Entre politique culturelle et mission éducative : l’expérience Novosonic.
Réflexions et premier bilan d’une pratique culturelle et pédagogique.

 

La contribution qui suit pourra paraître au lecteur bien restrictive dans le sujet qu’elle aborde. Loin d’une narration de l’histoire d’un festival encore jeune ou de sa mise en perspective au sein d’une globalité festivalière rassemblant les manifestations du même genre, elle se focalise en effet sur un point particulier, sur l’histoire d’une expérience, d’une expérimentation même qui, à notre connaissance, n’a pas de réel équivalent dans le domaine musical qui nous préoccupe : les musiques actuelles. Point particulier d’un ensemble, notre texte ne s’en rattache pas moins à l’une des problématiques envisagées : le lien qu’entretiennent festivals et politiques culturelles. Nous augmentons ici cette problématique d’une dimension qui nous semble, dans ce cas précis, indissociable de notre réflexion : la dimension pédagogique.

Car il s’agit bien là d’une expérience mêlant à la fois politique culturelle et mission éducative avec l’analyse critique, encore partielle, de la collaboration entamée il y a maintenant quatre années entre une structure d’accueil et une composante d’enseignement toutes deux intégrées et dépendantes d’une seule et même institution : l’université de Bourgogne.

Ce texte constitue le second volet d’une étude dont la première partie[1], très généraliste, s’intéresse, tout en revenant sur les conditions de la création de l’Atheneum, au décryptage d’une programmation centrée sur les musiques dites indépendantes et n’évoque que brièvement ce qui constitue le point central de cette deuxième étude[2].

Né il y a huit ans, le festival Novosonic se déroule traditionnellement lors du dernier week-end du mois d’octobre. Festival de taille modeste, dont le budget dépasse à peine les 25 000€, il est une émanation quasi exclusive du centre culturel implanté sur le campus Montmuzard de l’université de Bourgogne, l’Atheneum[3].

 

Le cadre institutionnel : répondre à une demande

Le système institutionnel français, malgré les volontés affichées de décentralisation, d’autonomie, de désengagement du pouvoir central au profit des collectivités locales, n’en reste pas moins assez fortement dépendant des décisions prises au sommet de l’état. Ainsi, dans son discours du 11 juin 2009, prononcé lors de la mise en place de la commission chargée de travailler sur les relations que doivent entretenir culture et université, Valérie Précresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, indiquait :

« À l’évidence, la pratique et la création artistiques doivent y tenir une place de choix. Nombreuses sont les initiatives qui animent déjà nos établissements, mais je suis convaincue qu’elles pourraient être plus riches et plus abouties encore si elles étaient l’occasion pour les étudiants qui s’y consacrent de rencontrer ceux qui se préparent à exercer les métiers de la culture
[4]. »

Ce premier discours, renforcé par la parution récente des 128 propositions faites à la ministre[5], souligne certes l’importance de la mission culturelle qu’ont les établissements d’enseignement supérieur, mais aussi celle d’une mise en situation des étudiants par la pratique culturelle non seulement en qualité de spectateur, mais également en qualité d’acteur.

S’il ne nous appartient pas ici de juger de la pertinence des lignes définies par l’institution politique ou de prendre position, il nous revient en revanche de constater et d’analyser, à travers un exemple concret, la réponse faite à cette demande. C’est à travers l’étude d’un projet qui, de fait, se doit, par son statut même, d’entrer dans le cadre des exigences de cette politique générale définie par l’Etat et/ou les collectivités locales d’une part, et par l’établissement d’enseignement qui l’accueille d’autre part que nous l’envisageons ici.

Car c’est bien de cela dont il s’agit : au-delà de l’histoire d’un festival, de l’étude de sa programmation, ce sont ses liens avec une institution universitaire et, par voie de conséquence, avec la politique non seulement culturelle, mais également éducative de cet établissement, que nous allons mettre ici en lumière.

Festival dépendant d’un lieu (l’Atheneum) qui lui-même dépend d’une institution (l’université de Bourgogne), Novosonic trouve, de fait, dans cette situation particulière sinon unique en France, l’occasion de se distinguer en proposant au public non seulement une programmation exigeante puisque, en puisant dans le circuit des musiques indépendantes, il sort des sentiers battus par les grands festivals, thématiques ou non, que sont, par exemple, les Vieilles Charrues, le Hellfest ou les Eurockéennes[6], mais aussi une expérience originale en invitant régulièrement le département de musicologie de l’université à se produire sur scène dans des conditions professionnelles.

Pour bien comprendre les enjeux mis en œuvre, revenons un peu en arrière.

Les missions et le statut de l’Atheneum :

Sans prétendre refaire l’histoire du lieu[7], rappelons brièvement que l’Atheneum, créé en 1983, d’abord structure associative est devenu, à l’orée du XXIe siècle, un service général de l’université de Bourgogne. Cette mutation, plus encore qu’auparavant peut-être, lie indéfectiblement le centre culturel, bâti sur le campus même, à la politique culturelle définie par l’université. Celle-ci, récemment redessinée dans un document cadre[8], se décline autour de plusieurs axes complémentaires parmi lesquels on trouve :

    • la création artistique
    • la formation et la sensibilisation
    • la diffusion des œuvres, de la culture et de la connaissance scientifique.

Centre de diffusion artistique, c’est tout naturellement que l’Atheneum, structure d’accueil, répond aux diverses exigences de cette politique. Il le fait en répondant point par point aux trois orientations définies par le document cadre.

On le constate, ces trois objectifs demeurent malgré tout assez largement ouverts. Le champ des possibles n’en est que plus important. C’est cette marge de manœuvre qui permit en son temps d’envisager la création du festival Novosonic.

 

Un festival au sein d’une structure universitaire : Novosonic

« L’idée, dans la section musicale de la programmation, était de créer un évènement fort en début de saison lorsque les étudiants arrivent sur le campus universitaire. Cependant, j’ai voulu un évènement risqué et exigeant avec des idées centrales qui symbolisent une université à savoir “être à la pointe” et “recherche”. Construire un festival avec des groupes qui renouvellent la musique actuelle, qui cherchent à aller plus loin, à expérimenter, à trouver des nouvelles voies. La seule contrainte : rester accessible évidemment pour éviter la fracture avec les étudiants (d’où l’orientation pop folk électro)[9]. »

C’est ainsi que Cédric Mousselle, véritable initiateur de Novosonic au sein de l’Atheneum, présente son projet. Le choix du courant choisi répond incontestablement à la mission de diffusion définie par les statuts de l’Atheneum. On comprend aisément qu’une certaine volonté de pouvoir « rester accessible » soit l’une des préoccupations majeures du directeur artistique qui veille à ce que chacune des soirées soit dominée par un groupe jouant le rôle de tête d’affiche. Les soirées proposant trois, voire quatre, prestations permettent ainsi d’entendre des groupes émergeant ou dont la moindre renommée ne permet pas d’envisager une programmation autonome.

De fait, même si Novosonic tend à vouloir aujourd’hui se diversifier, gagner le centre ville et sortir du lieu qui le vit naître, il reste accueilli par des structures de taille modeste. Deux scènes sont au sein de l’Atheneum, susceptibles d’accueillir des prestations : la « grande salle » et le bar. Nous verrons plus loin l’importance de cette distinction.

 

De la politique culturelle à la mission éducative : l’intégration du département de musicologie.

Répondre à la mission de formation : un double enjeu pédagogique.

C’est cette capacité à pouvoir offrir dans la même soirée, derrière une tête d’affiche, des groupes moins connus qui permet également à Novosonic d’offrir à des groupes ou artistes locaux un tremplin non négligeable. C’est cette même capacité et, sans doute, la modestie des salles accueillant le festival, qui ont permis d’envisager la collaboration qui nous préoccupe ici.

Il apparaît que, résultante d’une politique culturelle visant à l’intégration des composantes comme acteurs de la vie culturelle du campus, la collaboration spécifique entamée depuis quatre saisons entre le festival Novosonic et le département de musicologie de l’Université de Bourgogne soit également le résultat d’une volonté pédagogique, éducative, mais aussi de recherches.

Nous ne voulons pas ici faire l’apologie de notre propre travail car ce type d’expérience a déjà été mené au sein de l’Université notamment par Daniel Durney avec les concerts lecture qui durant plusieurs années ont été l’une des manifestations principales initiées par le département de musicologie.

L’intégration de la musicologie dans le cadre d’un festival n’est pas non plus une chose nouvelle en soi : les festivals Why Note, D’Jazz dans la ville ont déjà par le passé (et peut-être dans l’avenir) été des lieux d’accueil non négligeables. L’expérience Novosonic est pourtant rare sinon unique dans le sens où il apparaît que, en France en tout cas, une telle collaboration mettant en avant un répertoire dont l’enseignement, dans les universités françaises, est encore en phase émergeante, les musiques dites actuelles[10], est assez peu courante[11].

Autre évidence, cette collaboration n’a pu être envisagée que parce qu’il se trouve simplement qu’entre Novosonic et le département existe une concomitance entre un champ de recherches en développement (notamment sur les questions de la transmission et de la [ré]interprétation de ce répertoire) et une programmation faisant appel aux courants les plus récents du secteur pop rock, mais dont les sources (historiques) se lisent dans des périodes plus anciennes. C’est cette communauté d’esprit et les premières prestations des étudiants du département touchant au répertoire pop rock[12] qui, sans doute, donnèrent à Cédric Mousselle l’idée de cette collaboration :

« J’avais envie de sortir des collaborations qui existaient déjà entre l’Atheneum et le département de musicologie. […] J’ai pensé qu’inviter les musicologues à un jeu risqué de travailler sur des artistes fondateurs pour la musique d’aujourd’hui rentrait tout d’abord dans leur réflexion à propos de leurs études et proposait un challenge plus motivant pour eux[13]. »

On le comprend, cette intégration du département de musicologie au sein d’un festival professionnel répond à un double enjeu pédagogique :

    • mettre en contact des étudiants avec des professionnels ;
    • donner au public une dimension réflexive par la mise en perspective historique des musiques proposées par la programmation.

Il répond également à un enjeu de recherche puisqu’il permet d’étudier « in vivo » cette question fondamentale de la réappropriation d’un répertoire fortement marqué par l’identité de l’interprète premier par un autre interprète, question dépassant la simple notion de cover ou de reprise[14].

Rendre compte d’une expérience : bilan et perspectives

La dernière partie de cet article peut sembler a priori s’éloigner du sujet central qui nous préoccupe : les festivals et les politiques culturelles. Pourtant, et même si cela peut ressembler à une lapalissade, il n’est guère de politique culturelle qui puisse se dispenser d’une dimension pédagogique. Celle-ci prend toutefois dans le cas présent une dimension singulière puisqu’il s’agit pour nous de lier dimension pédagogique et réflexion théorique à travers une expérience pratique.

2010 a vu les étudiants du département de musicologie se produire pour la quatrième année consécutive sur la scène de Novosonic. Ces quatre années d’expérience, même si elles demeurent insuffisantes pour mesurer l’impact réel de cette collaboration sur le public d’une part, sur les étudiants d’autre part[15], sont en revanche suffisantes pour procéder à un premier bilan à la fois sur les prestations et les choix des répertoires proposés, mais aussi sur une réflexion relative à la question de l’interprétation des musiques actuelles.

La question centrale demeure d’ailleurs celle de la fidélité au texte : devons-nous présenter un clone de ce qui, en musiques actuelles, reste ce qu’Allan Moore appelle le primary text[16], c'est-à-dire l’enregistrement ou bien proposer au public une vision personnelle, s’identifiant avec notre propre sensibilité et donc, subjectivité face au texte ?

La réponse reste ambiguë car plusieurs axes se dessinent. La nostalgie aidant, on voit fleurir depuis plusieurs années une mode des tribute bands reproduisant trait pour trait les concerts ou les enregistrements des groupes ainsi célébrés : Rabeats (Beatles), Musical Box (Genesis) ou Australian Pink Floyd bâtissent ainsi de véritables tournées jouant sur un mimétisme parfois extrêmement surprenant (Musical Box) quand il ne se limite pas au port de costumes (Rabeats). Ces groupes rencontrent un certain succès public auprès de spectateurs qui viennent ainsi vivrent par procuration des moments qu’ils n’ont pu connaître ou bien qu’ils ont vécus et dont ils gardent un souvenir ému[17]. Il ne semble pas pourtant que cette voie, si elle s’avère utile d’un point de vue musicologique pour l’étude d’un style, d’un geste créateur[18], soit artistiquement entièrement satisfaisante[19].

C’est pourtant l’option qui fut choisie lors des deux premières prestations proposées dans Novosonic : celles consacrées au groupe anglais Joy Division d’une part, au groupe français Marquis de Sade d’autre part. Ces deux premières prestations ne connurent cependant qu’une réaction mitigée de la part du public.

À cela deux raisons : la présentation du projet comme un concert du département de musicologie d’une part et donc l’intrusion avérée de l’institution dans un monde où elle n’a a priori rien à faire, engendrant une défiance perceptible de la part du public ; la trop grande proximité avec le modèle : le public venu entendre ces musiques veut-il entendre une copie plus ou moins conforme de l’original ?

Deux raisons qui apparaissent également comme deux champs de réflexion, la seconde pouvant en partie répondre à la première.

La réticence première du public est en définitive une réaction qui semble normale dans le sens où, en institutionnalisant la recherche sur les musiques pop rock, on peut craindre que cette musique ne s’affadisse, perde son caractère de contre culture qui, malgré le poids exercé par les majors et la profusion d’un répertoire uniquement commercial perdure encore.

Directeur de la Péniche, l’une des salles accueillant à Chalon-sur-Saône des concerts de musiques amplifiées, Bruno Alvergnat reconnaît que

« L’introduction récente des musiques actuelles dans l’enseignement spécialisé des conservatoires nous permet à Chalon-sur-Saône de bénéficier de l’expertise technique de professeurs qualifiés qui interviennent en toute complémentarité avec notre pratique de terrain. La crainte de notre secteur étant bien évidemment à terme le risque de voir se formater la création. À nous de rester vigilants ![20]»

Interrogé sur ce même sujet, Robert Llorca, directeur du Conservatoire de Chalon sur Saône, botte en touche et souligne :

« En ce qui concerne plus spécifiquement les musiques actuelles, certains acteurs de secteur craignent qu’elles perdent l’esprit Rock’n’Roll en entrant dans l’institution, c’est un risque en effet et il a toujours existé. Dans les années 70 et 80, le jazz est rentré dans les conservatoires et son esprit s’est trouvé renforcé dans certains, abâtardi dans d’autres. Ce n’est pas une question d’entrée dans l’institution ou de passage par elle mais plutôt de savoir comment chaque conservatoire est orienté : vers la créativité et les projets artistiques ou vers un apprentissage par trop scolaire ? »

Le cœur du problème est bien là : en ne devenant qu’un objet d’étude séparé de l’indispensable pratique, en formatant l’apprentissage selon des règles d’écriture, de structure, de composition, en réduisant la pratique à une reproduction servile de l’objet premier qu’est le disque, les musiques actuelles ne gagneront rien à être institutionnalisées. Cette réflexion, on le voit dans les pages qui viennent, est au cœur de notre propre réflexion et de l’expérience menée avec Novosonic.

Mais revenons à notre sujet qui, on le comprend, répond à cette préoccupation d’un aller-retour permanent entre étude scientifique et pratique effective.

 

Les quatre concerts du département et leur réception publique ou comment aborder concrètement une réflexion sur la question de l’interprétation des musiques actuelles.

Les lignes qui suivent tentent de dresser un bilan de quatre participations. Si elles ne cachent pas les difficultés qui ont pu être rencontrées, elles portent sur ces tentatives un regard critique qui, a aucun moment, ne remet en cause la qualité de la prestation réalisée par les étudiants qui, à chaque fois, ont fait preuve d’un investissement dont nous tenons à les remercier ici. Il apparaît en tout cas que ce qui a pu poser problème n’est pas lié à la prestation stricto sensu, mais bien à une question de méthode.

Dès la première participation, un hommage au groupe anglais Joy Division[21], le choix de la grande salle s’est avéré être une gageure difficile à relever. Les spectateurs de Novosonic n’étaient manifestement pas venus pour cela, attendant la prestation des artistes suivant faisant preuve au mieux d’un enthousiasme poli : malgré quelques bonnes critiques, le projet se heurtait malgré tout à quelques réticences. Le pari engagé par Cédric Mousselle et par moi-même semblait donc trop ambitieux. Une seconde tentative eut lieu l’année suivante. Le groupe choisi, Marquis de Sade[22], encore plus underground que le précédent connut le même succès mitigé. Il fallait donc prendre une décision. La méthode, visiblement, n’était pas la bonne. Peut-être lors du concert Joy Division, une trop grande proximité avec le texte original a-t-elle également nuit à la bonne réception de la prestation. Cette proximité, toujours recherchée lors de la deuxième prestation ne peut en revanche en être la cause : le public semblait ne pas connaître le texte original d’un album sorti en 1979 et resté assez confidentiel.

Avec le Tribute to The Cure[23], une nouvelle étape est franchie : face à la difficulté rencontrée lors des deux premières éditions, décision fut prise de transférer la prestation hors de la grande salle et de revenir à une plus modeste ambition. Le public, manifestement moins contraint – il peut aller et venir, consommer au bar tout en écoutant la musique – fut presque paradoxalement plus réceptif et plus nombreux. La proximité avec le public, le son plus « immédiat » (joué sur amplis directement, seule la voix étant reprise), ont permis une complicité impossible à mettre en œuvre dans la grande salle. Une quatrième programmation put dès lors être envisagée avec une plus grande sérénité.

Dernière prestation à ce jour, le tribute to Syd Barrett[24] poursuit la voie tracée par le concert de l’année précédente : dans le bar, mais avec une approche de l’œuvre de Syd Barrett encore plus personnelle et élaborée avec les étudiants. Cette fois, la réflexion menée sur la réinterprétation des chansons a carrément conduit vers la relecture de certains titres, leur donnant aussi un caractère direct puisque les conditions ne permettaient pas d’envisager de reproduire ce que le disque proposait.

Une fois encore, nous nous garderons bien de nous auto satisfaire et d’émettre un quelconque jugement sur la qualité intrinsèque de la prestation donnée ce soir là. Un simple constat s’impose cependant : comme l’année précédente, en s’écartant de la lettre tout en conservant l’esprit, la réception publique n’en a été que meilleure. Un public qui compte quelques fidèles du festival ayant désormais semble-t-il assimilé que cette présence du département de musicologie n’est en rien une vision guindée d’un répertoire que la réflexion scientifique dénaturerait, mais bien une vision qui, si elle est le support d’une réflexion à la fois scientifique et pédagogique, n’en reste pas moins d’abord musicale[25].

 

Pour conclure

Le lecteur l’aura compris : conclure n’est pas encore possible. Tout au plus, pouvons-nous parler de bilan provisoire. Il est un fait : la réaction du public n’est pas la même entre un concert clairement étiqueté spectacle proposé par le département de musicologie, et ce même département, lorsqu’il se targue de pouvoir proposer une prestation dans le cadre d’un domaine plus réservé d’un festival professionnel.

Pourtant, à l’issue de la quatrième participation, le public semble avoir désormais intégré cette donnée et le « concert hommage » comme l’un des éléments du festival. La proximité et surtout l’ambition limitée par le fait de jouer dans le bar et non dans l’espace scénique réservé aux vrais professionnels concourent sans doute à une écoute plus bienveillante.

Il reste vrai que, plus l’interprétation, dans ce cadre donné, se présente comme une lecture personnelle de l’œuvre à laquelle il est rendu hommage, plus le public semble réceptif. L’avenir sans doute[26], confirmera cette première impression, ce premier bilan. Il enrichit sans doute aucun notre réflexion sur l’interprétation des musiques amplifiées actuelles, sur ses buts et son objet, ses moyens.

Certes nous avons conscience qu’il s’agit là d’une goutte d’eau dans l’histoire du festival : sa motivation première doit bien rester la diffusion d’une musique ne bénéficiant pas forcément des bienfaits des grands réseaux de distribution. Nous restons cependant persuadé qu’en entamant cette collaboration et en la prolongeant malgré les difficultés, l’ambition affichée de répondre non seulement à une ambition culturelle, mais aussi pédagogique, est dans la droite ligne des missions de l’Atheneum, mais aussi d’une structure d’enseignement qui fait le choix d’allier enseignement théorique, réflexion scientifique et mise en situation pratique.

Philippe Gonin
Université de Bourgogne
Centre Georges Chevrier

Brève bibliographie :

  • Luc Benito, Les Festivals en France. Marché, enjeux et alchimie, Paris, L’Harmattan, 2001.
  • Tiphaine Saulais « Transmission des musiques actuelles et amplifiées dans les “lieux classiques” de transmission des savoirs : hérésie ou logique évolution de l’esthétique ? » entretiens avec Bruno Alvergnat et Robert Llorca”, dans Gambettes, revue éditée par Musique et Danse en Bourgogne, n° 28, janvier février mars 2011.
  • http://mshdijon.u-bourgogne.fr/msh%5Fcnrs/UCultures/Revue_1.pdfédition en ligne du premier numéro de U-culture.
  • http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2010/59/4/Rapport_Commission_Culture_Universite_159594.pdf
    Édition en ligne (format pdf) des 128 propositions faites à la ministre de l’enseignement supérieur. Une édition papier est également disponible en librairie chez Armand Colin (collection 128).

Sites internet :


[1] Philippe Gonin, « Novosonic, un festival à part » dans Nicolas Bénard [dir.], Festivals, rave parties, free parties. Histoire des rencontres musicales actuelles, en France et à l'étranger, Rosières-en-Haye, Editions du Camion blanc, 2012.
[2] Le lecteur qui consultera les deux volets de cette étude voudra bien nous pardonner les quelques redites qu’il trouvera ici où là.
[3] Le budget de l’édition 2009 s’élevait à 26 152,75€ réparti comme suit : Atheneum, 18 152,75 € ; Sabotage, 4 500€ ; Le Consortium, 3 500€ (source Atheneum).
[4] Extrait du discours de Valérie Pécresse lors de la mise en place de la Commission Culture et Université, Avignon, le 11 juin 2009.
[5] Voir l’édition en ligne de ces 128 propositions à l’adresse :
http://media.enseignementsup-recherche.gouv.fr/file/2010/59/4/Rapport_Commission_Culture_Universite_159594.pdf. (page consultée le 11 mars 2011).

[6] Ces festivals proposent parfois une programmation off ou bien des scènes de tailles plus modestes accueillant des groupes en devenir ou rassemblant un public moindre que les têtes d’affiche. C’est ainsi que Jaromil, groupe dijonnais s’étant produit plusieurs fois dans Novosonic, a également été programmé aux Eurockéennes.
[7] Le premier numéro de u-culture, revue annuelle de l’université de Bourgogne, revenait déjà longuement sur cet historique, nous renvoyons le lecteur à la version en ligne de la revuehttp://mshdijon.u-bourgogne.fr/msh%5Fcnrs/UCultures/Revue_1.pdf. Nous renvoyons également le lecteur à notre propre article évoqué dans l’introduction de ce texte.
[8] Membre de la commission culture, nous avons pu avoir accès au document de travail. C’est de ce texte que nous tirons les informations données ici.
[9] Cédric Mousselle, courriel à l’auteur du 13 septembre 2010.
[10] Des enseignements existent déjà et des travaux de plus en plus nombreux ont déjà été réalisés. Mais il faut tout de même constater que, depuis plusieurs décennies, les recherches centrées sur les musiques actuelles ont été en France surtout le fait des sociologues. La bibliographie concernant l’étude et l’analyse musicologique des popular music (terme que nous préférons à celui de musiques actuelles) reste encore fortement dominée par la recherche anglo saxonne.
[11] C’est un fait : les musiques actuelles restent encore l’apanage des conservatoires et écoles de musique, assez peu des universités et plus encore lorsqu’il s’agit de pratique.
[12] La première remonte à mai 2004. Au programme de la soirée – intégrée dans le cadre du festival des musicopathes, initié par l’association des étudiants en musicologie – un hommage à Pink Floyd reprenant l’intégralité de l’album Animals et quelques extraits de The Wall et Dark Side of The Moon. Trois des musiciens présents sur scène ce soir là (Vincent Valenti, Romuald Dero, Cédric Poyet), tous étudiants du département, officiaient dans un groupe de metal prog dénommé Prophecy. Leur interprétation donna une couleur particulière à l’interprétation des pièces floydiennes tout en restant fidèle à « l’esprit » - notion qu’il serait trop long de tenter de définir ici – du groupe original. Ce coup d’envoi donne désormais lieu à un concert annuel réunissant chœur, orchestre et divers musiciens. Le répertoire interprété va de Magma à Supertramp en passant par Queen ou Jannick Top, bassiste de renommée internationale qui vint se produire en 2009 sur la scène de l’Atheneum avec les étudiants.
[13] Cédric Mousselle, courriel à l’auteur du 13 septembre 2010.
[14] Nous y revenons plus avant dans cet article.
[15] Et, en particulier, sur l’image que renvoie le département du fait même de cette collaboration.
[16] Allan F. Moore, Rock : The Primary Text. Developing a musicology of rock, Aldershot, Ashgate, 2001 (second edition)
[17] Une véritable étude sur l’impact de ce type de prestation ne semble pas avoir encore été réalisée et serait d’ailleurs à faire.
[18] Nous ne reviendrons pas ici sur la question cruciale à nos yeux du geste écriture.
[19] La question de la réinterprétation des musiques actuelles est complexe et ne saurait trouver une réponse unique. Elle peut varier suivant les styles, les genres et… les interprètes. Lorsque Ray Charles reprend les Beatles ou Charles Aznavour, il ne peut s’agir d’imitation : le Genius se doit d’imprimer sa marque, son identité sonore, quand bien même chante-t-il un répertoire fortement marqué par la personnalité première et créatrice de l’œuvre. Mais le degré de transformation possible, en dehors de la question du droit d’auteur – dont il faut également tenir compte – dépend aussi du degré d’écriture préalable. Il serait ainsi inconcevable de modifier quoi que ce soit dans les parties de chœur ou de cuivres d’Atom Heart Mother des Pink Floyd, extrêmement précises et écrites (elles sont l’œuvre de Ron Geesin) tandis que le chorus de guitare de la section intitulé « funky dung » se prête à une relecture liée au geste du guitariste l’interprétant : nul ne peut prétendre être David Gilmour quand bien même le mimétisme gestuel serait proche de la perfection.
[20] « Transmission des musiques actuelles et amplifiées dans les “lieux classiques” de transmission des savoirs : hérésie ou logique évolution de l’esthétique ? » entretiens avec Bruno Alvergnat et Robert Llorca, propos recueillis par Tiphaine Saulais in Gambettes revue éditée par Musique et Danse en Bourgogne, n° 28, janvier-férvrier-mars 2011. Émanation de Musique et Danse en Bourgogne, on peut toutefois regretter que cet article s’en tienne uniquement aux institutions dépendant du ministère de la culture et n’évoque pas les expériences identiques menées à l’Université.
[21] Le concert reprenait des extraits des deux albums studio du groupe Unknown Pleasures et Closer respectivement parus sur le label Factory en 1979 et 1980.
[22] Prestation entièrement consacrée au premier album, intitulé Dantzig Twist (Pathé Marconi, EMI, 1979).
[23] Extraits des albums Three Imaginary Boys, Boys Don’t Cry et Seventeen Seconds (Fiction Records, 1979 et 1980).
[24] Extraits des deux albums post pink floyd de Syd Barrett (The Madcap Laughs et Barrett, Harvest, 1970) et de quelques titres des singles et du premier album du Floyd, The Piper at The Gate of The Dawn (EMI, 1967).
[25] Le lecteur peut, s’il le désire, juger de cette prestation en se rendant à l’adresse suivante : www.myspace.com/philippegonin, deux vidéos d’une reprise de ce concert y sont visibles de même que deux extraits audio du concert Marquis de Sade d’une part (« Smile ») et The Cure d’autre part (« Subway Song »).
[26] Il est prévu, pour l’édition 2011, de rendre hommage au répertoire sixties de Serge Gainsbourg et d’en proposer une lecture très rock.

Pour citer cet article :
Philippe Gonin, « Entre politique culturelle et mission éducative : l'expérience Novosonic. Réflexions et premier bilan d'une pratique culturelle pédagogique » in Festivals et sociétés en Europe XIXe-XXIe siècles, sous la direction de Philippe Poirrier, Territoires contemporains, nouvelle série - 3 - mis en ligne le 25 janvier 2012.
URL : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/publications/Festivals_societes/P_Gonin.html
Auteur : Philippe Gonin
Droits : © Tous droits réservés - Ce texte ne doit pas être reproduit (sauf pour usage strictement privé), traduit ou diffusé. Le principe de la courte citation doit être respecté.
ISSN : 1961-9944

 



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