à partir de 1925, en Algérie, la pratique du double-secrétariat européen/colonisée se met en place et que cela devient la norme pendant la période du Front populaire.

2) La répression

La question de la répression s’est également rapidement avérée cruciale. Il faut ainsi souligner qu’un régime policier de surveillance à l’encontre des communistes se développa dans la colonie, davantage encore que dans la métropole. Les autorités eurent ainsi recours aux interdictions, arrestations, interrogatoires et condamnations pour lutter contre ceux qui troublaient l’ordre colonial.

Dans les années 1920, la répression à l’encontre du Parti communiste en Algérie s’inscrivait dans un contexte plus général de peur face au phénomène communiste, vu comme étant le parti de l’étranger, aux mains de l’URSS. Mais dans la colonie, la crainte d’une mobilisation et d’une révolte des colonisés renforca cette peur. Les arrestations y furent plus nombreuses et les peines plus lourdes. L’emprisonnement fut la forme la plus visible de cette répression, mais en Algérie, l’internement administratif servait encore à punir les colonisés. Il prenait le plus souvent la forme de l’envoi en « surveillance spéciale » dans le sud de la colonie et permettait ainsi d’éloigner les militants du lieu de leur activité.

3) La barrière coloniale

La question qui d’abord a guidé mon travail était de savoir si le parti communiste pouvait être considéré comme un lieu de franchissement de cette barrière coloniale, aussi bien mentale que physique, qui sépare colons et colonisés, telle qu’elle est définie par René Gallissot.

Nous savons que l’Internationale communiste plaçait la lutte anticolonialiste et anti-impérialiste au cœur de ses pratiques et qu’en cela elle rompit, véritablement, avec la Deuxième internationale. Ainsi, les tensions qui purent exister en métropole lorsque le PCF dû se défaire des pratiques anciennes héritées de l’organisation socialiste pour suivre le modèle soviétique furent exacerbée en Algérie par le contexte colonial. Les militants de la colonie rejetèrent d’abord l’idée d’une Algérie indépendante et le PC et l’IC intervinrent pour impulser un véritable tournant anticolonialiste, ce qui déboucha sur une nouvelle orientation en 1925 et, déjà, l’entrée progressive des colonisés dans le parti.

Nous pouvons ensuite observer que si la période du Front populaire marqua la fin de la revendication de l’indépendance par le Parti communiste, celui-ci n’abandonna pas pour autant son objectif d’algérianisation du parti. L’ampleur nouvelle du Parti communiste s’accompagna d’une adhésion forte de nouveaux militants issus de la population colonisée, bien que celle-ci se heurtât à un certain nombre d’obstacles. D’abord parce que les colonisés étaient privés de leurs droits politiques, mais aussi parce que les militants communistes européens, eux-mêmes, purent opposer une résistance à la politisation des colonisés. Nous voyons alors combien l’univers mental de ces militants était marqué par la société coloniale, et la situation paradoxale dans laquelle ils se trouvèrent lorsqu’ils réclamèrent la libération de l’Algérie et la fin d’une domination dont ils tiraient avantages.

Mais malgré les difficultés rencontrées, il me paraît important de souligner que le parti communiste en Algérie a permis une ouverture de l’espace politique aux colonisés, a porté les premières revendications indépendantistes et ainsi provoqué une rupture dans le consensus républicain autour du fait colonial. Le parti fut alors un espace de transgression des normes sociales assignées par le code de l’indigénat et un lieu de rencontre entre colonisés et Européens.

La capacité à transgresser la fameuse barrière coloniale, qui sépare les colonisés et les Européens, est constitutive de cette identité communiste.

4) Identité du PCA

Pour autant, peut-on dire que le Parti communiste réussit à se débarrasser de son identité profondément européenne, héritée de la SFIO ?

Pour répondre à cette question, j’ai cherché à observer les moments de mobilisation comme moments de sociabilité partagée entre militants, et à saisir au plus près les habitudes, les rites, mais également les symboles, les références, bref toute une culture matérielle et immatérielle des pratiques communistes, qu’elles soient ou non importées de métropole.

Durant la période de Front populaire, alors que les expressions de la rhétorique patriotique se multipliaient et s’accompagnaient, en métropole, de la valorisation des patrimoines locaux, en Algérie, il semblait difficile d’inscrire la symbolique révolutionnaire dans l’histoire locale à un moment où était abandonnée la revendication de l’indépendance et donc les références à une nation algérienne.

Malgré les efforts accomplis pour « algérianiser » le parti, le recours au nationalisme fut celui du patriotisme français et la nation à laquelle il était fait référence, sans cesse, resta la nation française. À sa création, le PCA s’inscrivait finalement dans un héritage culturel plus français qu’algérien.

L’univers mental de la colonie, tout comme le déploiement de la répression, empêchèrent les colonisés de s’imposer réellement dans le parti et de s’approprier cet espace. L’antifascisme passant par là, malgré la création du PCA en 1936, le PC en Algérie resta avant tout un parti urbain, rassemblant principalement des Français ou Européens.

III. Limites et perspectives

1) Limites

J’avais comme objectif de mener une réflexion sur ce que signifiait être militant communiste en Algérie coloniale.

Si j’ai pu répondre partiellement à cette question et voir les contradictions à l’œuvre, il a été difficile de pénétrer dans ce qui relève de la vie privée et de l’intime. C’est là une des limites de ce travail, à mettre en lien avec la question des sources. Il a été ainsi difficile de saisir la façon dont les militants colonisés venaient au syndicalisme puis au Parti communiste. L’étude de quelques cadres que j’ai menée grâce aux questionnaires biographiques ne me permet pas de répondre à cette question de manière satisfaisante, d’autant plus que l’on sait que le chemin vers l’engagement militant communiste emprunte des voies multiples. L’adhésion de Ben Ali Boukort aurait été motivée par la nécessité, pour lui, de lutter contre le fait colonial. Mais pour ce militant et pour Jean Chaintron, je disposais de leur autobiographie publiée, à utiliser bien sûr avec prudence. En revanche, pour les autres militants, hormis les quelques « bios » du Komintern, je ne disposais pas de récits, de témoignages, qui auraient révélé leurs motivations, mais aussi leurs sentiments, ou les rapports qu’ils entretenaient avec les autres militants, en particulier les militants colonisés.

La question se posait également du rapport de ces militants avec le reste de la société coloniale. Même si nous avons observé des moments de sociabilité entre militants, quelques liens d’amitié ou des mariages, les militants européens avaient, par ailleurs, nécessairement des relations avec la société des colons au sein de laquelle ils évoluaient. Cependant, là encore, le manque de témoignage m’a empêchée de mesurer cela.

Pour cela, il serait probablement intéressant de poursuivre le travail de biographie collective que j’ai entrepris en menant une véritable prosopographie, sur un corpus militant bien plus large et en consultant davantage de dossiers biographiques. Plusieurs pistes pourraient ainsi être explorées, en étudiant l’ensemble des dirigeants du PC en Algérie, à divers échelons ou en se concentrant sur les militants issus de la population colonisée. Ceux qui ont suivi les cours de l’École d’Orient à Moscou doivent, par exemple, posséder un dossier biographique.

Cela permettrait peut-être également de saisir les relations, les éventuels transfuges entre l’organisation communiste et les organisations musulmanes, en particulier l’Étoile nord-africaine.

J’aurais aimé également pouvoir être plus précise sur les effectifs du Parti communiste en Algérie et surtout sur leur répartition sur le territoire de la colonie afin d’en dresser une cartographie plus précise. Mais là encore, je me suis heurtée à un problème de sources, puisque j’ai dû croiser un nombre important de documents, en tenant compte des biais de chaque type de source, pour avoir une vision la plus précise possible des effectifs et de l’implantation du Parti communiste en Algérie.

J’ai évoqué la question de la répression, qui s’est imposée comme un thème central au fur et à mesure que j’avançais dans mon travail. Je ne peux qu’exprimer les regrets d’avoir dû, faute de temps, délaisser quelques analyses. J’aurais aimé, en effet, avoir des chiffres plus précis pour dresser véritablement un bilan de la répression à l’œuvre en Algérie, alors que je n’ai finalement analysé que les méthodes employées. J’ai consulté un certain nombre d’archives du Secours rouge international sur le portail PANDOR [1], mais il me semblerait nécessaire d’en faire un dépouillement systématique.

De même, ce n’est que très récemment, à peine quelques semaines avant de rendre mon manuscrit, que j’ai découvert les photos prises en 1925 à la prison de Barberousse, présentes dans le fonds Henri Lozeray aux archives départementales de Seine-Saint-Denis. Ces photographies auraient mérité une analyse plus poussée. Le temps m’a manqué pour, par exemple, identifier précisément chaque militant. En liant ces photographies aux articles de presse de l’époque, aux quelques lettres de prisonniers que j’ai trouvées dans le fonds Maurice Viollette et qui, comme récits intimes, nous révèlent de manière assez unique les pensées des prisonniers, il serait possible de mener une étude plus précise de ce séjour à la prison de Barberousse, en s’intéressant aux conditions de vie, mais en analysant aussi la prison comme lieu d’éducation politique.

C’est par ailleurs un projet que j’ai avec Corentin Lahu, qui termine actuellement sa thèse sur le Secours rouge international, de mettre nos recherches en commun et de produire une communication scientifique ou une publication sur ce sujet.

J’aurais également aimé avoir davantage de renseignements sur l’expérience de la mise en surveillance spéciale, vécue par les militants colonisés, mais là encore, j’ai dû me contenter du récit de Ben Ali Boukort.

Ce travail souffre ainsi réellement de la difficulté de n’avoir pu accéder à des témoignages.

Enfin, j’ai le regret de ne pas avoir eu accès aux archives du PCA lors de mon séjour au RGASPI à Moscou, malgré mes demandes tout était fermé. Ces archives auraient peut-être pu m’apporter des éléments sur le fonctionnement du PCA après 1936, les échanges avec le PCF mais aussi avec les organisations musulmanes réunies au sein du Congrès musulman et avec l’Étoile nord-africaine.

2) Perspectives

En guise de conclusion à cet exposé, je vais songer à la suite et aux travaux qui, je le pense et l’espère, pourront prolonger mon propre travail.

J’ai déjà évoqué l’idée d’une étude prosopographique plus poussée, mais je pense également, bien évidemment à une poursuite chronologique de ce travail, qui interrogerait les continuités et les ruptures, bien que la période de la guerre d’Algérie ait été déjà étudiée par Alain Ruscio.

Je n’ai pu, faute de temps, m’intéresser autant aux militantes que je l’aurais voulu. Je pense cependant que ce travail mérite une étude à part entière, comme celui qu’a mené Élise Abassade sur les militantes communistes tunisiennes.

Madame, Messieurs, je vous remercie de votre attention et il ne me reste plus qu’à vous céder la parole pour poursuivre la discussion scientifique.

AUTEUR
Éloïse Dreure
Docteure en histoire contemporaine de l’université de Bourgogne-Franche-Comté

ANNEXES

NOTES

RÉFÉRENCES

Pour citer cet article :
Éloïse Dreure, « Moscou-Paris-Alger, naissance et affirmation du Parti communiste algérien, 1920-1939 », Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne], 27 octobre 2022, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html.
Auteur : Éloïse Dreure.
Droits : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC/credits_contacts.html
ISSN : 1961-9944

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