Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin" UMR 7366 CNRS-uB |
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Territoires contemporains | |
Varia | ||||
Jacques-Olivier Boudon (dir.), Artistes et écrivains sous le Premier et le Second Empire, Collection de l’Institut Napoléon, Éditions SPM, 2020, 150 p. [1] | ||||
David Michon | Mots-clés | Sommaire | Texte | Auteur | Annexes | Notes | Références | Outils | |||
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Ce petit volume est issu d’un colloque qui s’est tenu en novembre 2019. Grâce à la collaboration de l’Institut Napoléon et de la mairie de Rueil-Malmaison dans le cadre de « Rueil, ville impériale », cet ouvrage tisse les relations entre les artistes et écrivains d’un côté, et Napoléon Ier puis Napoléon III de l’autre. Grâce aux commandes officielles mais aussi à la distribution de prix, les deux empereurs s’attachent une fidélité fragile de la part d’artistes ayant des intérêts surtout personnels mais qui dépendront de moins en moins des gouvernements. Cette livraison se décline en dix tableaux. Tout d’abord, comment représenter l’empereur sur toile, ce support novateur ? C’est ce que questionne David Chanteranne qui opère une séparation entre sculpteurs ou graveurs d’un côté, dont les antiques prédécesseurs ont tracé un sillon fécond, et les peintres auxquels l’ambition du souverain ne laisse pas de demi-mesure : « J’ai à cœur de voir les artistes français effacer la gloire d’Athènes et de l’Italie » (16 avril 1808). Entrer dans la postérité par l’omniprésence, c’est représenter Napoléon sous toutes les coutures en partant de l’évènement le moins singulier. Les artistes trouvent en ce sujet – si l’on peut dire – une vitrine qui leur profite et les dépasse, en témoigne la vogue des caricaturistes d’alors. Nous glissons sans étonnement vers Joséphine, dont Bernard Chevallier dit que son plaisir « était en fait d’acquérir et non pas de posséder ». Si les spécialistes se battent pour être à ses côtés, son goût pour la sculpture de son temps et la porcelaine servira largement ses envies de décorations d’intérieur, dont l’auteur rappelle régulièrement que les extravagances rendaient Napoléon furieux, une colère avant tout pécuniaire. Adorant la mode qu’elle ne suivait pas puisqu’elle la créait, l’Impératrice multipliait les commandes et, si son mari n’en saisissait pas toujours la nécessité, il en respectait le goût qui allait marquer son époque. Gennaro Toscano s’attache à une figure peu connue, le peintre de paysage de Caroline Murat. Joseph Rebell, dont son sujet de prédilection était le Vésuve, avait la confiance de la reine, chose rare pour un peintre non français, et donnait corps aux émerveillements de Caroline. Rebell gardera la protection de la famille impériale, illustrant un soutien continu et régulier des artistes sur un temps long. Dans son article, Sophie Vanden Abeele-Marchal livre ses réflexions sur une institution en « haine de la royauté » : l’Académie française. Ce corps d’État produit un discours établissant les normes d’une culture étatique que l’autrice analyse. Les cérémonies d’installation des élus mettent au jour les tensions sociales contribuant à l’émergence de valeurs collectives si peu figées en ce début de siècle. Entre fonction culturelle et volonté politique, le conflit le plus fameux reste le discours jamais prononcé de Chateaubriand au fauteuil de Marie-Joseph Chénier en 1811. L’éloge académique ne conforte pas tant « l’organisation impériale des savoirs » (p. 61) mais permet une mise en perspective de la place du penseur. De l’omniprésence de la Révolution à la célébration de l’Empereur, « se dessine un discours de corps », ainsi l’académicien trouve puis assied sa place publique (p. 66), vers un début d’autonomie. Bernard Degout revient sur l’opposition entre Napoléon et l’auteur du Génie du christianisme, dont l’ouvrage De Buonaparte et des Bourbons livre une véritable légende noire dans ce pamphlet dont les excès auront été reconnus par son auteur. D’ailleurs, les Mémoires opèreront un curieux rapprochement entre ces deux grandes figures du premier xixe siècle. Les envois d’auteurs à Napoléon constituent le corpus mobilisé par Charles-Éloi Vial. L’empereur prenait son rôle de protecteur, et de censeur, à cœur. Pour les artistes, tout l’enjeu repose sur cette reconnaissance publique afin d’entrer dans l’administration, l’armée ou d’une façon plus pragmatique d’obtenir un soutien financier. Par l’intermédiaire du bibliothécaire Antoine-Alexandre Barbier notamment, nous touchons ici à l’essence des rapports entre pouvoir et Belles-Lettres. Pourtant, ce lien, comme corrompu, ne se fait jamais au bénéfice du génie littéraire, les auteurs devenus flatteurs continueront à l’être sous Louis XVIII. Ensuite, Veronica Granata porte à notre connaissance les mesures juridiques visant à surveiller les imprimés du xixe siècle. Si la censure en tant que système a déjà été étudiée, il reste encore un vaste chantier pour comprendre les différents acteurs y concourant. La liberté de la presse perdure sous le Consulat et les six premières années de l’Empire, davantage par défaut, en cela qu’elle n’est pas interdite et reste donc libre de faire circuler les opinions. Cette période renforce la fameuse autonomie du champ littéraire et se traduit par la défense de la propriété littéraire de l’auteur. Au-delà du rapport entre pouvoir et écrivains, le public entre dans l’échange puisque la figure de l’auteur est désormais intimement liée à sa production. Dans un second temps, la censure préalable officielle sera effective à partir de février 1810. Celle-ci se fait parfois complice des libraires et imprimeurs, éclairant là aussi toute la complexité de ces relations et influences réciproques. Les divisions de la société française n’épargnent pas les écrivains en 1814-1815. Jacques-Olivier Boudon s’attarde sur Géricault, Lamartine et Vigny qui suivent le roi mais ne franchiront pas la frontière belge. Pourtant Napoléon sait que le succès de son retour se fonde sur un régime plus libéral. Il choisit d’approcher le virulent Benjamin Constant et leur rencontre le 14 avril 1815 confirme la réussite du coup politique de Napoléon séduisant le futur membre du Conseil d’État. Mais Germaine de Staël s’interroge, s’oppose, s’offusque que l’idée libérale serve les desseins napoléoniens. Si certains artistes profitent des Cents Jours, comme David, la période contribue à traumatiser une France qui échappe au moins à la guerre civile. Jean-Marc Hovasse livre quelques mots sur cette figure incontournable qu’est Victor Hugo et notamment ses Châtiments (1853). Ses poèmes d’envergure forment le terreau du mythe napoléonien, allant jusqu’au souhait d’un retour en France des Bonaparte. Si les gouvernements continuent de soutenir la peinture d’histoire, Michaël Vottero montre comment le public plébiscite la peinture de genre, représentations de la vie quotidienne, en vogue sous le Second Empire. La bourgeoisie offre une alternative aux commandes officielles pour des artistes qui se passent de plus en plus du Salon. Cette nouvelle économie de marché consacre un art dont la figure centrale est le peuple. Parmi une multitude de sujets, on notera d’ailleurs l’attrait du public pour les représentations des campagnes, non comme une exposition uniquement folklorique mais, déjà, comme une valeur refuge qui rassure. En somme, si l’ouvrage dirigé par Jacques-Olivier Boudon peut sembler livrer une forme de trajectoire vers une relation distendue et de moins en moins dépendante entre pouvoir et monde des lettrés, il éclaire une réalité plus complexe où entre une pluralité d’acteurs (éditeurs, ouvriers des ateliers, etc.) sans se départir du soutien officiel : sous le Second Empire, le couple impérial reste toujours le premier des acheteurs [2]. |
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AUTEUR David Michon Docteur en histoire contemporaine ATER à l’université de Bourgogne, CIMEOS-EA 4177 |
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ANNEXES |
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NOTES
[2]
Catherine Granger, L’Empereur et les arts, la liste civile de Napoléon III,
Paris, École des chartes, 2005. Cité par Michaël Vottero.
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RÉFÉRENCES Pour citer cet article : David Michon, « Jacques-Olivier Boudon (dir.), Artistes et écrivains sous le Premier et le Second Empire, Collection de l’Institut Napoléon, Éditions SPM, 2020, 150 p. », Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne], 23 février 2021, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html. Auteur : David Michon Droits : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC/credits_contacts.html ISSN : 1961-9944 |
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