Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin"
UMR 7366 CNRS-uB
Territoires contemporains


Espaces, territoires et identités : jeux d’acteurs et manières d’habiter
Des regards « objectivés » et « subjectivés » : l’opposition nous/autres et la spatialisation du conflit du nucléaire en Meuse (France)
Eleonora Garzia
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RÉSUMÉ
L’opposition à Bure s’enracine dans un « lieu réel ». Cet espace commun, à la fois « imaginé » et « concret », permet l’unité des enjeux du conflit : c’est l’espace, le territoire circonscrit par les militants qui parle, qui marque les « régions morales » et les regards « objectivés » et « subjectivés » sur l’autre, l’adversaire. Un élément très important pour la construction symbolique de la controverse et du conflit est la mise en avant d’un « adversaire », d’une « menace extérieure » qui renforce la solidarité entre les individus, tout en construisant une identité collective. Un mouvement s’organise au moment où il y a la possibilité pour lui de « nommer » son adversaire. Les opposants conflictualisent l’action en définissant leur « adversaire social ». À Bure, la contraposition est nette : une antinomie constante entre « nous, les opposants au centre d’enfouissement » et « les autres, le lobby nucléaire ».

MOTS-CLÉS
Mots-clés : nucléaire ; conflit ; identité collective ; spatialisation
Index géographique : Bure ; Meuse ; France
Index historique : xxie siècle
SOMMAIRE
Introduction
I. L’espace du conflit
1) La défense du territoire comme raison constitutive de la mobilisation
2) Territoire, mobilisation, identité
3) Communauté de vie, vie de communauté
II. L’opposition « nous/autres »
Conclusion

TEXTE

Introduction

En France, dans la zone rurale de la commune de Bure en Meuse, l’entrée en fonctionnement d’un Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) est prévue en 2035. Lancé il y a trente ans, Cigéo est le projet français de stockage des déchets hautement radioactifs à durée de vie longue (HA-VL) et moyennement radioactifs à durée de vie longue (MA-VL), lesquels proviennent des installations nucléaires actuellement en fonctionnement en France. L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) est en train de construire des installations souterraines, à environ 500 mètres de profondeur, qui accueilleront les colis de déchets. Dès le début (fin des années 1990) et durant une dizaine d’années, la contestation du projet s’est caractérisée par des manifestations et des rassemblements de militants antinucléaires français et étrangers qui se réunissent sur le site une fois par an. En 2004, lors de l’achat, dans le centre du village de Bure, d’une ferme qui sera ensuite baptisée « La Maison de Résistance », des opposants au projet commencent à s’implanter sur le territoire ; mais ce n’est que pendant le camp anti-autoritaire et anti-capitaliste en 2015 et avec la première occupation en 2016 du bois Lejuc, situé à quelques kilomètres de Bure, que la contestation se radicalise. C’est à Bure que se déploie « la bataille du nucléaire » [1] ; ce qui n’est encore qu’un projet transforme la controverse en un véritable conflit.

Cet article se focalise sur l’opposition au centre de stockage des déchets nucléaires : un conflit qui émerge dans « l’espace public » de Bure. Les conditions subjectives et les vécus des acteurs seront interrogés à partir d’une analyse qualitative conduite sur le terrain. Deux techniques de recherche ont été adoptées telles que les entretiens individuels et collectifs et la participation observante [2]. L’entretien permet d’avoir accès aux opinions des individus, à leur expérience vécue, au sens qu’ils donnent à leurs actions. Il permet de rendre compte des systèmes de représentation et des pratiques sociales. La participation observante constitue une technique particulièrement appropriée à la collecte des données et matériaux, ainsi qu’à la connaissance plus approfondie du terrain par l’enquêteur et de ce dernier par les enquêtés. Entreprendre une participation observante implique la « sortie » du chercheur de son rôle de « simple » observateur et de participer de différentes manières au quotidien des enquêtés. De plus, l’étude de terrain a été accompagnée par l’analyse des documents récoltés en amont et pendant l’enquête : textes écrits, images, vidéos et émissions radio.

I. L’espace du conflit

1) La défense du territoire comme raison constitutive de la mobilisation

Pour que le conflit puisse avoir lieu, il faut qu’il y ait un espace commun dans lequel les acteurs puissent entrer en relation. Cet espace commun permet l’unité des enjeux du conflit : les acteurs en lutte, qui s’opposent pour avoir le contrôle sur les mêmes ressources et sur les mêmes valeurs, reconnaissent leur rôle et leur autonomie à l’intérieur de ce champ d’action. À travers une stratégie d’implantation locale au sein du territoire de la commune de Bure et ses alentours, à partir des années 2000 et à la suite du démarrage des travaux pour la construction du laboratoire, la contestation s’enracine progressivement dans un lieu « réel » et devient ainsi un « fait sociologique qui prend une forme spatiale » [3]. En partant des travaux pionniers d’Henri Lefebvre [4], les théories et les analyses contemporaines [5] renouvèlent l’importance de la portée de l’espace dans la compréhension de la société et des phénomènes sociaux. L’espace devient une construction sociale et, tout à la fois, explication du social. L’espace qui accueille l’opposition à « la poubelle nucléaire » est le village de Bure et les petites communes qui l’entourent (Saudron, Ribeaucourt et Mandres-en-Barrois). La défense de ce même territoire de l’emprise de l’industrie nucléaire devient une des raisons constitutives de la mobilisation – à la fois le support du conflit et son enjeu. Un nouveau territoire se concrétise, un « territoire en lutte ». Ainsi un opposant s’exprime : « La lutte locale, pour nous, c’est extrêmement important, pour ancrer notre présence ici, dans un rapport de construction collective avec la lutte locale, avec les gens qui portent la lutte contre le projet d’enfouissement sur place depuis des années » [6]. Les opposants s’installent à Bure pour vivre le territoire, ils le pratiquent en instaurant une relation avec celui-ci. Sur le territoire, dans la vie quotidienne, les militants font pousser des légumes, entretiennent des potagers et des jardins, cultivent la terre, construisent des ateliers et fabriquent des barricades et des cabanes dans les arbres, réalisent des vigies de contrôle, etc. Ils donnent une forte importance à la centralité du territoire : à travers différentes conditions et dispositions, les opposants développent et structurent la relation à celui-ci. Le territoire ne devient pas un espace neutre, mais le produit de l’interaction entre l’espace et les individus, lesquels le modèlent au sens matériel et symbolique.

Le conflit se présente comme une abstraction vécue qui circonscrit l’espace et encourage les acteurs à se réapproprier le territoire, qui devient également un lieu concret de confrontations. Le conflit se matérialise ainsi dans l’espace ; un nouveau territoire, circonscrit par les militants, se concrétise : ils s’installent à la Maison de Résistance et ils occupent le bois Lejuc. Les opposants délimitent l’espace : ils placent, à l’entrée et à la sortie du village de Bure, sur les murs de la Maison, face au chantier de l’ANDRA, des panneaux qui annoncent les motifs de leur mobilisation. Dans le bois Lejuc des militants « protègent » le bois, des vigies bloquent l’entrée à la forêt et des cabanes éparpillées dans le bois et élevées dans les arbres marquent l’espace à défendre. Délimiter et occuper l’espace sont des actions destinées à surveiller le territoire. Le territoire apparaît en tant que contexte indissociable de plusieurs moments forts de la lutte : « La terre est à nous ! » [7]. Une sorte de complicité, de rapport affectif, entre l’individu et la terre se mobilise. Cette complicité peut se configurer en tant que territorialité [8] : une territorialité réelle et imaginaire qui crée le lien spatial et le lien entre les individus, lesquels ont cette complicité en commun. « Ici, on défend la terre nourricière contre le béton. Une fois que c’est bétonné, c’est fini, on ne peut plus revenir en arrière. Tant que la terre reste de la terre, il y a un espoir. Si le projet Cigéo aboutissait, des centaines d’hectares de terres agricoles disparaîtraient et les derniers céréaliers seraient eux-mêmes condamnés : qui voudrait acheter un grain susceptible d’être empoisonné ? Le territoire risque de se transformer en désert » [9].

2) Territoire, mobilisation, identité

Le territoire est le contexte spatial et temporel dans lequel les protagonistes du conflit agissent en tant que sujets individuels et collectifs. Considéré dans son aspect social, le territoire est la sphère spatiale des relations sociales où se réalise la vie des personnes, comprise à la fois comme une reproduction de leur être et de leurs capacités et comme une sphère d’activation des liens privés et publics des individus ainsi que des groupes. Parfois l’identification avec le territoire où on habite, qu’on vit, qu’on défend, peut se montrer en tant que support d’identité. Dans les subjectivités militantes [10], le rapport « territoire-mobilisation-identité » est particulièrement présent, il s’instaure au lieu du lien d’appartenance pour en faire une source stratégique et « mobilisante » qui est utilisée à la fois contre l’adversaire et pour la réalisation de soi-même. Ce n’est pas à travers l’appartenance que le territoire devient lieu de vie, d’action et de pensée (espace de vie) mais bien à travers le conflit. Les opposants à Bure se reconnaissent en tant que partie intégrante de ce territoire et par l’intermédiaire du territoire (espace vécu). Ils attribuent un sens au territoire et ainsi se dotent eux-mêmes de sens. À cet égard, un processus identificatoire et identitaire s’engendre : le territoire social devient un produit de l’imagination et un produit des relations sociales [11]. Á Bure, l’identité se produit donc à partir d’un choix : non par le fait d’appartenir au territoire, mais parce qu’on choisit de l’habiter et de le défendre. L’identité est une construction « imaginaire » et symbolique. Il en découle un « sens d’appartenance » qui est perçu comme construction de l’action. Il s’agit de la formation d’une identité « en action » : « Bure nous enseigne que défendre la terre, prendre soin de l’environnement, du territoire, des champs, des forêts et, par conséquent, rejeter toute force destructrice et contaminante est le seul moyen de se sentir vivant. À Bure, la passivité et l’oppression sont vaincues par l’action » [12].

3) Communauté de vie, vie de communauté

Du refus du projet on passe à la défense du territoire et à sa réévaluation : vivre le territoire, ou simplement, être présent sur le territoire, représente la première étape vers l’identification à celui-ci. Le territoire participe à construire l’identité du groupe et à consolider le sentiment d’appartenance au sens symbolique et matériel [13]. C’est une « identité de communauté » qui se produit. Une identité de communauté qui n’est pas liée au sentiment d’appartenance spatiale des membres, mais plutôt à travers la conviction de faire partie d’un groupe avec un objectif partagé et une finalité commune.

Les travaux de G.-A. Hillery [14], où sont analysées 94 définitions de la notion de communauté, soulignent qu’aucune d’entre elles ne nie le fait que le territoire est l’un des éléments constitutifs de la communauté. Sur cette base, Hillery pense pouvoir construire, à partir de la réalité, un modèle représentatif des communautés urbaines et rurales. Il sélectionne un certain nombre d’études sur les communautés locales, appartenant à des cultures hétérogènes, et les soumet à une grille d’une vingtaine de concepts, tels que la sociabilité, l’espace, la mobilité, les activités économiques, la conscience, la famille, la religion, la politique, la stratification, etc. Son étude se termine par la réduction de ces éléments à trois dimensions : l’espace, la coopération et la famille, lesquelles seraient les éléments les plus stables et représentatifs de la communauté, comme l’avait bien expliqué aussi Le Play [15]. De même, Vilfredo Pareto, dans sa théorie des résidus [16], a indiqué la « persistance des relations d’un individu avec les autres individus et avec les lieux » et les « relations avec les lieux » [17] comme deux résidus de la classe IIe, celle de la persistance des agrégats, c’est-à-dire tout ce qui est acquis et est devenu traditionnel dans le temps, notamment l’ordre social [18]. Vilfredo Pareto estimait qu’un ordre social « ouvert » est le produit d’un équilibre entre le résidu de l’instinct des combinaisons et le résidu de la persistance des agrégats, à savoir, l’innovation, la découverte et l’invention qui se modifient ensuite en conformité aux normes, aux valeurs, aux ethos sociaux. Si le territoire commun constitue la base de toutes les communautés territoriales, le sentiment d’appartenance est le lien socio-émotionnel sans lequel l’existence de groupes ne peut être imaginée, en particulier dans les communautés territoriales permanentes. Le sentiment d’appartenance est la combinaison de différents types d’attitudes et configurations très complexes, puisque la participation et l’identification au groupe se présentent dans une unité inextricable, précisément là où les gens ont des intérêts communs dans une vie de groupe intense, surtout lorsque cette vie se déroule sur le même territoire [19].

De son côté, la théorie tönnesienne [20] suppose comme objets d’investigation les relations « d’affirmation mutuelle ». Ces dernières, si elles sont positives, donnent naissance à des associations : la communauté est une association organique (communauté de langue, de coutume, de foi), alors que la société est une association mécanique, artificielle et récente (société de profit, de voyage, de science). Chacune de ces relations représente une unité dans la pluralité ou une pluralité dans l’unité. Or, selon Tönnies, il s’agit d’analyser les fondements psychiques des relations sociales qui forment le tissu de l’ensemble du groupe. C’est dans ce sens qu’on peut lire l’affirmation suivante : « Bure est un lieu sûr, la certitude d’un lieu vers lequel retourner pour retrouver ses racines, ses amitiés, ses relations. Ce n’est pas un lieu fermé, mais, par vocation, un lieu ouvert, dans le partage des identités, des histoires, des idéaux » [21]. Ainsi, le groupe d’opposants à Bure peut être défini comme une « communauté » puisque ses membres agissent ensemble en partageant – plus ou moins consciemment – les valeurs, les normes, les coutumes, les intérêts. À Bure, la prise de conscience d’avoir des intérêts en commun, le partage d’un sentiment d’appartenance et l’expérience des relations sociales entre les membres deviennent des facteurs opérationnels de solidarité : « Ce n’est pas une lutte d’acharnement, ce n’est pas une obsession vissée sur elle-même, c’est juste un rappel du sentiment primordial d’appartenance à un territoire, à la nature, à la terre » [22]. Cela n’exclut pas, certes, la présence de conflits au sein de la communauté considérée, ni de formes de pouvoir ou de domination.

La proximité spatiale et sociale, produite par l’action collective, aide à la création des liens sociaux : « S’il n’y avait pas de conflit à Bure, il aurait fallu l’inventer pour que nous puissions tous nous rencontrer ». L’expérience [23] d’agir ensemble dans une logique de revendication contribue à structurer les liens et les identités qui ont trait au territoire. La conflictualité engendre et accroît les interactions entre les participants : elle développe des affinités électives, des forces extérieures, souvent hétérogènes, qui entrent en rapport entre elles et convergent pour former une symbiose et une synthèse finale [24]. « Habiter à Bure, c’est arriver contre Cigéo et rester pour les relations qui se nouent. La lutte est un prétexte à la rencontre » [25]. Les opposants construisent ainsi une nouvelle communauté qui partage une « solidarité de destin ». Selon Albert Cohen [26], la communauté crée des similitudes et des différences : les membres doivent avoir, ou du moins sont supposés avoir quelque chose en commun, étant donné qu’aucun de ses membres ne doit se sentir étranger. Si le territoire commun et le sentiment d’appartenance constituent les bases de chaque collectivité territoriale, l’existence des groupes ne peut pas être imaginée sans lien socio-émotionnel entre individus. Les opposants constituent ainsi, collectivement, des communautés liées à la terre : ils occupent le territoire à travers leurs pratiques matérielles et symboliques. « Il y a, en ce moment, un ancrage local de la lutte qui mobilise villageois, agriculteurs et militants, une cohésion que nous n’avons pas réussi à créer dans les années 2000 » [27]. « Quoi qu’il arrive, nous sommes viscéralement attaché.es au sud-Meuse, lié.es à ce bout de campagne par des solidarités indéfectibles, des amitiés magnifiques, des souvenirs hors du commun, bons ou mauvais… » [28]. Pour renforcer la cohésion d’un groupe, il est souvent nécessaire de mettre en évidence les éléments communs mais aussi de souligner les différences par rapport aux autres. Les membres d’un groupe doivent penser eux-mêmes en tant que communauté mais, pareillement, doivent se penser différemment des autres, pour se distinguer d’une autre communauté.

II. L’opposition « nous/autres »

À Bure les opposants conflictualisent l’action en définissant leur adversaire social, leur challenger. L’opposition est claire et nette, et se traduit par une antinomie constante entre « nous, les opposants au centre d’enfouissement » et « les autres, le lobby nucléaire ». « La lutte a mis la lumière sur la nécessité de construire une contestation sur les bases de ce à quoi elle aspire et, comme socle de solidarité, la reconnaissance d’un adversaire commun » [29]. Déjà Pareto [30], Michels [31], Schmitt [32], Freund [33] et, par la suite, Tajfel [34] et Eco [35] affirmaient que le fait d’avoir un ennemi est important pour fournir un obstacle contre lequel mesurer un système de valeurs et montrer la valeur en y faisant face. Créer un ennemi est fondamental aussi pour définir l’identité du groupe. Cet ennemi, « l’autre », doit être créé pour renforcer l’identité du groupe et définir les limites du « nous ». À Bure, l’ANDRA et le projet Cigéo sont les ennemis, mais sur un plan plus élevé, l’ennemi est représenté par l’État [36]. C’est un ennemi à combattre au niveau politique, idéologique, médiatique, mais il est encore trop loin, dispersif pour catalyser les énergies car la rage a besoin d’un objectif réel, visible et identifiable pour trouver un débouché et, parallèlement, servir de point d’appui à la construction d’une identité militante. À ce propos, pour la majorité des opposants à Bure, la police et les gendarmes, présents sur le territoire, sont l’ennemi par excellence, celui que l’on voit, contre lequel il est possible de se mettre en colère, de se battre parce qu’il est là, sur place, physiquement. Depuis l’été 2017, un escadron de gendarmes mobiles et d’unités du PSIG (Peloton de sécurité et d’intervention de la Gendarmerie) tourne régulièrement sur le territoire de la commune de Bure – chaque escadron reste plus ou moins trois semaines sur place – pour sécuriser les lieux. À Mandres-en-Barrois, un petit village pas loin de Bure, des petits post-it collés aux fenêtres s’adressent aux policiers : « Votre harcèlement quotidien ne nous a pas empêché de manger de délicieuses pommes de terre à la fourme d’Ambert. Notre vie est quand même tellement mieux que la vôtre ! Mais rien n’est irréversible… sauf Cigéo ! » ; « Chers gendarmes, ma maman et ses amies disent que tout le monde déteste la police, et bien moi aussi. J’en ai assez que vous me contrôliez dès que je fais du tricycle » ; « Chers gendarmes, ce matin nous avons déjeuné à 8 heures. Une clémentine, des céréales, du jus de pamplemousse et des tartines, votre absence était un rayon de soleil ».

Un mouvement s’organise au moment où il y a la possibilité pour lui de nommer son adversaire. Le conflit, en façonnant la conscience des acteurs, crée l’adversaire. La longue histoire des mouvements sociaux est aussi l’histoire de ce long processus de nomination et de reconnaissance, un processus bidirectionnel sans réciprocité. Affirmer l’identité du groupe signifie renforcer sa cohésion face aux autres groupes. L’identité est produite quand les individus entrent en relation avec un autre « concret » ou « imaginé ». Lewis Coser [37] affirme que les groupes en lutte, dotés d’une organisation rigide, cherchent à identifier des ennemis à l’extérieur du groupe en vue de préserver l’unité et la cohésion interne. Le processus de construction d’une identité collective et d’une communauté est directement lié au concept de « frontière » qui sépare le « nous » des « autres ». À ce propos, l’anthropologue Jonathan Friedman [38] affirme que même si notre monde est de plus en plus globalisé, les frontières ne disparaissent pas. La prise de conscience de la communauté est enfermée dans la perception des frontières [39]. Avant tout, c’est une catégorie de l’esprit – le résidu selon Pareto –, il suffit d’observer le jeu des enfants pour apercevoir, comme disait Jean Piaget [40], avec quelle précision ils sont capables de délimiter leurs espaces. Selon Coser, la distinction entre un groupe créant un « nous » et le groupe des « autres » est déterminée par le conflit. Celui-ci contribue à l’instauration d’une identité du groupe et garde des limites avec les autres, et le monde social autour.

Della Porta et Piazza [41], dans une recherche sur des protestations locales, soulignent la présence et surtout l’importance des ressources identitaires comme facteur déterminant pour la mobilisation. Le « nous » est souvent revendiqué à travers des traits particuliers qui peuvent être culturels, liés aux appartenances, aux traditions, au territoire…, mais aussi « créé » et « imaginé » par les membres structurant la communauté. Parmi les militants situés à Bure, on ne trouve pas un facteur identitaire lié aux sentiments d’appartenance et aux racines ; au contraire, c’est une identité qui s’organise tout au long de la structuration de l’opposition et de la revendication . Pareto appelle ce processus d’identification « relation avec la sociabilité », la classe IVe de résidus [42], à savoir, une interaction continue entre les individus qui s’établit à travers une relation partagée, un rapport entre les individus et entre les individus et les lieux. C’est un « nous » difficile à définir. Ce n’est pas celui d’un groupe homogène qui trouve la solidarité en se focalisant sur des sentiments d’appartenance, mais plutôt celui issu d’un sentiment, celui « d’en être », fondé sur un quotidien en partage, la possibilité d’un ancrage, la défense d’une cause, l’opposition au projet. Ce qui fait partie de « nous », « nous qui sommes contre », est quelque chose que la communauté partage, comme le territoire.

La conscience de la communauté est contenue dans la perception de ses limites : une perception qui découle de l’expérience, qui dans le cas des opposants à Bure, est celle d’une menace causée par un ennemi extérieur. À cet égard, le Collectif Burestop [43] nomme « les Attila des temps modernes » les pouvoirs publics, dont l’ANDRA est un des représentants. « ANDRA, casse-toi » ; « ANDRA, rêve pas, tu dégageras » ; « Que du tracas, que du blabla, c’est l’ANDRA » ; « Notre terre, n’est pas votre laboratoire » ; « Déchets dessous, fleurs dessus, avec l’ANDRA, un enterrement de 1ere classe » [44]. Un ennemi peut aussi être une menace, la peur d’un événement catastrophique, qui pousse non seulement un groupe d’individus à se rassembler autour d’une idée de communauté, dictée par la souffrance et par une condition dangereuse, mais qui peut aussi conduire à une réflexion sur les modèles d’existence dominants. La menace a transformé le groupe des opposants à Bure en une véritable communauté. Les acteurs ont ressenti le besoin de se retrouver, de partager des idées, des espaces et des formes de résistance. Selon Marco Aime[45] et Doug McAdam [46], trois mécanismes fondamentaux entrent en jeu dans les processus de mobilisation : le premier est basé sur la perception d’une menace, le deuxième est représenté par une appropriation sociale qui conduit à une base identitaire, le troisième est la mise en œuvre d’une protestation qui brise en quelque sorte la routine quotidienne. La menace à Bure est évidente : celle relative à l’environnement et aux générations présentes et futures. De plus, Marco Aime, en se référant à la constitution du mouvement de protestation NO TAV [47], constate des similitudes entre le processus d’instauration des nationalismes classiques et la structuration du groupe d’opposition au projet de construction du nouvel axe ferroviaire entre l’Italie et la France. Bien qu’il y ait des grandes différences entre les nationalismes et les mouvements comme celui de NO TAV en Italie ou de Bure et Notre-Dame-Des-Landes [48] en France, on peut constater curieusement certaines similitudes en ce qui concerne le processus de structuration de ces mouvements et le processus de construction des nationalismes. En tenant bien compte de toutes les différences qui concernent les proportions des phénomènes, Marco Aime retrace en quelque sorte les mêmes phases du processus de structuration mises en évidence par l’historien médiéviste Patrick Geary [49]. La première phase se construit sur l’idée d’un peuple opprimé, qui ne veut plus subir la domination des autres. La phase suivante est caractérisée par la propagande et la diffusion de ces idées par ceux qui sont définis comme des patriotes. La volonté de rébellion commence à être transmise à la population, dans une tentative d’impliquer le plus grand nombre. Dans la troisième phase, qui représente l’apogée du mouvement national, les masses populaires soutiennent avec force les pulsions idéologiques désormais partagées par le plus grand nombre, transformant les aspirations nationales en nouvelle réalité politique. Dans le cas de Bure, les premiers collectifs locaux ont joué le même rôle que les intellectuels du nationalisme, non pas dans une optique indépendantiste, mais en termes de diffusion d’idées et de concepts visant à défendre l’environnement contre la « colonisation » extérieure. À ce stade, l’identification de l’ennemi est fondamentale pour la poursuite du processus : l’ANDRA et le « lobby nucléaire ». La circulation croissante des informations à travers les assemblées, les comités ou le web peuvent être comparés à la deuxième phase indiquée par Patrick Geary, tandis que la troisième est représentée par toutes les formes de résistance et de protestation mises en œuvre par les militants depuis plus de vingt-cinq ans. Le but n’est certainement pas ici de construire un nationalisme, mais le processus décrit est déterminant pour la construction d’une communauté, qui se structure précisément à travers la lutte contre le projet Cigéo et qui en est pleinement consciente. La nouvelle identité de la « communauté » des opposants à Bure est une « contre-identité » [50] qui nait d’une action collective et partagée.

Conclusion

La contestation à Bure engendre des regroupements sur des bases spatiales. Le conflit prend forme à travers l’engagement des opposants sur le territoire. Dans ce sens, il faut, de toute évidence, reconnaître à la territorialité un rôle fondamental dans la formation du lien social et d’une « communauté ». L’élément partagé à toutes les études sur les communautés est qu’elles prennent en compte un environnement social territorialement bien défini au sein duquel la communauté réelle est configurée et définie. L’élément spatial et territorial est donc caractéristique des études sur les communautés, au point qu’elles comprennent généralement aussi une description de l’environnement physique sur lequel repose l’unité sociale étudiée. La réflexivité et les actions des militants à l’égard de l’opposition « contre le projet Cigéo et son monde » modèlent l’organisation spatiale du territoire. La communauté des opposants à Bure s’enracine dans des lieux réels qui, à leur tour, sont profondément pénétrés et transformés par l’agir humain.

Qu’il en soit conscient ou non, l’individu se retrouve dans une éternelle rivalité avec d’autres individus. Partant du constat qu’un conflit surgit lors d’une divergence d’intérêts entre deux ou plusieurs individus, on peut affirmer que les acteurs, protagonistes de ce conflit, se regroupent en des unités collectives qui s’opposent entre elles. Les deux parties en conflit déterminent leur rôle dans la controverse et fixent leur unité face à l’adversaire et aux enjeux du conflit. À ce propos, construire et affirmer la présence d’un ennemi est nécessaire pour définir le groupe lui-même et son identité. Un groupe émerge et s’organise notamment lorsqu’il a la possibilité de se différencier d’autres groupes. Ainsi une distinction nette entre le « nous » appartenant au groupe et les « autres » appartenant au groupe adversaire s’établit. Á Bure, les opposants au projet développent la conscience de leur appartenance commune : ils ont une conscience du « nous », ils s’organisent en un groupe qui se distingue du groupe adversaire. L’ennemi est, tout d’abord, l’ANDRA, qui incarne la menace et la dangerosité du projet, puis l’État considéré par les opposants comme répressif et violent, comparé à un appareil de domination des masses qui impose sa propre conduite de l’ordre établi, et enfin la police qui est présente, physiquement, sur place.

La menace d’un événement catastrophique, la souffrance relative à la dangerosité de la situation et l’incertitude face au projet portent les acteurs à ressentir le besoin de se retrouver, de partager des idées, des espaces et des formes de résistance. Les opposants sont donc encouragés à se penser comme un ensemble cohérent qui partage à la fois un lieu de résistance et un lieu d’expression et d’expérimentation. La menace transforme le groupe des opposants à Bure en une véritable communauté. Un système de valeurs est partagé, un système cohérent de symboles, de pensées, de réflexions. Les jeunes opposants mettent en commun savoirs et pratiques. Une multitude de vécus, de pensées coexistent ; les opposants partagent leurs pratiques matérielles et symboliques et créent une nouvelle communauté qui transmet à ses membres une solidarité de destin et la volonté de mettre en pratique les valeurs défendues. L’engagement dans la lutte, l’intensité de l’expérience vécue, la solidarité, amènent les opposants à vouloir exprimer leur subjectivité [51] dans l’espace public. Pourtant, l’identité collective entre les membres se manifeste en tant que produit des processus et des logiques qui se développent grâce à l’expérience de chaque individu dans le groupe, à travers lequel il s’identifie et avec lequel il partage un sentiment d’appartenance. La représentation de soi dans le groupe et la vision que l’individu a du même groupe en le voyant de l’extérieur, caractérisent le sentiment d’appartenance à une identité collective. À Bure, il est certain que pour pouvoir agir collectivement les membres de la communauté des opposants doivent s’identifier comme participants à un « nous » qui s’oppose aux « autres » ; ces derniers poursuivent des finalités différentes et expriment des appartenances et des visions du monde diverses. L’identité qui se manifeste est un système de relations et de représentations, une « contre-identité » partagée par le biais des opportunités et obligations données par l’action collective.

 

AUTEUR
Eleonora Garzia
Docteure en sociologie
Université de Paris, Sorbonne, PHILéPOL
Università degli Studi di Milano Statale, Dipartimento di Scienze Sociali e Politiche

ANNEXES

NOTES


[1] Gaspard d’Allens, Andrea Fuori, Bure, la bataille du nucléaire, Paris, Éditions du Seuil, 2017.  
[2] Voir à ce sujet : Bastien Soulé, « Observation participante ou participation observante ? Usages et justifications de la notion de participation observante en sciences sociales », Recherches Qualitatives, 2007, vol. 27, n° 1, p. 127-140.
[3] Georges Simmel, Sociologie, Etudes sur les formes de la socialisation, Paris, PUF, 1999, p. 607.
[4] Henri Lefebvre, Critique de la vie quotidienne, Paris, L’Arche, 1947 ; Henri Lefebvre, Critique de la vie quotidienne II. Fondements d’une sociologie de la quotidienneté, Paris, L’Arche, 1961 ; Henri Lefebvre,  La production de l’espace, Paris, Anthropos, 1974 ; Henri Lefebvre, Critique de la vie quotidienne. III. De la modernité au modernisme, Paris, L’Arche, 1981 ; Rob Shields, Lefebvre, Love & Struggle Spatial Dialectics, London, Routlege, 1999.
[5] William H. Sewell, « Space in contentious politics », dans Ronald R. Aminzade et al. [dir.], Silence and Voice in the Study of Contentious Politics, Cambridge, Cambridge University Press, 2001 ; Javier Auyero, « L’espace des luttes. Topographies des mobilisations collectives », Actes de la recherche en sciences sociales, 2005, vol. 160, n° 5, p. 122 – 132 ; Michel Lassault, L’homme spatial : la construction sociale de l’espace humain, Paris, Seuil, 2007 ; Guy Di Méo, L’espace social : Lecture géographique des sociétés, Paris, Armand Colin, 2005.
[6] Citation tirée de la conférence de presse donnée par des militants pendant le camp anti-autoritaire organisé à Bure du 1er au 10 août 2015.
[7] Vmc.camp, « La terre est à nous. Témoignages de paysan.ne.s en lutte à Bure »  , Blog : Plus Bure sera leur chute … Lutte contre le projet d’enfouissement de déchets nucléaires, 2016, en ligne : http://vmc.camp/wp-content/up­loads/2016/10/bro­chure-paysans-en-lutte-bure.pdf.
[8] Voir à ce sujet : Arnaud Lecourt, Guillaume Faburel, « Comprendre la place des territoires et de leurs vécus dans les conflits d’aménagement. Proposition d’un modèle d’analyse pour les grands équipements », dans Thierry Kirat et André Torre [dir.], Territoires de conflits : analyses des mutations de l’occupation de l’espace, Paris, L’Harmattan, 2007; Jean-Marc Stébé et Hervé Marchal, Territoires au singulier, identités au pluriel, Paris, L’Harmattan, 2019 ; Guy Di Méo et Manuel Anglade, « Identité, idéologie et symboles territoriaux : l’exemple du Vic-Bilh en Béarn », dans Guy Di Méo [dir.], Les territoires du quotidien, Paris, L’Harmattan 1996, p. 7-110 ; Philippe Tizon « Qu’est-ce que le territoire ? » dans Guy Di Méo [dir.], Les territoires du quotidien, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 17 - 34.
[9] Vmc.camp, 2016, op.cit.
[10] Voir à ce sujet : Bernard Pudal et Olivier Fillieule, « Sociologie du militantisme », dans Eric Agrikoliansky, Isabelle Sommier, Olivier Fillieule, Penser les mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 2010, p. 163-184 ; Frédéric Sawicki et Johanna Siméant, « Décloisonner la sociologie de l’engagement militant. Note critique sur quelques tendances récentes des travaux français », Sociologie du travail, 2009, vol. 51, n° 1, p. 97-125 ; Laurent Willemez, « Subjectivités militantes : savoirs, organisations et dispositifs de subjectivation dans l’engagement », dans Daniel Mercure, Marie-Pierre Bourdages-Sylvain,  Société et subjectivité. Transformations contemporaines, Québec, Presses de l’Université Laval, 2021, p. 127-138.
[11] Philippe Tizon, 1996, op. cit.
[12] Entretien avec Simon, Maison de Résistance, novembre 2018.
[13] Voir à ce sujet : Maurice Halbwachs, La mémoire collective, Paris, PUF, 1950. L’auteur analyse notamment la dimension spatiale de l’identité d’un groupe et le rôle des images spatiales dans la mémoire collective.
[14] George H. Hillery, « Definitions of community: areas of agreement », Rural Sociology, 1955, vol. 20, n° 2, p. 111-123.
[15] Frédéric Leplay., L’organisation de la famille, selon le vrai modèle signalé par l’histoire de toutes les races et tous les temps, Tours, A. Mame et fils, 1975 ; Frédéric Leplay, La constitution essentielle de l’humanité, exposé des principes et des coutumes qui créent la prospérité ou la souffrance des nations, Tours, A. Mame et fils, 1893.
[16] Vilfredo Pareto, Trattato di Sociologia Generale, Milano, Edizioni di Comunità, 1964 (1916). La théorie paretienne donne une explication des actions logiques et non-logiques. La logicité et la non-logicité sont vérifiées par accord ou désaccord dans le jugement du sujet qui fait l’action par rapport à ceux qui l’observent. L’action non-logique est, pour sa part, partagée en résidus (partie constante de l’action) et dérivations (partie variable de l’action). Résidus et dérivations sont des états psychiques et expliquent le comportement humain. Les résidus se partagent en 6 classes : instinct des combinaisons, persistance des agrégats, besoin de manifester ses sentiments par des actes extérieurs, résidus en rapport avec la socialité, intégrité de l’individu et de ses dépendances, résidu sexuel. Les classes se partagent ensuite en genres et espèces. Les dérivations se partagent en genres.
[17] Vilfredo Pareto, 1964 (1916), op.cit., p. 526.
[18] Mino B.C. Garzia, Metodologia Paretiana. Tomo II Stati psichici e costanti dell’azione, Bern, Peter Lang, 2013.
[19] Mino B.C. Garzia, « Die Tönnische Gegenüberstellung als grenzlose Ganzheiten », Annali di Sociologia/Soziologisches Jahrbuch, 1988, vol. 4, n° 2, p. 223-238 ; Mino B.C. Garzia, Dispense di Sociologia Generale, parte I Delle comunità, Facoltà di Economia e Management, Università degli Studi di Trento, 2013-2014, p. 1-89.
[20] Ferdinand Tönnies,  Communauté et société. Catégories fondamentales de la sociologie pure, Paris, PUF, 2010.
[21] Entretien avec Gisèle, Maison de Résistance novembre 2017. Tous es prénoms utilisés sont fictifs pour assurer la confidentialité et l’anonymat des interlocuteurs.
[22] Entretien avec Laure, comité de soutien Bure IDF, mars 2019.
[23] Entretien avec Gisèle, Maison de Résistance, novembre 2017.
[24] Voir à ce sujet : Michael Löwy, « Le concept d’affinité élective en sciences sociales », Christian Lequesne [dir.], Critique Internationale vol.2. La formation de l’Europe, Paris, Presses de Sciences Po, 1999, p. 42-50.
[25] Gaspard d’Allens et Andrea Fuori, 2017, op.cit.
[26] Anthony P. Cohen, The Symbolic Construction of Community, London, Routledge,1985.
[27] Jérôme Thorel, « A Bure, habitants et paysans refusent que leur territoire devienne une grande poubelle nucléaire Basta ! », 2016, en ligne : https://www.basta­mag.net/A-Bure-habi­tants-paysans-et-militants-refusent-que-leur-territoire-devienne-une .
[28] Fiche signalétique sur le site : Nous sommes tou-te-s des malfaiteur-euse-s, en ligne : https://noussommestousdesmalfaiteurs.noblogs.org/fiche-signaletique/.
[29] Zad.nadir.org, « Label ZAD et autres sornettes », 2015, Blog : Zone A Défendre. Tritons crété-e-s contre béton armé, en ligne : https://zad.na­dir.org/spip.php?article3270 .
[30] Vilfredo Pareto, 1964 (1916), op.cit.
[31] Robert Michels, Sociologie du parti dans la démocratie moderne : enquête sur les tendances oligarchiques de la vie des groupes, Paris, Gallimard, 2005 (1911).
[32] Carl Schmitt, Le nomos de la Terre ; dans le droit des gens du Jus publicum europaeum, Paris, PUF, 2012 (1950).
[33] Julien Freund, Sociologie du conflit, Paris, Presses Universitaires de France, 1983.
[34] Henri Tajfel et John C. Turner, « The social identity theory of intergroup behavior », dans Stephen Worchel et William G. Austin (dir.], Psychology of intergroup relations, Chicago, Nelson-Hall, 1986, p. 7-24.
[35] Umberto Eco, Costruire il nemico e altri scritti occasionali, Milano, Bompiani, 2011.
[36] Dans Le Nomos de la Terre, Carl Schmitt, qui sera par la suite repris par Julien Freund, explique très bien la dialectique de l’ami/ennemi et comme la politique entraîne cette dichotomie. Or, les actions à Bure confirment la définition de la politique donnée par Schmitt : la sphère de la politique se lie avec la sphère de la relation ami/ennemi. La fonction de l’antagonisme serait d’agréger et de défendre les amis et parallèlement de désagréger et de combattre les ennemis. Au sujet de l’État aperçu comme ennemi on peut faire référence à la tradition marxiste et à la tradition proudhonienne quant au refus du « principe d’autorité ».
[37] Lewis A. Coser, Les fonctions du conflit social, Paris, PUF, coll. « Sociologies », 1982.
[38] Jonathan Friedman, « Being in the World: Globalization and Localization », Theory, Culture & Society, 1990, vol. 7, n° 2-3, p. 311-328. 
[39] Marco Aime, Fuori dal tunnel. Viaggio antropologico nella val di Susa, Milano, Meltemi Editore, 2016.
[40] Jean Piaget, La représentation du monde chez l’enfant, Paris, Collection Quadrige, PUF, 2003 ; Jean Piaget, Le Langage et la pensée chez l’enfant, Paris, Delachaux et Niestlé, 1923.
[41] Donatella Della Porta et Gianni Piazza, Le ragioni del no. Le campagne contro la TAV in Val di Susa e il Ponte sullo Stretto, Milano, Feltrinelli Editore, 2008.
[42] Voir la note 15 pour l’explication de la théorie des résidus et des dérivations.
[43] Collectif Buresto, p. 55, Notre colère n’est pas réversible. Enfouir les déchets nucléaires atomiques : le refus, Collectif Buresto, p 55, 2014, p. 65.
[44] Ibid., p. 93-133. Des slogans sur des panneaux lors des manifestations contre le centre d’enfouissement des déchets nucléaires.
[45] Marco Aime, 2016, op.cit.
[46] Doug McAdam, « Pour dépasser l’analyse structurale de l’engagement militant », dans Olivier Fillieule [dir.], Le désengagement militant, Paris, Belin, 2005, p. 38-49.
[47] NO TAV (« Treno ad Alta Velocità ») est le mouvement d’opposition contre la nouvelle ligne ferroviaire en construction entre Turin et Lyon qui traverse la frontière entre l’Italie et la France. Il s’agit d’une ligne ferroviaire à grande vitesse qui prendrait en charge marchandises et voyageurs. Le mouvement d’opposition NO TAV s’est mobilisé dès le début depuis les vallées de l’ouest du Piémont, tout particulièrement depuis le Val de Suse. La vallée a été l’incubatrice effectif du mouvement, où celui-ci est né, où une base sociale et politique de référence s’est formée. Le mouvement NO TAV tente de s’opposer aux promoteurs du projet ; il explore tous les espaces de participation démocratique, il pratique des formes de résistance pacifique et de « désobéissance civile ». L’occupation des terres, la vie en collectivité, le partage des visions du monde contribuent à donner une forme et un aspect extérieur à une praxis qui est bien souvent plus politique qu’esthétique et culturelle. Deux seuls objectifs politiques semblent avoir la capacité d’unir les différentes composantes de l’opposition : la défense des espaces occupés et la survie des réalités autogérées et occupées.
[48] L’opposition au projet de construction de l’aéroport pour le Grand Ouest à Notre-Dame-des-Landes, NDDL, est la première ZAD « Zone à Défendre » organisée sur le territoire français et constitue une référence pour le réseau des luttes contre les grands projets. Pour les zadistes, la ZAD est synonyme de « commun », une manière de s’organiser ensemble, de « communiser », d’organiser de manière horizontale l’agriculture, la vie, la politique, les décisions.
[49] Patrick Geary, Il mito delle nazioni. Le origini medievali dell’Europa, Roma, Carocci, 2009.
[50] Marco Aime, 2016, op.cit.
[51] Voir au sujet de l’importance du processus de subjectivation dans les mouvements sociaux : Geoffrey Pleyers, « Engagement et relation à soi chez les jeunes alteractivistes », Agora débats/jeunesses, 2016, vol. 72, n° 1, p. 107-122 ; Geoffrey Pleyers, Movimientos sociales en el siglo XXI : perspectivas y herramientas analíticas, Buenos Aires, CLACSO, 2018 ; Michel Wieviorka, La violence, Paris, Balland, 2004.

RÉFÉRENCES

Pour citer cet article :
Eleonora Garzia, « Des regards « objectivés » et « subjectivés » : l’opposition nous/autres et la spatialisation du conflit du nucléaire en Meuse (France) », dans Espaces, territoires et identités : jeux d’acteurs et manières d’habiter, Hervé Marchal [dir.], Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne], 4 mai 2023, n° 19, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html.
Auteur : Eleonora Garzia
Droits : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC/credits_contacts.html
ISSN : 1961-9944

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