Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin"
UMR 7366 CNRS-UBE
Territoires contemporains


Miroir du football, un autre sport dans la presse rouge ? (1958-1979)
François Thébaud comme un ballon
François Prigent
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RÉSUMÉ

Entre 1958 et 1976, l’aventure collective de Miroir du football doit beaucoup à la figure de François Thébaud (1914-2008). Au cours de cette expérience atypique, ce dernier parvient à fédérer les énergies autour de son analyse critique du football, en dépassant pour partie les clivages entre ceux qui voient dans le football un reflet du monde et un condensé des tensions ou dynamiques qui l’affectent, et ceux qui pensent ce sport comme un levier pour transformer la société et en modeler une nouvelle. Il s’agit ici de proposer une biographie de François Thébaud au miroir des sources bretonnes (près de 18 heures de rushs d’entretiens réalisés entre 2003 et 2005, déposés à la cinémathèque de Bretagne ; fonds François Thébaud déposé aux archives départementales du Finistère sous la côte 291 J).

MOTS-CLÉS
Mots-clés : Bretagne, football, journaliste, biographie, politique, Miroir du football
Index géographique :  
Index historique :
SOMMAIRE
I.Aux origines, des espaces, en profondeur (1914-1932)
1) Berric, Le Faouët, Saint-Pol-de-Léon
2) Brest, Poulo Condor, Carantec
3) Saint-Pol-de-Léon
II. Une vie sur l’aile gauche (1932-1944)
1) Les années parisiennes
2) En guerre, 1re mi-temps : Laval, Spincourt, Saint-Ouen
3) En guerre, 2e mi-temps : Rüdersdorf, Boulogne
4) Une vie en rouge. Où situer François Thébaud sur le terrain politique ?
III. De l’autre côté du Miroir : devenir François Thébaud (1944-1976)
1) De Sport libre à Ce Soir (1944-1950)
2) Miroir-Sprint, une étape décisive
3) Le premier Miroir, des numéros très spéciaux
4) Les années Miroir et la Bretagne

TEXTE

Introduction

Jusqu’à un âge avancé, François Thébaud (1914-2008) a foulé la plage de Kersidan, à Trégunc, pour s’adonner à sa passion du ballon rond en compagnie de ses amis, liés par l’aventure collective de Miroir du football entre 1958 et 1976 [1]. Ces parties de football improvisées expriment une certaine conception de ce sport, à rebours du jeu corseté et formaté critiqué par ces journalistes-footballeurs-militants. Pour eux, l’expérience de Miroir du football est irréductiblement associée à la figure charismatique de François Thébaud. Et en effet, ce dernier parvient à fédérer les énergies autour de son analyse critique du football, en dépassant pour partie les clivages entre ceux qui voient dans le football un reflet du monde et un condensé des tensions ou dynamiques qui l’affectent, et ceux qui pensent ce sport comme un levier pour transformer la société et en modeler une nouvelle.

Depuis sa fondation en février 2009, l’association des Amis du Miroir du football/François Thébaud (AMFT) cherche à préserver cet héritage, empreint d’un humanisme aussi universaliste que contestataire, par diverses initiatives, par exemple la numérisation de la collection intégrale de Miroir du football. Il s’agit ici, en remerciant vivement l’AMFT de m’avoir permis d’accéder à une multiplicité d’archives inexploitées, de proposer une biographie de François Thébaud au miroir des sources bretonnes.

Dès son enfance, dans le Finistère (Nord), il découvre les joies du football, à taper dans une balle sur la cale du port ou à se plonger dans la presse sportive. Au début des années 1930, il quitte la Bretagne pour Paris, où il passe l’essentiel de sa vie. Après la fin brutale de Miroir du football et un dernier tour de piste en Suisse à La Tribune de Lausanne, auprès de son ami Norbert Eschmann [2], il revient dans le Finistère (Sud cette fois) passer sa retraite avec sa seconde épouse, dans le hameau de Kergrippe à Riec-sur-Belon, jusqu’à son décès en 2008 à l’hôpital de Quimperlé.

Si l’essentiel du parcours de François Thébaud est extérieur à la Bretagne [3], c’est bien dans cette région que se trouvent les documents les plus précieux et précis pour retracer la trajectoire de ce journaliste hors du commun. Actuel président de l’AMFT, Claude André, professeur d’EPS et spécialiste du sport brestois, a déposé à la cinémathèque de Bretagne, à Brest, près de 18 heures de rushs d’entretiens réalisés avec François Thébaud entre 2003 et 2005. Recelant des éléments inédits, ces échanges filmés ont pu être complétés par le fonds François Thébaud déposé (mais non encore asséché) aux archives départementales du Finistère, sous la côte 291 J [4]. L’influence de l’action et de la réflexion de François Thébaud, prégnante en Bretagne dans les années 1960-1980 par la quête du « beau jeu » poursuivi par certains clubs et par le dynamisme du Mouvement Football Progrès (MFP), a aussi été disséquée à l’aune d’entretiens ou de discussions plus informelles avec une pluralité d’acteurs de cette histoire : Loïc Bervas, Bernard Gourmelen, Fernand Bonaguidi, Hervé Thomas, Claude André, André Hélard, Alain Prigent.

Le parcours de vie de François Thébaud, trait d’union d’un collectif d’auteurs et de lecteurs aux horizons et pratiques pluriels, est connu à grands traits. Une entrée dans le monde du journalisme, via la presse communiste, à Miroir-Sprint où il dirige la rubrique football. Une aventure intellectuelle et militante qui l’amène à fonder, par étapes entre 1958 et 1960, Miroir du football, dont il assure la direction jusqu’à la crise de 1976. Mais qui était vraiment François Thébaud ? Tentons d’esquisser une approche biographique, fondée sur ces sources compulsées en Bretagne.

I. Aux origines, des espaces, en profondeur (1914-1932)

1) Berric, Le Faouët, Saint-Pol-de-Léon

Le recours aux archives d’état civil en ligne permet de remonter l’arbre généalogique de François Thébaud jusqu’au début du xviie siècle, à Berric, terre blanche du Morbihan, à la limite du pays gallo et breton, entre Vannes et Questembert. Son ancêtre le plus lointain se présente comme laboureur, maréchal-ferrant, forgeron. Au milieu du xviiie siècle, son arrière-arrière-grand-père, Jean Thébaud (1752-1827) conserve cette position sociale de forgeron-laboureur à Berric. Une première mobilité, sociale et géographique, est repérée avec l’arrière-grand-père, Joseph Thébaud (1792-1878), employé aux Ponts-et-Chaussées et géomètre triangulateur, mort au Faouët, au nord-ouest du Morbihan.

Son grand-père, Frédéric Thébaud (1838-1911), transforme l’histoire familiale. Conducteur des Ponts-et-Chaussées, il épouse la fille d’un géomètre devenu régisseur du château de Kernévez, propriété des comtes de Guébriant, à Saint-Pol-de-Léon. À la fin du xixe siècle, il semble épauler son beau-père, avant de s’établir dans un quartier populaire de Saint-Pol-de-Léon, au 38, quai de Pempoul, où François Thébaud passera son enfance.

2) Brest, Poulo Condor, Carantec

Né le 1er mai 1875 au Faouët, son père, Alfred Thébaud, scolarisé à l’institution catholique Notre-Dame du Kreisker, mais trop jeune pour vivre le débarquement du ballon rond dans la capitale du Léon, part à Brest pour ses études, avant d’intégrer l’école de médecine militaire de Bordeaux. Médecin-chirurgien de Marine, il part pour la Cochinchine, selon une voie coloniale bretonne bien connue. Établi en 1909 à Vĩnh Long, il est médecin de 2e classe de l’assistance médicale de l’Indochine au moment de son mariage à Saïgon, le 22 mars 1911, avec Thi-Chuc Nguyen, née le 14 février 1883 à Trang Bang, « princesse » issue d’une lignée aristocrate locale. Dans l’épouvantable bagne de Poulo Condor, aux conditions sanitaires terribles, il occupe, en tant que médecin, le 3e rang derrière le directeur et le commandant d’armes.

À partir de 1994, François Thébaud, en quête de ses origines, se lance dans la recherche de photographies et d’éléments à propos de ses parents [5], notamment au Service historique de l’armée (SHA) et au Centre des archives d’outre-mer (CAOM) d’Aix-en-Provence [6]. Il y retrouve la version d’une histoire transmise par sa mère, celle d’un couple mixte coincé entre recherche de modernité et cadre colonial. Le mariage n’officialise et ne régularise la famille de trois enfants que le 22 mars 1911 [7]. Maîtrisant la langue annamite, son père, Alfred Thébaud, atteint de paludisme et entérite chronique, obtient un congé pour convalescence et rejoint Marseille en mars 1912, avant de revenir définitivement en métropole vers février 1913 avec sa femme surnommée Marthe [8] et ses deux enfants. Un peu plus de neuf mois plus tard, le 31 janvier 1914, un autre garçon, François Thébaud, vient compléter la fratrie installée sur la côte nord de la Bretagne, à Carantec [9].

Amputé d’une jambe, claudicant sur un pilon de bois, le père de François Thébaud quitte la Marine pour devenir médecin de campagne, sillonnant le canton en vélo, tandis que sa mère remédie tant bien que mal aux crevaisons. Par la suite, il passe son temps à godiller sur son petit canot ou à prodiguer gratuitement des soins aux plus démunis sur les quais de Pempoul quand la famille retourne à Saint-Pol-de-Léon. Doté d’un caractère bien trempé, ne cachant pas ses idées anticolonialistes, il meurt le 23 mai 1953, une dizaine d’années avant la mère de François Thébaud, le 26 janvier 1964, autre forte personnalité qui sait se faire une place dans une société encore caractérisée par le bloc agraire, conservateur, traditionnel et catholique. Presque élevé en fils unique dans les années 1920, il reçoit une éducation qui lui inculque des valeurs universalistes et humanistes. Assurément, cet héritage intellectuel paramètre son rapport au monde et permet de mieux comprendre son ouverture aux cultures extraeuropéennes.

3) Saint-Pol-de-Léon

C’est au collège que le virus du football saisit François Thébaud, équipé de sabots entourés de courroies de cuir – remises pleines de boue dans les poches une fois le jeu terminé – avec une semelle de bois et carton solidifiée. S’il joue pour l’équipe du collège [10], il achète le Miroir des sports chez un marchand de vin, tous les mercredis, et se délecte de la lecture des éditoriaux de Gabriel Hanot. Un autre journaliste, au style technique et passionné, contribue à modeler ses conceptions du football avant les années 1930 : Noël Kerdraon, directeur de la rubrique des sports dans La Dépêche de Brest. François Thébaud assiste à plusieurs matchs du Stade Léonard, de l’AS brestoise, du Stade morlaisien et à une rencontre interrégionale, en mars 1931, en haut d’un virage de la piste du vélodrome de Kernéguès à Morlaix, entre les sélections de la Ligue de l’Ouest de football association (LOFA) et de la Ligue de Paris [11] (Lucien Laurent, Émile Veinante).

Baccalauréat en poche, dans un lycée rennais, à l’été 1932, dont on trouve plusieurs mentions dans la presse locale, François Thébaud quitte la Bretagne pour la capitale où s’ouvre à lui une autre dimension de l’univers du football.

II. Une vie sur l’aile gauche (1932-1944)

1) Les années parisiennes [12]

Son livret universitaire mentionne une adresse, au pied de Montmartre, dans le xviiie arrondissement (5, rue du chevalier de La Barre) lors de sa première inscription à la faculté en novembre 1932, en licence de philosophie, certification morale et sociologie [13]. Son insertion dans les sociabilités étudiantes s’accompagne d’une première politisation à la Fédération nationale des étudiants socialistes (FNES), affiliée à la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO). Déçu et ennuyé par les philosophes, il déserte la bibliothèque de la Sorbonne pour les terrains de sport. Par un « pays », Pascal Morvan, fils d’un propriétaire de forges saint-politain qui a joué à Paris pendant ses études, il dispute quelques matchs en équipe IV au CA Paris, puis en amateur au Club français, deux clubs qui viennent de prendre le tournant du professionnalisme en 1932. Bon nageur, il s’entraîne ardemment au Club des nageurs de Paris sous la supervision de Georges Hermant, le coach du célèbre Jean Taris, ce qui lui vaut de participer au Championnat de France sur 200 mètres en 1934.

Pour faire valoir ses droits à la retraite en 1978 depuis sa résidence à Vaud, en Suisse, François Thébaud rassemble les traces de son activité antérieure à son métier de journaliste (1934-1944).

Pigiste en 1934-1935 à Sport Hebdo, titre de la Fédération sportive du travail (FST), il prolonge l’expérience par une collaboration à Sports en 1935. Confiné à la rubrique des « sports bourgeois », comme la natation [14], il couvre peu à peu divers sports sans réelle incursion vers le football [15]. Communiste critique, cette première expérience tourne court pour des motifs politiques après sa démission du parti suite au pacte Laval-Staline. Officiellement étudiant, ponctuellement journaliste, François Thébaud survient à ses besoins en travaillant comme employé aux établissements Rodier (tissus) entre mars 1934 et mars 1935. Licencié, il reste quelques mois au chômage avant de travailler chez Bréjer aîné dans le VIIIe arrondissement de décembre 1935 à septembre 1939. Secrétaire-correcteur dans une imprimerie sans usine, un travail qui lui laisse bien du temps libre, il se plonge de façon intensive dans la lecture de Marx.

En parallèle de son adhésion aux Jeunesses communistes (JC) en 1934, il reprend la pratique du football dans des équipes appartenant au mouvement sportif rouge en plein essor. À Saint-Ouen, il fréquente des ouvriers et joue avec eux, dans des équipes « corpos » ou auprès du club refondé par Jacques Mairesse [16]. Fort d’une connaissance par la pratique du sport affinitaire, il multiplie les relations avec les footballeurs du mouvement ouvrier, y compris au contact de formations de la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT) [17].

Les sources compulsées n’élucident en rien les zones d’ombres dans l’itinéraire de François Thébaud en 1936-1938. Tout juste peut-on dire qu’il se marie, en pleine effervescence sociale du Front populaire, à Paris, le 11 juillet 1936 avec Alice Ducrot, une vendeuse d’origine populaire et parisienne, rencontrée chez Rodier [18]. De plus en plus, il se met à arpenter stades et tribunes, pour voir le Red Star ou des matchs internationaux à Colombes. Épaté par l’ailier gauche de la Wunderteam (un dénommé Vogel) plus que par le fameux Sindelaar, faute d’un œil suffisamment avisé, lors d’un France-Autriche (24 janvier 1937), il reste ébahi devant le talent du jeune inter, encore, Stanley Matthews, lors d’un France-Angleterre (26 mai 1938). Outre un match en nocturne à Buffalo, un marqueur dans sa perception de la spectacularisation du football, il assiste en juin 1938 au 8e de finale de la Coupe du monde entre la Suisse et l’équipe de l’Allemagne nazie.

2) En guerre, 1re mi-temps : Laval, Spincourt, Saint-Ouen

À l’expiration de son sursis étudiant, la vie militaire s’impose à François Thébaud en 1939. Mobilisé à Brest, il est emmené au dépôt de la Marine, mais suite à une erreur du bureau de recrutement, il intègre le 117e RI de Laval et sa vie de caserne, rythmée par les exercices physiques, dont le football [19]. Au creux de l’hiver, des feuilles de matchs mentionnent la présence de l’élève officier dans l’effectif du Stade lavallois, choyé comme tous les joueurs-militaires par le président Le Basser.

Le 16 septembre 1939, son ordre de mobilisation au 115e RI du Mans en tant que fusiller-voltigeur le mène dans l’Est, à Spincourt, près de Verdun. Sans jamais tirer aucun coup de fusil pendant la campagne de France. Monté défendre Paris en wagon à bestiaux, son régiment est bombardé par une escadrille allemande, semant la panique et favorisant la fuite de François Thébaud et plusieurs de ses amis jusqu’aux bords de la Loire puis à Bordeaux. Troquant son maillot cycliste Run-Dunlop récupéré sur un épouvantail contre des vêtements civils, il rejoint la ferme du frère d’un de ses copains du « groupuscule communiste » dans lequel il milite.

De retour chez ses beaux-parents à Laval à l’automne 1940, il semble épisodiquement convoqué, durant deux saisons, parmi les équipiers premiers du Stade lavallois, défait en finale de la Coupe de l’Ouest à Nantes par le CA Penhoët (Saint-Nazaire), le dimanche 31 mai 1942 [20].

Correcteur d’imprimerie selon le document de démobilisation daté de janvier 1941, il fait le choix, par philosophie politique révolutionnaire, de redevenir ouvrier. Jusqu’en juillet 1941, il enchaîne les tâches de manœuvre sur les chantiers, au port fluvial de Gennevilliers, comme porteur de pommes aux Halles. Joueur dans l’équipe des Halles, il rejoint celle de Saint-Ouen, dotée d’un meilleur jeu et d’une certaine maturité de la compréhension du football. Il se fait embaucher à l’usine Alstom (aussi orthographié Als-Thom à l’époque) située rue des Bateliers. Déclaré comme ouvrier entre juillet 1941 et novembre 1942, il s’occupe rapidement de la gestion de l’équipe de football [21].

3) En guerre, 2e mi-temps : Rüdersdorf, Boulogne

Du 15 novembre 1942 au 3 septembre 1944, officiellement [22], avec trois autres joueurs de l’équipe sur les huit ouvriers concernés, il fait partie des désignés à l’usine Alstom de Saint-Ouen pour le Service du travail obligatoire (STO), tout en continuant à nourrir l’espoir de la fin de la guerre par la révolution prolétarienne. Divers documents STO et laissez-passer renseignent cette période de la relève en Allemagne pour la séquence hiver 1943-printemps 1944.

Dans le camp de travail de Rüdersdorf à 30 km à l’est de Berlin, il s’échine dans un chantier de ciment chaud, sans que le football disparaisse de son quotidien. Il dispute une sorte de championnat des équipes étrangères des camps de travail, dans lequel figure une équipe française subventionnée par un organisme collaborateur alignant des ex-joueurs professionnels. Responsable d’équipe, il parvient à imposer le nom du FC Audonien, arguant de l’origine géographique des ouvriers, en dépit des réticences face au clair sous-entendu politique de cette référence. Début 1944, la peur le saisit après un match face aux bombardements sur Ostkreuz, à la correspondance du métro.

Après 15 mois passés en Allemagne, il retourne se planquer à Paris. Impossible de revenir dans l’appartement marital, vers la rue Jules Joffrin dans le xviiie arrondissement. Une des amies de sa femme le guide et l’héberge à Boulogne. Elle deviendra sa seconde épouse en 1973, et, comme les autres femmes de François Thébaud (sa mère, sa première compagne), Marie Daoudal jouera un rôle décisif dans sa trajectoire [23].

Printemps 1944, il retourne travailler à Alstom, escomptant faire un papier sur un autre manœuvre, l’ancien champion olympique El Ouafi [24]. Via un de ses amis du football, il trouve du travail dans le bâtiment (entreprise Marie), à déblayer les mines du Crédit lyonnais à Saint-Ouen.

4) Une vie en rouge. Où situer François Thébaud sur le terrain politique ?

À la lecture des archives, l’incertitude plane sur les formes de son engagement partisan. Sa brève prise de carte aux étudiants socialistes, attestée vers fin 1932-début 1933, est passée sous silence quand il s’exerce au récit autobiographique. Revendiqué, son passage aux JC en 1934-1935, s’il ne laisse guère de traces dans les archives internes du Parti communiste (PC), est corroboré par plusieurs sources.

Plus floue, la date de sa rupture avec la culture communiste n’est pas sans intérêt pour saisir la façon dont il se pense en politique. Assurément, le pacte Laval-Staline en mai 1935 le détourne du modèle communiste et le repousse hors des militances partisanes stricto sensu. Peut-être rétrospectivement, puisqu’il continue à publier dans L’Humanité au second semestre 1935 [25]. Durant la séquence unitaire du Front populaire (1934-1937), il fréquente, à l’échelle locale des quartiers populaires de Saint-Ouen, toute une série de structures imprégnées par la subculture rouge (CGT, FSGT, presse militante, sociabilités locales, expressions d’une politisation communiste indéniable), particulièrement dans le cadre de ses activités sportives [26].

Toutefois, un faisceau d’indices, déposés sur la rétine de l’historien au fil du visionnage des passages imposants sur les années 1930 et 1940 (connotations des mots utilisés, références et grilles de lecture convoquées, interconnaissances repérées), peut laisser croire à une identification à la mouvance trotskiste dans la seconde moitié des années 1930, voire dans les années 1940. Électron libre dans sa pensée et ses pratiques, François Thébaud tisse des liens personnels et professionnels, non dénués forcément d’affinités politiques plus ou moins marquées, avec des figures militantes du milieu communiste, qui perdurent de 1934 à 1976. Autant de choses complexes à interpréter.

Deux courriers classés dans la boîte 18 invitent à revisiter la façon de le catégoriser en politique, si tant est que cela soit possible [27], et à questionner les bornes de ses engagements militants. Philippe Robrieux lui écrit ainsi le 17 juin 1990 [28] : « Je crois que tu devrais figurer dans le dictionnaire biographique du mouvement ouvrier de Jean Maitron. J’en ai parlé à un des membres du dico, il s’est montré très intéressé et serait heureux que tu lui adresses un projet de notice, où tu pourras raconter la chose depuis tes débuts dans le mouvement en 1934 si j’ai bien compris. » Une missive adressée au sociologue Pierre Bourdieu, le 20 février 1996, indique quant à elle : « N’imaginez pas que ma référence à Engels est la marque d’un militantisme (PC, LO ou LCR) que je ne pratique plus depuis 1938 (le mot “pas” est rayé à la main et remplacé par “plus”), même si je continue à beaucoup fréquenter Marx et son ami. »

III. De l’autre côté du Miroir : devenir François Thébaud (1944-1976)

Mises bout à bout et confrontées à ses mémoires, les pièces de la boîte 23 du fonds François Thébaud (cartes de presse, dossier de retraite, feuilles d’embauche) retracent l’itinérance d’une vie professionnelle avant 1958 [29] entre insécurité économique et liberté de ton.

1) De Sport libre à Ce Soir (1944-1950)

Titulaire de la carte de presse no 1 068, son début de carrière de rédacteur remonte au 1er novembre 1944 à Sport libre (jusqu’en mars 1945). L’épuration stricte du milieu de la presse facilite l’entrée de nouveaux profils d’autodidactes, même dépourvus de passé résistant. Faute de papier, et non de papiers, le journal cesse de paraître après quelques numéros. Suffisamment légitime dans ce milieu, François Thébaud bénéficie d’un ordre de mission signé du Gouvernement provisoire de la République française (GPRF) pour assister au France-Luxembourg du 27 mai 1945.

Par l’entremise d’un ami politique et sportif, Xam [30], il entre à Ce Soir (juillet 1945-octobre 1950), le grand quotidien communiste fondé en 1937 par Louis Aragon. Dessinateur de presse mordant, réduit à travailler dans un garage durant l’Occupation, ce grand amateur de football est parfois aligné aux côtés de François Thébaud au sein d’une équipe de militants du mouvement ouvrier du xviiie arrondissement. Les deux hommes se revoient peu de temps avant la Libération. Fin août-début septembre 1944, Xam lit au soleil sur le stade de la porte de Saint-Ouen, quand un infirmier de l’hôpital Bichat le repère et le prend pour un « collabo ». Sourd, il se fait alors frapper, insulter, avant d’être conduit dans un lieu d’enfermement par des militaires des Forces françaises de l’intérieur (FFI). Destinataire d’un mot griffonné à la va-vite sur une page de livre arrachée, François Thébaud se met en tête de rechercher Xam. Retrouvé, il est libéré sur intervention de Bensan [31], administrateur des éditions du PC, instigateur de ce journal sportif illustré participant d’une stratégie plus large d’implantation du parti dans le monde du sport. Lors d’une discussion à bâtons rompus, Xam glisse le nom de François Thébaud pour venir renforcer une rubrique football jugée faiblarde. Débute alors une collaboration au long cours avec Georges Pagnoud, passé par Les Jeunes (édité par la Fédération gymnique et sportive des Patronages de France, FGSPF) et L’Écho des sports.

En parallèle, les contributions de François Thébaud à Sports s’échelonnent entre mars 1946 [32] et septembre 1948. Dans cette rédaction, 12 ans avant Miroir du football, il côtoie pour la première fois Maurice Vidal [33].

Un nouvel épisode de rupture politique l’amène à cesser d’écrire dans Ce Soir. Comptant pour les éliminatoires de la Coupe du monde 1950, le match d’appui Yougoslavie-France se dispute à Florence le 11 décembre 1949 et le journaliste, sommé de s’expliquer sur ses analyses louant les qualités individuelles et collectives de la redoutable formation yougoslave, se voit interdire de couvrir la rencontre. Après intervention de Renaud de Jouvenel, directeur du Chant du Monde, maison de disques associée à l’univers communiste, le rédacteur en chef lui intime de ne pas aller « chez Tito ». Si le journal se garde d’aller sur ce terrain, la valeur des adversaires des Bleus, encore qualifiés à la 83e minute, mais finalement éliminés 3-2 en prolongations [34], ne se dément pas sportivement.

Politiquement, les conséquences de la crise titiste qui s’invite dans les pages de la rubrique football s’étalent sur toute l’année 1950 pour François Thébaud. En attendant d’empocher des indemnités à hauteur de trois ans d’ancienneté, il se met en retrait, sur les conseils de Portier, chef de rubrique, militant PCF et secrétaire du syndicat CGT des journalistes. Dans une forme de provocation à la limite de l’impertinence, il écrit sur autre chose que le football, des textes transmis par câbles sous le pseudonyme John Parker, envoyé spécial ou correspondant sur place. Après la saison de ski alpin en Suisse-Autriche, il s’attaque à la boxe outre-Atlantique, à partir de mars 1950, jusqu’à un ultime papier bidon à la façon de la Série noire, le 15 septembre 1950, pour relater le match Laurent Dauthuille vs Jack La Motta [35].

2) Miroir-Sprint, une étape décisive

François Thébaud ne reste pas longtemps désœuvré. Sa première entrée à Miroir-Sprint (1951-1952) le lie aux Éditions J pour une longue période (1951-1976). Centrée sur les sports vendeurs, cyclisme et boxe [36], cette rédaction [37], sans expert du football, lui laisse le loisir de jeter les bases théoriques de sa réflexion sur le jeu, marque de fabrique aussi reconnaissable que sa manière d’écrire. Misant sur la qualité de ses journalistes spécialisés (Georges Pagnoud, Pierre Chany, Albert Baker d’Isy, Martinetti, Jacques Marchand [38]), Miroir-Sprint aspire à concurrencer L’Équipe de Gaston Meyer [39], ancien de l’athlétisme à L’Auto. Accéléré par ce contexte, l’apprentissage final de François Thébaud passe par sa couverture internationale, qui revêt une forme d’exclusivité : matchs de sélection, championnats étrangers [40], vedettes françaises (dont Ben Barek).

Au début des années 1950, sa participation épisodique au quotidien Libération est émaillée de conflits avec les institutions du football, dont la 3FA et Emmanuel Gambardella [41].

3) Le premier Miroir, des numéros très spéciaux

Après avoir tanné Maurice Vidal et « agité 36 fois l’idée en l’air », François Thébaud, sans logistique supplémentaire, concocte un numéro spécial pour Miroir-Sprint exclusivement axé sur le football. Convaincu de la viabilité du modèle par la prépondérance nouvelle du football, il obtient de couvrir le Championnat d’Amérique du Sud en avril 1958 à Buenos Aires. Au retour, il s’arrête à Rio de Janeiro voir des matchs, support du numéro spécial, ô combien décisif, salué du prix Martini en 1959. Il y découvre un football dont on ne connaissait pas les formes et se débrouille pour les photographies. Le but est atteint : montrer les joueurs et dire le foot.

D’octobre 1958 à 1960, huit suppléments ouvrent la voie à un mensuel – bimensuel à compter de l’été 1971. La collection intégrale de Miroir du football, comme les archives bretonnes de François Thébaud, regorgent des idées neuves intrinsèquement liées au magazine : disséquer l’histoire tactique du football et ses usages (des schémas de jeu au hors-jeu) ; faire campagne pour la défense en ligne (dans une conception globale du jeu offensif) ; transmettre les gestes techniques fondamentaux, dont la passe courte et le centre en retrait (y compris au moyen de schémas à visée pédagogique) ; assimiler le jeu en mouvement à une forme d’art du ballet, relevant d’une culture populaire à légitimer ; lutter contre l’influence de l’argent ; remettre le travail au cœur des analyses (exploitations, conditions de travail et contrats des joueurs) ; défendre le plaisir du jeu, du « beau jeu », face à la culture du résultat… Les éditoriaux ou la rubrique « Reprise de volée » synthétisent ce regard critique sur le football, qui doit tellement aux avis de Pierre Lameignère, originaire de Bretagne comme Francis Le Goulven [42].

Reprenant le leitmotiv de Miroir-Sprint, faire un maximum de matchs en images, François Thébaud cultive une singularité à Miroir du football – et un de ses attraits –, l’extrême modernité de l’usage des photographies : une, grands formats, en couleur, caricatures ou dessins reprenant en partie les codes d’autres genres graphiques [43]. À l’ère prétélévisuelle, ce style rend les exemplaires reconnaissables au premier coup d’œil. L’héroïsation des acteurs se combine avec la puissance d’un imaginaire décuplé pour le football de l’ailleurs, inconnu du lecteur en dehors de ces pages (à rebours d’un football contemporain saturé d’images et de datas). Ce travail de sélection et de mise en forme, objet de discussions en comité de rédaction, est piloté par François Thébaud [44], journaliste à la plume acérée qui se révèle un génial photoreporter. La boîte 8 conserve des centaines de photographies originales (portraits, photographies d’équipe, clichés d’actions saisies en mouvement, en palette zoom ou en plans larges, donnant vie et corps au jeu et aux joueurs [45]), pas toutes publiées dans Miroir du football, sur l’Amérique du Sud, la France, l’Angleterre, la Suisse, l’équipe de France et d’autres « grandes équipes [46] ».

De façon récurrente, les premières années du journal égrènent des noms de joueurs et entraîneurs épris de liberté, véritables totems du petit jeu, du jeu construit : Kopa, Van Himst, Verbiest, Pibarot [47], Sinibaldi, Stein… L’accès direct aux joueurs participe d’une autre façon de faire du journalisme. Sa relation spéciale avec Pelé, jusqu’en 1977 où il titre « Même le ciel pleure », son article consacré au dernier match Santos-Cosmos, en fait l’incarnation des années Miroir [48]. Dès sa révélation brésilienne, il érige les innovations techniques, comme le une-deux qui saisit le public français lors des tournées de Santos, en langage premier du football. Une admiration qui occulte une analyse lucide des ambiguïtés de Pelé face au régime dictatorial, au même titre qu’il ne saisit pas, sur le moment, les enjeux économiques de l’émergence de Joao Havelange à la Fédération internationale de football association (FIFA). Proposant à ses lecteurs un autre genre de football (hongrois, sud-américain), dans une période aux rares confrontations avec celui dominant des Européens, François Thébaud cherche une autre optique du sport où le jeu l’emporte sur le résultat. Il y voit la primauté du collectif et ses valeurs, à contre-courant des analyses stéréotypées sur le football des Brésiliens, assignés à leurs qualités « naturelles » et attribuant leurs succès à une forme innée de supériorité physique ou à la souplesse de leurs chevilles, pour mieux nier leur créativité artistique et leur faculté à dribbler.

3) Les années Miroir et la Bretagne

À chaud, en 1982, François Thébaud a livré sa version de la fabrique de Miroir du football [49]. Ses archives bretonnes, dont des éléments de comptabilité (tirages [50]), en éclairent certains aspects qui mériteraient d’être croisés avec d’autres sources, à l’instar de lettres échangées avec Maurice Vidal sur fond de conflit larvé [51] précipitant la rupture de 1976 [52]. Au détour de ces fonds, il est possible de comprendre comment se tissent le réseau de correspondants [53] ou les liens interpersonnels de ce « journal de copains », représentatifs de ce qui se passe rue des Pyramides [54].

Si François Thébaud choisit le Stade Léonard pour lancer sa rubrique « Un club parmi 10 000 », il reste taiseux sur ce retour personnel aux sources et se garde de tout tropisme breton [55]. Place forte du paysage footballistique national, l’Ouest n’est pas absent des colonnes du journal, d’autant que les expériences du « beau jeu » semblent un décalque des idées prônées par Miroir du football : le Stade rennais de Jean Prouff, métamorphosé par son passage au Standard de Liège sous l’influence d’Anderlecht ; le FC Nantes de José Arribas, catalyseur d’un mouvement lent de construction d’un jeu de passes ; voire les plus petites structures [56] comme l’AS brestoise, l’US Berné ou l’En Avant de Guingamp. Et bien sûr, le Stade lamballais, autour de Jean-Claude Trotel, dont les éléments [57] sont lecteurs de Miroir du football [58] puis acteurs des réseaux MFP [59].

Le grand basculement de la société bretonne dans les années 1960 se traduit aussi bien sur les terrains politiques et sportifs. Trait d’union de ces mouvements de fond, l’utopie de l’autogestion prend à l’échelle régionale, réalité qui favorise la diffusion de Miroir du football comme du MFP, c’est indéniable. De là à faire penser l’espace breton comme un laboratoire des idées politiques du « beau jeu » au football ? Faute d’éléments sur les expéditeurs dans le relevé breton du courrier des lecteurs, une prosopographie de cette mouvance reste à ce stade impossible. Tout juste faut-il mettre l’accent sur les trajectoires individuelles de plusieurs acteurs à l’échelle régionale, un travail en cours après la collecte des archives privées de Jean-Claude Trotel ou André Hélard [60].

Conclusion

Après sa démission fracassante, la fin de carrière de François Thébaud reprend les chemins discontinus des années 1930 : un contrat à Sports-Magazine (juin-novembre 1976), avant une période de chômage et une ultime expérience à La Tribune de Lausanne (janvier 1977-décembre 1978) auprès de son ami Norbert Eschmann. À la retraite, il vit à Boulogne-Billancourt avant de revenir en Bretagne s’installer à Riec-sur-Belon, continuant à suivre le football et ses mutations avec les yeux du passé passion.

Ainsi, François Thébaud met beaucoup de lui, et de ses idées, dans les pages de Miroir du football, sans jamais se dévoiler réellement. Le recours aux archives Thébaud, en cours de dépôt aux archives départementales du Finistère, et aux longues heures d’entretiens filmés par Claude André, permet de brosser un portrait personnel du fondateur de Miroir du football.

AUTEUR
François Prigent
Agrégé et docteur en histoire contemporaine
Laboratoire VIPS2, Université Rennes 2

ANNEXES

NOTES


[1] Si le dernier numéro paraît factuellement en 1979, l’orientation du magazine change profondément après le départ de son fondateur en 1976. Daté de 1960, le no 1 de Miroir du football prolonge les cahiers spéciaux parus en 1958.
[2] International suisse, victime d’une grave blessure lors du mondial 1962, induisant un transfert avorté à la Fiorentina, joue sous les couleurs du Stade français et de l’Olympique de Marseille.
[3] Dans ses écrits, il ne fait pas cas de ses attaches bretonnes. Partisan d’une lecture au ras du terrain du football, il se refuse à l’exaltation de toute « petite patrie », au même titre que le chauvinisme national le révulse. Dans son analyse du football comme de la société, les processus de domination/révolution se lisent au croisement des échelles locale/internationale.
[4] En septembre 2020, les 17 cartons des papiers et photographies de François Thébaud sont récupérés chez le président de l’AMFT, Jean-Pierre Lemaux, diminué par la maladie (il est décédé en février 2025). Triés, inventoriés et réalimentés, ces documents font l’objet d’un premier dépôt en mai 2024 aux archives départementales, que nous avons dépouillé en août 2024. Ce fonds se compose de la collection de Miroir du football, de la quasi intégralité des écrits et photographies de François Thébaud, ainsi que d’une partie de la correspondance du journal et de documents professionnels, familiaux et personnels.
[5] « Citoyen du siècle, un titre que je ne peux revendiquer puisque je suis né au début xxe siècle en 1914 et que ma nationalité m’autorise à porter le nom de naissance et la nationalité du père qui m’a reconnu légalement comme son fils. » Arch. FT, boîte 18, lettre du 21 mars 1991 à Bui Tin, évoquant son voyage au Vietnam sur les traces de son histoire familiale, où il se définit comme internationaliste.
[6] Arch. FT, boîte 23. Parallèles & Alternatives.
[7] Pierre Thébaud (1900-1970), employé de banque puis expert-comptable chez Valentine en 1930, décède à Saint-Georges d’Oléron. Né en 1902, Paul Thébaud est agent de police puis représentant de commerce. Quant à Aline Thébaud (1906-1976), elle se marie avec Léost, rédacteur principal des PTT à Brest en 1920, le propre frère de la femme de Pierre Thébaud.
[8] Il n’obtient guère d’informations sur ses grands-parents Nguyen Van Ben et Thi-Moi.
[9] L’Étoile sportive de Carantec voit le jour en 1914.
[10] Les voisins morlaisiens et briochins brillent dans les compétitions universitaires nationales à l’époque.
[11] Outre Le Bivic (En Avant) dans les bois, Xavier Trellu, fondateur de la Légion Saint-Pierre à Brest et de la Stella Maris de Douarnenez, parlementaire Mouvement républicain populaire (MRP) du Finistère (1955-1962), dispute ce match.
[12] Arch. FT, boîte 23.
[13] D’autres papiers rapportent des inscriptions à la faculté de lettres jusqu’en octobre 1942.
[14] En raison de son passé de nageur expérimenté.
[15] Un article sur la boxe, « Du bluff au cynisme », est publié le 15 novembre 1934 dans L’Humanité.
[16] Champion de D2 avec le Red Star en 1934 (date de sa sixième et dernière sélection internationale), Jacques Mairesse, né en 1905, président-fondateur du syndicat des joueurs en 1936, fait prisonnier, est tué en se rebellant le 15 juin 1940.
[17] Il figure dans l’équipe de la Fédération française du sport automobile (FFSA) (avec des joueurs d’Europe centrale) qui affronte, à Vincennes ou Ivry, le champion de France FSGT.
[18] Née le 8 septembre 1911, elle décède le 13 décembre 1964 à Garches.
[19] S’il existe plusieurs photographies de lui en uniforme en novembre 1939, son dossier militaire ne fait pas état de son antimilitarisme, à bloc, à en croire plusieurs anecdotes.
[20] Soit peu de temps après les premiers bombardements stratégiques de Saint-Nazaire. Le Stade rennais est disqualifié pour infraction au règlement après avoir aligné Lahogue. En position d’inter, François Thébaud se souvient avoir été muselé à Saint-Servan par un des frères Rabstejneck, futurs pros rennais.
[21] Avec l’appui du président du club et PDG de l’usine de 750 ouvriers, féru de tennis. Il n’intercède pas en sa faveur au moment de son départ pour l’Allemagne, comme il le confesse après-guerre en marge d’un match au Parc des Princes.
[22] Son service STO se termine le 9 mars 1944 au vu d’autres sources.
[23] Personnalité truculente née le 7 juin 1917 à Saint-Yvi, en Cornouaille, elle émigre en région parisienne et travaille comme vendeuse à la Maison Alexandre à Boulogne (1930-1932), dans des magasins de chaussures chez Pillot (1934) et André (1935-1939). La boîte 19 documente le parcours discontinu de cette employée des milieux populaires parisiens après 1940. Sa fille d’un premier mariage épouse un militant communiste et syndicaliste (SNEP), ce qui est intéressant pour saisir la complexité du rapport de François Thébaud aux mondes communistes. De retour dans le pays de Quimperlé, Marie Daoudal meurt le 6 juin 2007, un an avant le journaliste et écrivain.
[24] Ce qui semble vraisemblable à ce stade de nos connaissances.
[25] Au moins trois articles : 9 juin 1935 (sur le Giro), 19 septembre 1935 (sur le football professionnel), 23 octobre 1935 (enquête sur le football FSGT).
[26] Ces réseaux se réactivent ou rendent possibles des contributions dans le monde communiste de la presse.
[27] Le niveau d’intensité des relations sous le mode politique dans le cadre des pratiques sportives, c’est-à-dire partiellement ou potentiellement dépolitisées en tant que forme de loisir, ludique, reste un point difficile à mesurer pour l’historien. Et ce même pour cet homme de gauche, aux valeurs et aux principes bien définis en matière de football, qui évolue dans une sphère à forte inclinaison militante.
[28] Secrétaire général des Unions des étudiants communistes (UEC) en 1959, ce responsable communiste évolue vers le trotskisme, avant de se revendiquer « supporter du président de la République et des socialistes ». Biographe critique de Maurice Thorez et historien controversé du PCF, il signe en 1979 un livre sur les grands goals de l’histoire.
[29] Il adhère à l’Union syndicale des journalistes sportifs de France (USJSF).
[30] Pseudonyme du caricaturiste Paul Charriaud (1901-1993) (https://data.bnf.fr/fr/ark:/12148/cb14943462g). Un courrier mentionnant la récente chute de l’URSS montre qu’il reste en lien avec cet ouvrier du bâtiment. Arch. FT, boîte 18.
[31] En vérité Gaston Bensoussan (https://maitron.fr/spip.php?article151612).
[32] Ils continuent d’échanger et de se voir, à l’image d’une lettre de 1996 pour fêter les 50 ans de Sports avec les anciens du journal encore vivants.
[34] Figure du Stade rennais, Jean Prouff, arborant alors le maillot remois, obtient sa 17e et dernière cape (avec le brassard) lors du match aller le 30 octobre 1949. Idem pour Jean Grumellon. Seul Breton à jouer ce match, « Tatane » Cuissard.
[35] Enthousiasmé par le ton couleur locale du papier, qui donne l’impression d’être au pied du ring, le rédacteur en chef, nargué, se voit opposer la supercherie, ce qui scelle le départ de François Thébaud. Ce Soir, 15 septembre 1950 (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4133353z/f1.item.r=Parker.zoom).
[36] La rédaction est fréquentée par les vedettes du moment en lien avec d’anciens sportifs reconvertis dans le journalisme (Buchanerri, ancien boxeur en relation avec Marcel Cerdan, ou l’inénarrable Jules Ladoumègue).
[37] Dominée par les directives péremptoires du metteur en page, Jacquemain.
[38] Mention retrouvée aussi dans les archives privées Jacques Marchand transmises par sa fille.
[39] Des courriers aigres-doux prolongent les clivages entre les lignes directrices des deux presses : Miroir du football/ L’Équipe ou France football.
[40] S’il apprend le football anglais, sur place, lors de reportages sur West Bromwich, Wolverhampton ou les finales de Cup, incorporant une lecture sociale du phénomène sportif, l’intuition du déclin de ce football en voie d’être dépassé est source de heurts avec un Gabriel Hanot et plus largement l’establishment qui formate le football français.
[41] Une lettre du 29 avril 1953 de son avocat René Sanson expose la stratégie de défense pour le procès en diffamation intenté contre Emmanuel d’Astier de La Vigerie et le journal Libération, après l’article de François Thébaud du 3 janvier 1952 sur l’affaire Vaast (transféré en Suisse en dépit de l’opposition des dirigeants du Racing).
[42] Né en 1936, ce professionnel parisien entre 1955 et 1961 (CAP, Stade français) se lance, encore en exercice, dans Miroir du football, sous le pseudonyme de Paul Kervelec, le nom de sa mère. Sa femme, dont la famille est décimée par l’holocauste, meurt des suites de son accouchement en pleine grève de mai 1968. Il se suicide le 31 décembre 1970.
[43] À l’instar du sens du mouvement des dessins de Pellos, fourmillant de détails. Membre de l’équipe suisse de hockey aux Jeux olympiques d’Amsterdam, René Pellarin reste célèbre pour Les Pieds Nickelés.
[44] Il y a quatre photographes à la rédaction, partagés avec d’autres titres.
[45] À la Maison de la culture de Rennes, Jean-Claude Trotel et André Hélard prolongent ce modèle des analyses des styles de jeu, par des montages d’images lors de la Coupe du monde 1974. Cet axe précurseur du séminaire d’étudiants débouche sur une théorisation du jeu déterminante dans la construction de l’Unité d’enseignement et de recherche en éducation physique et sportive (UEREPS).
[46] Il en va de même pour la boîte 9 (centrée sur Pelé et Kopa) et la boîte 10, compilation de clichés des mondiaux (petite liasse 1938, plus importante pour 1966 et 1974).
[47] L’équipe du journal est réunie autour de lui dans Miroir du football, février 1962, no 26.
[48] Dans ce même registre, une affiche de la Coupe du monde 1974 orne son bureau à la fin de sa vie.
[49] François Thébaud, Le temps du Miroir : une autre idée du football et du journalisme, Paris, Éditions Albatros, 1982.
[50] Le contrat publicitaire annuel avec Adidas, scellé chaque année par un petit match avec Dassler, est rompu après l’occupation de la Fédération française de football (FFF) en mai 1968.
[51] Le 5 janvier 1964 déjà, Jean-Claude Trotel écrit à François Thébaud qu’il fait parvenir « cette lettre au domicile de Pierrot Lameignère car je crains qu’à Miroir-Sprint elle ne soit lue par une secrétaire ». Arch. FT, boîte 11, parmi des courriers relatifs au football suisse, belge et algérien.
[52] Dévoilant le rôle du patron de Pif, Guy de Boysson (https://maitron.fr/spip.php?article17747). Les tensions achoppent sur la lecture de l’épopée des Verts et la réalité d’une forme de chauvinisme et de passion nationale. Les démarches juridiques engagées auprès de Robert Badinter ne freinent pas la restructuration du journal, différent après la démission de François Thébaud.
[53] Précurseur d’une forme de géopolitique du sport, il s’attache à resituer le football dans une histoire politique et sociale plus large, concédant n’avoir qu’effleuré les compétitions féminines. Au fil des rencontres humaines, il intègre des correspondances étrangères : Hans Henningsen (représentant de Puma au Brésil), un député en Uruguay, un employé Air France à Buenos Aires, etc. En Europe, il se passe de relais direct, y compris dans le bloc de l’Est (en dehors de Frantizek, pseudonyme de Madjoub Faouzi, étudiant à Prague).
[54] Bien des débats ont lieu au sauna gardé par Laruelle, au bistrot ou au bord du terrain après un 6 contre 6 en semaine, ou avec la sacrée équipe Bretonneau mêlant journalistes et anciens pros, dont Paul Bersoulé.
[55] Les stéréotypes bretons imprègnent en miroir les articles relatifs à Armand Penverne (méritant)/Alex Thépot (entêté), quand le portrait de Jean Nicolas (septembre 1960, no 9) de la ligne mitrailleuse de Rouen, est d’autant mieux renseigné qu’il est originaire de Roscoff et entraîne après-guerre le SLK, Guilers ou Lesneven.
[56] Reportage à travers la Ligue de l’Ouest, de Rennes à Brest via Quimper. Miroir du football, avril 1963, no 41.
[57] Au retour d’un Anderlecht-Real, une frange du noyau enseignant revient déçue de l’écart entre la réalité du jeu et les principes inculqués par Miroir du football.
[58] En octobre 1968, le dossier du no 111, « Ça bouge en Bretagne », centré sur le Stade lamballais (double page) et sur les conditions de travail du joueur Lavaud, donne à voir les journalistes (et leurs dames) en immersion et en vacances en août, sur la plage et sous le déluge.
[59] À l’instar du long texte publié par Jean-Claude Trotel dans le no 58.
[60] Après une lettre publiée dans le courrier des lecteurs (no 28), André Hélard (futur secrétaire du MFP), en réponse à un courrier de François Thébaud, se lance dans un premier article, « Vu de mon gradin », paru en mai 1962, dans le no 29. L’entrée de Loïc Bervas au journal emprunte un chemin similaire.

RÉFÉRENCES

Pour citer cet article :
François Prigent, « François Thébaud comme un ballon », dans Miroir du football, Olivier Chovaux et Karen Bretin [dir.], Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne], 29 septembre 2025, n° 21, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html.
Auteur : François Prigent
Droits : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC/credits_contacts.html
ISSN : 1961-9944

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