Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin" UMR 7366 CNRS-uB |
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Territoires contemporains | |
Espaces, territoires et identités : jeux d’acteurs et manières d’habiter | ||||||||||||||||
Accepter et combattre la stigmatisation. La difficile construction de l’identité sociale de la communauté tunisienne à Modène (Italie) | ||||||||||||||||
Andrea Calabretta | Résumé | Mots-clés | Sommaire | Texte | Auteur | Annexes | Notes | Références | Outils | |||||||||||||||
RÉSUMÉ
Bien qu’elle soit parmi les communautés étrangères les plus anciennes en Italie, celle tunisienne subit une forte stigmatisation due à certains épisodes de petite délinquance, souvent exacerbés par les entrepreneurs de morale. De plus, elle fait face au stéréotype culturaliste qui touche les communautés arabo-musulmanes en Europe. L’objectif de cet article est de chercher à savoir comment la partie la plus ancienne de la communauté tunisienne en Italie a construit, au fil des ans, sa propre identité par rapport aux « autres » : les Italiens ou bien les Tunisiens arrivés récemment dans le pays. Quelles sont les lignes de démarcation par rapport aux autres ? Comment les membres de la communauté acceptent ou combattent le stéréotype et la stigmatisation dans le processus de construction identitaire ? |
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SOMMAIRE
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Introduction : groupes, identité sociale et catégorisation ethnique, ou une interrelation mutuelle Le thème de la construction des groupes sociaux et de leur identité sociale est un des principaux axes qui traversent la sociologie. Et, tel que compris déjà par Georg Simmel, focaliser l’attention sur les figures liminales, comme les « étrangers » [1], des formations sociales offrent un solide appui pour les enquêter. En fait, diverses générations de sociologues se sont intéressées au « contenu et aux dimensions interprétatives de la construction des frontières [entre groupes] » [2], développant leurs réflexions à partir d’une attention particulière portée à l’égard des figures « étrangères », pas nécessairement à entendre comme « migrantes ». On fait référence en particulier à deux auteurs qui ont étudié l’organisation de l’exclusion des groupes marginalisés et ses effets sur l’identité sociale des sujets concernés. Il s’agit d’Erving Goffman, qui dans l’œuvre Stigma [3], pose son regard sur les personnes possédant un stigmate, et de Norbert Elias qui, dans l’œuvre The Established and the Outsiders [4], analyse la marginalité d’un groupe de « nouveaux » résidents par rapport aux habitants « établis » d’une ville anglaise. Tant la lecture interactionniste de Goffman que l’approche configurationnelle d’Elias, qui nous guideront dans notre analyse, montrent comment les dynamiques de construction des groupes et de leurs identités sociales, reproduites par la stigmatisation et la rumeur, sont à l’œuvre dans toute situation sociale [5]. Toutefois, on est également bien conscients que « la frontière ethnique canalise la vie sociale » [6], agissant fortement sur le processus d’identification et sur la structuration des regroupements sociaux. À partir de ces considérations, on estime que certaines définitions de l’identité sociale provenant de la psychologie sociale [7] risquent d’être excessivement centrées sur l’auto-identification, ne prenant pas suffisamment en compte le rôle des représentations sociales [8] et de la catégorisation en tant que telle. Pour éviter cela, on verra, d’après les réflexions de Jenkins [9] et à l’aide du concept d’identité sociale, que les constructions identitaires collectives sont issues de la relation dialectique entre auto-identification et définition externe. Dans notre étude de cas, on enquêtera pour saisir comment la partie la plus ancienne de la communauté tunisienne résidant à Modène (nord Italie) a (re)construit, durant la dernière décennie, sa propre identité sociale après l’arrivée d’un nouveau groupe de Tunisiens dans la ville. Ce cas apparait particulièrement fertile pour apprécier les conséquences d’un changement de configuration sociale sur la construction identitaire et pour observer, ce faisant, le rôle contraignant de la catégorisation ethnique. I. Questions et méthode de la recherche Pour développer cette étude, nous nous poserons plusieurs questions. Tout d’abord, on se demandera quelles lignes de démarcation existaient entre les Tunisiens et les autochtones avant 2011, année clé pour notre étude puisque correspondant à la chute du régime de Ben Ali en Tunisie ? Et puis quel type de changement est intervenu dans la configuration sociale ici concernée ? Comment le groupe des Tunisiens établis a reconstruit sa propre identité sociale après 2011 ? Quel est le rôle de la stigmatisation dans les interrelations entretenues avec les autochtones et avec les compatriotes récemment arrivés ? Quel processus de différentiation a émergé à l’intérieur du groupe des établis ? Pour répondre à ces nombreuses questions, on se basera sur l’analyse d’une trentaine d’entretiens qualitatifs récoltés parmi la partie la plus ancienne de la communauté tunisienne ainsi qu’avec des témoins privilégiés (opérateurs du Centre étrangers, syndicalistes, etc.) dans la province de Modène. Notons d’emblée qu’avec les terminologies Tunisiens « anciens » ou « établis », on ne fait pas référence à une ancienneté biologique, mais bien sociologique [10], et on considère tant les adultes arrivés de la Tunisie dans les années 1980 ou 1990 que leurs fils, nés et/ou élevés à Modène. Les entretiens ont été recueillis entre septembre 2020 et février 2021, et puis analysés thématiquement. II. Contexte de la recherche : les (exotiques) ouvriers Tunisiens à Modène Notre analyse part de l’insertion de la communauté tunisienne dans le contexte modénais. Partir de cette contextualisation historique n’est pas un exercice rhétorique, mais un choix heuristique précis [11] qui nous permettra de comprendre, à travers la reconstruction des mutations sociales, les dynamiques au cœur de notre étude [12]. Modène est une ville de 180 000 habitants, chef-lieu de la province éponyme qui se trouve au milieu de l’Émilie-Romagne, riche région du Nord de l’Italie. On parle d’une richesse économique, constituée par de nombreuses petites et moyennes entreprises, mais aussi d’une richesse « civique » [13], représentée par un tissu associatif dense . Dans les années 1970, on observe les premières arrivées depuis la Tunisie : il s’agit de personnes fortement scolarisées et avec des parcours migratoires individuels, puis, à partir des années 1980, on assiste à une migration de plus en plus massive avec la formation de réseaux ethniques et trans-locaux. En fait, Modène offre une rapide insertion sur le marché du travail, bien que d’autres difficultés demeurent comme celles liées au manque de logements : « J’ai pris la décision de venir à Modène et au Nord […] J’ai un peu souffert au début parce que je dormais dans la voiture, je dormais sous les viaducs, sous les ponts. J’ai immédiatement trouvé un emploi dans la société de vin la plus célèbre et j’y ai travaillé pendant 24 ans et 6 mois » (Driss, homme, 56 ans). Les institutions locales, à Modène comme dans les villes limitrophes, cherchent à répondre rapidement aux questions soulevées par la migration maghrébine : « Ils ont demandé à chacun d’entre nous où nous travaillions et ont envoyé une lettre à la municipalité. À cette époque, je travaillais à Nonantola et la municipalité nous a donné un lit dans un dortoir » (Hamoud, homme, 52 ans). Puis d’autres initiatives destinées à promouvoir l’intégration des communautés étrangères dans le tissu social et politique local sont lancées comme la création, auprès des municipalités de la province, d’organismes consultatifs animés par les étrangers. Donc, au-delà de certaines difficultés spécifiques, une grande partie des Tunisiens arrivés dans les années 1980 et 1990 atteignent au fil des ans une discrète sécurité économique et juridique, suffisante pour former ou réunir les familles. Finalement, des associations tunisiennes naissent en reliant la communauté d’origine avec le consulat ainsi qu’avec les institutions locales italiennes, et en fournissant des figures de référence liées au milieu syndicaliste et associatif, particulièrement dense dans la Modène « civique ». Le sujet associatif s’occupe en particulier d’une série d’initiatives visant à rappeler l’appartenance culturelle à la Tunisie : « Nous avons fait notre demande auprès d’un consul et nous avons demandé à avoir un professeur de langue arabe pour nos enfants. Parmi les autres choses les plus importantes et les plus visibles, il y a le fait que nous avons créé une équipe de football, elle s’appelait la “Stella tunisina” [Etoile tunisienne]… Tu sais, une équipe de football pour les étrangers, où chaque jeudi tu peux la trouver dans le journal, dans la Gazzetta di Modena, soit avec la photo de l’équipe, soit avec les résultats, bref, c’était une chose importante pour nous […]. » (Driss, homme, 56 ans) La reproduction d’une identité culturelle bien marquée répond non seulement à la demande de la communauté, mais aussi aux attentes des institutions locales qui, souvent, promeuvent une réification « de la diversité religieuse et culturelle, limitant l’espace de l’action politique à ceux qui sont identifiés avant tout comme différents » [14]. Dans ce cadre de progressive et réussie stabilisation, il faut néanmoins mentionner le poids de l’islamophobie post-2001, qui s’est développée sur une lecture déjà essentialiste de l’Islam [15], et de la crise de 2008 qui aurait mis en danger le parcours d’une partie du premier groupe de Tunisiens. III. Le tournant du 2011 : comment une configuration sociale change L’année 2011 représente un tournant pour la Tunisie et, donc, pour la collectivité tunisienne à Modène. En janvier de la même année, le régime de Ben Ali chute et s’ouvre alors une phase de changement institutionnel qui touche les ramifications de l’État à l’étranger et les associations tunisiennes. Bientôt certains acteurs sont délégitimés : « Mon père était aussi membre de l’association tunisienne et il avait des réunions avec le consulat [...]. Et dans la période suivante, et cela m’a peut-être un peu éloignée de la communauté tunisienne, c’est le fait d’entendre de la part de certaines personnes, filles de dissidents, que mon père était un..., un des amis de Ben Ali, une sorte d’espion » (Safiya, femme, 28 ans). Parallèlement à l’ouverture du processus transitionnel en Tunisie, on peut observer que la communauté tunisienne de Modène devient le terrain d’une compétition entre associations : « Après la révolution, ça s’est très mal passé. Depuis que je suis avec le consulat, nous avons été jetés hors de la Tunisie. C’est pourquoi nous avons maintenant tant de problèmes avec les nouvelles associations... » (Mounir, homme, 60 ans). Les partis politiques aussi s’activent : « Et puis Nahda, qui serait le “Parti islamique moderne”, ou quelque chose comme ça, ils amenaient toujours des gens, des politiciens avec qui parler. [...] Ils ont réussi à prendre des jeunes qui ont grandi ici et à les faire entrer dans un groupe politique tunisien » (Insaf, femme, 26 ans). Dans ce contexte, un autre changement intervient : l’arrivée massive de jeunes Tunisiens en Italie. Selon des estimations, dans les premiers mois de 2011, arrivent sur les côtes italiennes presque 28 000 Tunisiens [16] dont la majorité reçoit un permis de séjour temporel. Modène, première province de l’Italie continentale pour la présence tunisienne, représente une destination importante ou au moins un point de passage, si bien que dans les premiers mois de l’année, 500 jeunes Tunisiens demandent un permis de séjour pour une protection humanitaire dans la province. Il s’agitait d’un « groupe d’hommes aux ressources très limitées, dont 70 % étaient analphabètes ou avaient un très faible niveau d’éducation […], ce qui a poussé ces gars n’était pas un projet [migratoire], non, c’était un : “j’ai tellement essayé que cette fois j’y arriverai” » (Elisa, ex-coordinatrice du Centre Etrangers). Les arrivées de l’année 2011 et des années successives sont qualitativement très diverses par rapport à la précédente migration tunisienne à Modène : « Ma mère allait bien quand elle était jeune, elle n’avait pas besoin d’émigrer [...], elle a émigré parce qu’elle a épousé un homme qui a décidé d’aller en Europe parce qu’il ne voulait plus rester. Ce sont des gens qui viennent ici, parce que là d’où ils viennent, il n’y a rien » (Ouassil, homme, 30 ans). Les projets des Tunisiens récemment arrivés semblent voués à l’échec. Crise économique, difficulté à obtenir une régularisation juridique, manque de contacts à Modène, faiblesse du projet migratoire, concourent à limiter les possibilités d’une stabilisation réussie. Ainsi un nombre significatif d’entre eux finit dans la marginalité sociale et dans la déviance : parfois dans le trafic de drogue et même dans la toxicomanie. « Nous avons un guichet dans la prison [...], la plupart d’entre eux, je les connaissais, car ils sont passés de la rue à la prison en raison de leur extrême marginalité » (Laura, opératrice du Centre Étrangers). Il s’agit d’une population numériquement faible, mais assez visible dans une ville moyenne comme Modène et sur laquelle se fixe l’attention publique, et ce, en raison des médias notamment. Par exemple, la Gazzetta di Modena, journal local le plus diffusé, ne comptait jusqu’en 2009 presque aucun article avec le terme « tunisien ». Mais depuis 2011, on peut compter plus d’une centaine de références par an. Il s’agit d’articles sur le thème de la petite délinquance qui offrent un solide appui aux « entrepreneurs de morale » [17] revendiquant une approche plus sévère à l’égard des immigrants. Et en effet, à partir de 2010, la Ligue du Nord qui a conquis d’importantes régions du Nord de l’Italie, a également pénétré en Emilie-Romagne. Son ascension produit une politisation du thème de la migration tant à niveau national que local. Dans un cadre de crise économique et de changement de climat politique, l’année 2011, avec ces arrivées massives, représente un tournant dans les relations entre Modène et la communauté tunisienne : « Modène, à partir de 2011, a regardé la Tunisie d’une manière complètement différente. [...]. L’impact de cette visibilité a été très élevé : depuis 2011, les Tunisiens de Modène trafiquent » (Elisa, ex-coordinatrice du Centre Etrangers). IV. La minorité des pires et la nouvelle image des Tunisiens Comme on l’a vu, l’image des Tunisiens à Modène devient soudainement très lourde suite au développement de représentations sociales qui les associent directement à la déviance. « Malheureusement, on entend des gens dire : “Un Tunisien a volé mon portefeuille”, “un Tunisien a vendu de la drogue dans les jardins”, et ça pour dire que je suis fatigué d’eux [...]. Et quand tu te comportes bien avec un Italien, disons de Modène ou pas forcément de Modène, et qu’il te demande : “Mais d’où viens-tu ? ” et tu dis : “Tunisie ”, ils disent : “ Ah, tunisien ? !” C’est comme s’ils étaient un peu… : “Je ne pensais pas, je veux dire je pensais que tous les tunisiens sont des dealers, des drogués, des voleurs” ». (Ines, femme, 22 ans)Les mots d’Ines nous montrent concrètement ce que veut dire être assimilé à la « minorité des pires ». En fait, comme l’avait déjà compris Norbert Elias, « un groupe bien établi a tendance à attribuer au groupe d’extérieurs dans son ensemble les caractéristiques “négatives” qui sont propres à sa partie la “pire” – la minorité anomique » [18]. Même les Tunisiens établis, malgré un parcours migratoire et d’insertion à Modène très diffèrent de celui des marginaux actuels, se retrouvent néanmoins assimilés à ces derniers dans le regard des autochtones. « Dire qu’on est Tunisien à Modène aujourd’hui, c’est dur, c’est très dur. Ils ont une terrible réputation […] » (Laila, femme, 68 ans). Pour comprendre comment l’image des établis peut être façonnée à partir de celle des marginaux, il faut tout d’abord se rappeler qu’on ne se retrouve pas en présence d’un préjugé individuel, mais face à un processus de stigmatisation qui est de nature « groupale » ou collective [19] : « On trouve des membres d’un groupe qui dénigrent les membres d’un autre groupe, non pas en raison de leurs qualités en tant qu’individus, mais parce qu’ils sont membres d’un groupe qui est considéré dans son ensemble comme différent et inférieur au leur » [20]. Observer que pour les autochtones, tant les marginaux que les établis peuvent faire partie, au moins virtuellement, du même groupe social des « Tunisiens » avec des caractéristiques assimilables, montre clairement que la catégorisation, c’est-à-dire le « processus de réunir des objets sociaux ou des évènements dans des groupes équivalents » [21], acquiert une force encore plus contraignante et uniformisatrice quand elle se réfère à des groupes ethno-nationaux. Selon les mots de Fredrik Barth, « les distinctions ethniques catégorielles […] impliquent des processus sociaux d’exclusion et d’incorporation par lesquels des catégories discrètes sont maintenues malgré un changement de participation et d’appartenance dans les histoires individuelles de vie » [22]. L’assimilation aux compatriotes est donc une réalité bien présente dans les vies des établis : « Ce sont des Tunisiens, des Marocains, des étrangers en général qui viennent ici et font des choses qui ne devraient pas être faites. Peut-être qu’ils vendent de la drogue, volent, et ce n’est pas bien, puisque les gens se font une mauvaise idée et pensent que tout le monde est égal » (Selma, femme, 22 ans). Cette stigmatisation subie et blessante suite à l’identification aux « marginaux », et donc aux « Tunisiens » par effet ricochet, s’ajoute pour les établis aux problématiques déjà vécues en tant qu’étrangers, engendrant de nouvelles difficultés sociales, que ce soit dans le monde du travail, les relations amicales ou encore pour la recherche de logement : « À cause de certains comportements, je suis resté plus d’un an à chercher un appartement, je ne le trouve pas. Puisque, à cause de quelques erreurs, nous payons tous » (Hamoud, homme, 52 ans). V. Les Tunisiens établis, auteurs de stigmatisation Face à la construction de ces frontières symboliques, et de plus en plus sociales [23], qui marquent la différence entre les Tunisiens et les autochtones, quelle est la réponse du groupe des établis ? Tout d’abord, il faut souligner la difficulté, voire l’impossibilité, pour ce dernier groupe de contester la représentation dominante qui voit, dans le contexte modénais, le Tunisien comme le prototype de l’« immigré déviant ». En fait, cette représentation, déjà soutenue par le chevauchement entre la figure de « l’étranger » et de l’« ennemi interne » [24], est renforcée par la grandissante politisation du thème de la migration opérée par les acteurs politiques et médiatiques tant à niveau national que local. De plus, l’éclatement des organisations communautaires après la révolution rend plus difficile, pour les Tunisiens établis, de lancer des initiatives collectives afin de réhabiliter, au moins à un niveau local, leur image. Dans ce contexte de ressources symboliques et matérielles limitées, la seule possibilité à disposition des établis pour tenter de maintenir leur statut est celle de se différencier le plus possible des marginaux, de se les représenter comme ontologiquement différents : « Je me souviens de tant de scènes dans lesquelles des personnes d’un âge mûr se dissociaient : “Non, ce ne sont pas nos enfants, car nous ne nous serions jamais comportés ainsi”, pour souligner combien ils sont différents, combien les valeurs qui ont animé le parcours de la migration ont changé […] » (Laura, opératrice du Centre Étrangers). La distance déclarée par rapport aux nouveaux arrivés ne se configure pas seulement comme une différenciation utile à la défense du statut laborieusement atteint à Modène, mais plonge ses racines dans l’éloignement de la Tunisie et de ses vicissitudes. En fait, pour de nombreux établis, la Tunisie est devenue, après la révolution, un pays plongé dans le chaos, la pauvreté et la criminalité : « Ils ne comprennent pas ce que signifie la démocratie et la liberté : ils ont pris la liberté de se droguer, de boire partout, de se prostituer, tu comprends ? » (Kamel, homme, 53 ans). Et les produits de cette nouvelle Tunisie ne peuvent qu’être les marginaux arrivés à Modène : « Oui, mais c’est difficile de retrouver [la Tunisie d’autrefois] car dès que [mes enfants] quittent les maisons de nos proches, ils retrouvent ce qu’ils trouvent ici à la gare » (Olfa, femme, 43 ans). Cette profonde différence ressentie par rapport à la Tunisie actuelle, et donc par rapport aux nouveaux arrivés, nous permet de comprendre que les établis ne sont pas seulement dépourvus des ressources nécessaires pour changer la représentation dominante vers les marginaux, mais qu’ils la souscrivent : « Nous, tous les gens qui viennent ici pour vivre une vie honnête, sommes contre ces gens qui viennent ici pour semer le désordre, vendre de la drogue, créer des problèmes » (Maher, homme, 46 ans). Les Tunisiens établis se trouvent donc amenés à stigmatiser, eux aussi, les marginaux, afin de prouver leurs différences en reproduisant les dynamiques typiques des processus d’exclusion. Ainsi, on retrouve une lecture groupale ou collective qui divise entre « nous », les établis d’hier, et « eux », les nouveaux d’aujourd’hui : « Ceux d’aujourd’hui veulent gagner de l’argent avec peu d’efforts... Nous sommes arrivés ici et certains ont pris un mauvais chemin, mais ils sont peu nombreux et les conditions ne sont pas les mêmes. [...] Quand nous sommes arrivés, nous avons payé, maintenant ils ne le font pas, quand tu arrives tout est prêt » (Hamoud, homme, 52 ans). En outre, le groupe marginal est caractérisé par le « manque de fiabilité, l’indiscipline, le désordre » [25] : « Ils savent qu’en Italie tout est ouvert, la drogue et tout ce que tu veux, la criminalité, tu ne vas pas en prison..., c’est ce que les Tunisiens leur disent quand ils descendent : “En Italie tu peux faire ce que tu veux”. » (Adam, homme, 26 ans). Une autre caractéristique de cette relation réside dans la distance entre les groupes revendiquée par les établis comme moyen d’éviter l’infection anomique. Car les contacts entre groupes « minent les défenses construites par le groupe établi contre les violations des normes et des tabous communs » [26]. « Peut-être que tu peux lui laisser de l’argent, peut-être que s’il te demande quelque chose à manger tu peux le lui donner, mais s’il me demande de dormir chez moi, qu’est-ce que je peux faire ? S’ils [les policiers] viennent le chercher, ils vont me ruiner aussi ! » (Oualid, homme, 23 ans). Enfin, la stigmatisation des marginaux est accentuée en ce qu’ils salissent l’identité collective des établis [27] : « C’est fatigant parce qu’il suffit de tourner le coin de la rue et on trouve un dealer qui salit l’image de toute la communauté tunisienne ». (Ines, femme, 22 ans). VI. Le domaine du quotidien : cercles sociaux, stigmatisations, interrelations Si le groupe des établis souscrit et reproduit la stigmatisation vers les marginaux, en même temps il doit faire face à la définition externe développée par les autochtones, fondée sur l’image de la « minorité des pires », définition qui s’étend donc à tous les Tunisiens. Le domaine des interactions quotidiennes devient ainsi le champ où les établis tentent de promouvoir une identité sociale différente des Tunisiens marginaux, cherchant à obtenir une définition externe en cohérence avec leur auto-identification en termes de travailleurs et de bonnes personnes sur le plan moral. Ce besoin d’être réhabilité sur le plan identitaire est particulièrement ressenti par les jeunes hommes, catégorie la plus touchée par les préoccupations sécuritaires liées à la migration [28]. « À mon avis, parce qu’après 2012-2013, il y avait toute cette période des débarquements, et la plupart d’entre eux [les Italiens de Modène] pensaient que nous ne sommes pas des gens bien. [...] J’ai commencé dans cette entreprise qui était raciste : j’étais le premier Tunisien […]. On sentait que peut-être quand on travaillait à côté de quelqu’un..., on sentait la différence et aussi quelques blagues. Et puis ils ont appris à me connaître, moi et ma famille, mais ça s’est fait lentement. Après 5 ans, j’ai réussi à diriger l’entreprise lorsque le chef était hospitalisé » (Abed, homme, 27 ans). La réponse des établis à la stigmatisation, dont eux-mêmes souffrent, se traduit par une tactique de visibilité qui se joue au niveau des interactions, dans lesquelles « ils finissent pour apparaitre comme “l’exception qui confirme la règle” » [29]. « Et puis, quand [la fille que je voyais] a vu que j’étais Tunisien, elle avait reculé un peu, alors j’ai dit : “Attends, avant de faire quoi que ce soit, avant de commencer à penser..., je vais t’emmener chez moi, tu connais ma famille, tu connais notre façon de vivre, tu connais mes sœurs et tout”, et puis... » (Adam, homme, 26 ans). Il apparait donc que c’est au sein des réseaux connus que les établis sont en mesure de compter sur une identification « relationnelle » en tant qu’amis, travailleurs, étudiants ; identification qui surmonte la stigmatisation liée à l’identification ethnique de type « catégorielle » [30] prédominante dans les rencontres avec les inconnus. « C’est aussi pour cette raison qu’il y a moins de socialisation parce que tout le monde..., c’est-à-dire que si je fréquente des Italiens parce que ce sont mes collègues, ils savent qui je suis, ils ne me diraient jamais : “Tu es tunisien, tu travailles toujours sérieusement ou tu as aussi commencé à dealer ?”, ou une blague stupide, non ? Mais si vous allez dans un autre endroit où [ils ne te connaissent pas…], tu es grillé. Puisqu’il y a un stigmate à Modène, c’est sûr » (Laila, femme, 68 ans). Les Tunisiens établis à l’intérieur de leurs cercles sociaux peuvent donc envisager la construction d’une identité sociale positive, caractérisée par des valeurs comme l’effort, la modération, « l’intégration », valeurs qui les posent aux antipodes du groupe marginal. Néanmoins, à l’extérieur des cercles relationnels, cette tentative de se différencier de la « minorité des pires » se révèle un échec. En effet, la stigmatisation que les établis reproduisent à l’égard des marginaux les affecte également. Encore une fois, les interactions quotidiennes nous montrent ce procès à l’œuvre. Dans les rencontres au jour le jour, les jeunes notamment, qui ont pourtant un parfait accent modénais, font souvent l’expérience de leur condition de « discréditables » quand la catégorisation ethnique opère en public [31]. « Tu donnes la place à cette dame et entre un mot et un autre, puisque vous attendez : “Ah quel âge avez-vous ? Qu’est-ce que vous étudiez ?” Et là elle te dit : “D’où venez-vous ?”. Puisque très souvent, en hiver, je m’éclaircis et on me prend pour un Apulien : “Ah, Tunisienne !”. Pourquoi mettent-ils ce : “Ah, Tunisienne !” ? Parfois je me le demande, je me dis : “Pourquoi font-ils ça ?”. Et puis, d’un autre côté, je me dis que c’est normal, le journal est toujours plein de “un Tunisien a fait...”, je comprends… » (Ines, femme, 22 ans). Le cas des Tunisiens établis, groupe caractérisé par un statut plus haut que les marginaux, mais plus précaire que les autochtones, a donc permis d’apprécier la nature contextuelle de la stigmatisation et le fait que « chaque individu participe à deux rôles [celui de stigmatisé et de stigmatisant] » [32]. VII. Réponses similaires mais différentes : les identités sociales des établis Jusqu’ici, on a suivi les vicissitudes du groupe des Tunisiens établis à Modène en observant leur inscription dans des logiques de stigmatisation à l’égard des marginaux ainsi que leurs efforts pour s’en différencier, bien qu’avec des résultats incertains. Maintenant, nous proposons d’analyser comment les établis se différencient entre eux. Mais il faut rappeler que l’arrivée des nouveaux arrivants s’est produite en 2011 lors de la chute du régime de Ben Ali, évènement qu’ouvrait en Tunisie, comme dans les communautés émigrées, une nouvelle concurrence politique ainsi qu’une possibilité de développer des visions divergentes sur la « tunisianité » [33]. Deux processus, celui de la prise de distance par rapport aux nouveaux marginaux et celui de la réouverture du débat identitaire, vont de pair à Modène. Le premier processus correspond à un positionnement identitaire qu’on retrouve chez les établis. Il est lié à une perspective politique « moderniste » proche de la gauche et parfois du bénalisme et de sa rhétorique sur la « tunisianité » : être Tunisien veut dire primairement être héritier d’une Tunisie ouverte et cosmopolite, façonnée sur l’enseignement de Bourguiba et participant à un Islam illuminé et non dogmatique [34]. « Nous sommes arrivés dans les années de Bourguiba…, nous étions les gens les plus éduqués d’Afrique. Nous n’avions que 1 ou 2 % qui n’avaient pas étudié... Regardez le gouvernement maintenant... » (Mounir, homme, 60 ans). Ce sous-groupe des établis se retrouve ainsi éloigné de « sa » Tunisie suite aux événements révolutionnaires et postrévolutionnaires, et ressent comme une trahison tant l’anomie du présent que la réhabilitation de l’islamisme : « Je ne me reconnais pas dans l’impolitesse, l’ignorance, l’incapacité à reconnaître les valeurs de notre terre, les valeurs de notre terre ! Les principes, parce qu’il y avait des principes construits pendant 50 ans qui semblent s’être évaporés dans les airs ! Je fais référence à la propagande islamique, par exemple, à la masse de gens qui parlent au nom d’une religion qu’ils n’ont jamais connue... » (Olfa, femme, 43 ans). C’est dans ce sous-groupe qu’on retrouve les accents les plus durs contre les nouveaux arrivants ainsi qu’une construction identitaire qui s’oppose directement à l’image de ces derniers, en mettant en évidence les valeurs morales de l’honnêteté, de l’étude et du travail « dur ». Le deuxième processus est incarné par un sous-groupe davantage proche d’un positionnement politique islamiste, réintégré en Tunisie après la révolution et vainqueur de nombreuses élections. Pour cette raison, l’attitude à l’égard des nouveaux arrivés, qui, comme on l’a vu, représentent en quelque sorte la Tunisie d’aujourd’hui, est légèrement plus indulgente. Les conditions structurelles qui les poussent à la déviance sont mises en évidence. « Je n’aime pas les Tunisiens qui font des problèmes, pour te dire la vérité, parce que... Parlons de l’immigration : des gens viennent de Tunisie, ils viennent ici et que leur font-ils ? Le gouvernement leur dit : “Vous pouvez vous déplacer”, mais ne leur donne pas de document ou quoi que ce soit. Imagine-toi à leur place, cette personne qui vient ici et qui ne peut que rester ici, elle ne peut que se déplacer ici, mais elle n’a pas de document si, peut-être, elle veut trouver un emploi... » (Oualid, homme, 23 ans). Toutefois, la distance entre ce deuxième sous-groupe et les marginaux reste importante et se joue sur le plan de la participation à un registre moral et religieux. En fait, la construction identitaire de ce sous-groupe, qui superpose l’appartenance ethnique à celle religieuse liée à l’Islam, porte sur une différenciation qui vaut tant par rapport aux compatriotes « déviants » qu’aux autochtones. L’attention est notamment portée sur la deuxième génération pour laquelle la participation à une construction identitaire tuniso-islamique est vue comme nécessaire, afin d’éviter l’assimilation des coutumes occidentales et, en même temps, le glissement vers la déviance : « Il y a la deuxième génération qui est devenue italienne et la deuxième génération qui est entrée en contact avec ces jeunes qui sont venus de Lampedusa et qui sont donc entrés [dans la déviance] avec eux [...]. Beaucoup de notre génération au niveau islamique étaient déviants : ils buvaient, se droguaient et ainsi de suite, donc le concept n’était pas d’inculquer la religion, mais de les retirer de la déviance.... Beaucoup d’entre eux ont été sauvés, c’est-à-dire qu’ils se sont mis sur la bonne voie. » (Hicham, homme, 28 ans) Conclusion Cette étude nous a permis de réfléchir sur la contextualité et la fluidité de la construction de l’identité sociale et de chercher à comprendre comment, en réponse à un changement de configuration d’un univers politique et social, les groupes qui l’incarnent sont appelés à se repositionner les uns par rapport aux autres, et ce, en renouvelant la dialectique entre auto-identification et définition externe. En particulier, on a pu observer l’intrication des relations à l’intérieur d’une communauté « étrangère » et la complexité des constructions identitaires qui la traversent. De fait, cela permet de contester les approches qui ne voient des frontières qu’à l’extérieur des groupes ethniques, ou entre eux [35]. De plus, comme on a tenté de le démontrer, relier les dynamiques locales aux changements dans l’espace transnational, et donc surmonter un regard se situant uniquement à un niveau national [36], permet de développer une lecture encore plus approfondie des logiques sociales qui ont lieu au sein des communautés étrangères. Toutefois, surmonter à la fois le communautarisme et le nationalisme méthodologique dans l’analyse sociologique ne signifie pas nier la force de la catégorisation ethno-nationale dans la vie sociale. En effet, on a vu que « la vie sociale est profondément, bien qu’inégalement, structurée selon des lignes ethniques » [37] et que celles-ci constituent le matériel primaire pour la construction de puissantes frontières symboliques et sociales [38]. En conclusion, notre étude a montré comme la nature groupale ou collective de la stigmatisation, surtout quand elle est liée à une catégorisation ethno-nationale, affecte fortement la construction identitaire des groupes liminaux, comme les Tunisiens établis à Modène.
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AUTEUR Andrea Calabretta Professeur de sociologie Université de Padoue (Padova), FISPPA |
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ANNEXES |
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NOTES
[1]
Georg Simmel, Sociology. Inquiries into the Construction of Social Forms,
Leiden, Brill, 2009 [1908], p. 601.
[2]
Michèle Lamont et Virág Molnár, « The Study of
Boundaries in the Social Sciences », Annual Review of Sociology, 2002, vol. 28, p. 171.
[3]
Erving Goffman, Stigma. Notes on the Management of Spoiled Identity, London,
Penguin Books, 1990 [1963].
[4]
Norbert Elias et John L. Scotson, Le strategie dell’esclusione, Bologna, Il Mulino,
2004 [1965].
[5] Michael Eve, « Established and Outsiders in the Migration
Process& », Cambio. Rivista sulle Trasformazioni Sociali, 2001, vol. 1 , n° 2, p. 148.
[6]
Fredrik Barth,
Ethnic Groups and Boundaries. The social organisation of
cultural difference,
Boston, Little Brown and Company, 1969, p. 15.
[7]
Comme la définition de Henri Tajfel, « Social
identity and intergroup behaviour », Social Science Information, 1974, vol. 13,
n° 2, p. 72.
[8]
Caroline Howarth, « Identity in whose eyes?: the role of
representations in identity construction », Journal for the theory of social behaviour, 2002,
vol. 32, n° 2, p. 159.
[9]
Richard Jenkins, Social Identity, New York, Routledge, 2008.
[10]
Norbert Elias et John L. Scotson, 2004 [1965], op. cit.,
p. 235.
[11]
Andrew Abbott, Methods of Discovery: Heuristics for the Social Sciences,
New York, WW Norton & Co., 2004, p. 149-152.
[12]
Norbert Elias et John L. Scotson, 2004 [1965], op. cit., p. 84.
[13]
Robert D. Putnam, La tradizione civica nelle regioni italiane, Milano,
Mondadori, 1993.
[14] Annalisa Frisina, « Young Muslims’ Everyday Tactics
and Strategies: Resisting Islamophobia, Negotiating Italianness,
Becoming Citizens », Journal of Intercultural Studies, 2010, vol. 31 , n° 5, p. 563.
[15]
Stefano Allievi, « Sociology of a Newcomer: Muslim Migration to
Italy – Religious Visibility, Cultural and
Political Reactions »,
Immigrants & Minorities: Historical Studies in Ethnicity,
Migration and Diaspora,
2003, vol. 22, n° 2-3, p. 141-154.
[16]
Marco Zupi, « L’impatto delle primavera arabe sui
flussi migratori regionali e verso l’Italia », CeSPI Centro Studi di Politica Internazionale, 2012, en
ligne : https://www.parlamento.it/application/xmanager/projects/parlamento/file/repository/affariinternazionali/osservatorio/approfondimenti/PI0059App.pdf.
[17]
Howard S. Becker, Outsiders. Studi di sociologia della devianza, Milano, Meltemi, 2017
[1963], p. 175.
[18]
Norbert Elias et John L. Scotson, 2004 [1965], op. cit.
p. 20.
[19]
Rogers Brubaker, Ethnicity without groups, Cambridge (MA),
Harvard University Press, 2004.
[20]
Norbert Elias et John L. Scotson, 2004 [1965], op. cit.,
p. 21-22.
[21]
Henri Tajfel, 1974, op. cit., p. 69.
[22]
Fredrik Barth, 1969, op. cit., p. 9-10.
[23]
Michèle Lamont et Virág Molnár, 2002, op. cit.
[24]
Georg Simmel, 2009 [1908], op. cit., p. 601.
[25]
Norbert Elias et John L. Scotson, 2004 [1965], op. cit.
p. 28.
[26]
Ibid.,
p. 26.
[27]
Ibid.,
p. 29.
[28]
Annalisa Frisina, 2010, op. cit., p. 561.
[29]
Ibid.
[30]
Rogers Brubaker et Frederick Cooper, « Beyond
“identity”», Theory and Society, 2000, n° 29,
p. 15.
[31]
Erving Goffman, 1990 [1963], op. cit., p. 14.
[32]
Ibid.,
p. 163.
[33]
Fabio Merone, « Enduring Class Struggle in Tunisia: The
Fight for Identity beyond Political Islam », British Journal of Middle Eastern Studies, 2015, vol. 42 , n° 1, p. 78.
[34]
Loes Debuysere, «‘La Femme’ Before and After the
Tunisian Uprising: (Dis)continuities in the Configuration of Women
in the Truth Regime of ‘Tunisianité’», Middle East Law and Governance, 2016, vol. 8,
p. 203.
[35]
Rogers Brubaker, 2004, op. cit., p. 8.
[36]
Andreas Wimmer, Nina Glick-Schiller, « Methodological
Nationalism, the Social Sciences, and the Study of Migration: An
Essay in Historical Epistemology », International Migration Review, 2003, vol.37,
n° 3, p. 576-610.
[37]
Rogers Brubaker, 2004, op. cit., p. 2.
[38]
Michèle Lamont et Virág Molnár, 2002, op. cit.
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RÉFÉRENCES Pour citer cet article : Andrea Calabretta, « Accepter et combattre la stigmatisation. La difficile construction de l’identité sociale de la communauté tunisienne à Modène (Italie) », dans Espaces, territoires et identités : jeux d’acteurs et manières d’habiter, Hervé Marchal [dir.], Territoires contemporains - nouvelle série [en ligne],4 mai 2023, n° 19, disponible sur : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC.html. Auteur : Andrea Calabretta. Droits : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/TC/credits_contacts.html ISSN : 1961-9944 |
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