Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin"
UMR 7366 CNRS-uB
Territoires contemporains


La musique psychédélique et la contre-culture des années soixante : une utopie concrète à l’identité protéiforme devenue « réalité globale »
Une géographie de la musique psychédélique californienne : facteurs d’émergence et ancrage territorial du mouvement
Joël Chételat
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RÉSUMÉ
Avec Londres, San Francisco fut le berceau du psychédélisme, mais c’est à Los Angeles que le genre musical se développa, plaçant ainsi la cité angeline sur la carte de l’industrie du rock américain. Pour reprendre la formule de Nicolas Canova et Yves Raibaud, il existe des « spatialités instituantes des pratiques musicales [1] » qui font que certains lieux cristallisent mieux que d’autres l’émergence de mouvements et de tendances. Ainsi, grâce à la conjonction de facteurs géographiques, culturels et économiques favorables, Los Angeles a pu affirmer sa position de carrefour musical, jusque-là âprement défendu par New York.
MOTS-CLÉS
Mots-clés : contre-culture, psychédélisme, industrie du divertissement, évolution démographique, métropolisation, suburbanisation
Index géographique : New York, Los Angeles, San Francisco
Index historique : xxe siècle
SOMMAIRE
I.La domination culturelle de New York
II. L’appel d’air généré par la suburbanisation
III. La réappropriation du centre de San Francisco
IV. La concentration des structures commerciales à Los Angeles
V. L’expansion et la conquête
VI. D’une impulsion locale à un phénomène métropolitain

TEXTE

I. La domination culturelle de New York

Dès la fin du xixe siècle, auteurs, compositeurs et éditeurs se regroupent sur la Tin Pan Alley à New York, créant ainsi la première industrie de musique américaine à travers la vente de livrets et de partitions de chansons [2], rendues populaires par des interprètes dans la rue, les cafés et les théâtres. Le piano est alors très répandu dans les foyers américains et un marché s’ouvre auprès d’une clientèle d’amateurs désireux de reproduire chez eux leurs morceaux préférés. Fort de son succès croissant, l’endroit attire les producteurs de Broadway, situé un peu plus au nord de Manhattan, pour se procurer les bandes originales de leurs prochains spectacles. Parallèlement est créée la Société américaine des compositeurs, auteurs et éditeurs de musique (ASCAP) pour gérer et défendre les droits d’auteurs, instituant de facto un quasi-monopole aux sociétés d’édition new-yorkaises [3].

De même, au début du xxe siècle, l’industrie cinématographique se concentre essentiellement à New York où sont localisés les principaux studios. La Californie, qui vit essentiellement de l’exploitation minière, du bois et du pétrole, est alors perçue comme une terre reculée et inhospitalière du fait de son retard en matière d’infrastructures. L’arrivée du rail permet d’insérer Los Angeles dans un réseau de grandes villes, et de favoriser l’immigration de main-d’œuvre et le développement de manufactures [4]. Vu d’abord comme un inconvénient, son éloignement de New York s’avère être une chance pour les créateurs indépendants désireux de s’affranchir du trust de l’industrie du cinéma de la côte est, bénéficiant de plus de la possibilité de se réfugier au Mexique en cas d’intimidation ou de poursuite [5]. La douceur de son climat et la beauté de ses paysages rendent possibles les tournages en extérieur tout au long de l’année, particulièrement ceux de westerns qui gagnent en popularité. Ajoutés à cela, de bas salaires et l’absence de syndicats achèvent de convaincre des réalisateurs comme D.W. Griffith et Cecil B. DeMille d’y tourner des films. En quelques années seulement, les studios et les acteurs affluent à Hollywood qui se professionnalise rapidement. Édifié en 1915 à Los Angeles, Universal City est à l’époque le plus grand studio du monde et assoit la ville comme nouveau pôle de l’industrie cinématographique, entraînant avec lui le développement subordonné de la musique.

Comme le décrit Barney Hoskyns [6], une vibrante sous-culture jazz et rythm and blues frémit dans le ghetto noir qui borde Central Avenue à Los Angeles. Nombre de musiciens sont attirés par les clubs de jazz et les afterhour joints [7] qui fleurissent dans la ville, ainsi que pour cachetonner dans les studios de cinéma, afin d’habiller les films muets et de jouer sur des bandes-son. De petits labels localisés sur Sunset Boulevard tels que Sunshine, Bel Tone ou Dial, épaulés par des distributeurs locaux indépendants, se multiplient dans la cité angeline. Habituées à recourir à des professionnels expérimentés, les grandes compagnies de disques, le plus souvent liées aux studios de cinéma (MGM Records, ABC-Paramount, Warner Brothers), ne sont cependant pas prêtes à faire confiance à de jeunes producteurs pour révéler de nouveaux artistes. La société Capitol Records, fondée en 1942 à Hollywood pour concurrencer les majors, a bâti sa réputation en signant Nat « King » Cole et en donnant un second souffle à Frank Sinatra, mais met du temps à reconnaître le potentiel de la jeune génération. Plus prompts et plus agiles, les labels indépendants enregistrent les talents émergents et parviennent à sortir un disque en quelques jours pour quelques centaines de dollars.

Mais si Los Angeles présente un marché en devenir, la ville n’offre pas (encore) aux musiciens la crédibilité et les conditions pour développer pleinement leur carrière. En effet, les villes aux racines du jazz et du blues comme La Nouvelle-Orléans, Memphis et Chicago bénéficient d’une légitimité plus grande, attirant les regards des maisons de disques californiennes qui se détournent un peu de la production régionale. Dans l’incapacité de faire émerger de nouvelles stars à Los Angeles, des labels locaux comme Specialty et Imperial vont les chercher à La Nouvelle-Orléans. Les célèbres producteurs Jerry Leiber et Mike Stoller associés pour former Spark Records iront jusqu’à quitter la côte ouest pour New York. De même, après quelques années passées à Los Angeles, Charlie Parker, Dizzy Gillespie ou encore Charles Mingus quittent la ville pour la Grosse Pomme afin de donner une nouvelle impulsion à leur art, laissant derrière eux une Central Avenue en déroute au début des années cinquante. Ce phénomène d’exode se répétera plusieurs fois avec le départ successif des musiciens jazz West Coast (Gerry Mulligan, Chet Baker) et free (Ornette Coleman) vers New York [8]. Los Angeles voit son importance grandir, mais souffre encore de la comparaison avec d’autres villes, en particulier New York.

II. L’appel d’air généré par la suburbanisation

Los Angeles connaît une expansion urbaine considérable grâce au cinéma et à l’avènement de la voiture, renforcée par l’industrie de guerre qui se développe sur la côte ouest. Le développement d’usines d’armement et de chantiers navals aux bords du Pacifique attire dès le début des années quarante une main-d’œuvre délaissée en raison de la mécanisation de l’agriculture, et victime de la ségrégation dans les États du Sud [9]. Cette Seconde Grande migration contribue à l’essor de Los Angeles qui voit sa population croître de façon importante.

Comme le montrent les recensements [10], l’accroissement démographique observé à Los Angeles est l’un des plus importants de tout le pays. Entre 1950 et 1960, il atteint un taux de 2,6 % par an, contre 1,8 % à l’échelon national. La population dépasse les 2 millions d’habitants au début des années cinquante. Cette augmentation concerne toutes les classes d’âges, à l’exception des 25-29 ans qui voient provisoirement leurs effectifs diminuer dans les années cinquante, avant que cette tendance s’inverse dans les années soixante. Ceci s’explique par une immigration de jeunes actifs et de jeunes familles avec des enfants qui, attirés par de nouvelles perspectives professionnelles et un climat agréable, viennent s’installer dans la ville. En 1950, deux tiers des Américains sont mariés, provoquant une explosion des naissances [11]. À Los Angeles, les enfants de moins de 5 ans représentent à eux seuls plus de 10 % de la population en 1960. Chez les plus de 45 ans, on remarque toutefois une érosion des effectifs lorsqu’on met en parallèle par cohorte le nombre d’individus en 1950 (par exemple les 45-49 ans) avec celui qu’on retrouve dix ans plus tard en 1960 (les 55-59 ans). Cela traduit une émigration d’une part de ces habitants, dont le statut social leur permet de quitter le centre pour la périphérie de la ville. Malgré un taux de vacance du parc immobilier relativement élevé, la construction de nouveaux logements s’est considérablement amplifiée dans les années cinquante (+ 29 000 unités/an) et est restée haute dans les années soixante (+ 24 000 unités/an) pour faire face à cette dynamique forte. L’arrivée massive de nouveaux habitants s’accompagne d’une spéculation immobilière qui fait augmenter les loyers médians de plus de la moitié de leur valeur chaque nouvelle décennie.

Dans le même temps, San Francisco voit sa population décliner d’environ 0,5 % par an entre 1950 et 1960, passant de 775 000 à 740 000 habitants. La décroissance se poursuit la décennie suivante et la ville ne compte plus que 715 000 résidents en 1970. Elle fait l’objet d’un processus massif de suburbanisation, bien plus marqué qu’à Los Angeles, au profit des plus petits centres voisins [12]. Ce mécanisme reflète l’idéal de l’American dream matérialisé par l’accès à la propriété ou du moins à des logements répondant aux standards modernes et un cadre de vie agréable. Ainsi, les classes d’âges entre 20 et 55 ans sont en déficit à San Francisco entre 1950 et 1960. Un frein est mis à la construction de nouveaux logements en ville à la fin des années cinquante. La décennie suivante, on observe cependant une immigration massive des jeunes de 20 à 34 ans avec l’arrivée de plus de 35 000 individus, correspondant à une augmentation de 24 % de ces classes d’âges. En 1970, les 20-24 ans représentent plus de 10 % de la population totale de la ville, amenant un rajeunissement de celle-ci avec un âge médian inférieur à 35 ans.

III. La réappropriation du centre de San Francisco

La désaffection de San Francisco par les couples et les familles est une opportunité pour les artistes et les jeunes célibataires qui se réapproprient le centre de la ville. Entre 1915 et 1930, la vie culturelle y était florissante et accueillait la création artistique contemporaine, contrairement à Los Angeles qui manquait de lieux d’exposition [13]. Après avoir été conviés à San Francisco pour faire des lectures de leurs œuvres au milieu des années cinquante, plusieurs auteurs beat en provenance de New York s’y installent, ouvrant la voie à une contre-culture californienne. Proches des mouvements jazz et des protest singers [14] découverts à Greenwich Village, les poètes beat [15] contribuent à soutenir une scène folk à San Francisco, posant les bases du mouvement psychédélique [16]. Au nord de la ville, les étudiants de l’université de Berkeley apprécient également ce genre de musique contestataire, qui reflète leurs idées radicales. Plus insouciants et hédonistes, les Merry Pranksters [17] investissent le centre-ville et organisent les premières soirées psychédéliques, dont la sécurité est confiée aux Hells Angels. Les militants de la cause afro-américaine du quartier noir de Fillmore fondent les Black Panthers [18]. Les beatniks [19] constituent le trait d’union entre toutes ces tribus qui, bien que très différentes les unes des autres, ont pour point commun l’anticonformisme.

La présence de communautés défavorisées ainsi qu’un nombre croissant de freaks [20] font fuir les spéculateurs immobiliers du centre, où les loyers restent abordables. Les anciennes demeures victoriennes délaissées par les familles à la recherche du confort moderne sont réappropriées par des groupes de hippies et des squatteurs. Même avec le départ de ces dernières pour la banlieue, la proportion de logements occupés par plus de cinq personnes reste stable entre 1950 et 1970. Cependant, la taille moyenne des ménages diminue, du fait de la part importante de logements habités par des personnes seules ou des couples sans enfant [21]. D’une façon générale, on observe ainsi un desserrement dans l’occupation des logements, indiquant que les nouveaux habitants bénéficient de plus de place pour vivre, même dans les ménages collectifs. Comme le fait remarquer David Byrne, l’existence de bas loyers est un critère important pour favoriser l’émergence de nouvelles scènes musicales [22].

San Francisco offre un terreau fertile à la création et à l’expérimentation. Une nouvelle musique prend forme, reposant sur des fondements blues, folk et country, s’inspirant des structures libres du jazz et de la poésie beat et explorant le potentiel encore peu exploité des sons électrifiés. Le style psychédélique naissant s’accommode bien avec les ballroom gigs [23] et les manifestations faisant l’apologie du LSD (Lysergsäurediethylamid), lesquelles se multiplient à partir de 1965 dans la baie de San Francisco, à l’image du Tribute to Doctor Strange [24]. Emmenés par le Family Dog [25] et les Merry Pranksters de Ken Kesey, ces acid tests [26] offrent en effet une plateforme [27] où de jeunes groupes comme le Jefferson Airplane, The Charlatans, The Great Society, The Warlocks – les futurs Grateful Dead – ou encore Big Brother and the Holding Company peuvent se produire devant des publics toujours plus nombreux. D’abord organisées dans des dance rooms (« salles de danse ») et des endroits privés, ces fêtes gagnent de l’ampleur et investissent des lieux de spectacle : le Fillmore Auditorium en janvier 1966, où peuvent être réunies 2 500 personnes, ou encore le Longshoreman’s Hall lors du Trips Festival qui accueille près de 10 000 spectateurs sur trois soirs. Entre février et octobre, les acid tests se déplacent à Los Angeles, avant d’être définitivement interdits. Un dernier événement, l’Acid Test Graduation, est organisé au Warehouse de San Francisco le 31 octobre, avec remise de diplômes. Ces manifestations ont permis de faire émerger quelques groupes, mais leur caractère éphémère (à peine une année en Californie) n’a pas réussi à asseoir suffisamment leur réputation.

Quelques groupes s’organisent et ouvrent leurs propres structures pour pouvoir se produire et contribuent par là même au développement de la scène locale [28]. Aidé de trois partenaires, Marty Balin, fondateur du Jefferson Airplane, ouvre le Matrix en 1965, autrefois un ancien club de jazz [29] d’une centaine de places. En avril 1966, Chet Helms, manager de Big Brother and the Holding Company et membre du collectif Family Dog, inaugure l’Avalon Ballroom (500 places), pour tenter de concurrencer le Fillmore Auditorium (1 300 places) tenu par son rival, Bill Graham. Alors que Helms est un freak, Graham est un homme d’affaires à l’allure stricte, qui gère également le Winterland (5 000 places). En 1968, six mois après sa rénovation et son exploitation par un groupe formé de membres du Grateful Dead, du Jefferson Airplane, de Quicksilver Messenger Service et de Big Brother, le Carousel Ballroom (3 000 places) est repris par Graham qui le renomme Fillmore West [30]. À la fermeture du Haight Theater [31] en octobre 1968, il est repris par le Family Dog qui le rebaptise Straight Theater. Le marché des salles de spectacle est essentiellement disputé par deux hommes, Helms et Graham, qui font main basse sur les principaux lieux culturels de San Francisco. À côté de cela, une scène plus underground de groupes garage, profondément anti-hippie, existe de façon plus confidentielle.

Dans cette constellation de lieux en constante recomposition, les festivals jouent un rôle important dans l’émergence des groupes locaux [32]. En octobre 1966, le Love Pageant Rally est organisé dans l’enceinte du Golden Gate Park de San Francisco avec le Grateful Dead et Janis Joplin à l’affiche. En janvier 1967 est mis sur pied, au même endroit, le premier grand festival gratuit de la décennie, réunissant 30 000 personnes. Ce Human Be-In, célébrant l’unité des tribus (« Pow-Wow. A Gathering of the Tribes »), cristallise les idées de l’époque au travers notamment des interventions du pape du LSD Timothy Leary, des poètes beat Allen Ginsberg et Lawrence Ferlinghetti et des concerts des principaux groupes psychédéliques de la baie. Cet événement attire l’attention des médias sur l’importance croissante de la culture hippie et envoie un signe important au grand public que quelque chose est en train de se passer à San Francisco [33]. Durant l’été 1967, le Fantasy Fair and Magic Mountain Music Festival réunit 35 000 personnes en deux jours au nord de la baie, à Marin County, autour d’une trentaine de groupes venant en grande partie de San Francisco (Jefferson Airplane, The Charlatans, Country Joe and the Fish, Steve Miller Blues Band, The Chocolate Watchband) et de Los Angeles (The Byrds, The Doors, The Seeds, Captain Beefheart, Canned Heat, Kaleidoscope). Organisé par la station de radio KFRC de San Francisco, celui-ci va servir de modèle à Woodstock. Cet enchevêtrement de concerts en salle et en festivals qui accueillent indifféremment tous les groupes locaux, quel que soit l’organisateur, fait de San Francisco une ville où la musique est omniprésente.

Cette contre-culture transpire jusque dans les rues de la ville, que s’approprient les hippies dans le quartier de Haight-Ashbury. En plus de coffee houses [34] et des clubs de musique fleurit nombre de boutiques psychédéliques et communautaires tournées vers la mode et la déco, comme sur Carnaby Street à Londres. La Free Clinic, un dispensaire financé par les recettes de concerts appelés medicine shows, est ouverte pour prodiguer des soins gratuits et offrir des traitements aux victimes de l’acide [35]. Un journal indépendant, le San Francisco Oracle, et le magazine Rolling Stone voient même le jour pour documenter les activités de ce microcosme, véhiculer ses valeurs et annoncer les événements culturels. Mais la soif de liberté de la jeunesse qui arrive en masse dans le centre inquiète les autorités qui veulent rétablir l’ordre et nettoyer la ville de ses marginaux. Plus encore, la tension est palpable à l’intérieur même de la communauté, tiraillée entre l’idéalisme des uns et les ambitions mercantiles des autres. Si l’effervescence est bien réelle à San Francisco, les antagonismes sous-jacents empêchent de créer localement les conditions-cadres favorables à l’explosion du mouvement.

IV. La concentration des structures commerciales à Los Angeles

Jusqu’au début des années soixante, la musique est restée dans l’ombre de la production cinématographique à Los Angeles. Mais l’émergence de la radio, puis de la télévision, va permettre à la ville de devenir un pôle du divertissement, qui va profiter au développement de l’industrie musicale. Implantées dès le début des années vingt dans la cité angeline, les stations de radio vont se multiplier et peu à peu ouvrir leurs ondes à des compositeurs et des éditeurs indépendants, remettant ainsi progressivement en question le monopole new-yorkais autour de l’ASCAP [36]. Des versions édulcorées de succès R’n’B et doo-wop interprétées par des chanteurs blancs tels que Pat Boone ou Dion and the Belmonts se répandent ainsi auprès de milliers d’adolescents. La télévision achève de consacrer les teen-idols [37] après la seconde guerre mondiale, ouvrant ainsi un nouveau marché prometteur orienté sur la jeunesse.

Selon Barney Hoskyns [38], Los Angeles devient une ville pop qui commence à concurrencer sérieusement New York. La cité angeline attire des plasticiens new-yorkais, comme Andy Warhol qui y organise sa première exposition personnelle, Robert Rauschenberg ou Jasper Johns [39]. Avec le succès des groupes de surf-rock, en phase avec l’image hédoniste de Los Angeles, les représentants de l’industrie musicale de la Grosse Pomme prêtent une oreille de plus en plus attentive à ce qu’il se passe sur la côte ouest. Jeune producteur new-yorkais à l’affût des nouveautés, Nik Venet repère les Beach Boys et les signe chez Capitol. Attiré par l’agitation naissante au bord du Pacifique et désireux de donner un nouvel élan à sa carrière, le célèbre DJ radio Alan Freed choisit aussi de venir s’installer dans la ville en 1960. Dans la continuité, l’émission de télévision American Bandstand [40] y est implantée en 1964. Formé par Leiber et Stoller à New York, Phil Spector rejoint Los Angeles dans l’idée d’imposer son fameux wall of sound [41] avec de jeunes musiciens à la mode à Hollywood. Jusque-là, les artistes locaux étaient contraints de quitter la Californie pour tenter leur chance à New York ; pour la première fois, les professionnels de la musique se déplaçaient à Los Angeles pour d’autres raisons que la production cinématographique.

Los Angeles dispose de plus d’une forte concentration en salles de concert et en studios, plus élevée que dans la plupart des villes américaines, y compris San Francisco qui compte pourtant un nombre supérieur de musiciens [42]. Une partie des clubs est héritée des établissements ouverts dans les années quarante et cinquante, comme le Ciro’s qui réunissait le gratin hollywoodien avant de fermer ses portes et de devenir le Ciro’s Disc, puis le Kaleidoscope, ou encore le Troubadour qui était le lieu de rendez-vous des amateurs du revival folk. D’autres boîtes créées dans les années soixante comme le London Fog, le Whisky a Go Go, le Trip, le Hullabaloo, le Cheetah ou encore le Galaxy sont des lieux emblématiques de l’éclosion des groupes de rock de l’époque. Du fait de son important bassin de population et de sa position, Los Angeles figure sur le circuit des tournées des artistes nationaux et internationaux qui peuvent se produire au Shrine Auditorium ou au Hollywood Bowl, comme les Beatles lors de leurs passages en août 1964 et 1965, suivis quelques mois plus tard par Bob Dylan dans sa nouvelle incarnation électrique. La disponibilité sur place de studios d’enregistrement modernes, qu’ils soient financés par des labels tels que RCA, Columbia ou Capitol ou qu’ils soient indépendants (Sunset Sound Recorders ou TTG Studios par exemple), jouera un rôle considérable dans la production d’artistes de la région parmi lesquels The Beach Boys, The Byrds, Buffalo Springfield, Love, The Doors, Frank Zappa and the Mothers et Captain Beefheart. Une émulation se crée entre producteurs, musiciens et techniciens qui échangent et explorent le potentiel créatif au cours de sessions d’enregistrements qui ne se résument plus à être de simples captations de performances en direct. Que ce soit pour la musique live ou en studio, la présence d’infrastructures va permettre d’affirmer la position de Los Angeles sur la carte du rock américain des années soixante.

V. L’expansion et la conquête

Los Angeles vampirise les groupes san-franciscains qui, pour se professionnaliser, sont quasiment contraints d’y descendre. Le Jefferson Airplane est la première formation du nord à décrocher un contrat d’enregistrement avec une major basée à Los Angeles. Réalisé au studio RCA à Hollywood, son premier album, Takes off, sort en août 1966. Les trois suivants seront enregistrés dans le même studio, avant que le groupe ne revienne à San Francisco en 1969, dans le but de faire rayonner une ville un peu éteinte. Il investit les tout nouveaux studios de Wally Heider pour l’album Volunteers. L’absence de studios de qualité dans sa ville natale contraint également le Grateful Dead à enregistrer son premier album au studio A de RCA début 1967, mais pour le compte de la Warner. L’album suivant est commencé dans le même studio et complété par d’autres sessions à New York ainsi que par des performances live. Le groupe revient au bercail pour enregistrer Aoxomoxoa aux Pacific Recording Studios à San Mateo et San Francisco. Peinant à retrouver en studio la magie des concerts, il capte le fameux Live Dead au Fillmore West et au Carousel Ballroom en 1969. Spin-off du Jefferson Airplane, Moby Grape signe chez Columbia et enregistre son premier album à Hollywood au printemps 1967. Bien que sous contrat avec le label de Chicago Mainstream, Big Brother and the Holding Company enregistre la même année son premier single, puis son premier album avec Janis Joplin à Los Angeles. Le célèbre Cheap Thrills qui sort l’année suivante est capté au Fillmore Auditorium à San Francisco. On constate que, même si la plupart des groupes san-franciscains retourne à leur base dès qu’ils le peuvent, l’impulsion de départ se produit très souvent à Los Angeles.

En comparaison, San Francisco est donc moins bien équipée que Los Angeles, mais est le centre d’une scène mieux identifiée et plus unie, ce qui attire logiquement la convoitise de sa voisine du sud. Tiraillée entre le R’n’B, la pop, le surf-rock, le garage-rock et l’avant-garde, la ville de Los Angeles ne peut en effet se résumer à un style unique de musique. Ce qui amène les amateurs de psychédélisme (ou de sa traduction en termes commerciaux) à chercher à se rapprocher de la baie de San Francisco, dont la légitimité en la matière est plus grande. C’est ainsi que John Philips et Lou Adler, respectivement membre et producteur des Mamas and Papas, assistés par Derek Taylor, ancien attaché de presse des Beatles et manager des Beach Boys et des Byrds, organisent le festival international de musique pop de Monterey qui a lieu du 16 au 18 juin 1967, soit une semaine après le Fantasy Fair and Magic Mountain Music Festival à Marin County. L’événement regroupe les meilleurs musiciens de la région de San Francisco (Big Brother and the Holding Company, Country Joe and the Fish, Jefferson Airplane, Grateful Dead, Quicksilver Messenger Service, Moby Grape, Steve Miller), mais aussi de Los Angeles (Canned Heat, The Byrds, Buffalo Springfield, The Mamas and Papas), de New York (Simon and Garfunkel, Al Kooper, Laura Nyro) et même d’Angleterre (Jimi Hendrix Experience, The Who, Eric Burdon and the Animals). Cette initiative venue de Los Angeles suscite la méfiance chez les artistes indépendants de San Francisco qui considèrent le festival comme une opération bassement commerciale, ce qui n’empêche cependant pas plusieurs d’entre eux d’y participer. Country Joe reconnaîtra d’ailleurs que même si le sentiment de trahison était bien prégnant, les artistes de San Francisco avaient désespérément besoin d’une telle manifestation, tant ils se sentaient isolés du reste du monde [43]. En août 1968, il participera avec le Jefferson Airplane, le Grateful Dead et Quicksilver au Newport Pop Festival au sud de Los Angeles, qui souffrira d’une organisation chaotique et d’une sono insuffisante pour les 100 000 spectateurs présents durant deux jours.

Alors essentiellement tournée sur elle-même, la scène de San Francisco réalise – au moins en partie – l’étendue de son pouvoir d’attraction et la possibilité d’étendre son aire de rayonnement grâce au festival de Monterey. Pour la plupart des groupes, les engagements se limitaient jusque-là aux clubs de la baie, à l’exception de quelques rares formations qui avaient bénéficié d’opportunités plus éloignées (Chicago, Seattle et Vancouver pour le Jefferson Airplane, Chicago et Virginia City pour Big Brother and the Holding Company [44]). Les conditions pour partir en tournée étaient difficiles à l’époque et seuls les grands groupes comme The Beach Boys ou The Byrds, les artistes soul comme James Brown ou Otis Redding, ainsi que les New-Yorkais du Velvet Underground avaient les moyens d’organiser des shows de ville en ville. Les plus petits groupes écumaient quant à eux les clubs locaux, obtenant parfois le titre d’artiste résident. Mais dès le second semestre de 1967, leur horizon s’étend à Los Angeles, puis se diversifie au reste du pays, voire à l’Europe, comme le montre l’analyse des historiques de concerts [45]. En 1968, la proportion de concerts donnés hors de Californie atteint 34 % pour Country Joe and the Fish et le Grateful Dead, 47 % pour Big Brother et plus de 55 % pour le Jefferson Airplane. Cette dernière formation, considérée comme le groupe star de San Francisco, verra croître de façon constante la part de ses engagements hors de Californie jusqu’à dépasser 75 % en 1970.

De même, le festival de Monterey est l’occasion pour plusieurs formations de signer un contrat avec une maison de disques, dans le sillage des premiers groupes de San Francisco. Après une période d’attentisme, les majors prennent conscience du potentiel énorme des artistes rock et vont engager des agents plus jeunes, issus de la contre-culture et donc au fait des tendances, pour s’emparer des groupes à la mode et repérer les nouveaux talents de la baie. Big Brother and the Holding Company, sous contrat avec Mainstream qui est sur le point de sortir son premier album, est approché par Columbia pour l’album suivant. Quicksilver Messenger Service et Steve Miller décrochent quant à eux un contrat avec Capitol Records. Comme le déclare John Hartman, co-fondateur du Kaleidoscope, de nouveaux groupes apparaissent toutes les heures [46], mais avec la fin du Summer of Love en octobre 1967, c’est aussi la fin de l’âge d’or du psychédélisme [47].

En gagnant en popularité, le mouvement s’est dilué et a commencé à attirer de mauvaises énergies [48]. Au cours du Summer of Love de 1967, des circuits sont organisés en bus dans le quartier de Haight-Ashbury, à la manière des sight-seeing tours des villes touristiques, attirant la colère de certaines tribus, en particulier des Diggers [49]. La nouvelle attractivité de San Francisco fait rapidement monter les prix du foncier et des loyers [50], amenant une gentrification de certains secteurs. Le quartier de Haight-Ashbury est gangréné par les dealers, les drogues changent (cocaïne, héroïne, méthédrine) et font toujours plus de victimes. Des affrontements ont lieu entre la jeunesse hippie et les forces de l’ordre qui veulent nettoyer la ville. De nouvelles communautés aux relents sectaires s’installent dans la région, à l’image de la Charles Manson Family. Comme l’écrit l’Oracle en février 1968, « le visage du Haight ne ressemble plus à celui de 1966. L’unité des tribus est fragilisée. […] Certains préfèrent se réfugier en milieu rural [51] ». Les groupes et les communautés d’origine quittent la ville pour s’installer dans la campagne californienne, dans l’Oregon ou le Nouveau-Mexique ; même le magazine Rolling Stone déménagera à New York. Les salles de concert et les boutiques underground ferment leurs portes les unes après les autres. Quelques rares groupes vont tenir bons, comme le Grateful Dead qui se réorientera vers des couleurs plus country, sans perdre sa fan base, mais la ville ne sera plus que l’ombre d’elle-même dans les années septante [52].

VI. D’une impulsion locale à un phénomène métropolitain

De la même façon que le blues a évolué en se déplaçant de La Nouvelle-Orléans vers le nord jusqu’à Chicago, le rock a migré vers l’ouest. La Californie a longtemps été considérée comme un territoire périphérique et plus particulièrement San Francisco, cette « ville limite [53] », ce finistère tenu à l’écart des réseaux. Et c’est justement ce relatif isolement qui a donné à la ville son esprit d’indépendance et de liberté, jusque dans ses excès et ses déviances. Avec le recul démographique et la disponibilité en espaces résidentiels et d’activités observés dans le centre au début des années soixante, la jeunesse s’approprie la ville pour donner cours à ses idéaux. La suburbanisation de la baie s’accompagne donc d’une reterritorialisation de San Francisco, où les conditions locales sont favorables à l’émergence d’une culture underground.

C’est toutefois Los Angeles qui va profiter plus largement de l’effervescence suscitée par le mouvement psychédélique et devenir un nouveau pôle institutionnalisé de la musique. Si plusieurs secteurs faisaient vibrer San Francisco (Berkeley, Golden Gate Park, Fillmore, etc.), la vie culturelle se concentrait surtout dans le petit quartier de Haight-Ashbury qui, bien que central, ne disposait pas de toutes les structures nécessaires à son développement. La réussite d’une région ne saurait se résumer à son étendue spatiale, mais fait intervenir un faisceau de critères géographiques. Dans les années soixante, Los Angeles bénéficie d’atouts que San Francisco n’a pas et qui vont lui permettre de s’imposer dans l’industrie musicale. Comparée à sa voisine du nord, la cité angeline connaît une dynamique métropolitaine liée à la Seconde Grande migration et à l’industrie de guerre, qui va l’amener à 2,5 millions d’habitants en 1965. Grâce au cinéma, à la radio, à la télévision et à la publicité, la ville dispose de lieux de production professionnels et fait travailler de nombreux corps de métier liés au spectacle, en particulier des musiciens. Elle figure de plus sur le circuit des tournées des grands orchestres nationaux et internationaux. La ville propose toute la gamme d’équipements et de services nécessaires à la création musicale (producteurs, maisons de disques, studios, musiciens de sessions, distributeurs, agences de promotion et de booking, magasins d’instruments et de disques, salles de concert, etc.), qui font que les conditions culturelles et économiques sont réunies pour asseoir son statut de capitale du divertissement [54]. L’abondance d’entreprises culturelles et de professionnels de la musique favorise la mise en réseau des compétences et l’échange d’expériences d’une part, ainsi qu’une saine concurrence entre les acteurs de la branche d’autre part [55]. À San Francisco, il y a bien une émulation artistique entre les musiciens qui redoublent de créativité, mais les structures sont plus fragiles et les esprits moins déterminés à monétiser le succès de la scène locale. Ainsi, seuls les lieux situés au cœur d’un bassin de population suffisamment large, bien équipés et bien structurés, regroupant les métiers du secteur dans une perspective d’économie d’échelle, peuvent résister aux aléas et s’adapter à l’évolution des modes [56].

On observe un mouvement d’aller-retour entre San Francisco et Los Angeles. Dans un premier temps, San Francisco attire des artistes et des freaks de tout le pays, y compris du sud de la Californie. Au sommet de la vague psychédélique, le mouvement s’inverse avec la signature de groupes san-franciscains sur des majors basées à Los Angeles, où ils vont enregistrer leurs premiers albums. Après avoir parcouru le reste du pays, certains s’en reviendront à San Francisco pour réaliser leurs prochains albums, dans une recherche vaine de l’authentique, alors que le mouvement s’est largement dissipé. Ce processus traduit ce glissement progressif d’une scène locale vers un relais régional qui offre des structures plus professionnelles, une visibilité et un rayonnement plus large, national, voire international [57].

Pour certains observateurs [58], l’affirmation des principaux centres de production musicale s’explique par la récupération et la commercialisation des scènes locales underground, novatrices ou en tout cas représentatives d’une génération, jusqu’à la dissolution de ces dernières. Il serait faux d’affirmer que Los Angeles s’est contentée de déposséder San Francisco de ses talents et de les formater pour une exploitation commerciale. Des artistes comme The Byrds et Buffalo Springfield ont sans aucun doute contribué à définir le style psychédélique. Par ailleurs, les Beach Boys avec leur album Pet Sounds, de même que Frank Zappa, Captain Beefheart, le groupe Love ou même The Doors ont amené un contrepoint au rêve hédoniste californien et un peu de noirceur à la vision béate des hippies, en thématisant sur l’absurdité du monde, les sentiments d’aliénation et de paranoïa. Et Los Angeles parvient à se réinventer avec la nouvelle génération de songwriters (auteurs-compositeurs-interprètes) qui s’installent dans le Laurel Canyon à la fin des années soixante.

En conclusion, le mouvement psychédélique marque un tournant dans la professionnalisation de la musique rock. Il trouve ses origines dans les scènes underground apparues à Londres et San Francisco. Cette dernière doit son succès aux relais mis en place à Los Angeles, permettant de mettre directement en relation les artistes avec les acteurs de la production musicale et des réseaux de distribution. Les potentiels de commercialisation de formes musicales émergentes issues de scènes indépendantes trouvent ainsi leur concrétisation dans les structures mises à disposition dans les centres d’agglomération [59] tels que Los Angeles, qui exerce depuis la fin des années soixante une influence durable sur l’industrie mondiale de la musique contemporaine [60].

AUTEUR
Joël Chételat
Géographe, docteur ès sciences
MICROGIS, Lausanne (Suisse)

ANNEXES

NOTES


[1] Nicolas Canova, Yves Raibaud, « De l’espace du pouvoir aux territoires musicaux. Un regard géographique sur le lien entre musique et politique », Information géographique, 2018, vol. 82, no 4, p. 10-37. En ligne : https://www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2018-4-page-10.htm, page consultée le 29/07/2022.
[2] Richard Florida, Scott Jackson, « Sonic City. The Evolving Economic Geography of the Music Industry », Journal of Planning Education and Research, 2009, vol. 29, no 3, p. 310-321.
[3] Larry Ford, « Geographic Factors in the Origin, Evolution, and Diffusion of Rock and Roll Music », The Journal of Geography, 1971, vol. 70, no 8, p. 455-464.
[4] Margaret O’Mara, « Cities and Suburbs », dans Lynn Dumenil [éd.], The Oxford Encyclopedia of American Social History, New York, Oxford University Press, 2012, p. 159-172.
[5] Charles Ford, Hollywood Story, Paris, La Jeune Parque, 1968.
[6] Barney Hoskyns, Waiting for the Sun. A Rock & Roll History of Los Angeles, New York, Backbeat Books, 2000.
[7] Clubs où se retrouvent les musiciens pour jouer au-delà des heures d’ouverture légale.
[8] Kirk Silsbee, cité dans Barney Hoskyns, Waiting for the Sun, op. cit., p. 18.
[9] Margaret O’Mara, « Cities and Suburbs », art. cité.
[10] U.S. Bureau of the Census, U.S. Census of Population: 1950 Census Tract Statistics, Washington D.C., U.S. Government Printing Office, 1952. U.S. Bureau of the Census, U.S. Census of Population and Housing: 1960 Census Tracts, Washington D.C., U.S. Government Printing Office, 1962. U.S. Bureau of the Census, Census of Population and Housing: 1970 Census Tracts, Washington D.C., Social and Economic Statistics Administration, Bureau of Census, 1972.
[11] Margaret O’Mara, « Cities and Suburbs », art. cité.
[12] Department of Housing and Urban Development, Analysis of the San Francisco, California, Housing Market as of April 1, 1966, Washington, Federal Housing Administration, 1967. Department of Housing and Urban Development, Analysis of the Los Angeles, California, Housing Market as of April 1, 1966, Washington, Federal Housing Administration, 1967.
[13] Judith Delfiner, « L’art de la contre-culture californienne des années 1950 », Perspective : actualité en histoire de l’art, 2015, 2, p. 111-126. En ligne : https://journals.openedition.org/perspective/6161, page consultée le 29/07/2022.
[14] Branche engagée de la musique folk, aux revendications pacifiques, libertaires et égalitaires. Parmi les principaux chanteurs protestataires figurent Woody Guthrie, Pete Seeger, puis Bob Dylan ou encore Joan Baez à partir des années soixante.
[15] Groupe d’écrivains pionniers de la contre-culture américaine fondé par Jack Kerouac, Allen Ginsberg et William Burroughs à la fin des années quarante. Appelé beat generation, ce mouvement revendique notamment la libération morale et sexuelle.
[16] John Covach, Andrew Flory, What’s That Sound? An Introduction to Rock and Its History, New York-London, W.W. Norton & Company, 2012.
[17] Littéralement, les « Joyeux lurons ». Tribu formée autour de Ken Kesey, auteur du roman Vol au-dessus d’un nid de coucou (1962), et animée par la recherche et le partage des sensations procurées par les drogues psychédéliques.
[18] Mouvement radical ayant pour but l’affirmation de l’identité et des droits de la communauté noire.
[19] Personnes associées à la beat generation et par extension, les anticonformistes des années cinquante et soixante.
[20] Terme utilisé par les jeunes marginaux de l’époque pour se définir eux-mêmes, en opposition avec les valeurs de la société bourgeoise, sans revendiquer appartenir à une mode ou à une tendance politique. Plus généralement employé pour désigner les consommateurs de LSD (entre autres drogues).
[21] Department of Housing and Urban Development, Analysis of the San Francisco, California, Housing Market, op. cit.
[22] David Byrne, How Music Works, Edinburgh, Canongate Books, 2012.
[23] Jam sessions organisées dans des salles de bal au sous-sol des anciennes demeures victoriennes.
[24] Une des premières soirées psychédéliques organisées dans le quartier de Haight-Ashbury.
[25] Communauté hippie formée autour de Chet Helms, promoteur d’événements culturels et producteur de musique.
[26] Fêtes d’initiation collective et de promotion du LSD, baignées de lumières et de musique psychédélique.
[27] Philippe Thieyre, Le rock psychédélique en 150 figures, Paris, Éditions du Layeur, 2021.
[28] Ibid.
[29] Steven Jezo-Vannier, San Francisco. L’utopie hippie, Marseille, Le Mot et le Reste, 2019.
[30] Barney Hoskyns, San Francisco, 1965-1970. Les années psychédéliques, Bègles, Le Castor Astral, 2006.
[31] Ancien théâtre et cinéma de style Art déco situé au cœur du quartier de Haight-Ashbury.
[32] Steven Jezo-Vannier, San Francisco, op. cit.
[33] John Covach, Andrew Flory, What’s That Sound?, op. cit.
[34] Cafés dans lesquels les auteurs beat donnaient des lectures publiques de leurs textes.
[35] Barney Hoskyns, San Francisco, 1965-1970, op. cit.
[36] Larry Ford, « Geographic Factors in the Origin, Evolution, and Diffusion of Rock and Roll Music », art. cité.
[37] Chanteurs de pop formattée pour un public essentiellement adolescent.
[38] Barney Hoskyns, Waiting for the Sun, op. cit.
[39] Judith Delfiner, « L’art de la contre-culture californienne des années 1950 », art. cité.
[40] Émission de télévision américaine diffusée entre 1952 et 1989, dans laquelle les artistes du Top 40 interprétaient leurs titres (le plus souvent en playback) devant un jeune public enthousiaste et dansant devant les caméras.
[41] Littéralement le « mur du son », consistant en des arrangements riches où de nombreuses pistes sont enregistrées, passées dans une chambre d’écho et empilées pour chaque famille d’instruments (piano, cordes, cuivres, percussions), jusqu’à obtenir un son ample et profond, comme s’il s’agissait d’un grand orchestre classique.
[42] Richard Florida, Charlotta Mellander, Kevin Stolarick, « Music Scenes to Music Clusters: The Economic Geography of Music in the US, 1970-2000 », Environment and Planning A: Economy and Space, 2010, vol. 42, no 4, p. 785-804.
[43] Barney Hoskyns, Waiting for the Sun, op. cit.
[44] https://concerts.fandom.com/wiki/Concerts_Wiki, page consultée le 08/04/2022.
[45] https://concerts.fandom.com/wiki/Concerts_Wiki, page consultée le 08/04/2022.
[46] Barney Hoskyns, Waiting for the Sun, op. cit.
[47] Philippe Thieyre, Le rock psychédélique, op. cit.
[48] Barney Hoskyns, San Francisco, 1965-1970, op. cit., p. 92.
[49] Tribu d’anticapitalistes radicaux opposés à la récupération mercantile du Haight et chantres d’une philosophie du free, qui s’exprime à travers l’appropriation de l’espace public et la distribution gratuite de nourriture aux habitants du quartier.
[50] Department of Housing and Urban Development, Analysis of the San Francisco, California, Housing Market, op. cit.
[51] Steven Jezo-Vannier, San Francisco, op. cit., p. 161.
[52] Barney Hoskyns, San Francisco, 1965-1970, op. cit.
[53] Steven Jezo-Vannier, San Francisco, op. cit., p. 13, 147.
[54] Richard Florida, Scott Jackson, « Sonic City. The Evolving Economic Geography of the Music Industry », art. cité.
[55] Matthias Mauch, Robert M. MacCallum, Mark Levy, Armand M. Leroi, « The Evolution of Popular Music: USA 1960-2010 », Royal Society Open Science, 2015, vol. 2, no 5, p. 4.
[56] Richard Florida, Charlotta Mellander, Kevin Stolarick, « Music Scenes to Music Clusters: The Economic Geography of Music in the US, 1970-2000 », art. cité. Nicolas Canova, Yves Raibaud, « De l’espace du pouvoir aux territoires musicaux. Un regard géographique sur le lien entre musique et politique », art. cité.
[57] Richard Florida, Charlotta Mellander, Kevin Stolarick, « Music Scenes to Music Clusters: The Economic Geography of Music in the US, 1970-2000 », art. cité.
[58] Allen J. Scott, « The US Recorded Music Industry. On the Relations between Organization, Location, and Creativity in the Cultural Economy », Environment and Planning A, 1999, vol. 31, no 11, p. 1965-1984. Jacques Attali, Bruits. Essai sur l’économie politique de la musique, Paris, Presses universitaires de France, 1977.
[59] Allen J. Scott, « The US Recorded Music Industry. On the Relations between Organization, Location, and Creativity in the Cultural Economy », art. cité.
[60] John Covach, Andrew Flory, What’s That Sound?, op. cit.

RÉFÉRENCES

Pour citer cet article :
Joël Chételat, « Une géographie de la musique psychédélique californienne : facteurs d’émergence et ancrage territorial du mouvement », dans La musique psychédélique et la contre-culture des années soixante : une utopie concrète à l’identité protéiforme devenue « réalité globale », Éléonore Willot [dir.], Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne], 13 mai 2024, n° 20, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html.
Auteur : Joël Chételat
Droits : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC/credits_contacts.html
ISSN : 1961-9944

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