La « démocratisation culturelle » : mythe ou réalité ?
Les publics et leur évaluation, un nouvel enjeu des politiques de la culture en Suisse

 

La démocratisation culturelle est, en Suisse aujourd’hui, au centre des politiques de la culture des villes et des cantons, mais aussi, depuis peu, de la Confédération. Mais quelles en sont les différentes matérialisations ? Quelle est la place spécifique donnée aux publics dans les politiques publiques tant locales que nationale de la culture ? Quel rôle jouent dans ce contexte les enquêtes sociologiques et statistiques menées ces dernières années à des échelles variées du pays ?

Des quelques exemples helvétiques étudiés dans cette contribution, il ressort que la réponse donnée par les acteurs à la question de savoir si la « démocratisation culturelle » est, encore, un mythe ou, déjà, une réalité effective varie considérablement d’un cas à l’autre. Une situation disparate qui pointe globalement vers une prise d’importance, ces deux dernières décennies, de la question des publics dans les politiques de la culture en Suisse, tout en signalant une réappropriation complexe et spécifique de ce qui, en France, est devenu un idéal « classique[1] ».

Des chiffres et des lettres : les référentiels politiques et leurs enquêtes

On propose de s’intéresser aux politiques de la culture de plusieurs collectivités locales en Suisse romande, puis au discours nouvellement développé au niveau national, afin de cerner la place des publics dans les référentiels actuels de politique culturelle. Par « référentiel », le politologue Pierre Muller désigne une « représentation ‘vraie’ du monde », construite par les différents acteurs engagés dans la définition d’une politique et englobant des « valeurs », des « normes », voire des « images », qui sont des « idées en action[2] ». Les lois, règlements, préavis, messages, lignes directrices, listes de mesures et autres brochures de présentation sont les différents supports qui rendent visible un référentiel.

Ce faisant, nous évoquerons également les enquêtes sur les pratiques culturelles menées ces dernières années en Suisse, en les réinsérant dans leurs conditions de production et de diffusion. Ces études ont été foisonnantes dans les pays voisins[3]. En Suisse, elles ont été longtemps absentes de l’agenda scientifique, notamment au niveau national où la première enquête d’envergure en vingt ans vient d’être menée. A l’échelon local, en Suisse romande, les pratiques culturelles ont fait l’objet de plusieurs études chiffrées. A l’instar de la France où le lien entre statistiques culturelles et politique de la culture est ancien[4], référentiels de démocratisation culturelle et étude des pratiques culturelles sont, en Helvétie également, de plus en plus intimement liés, les secondes devenant un « instrument » des premiers[5]. Cette imbrication croissante entre politique culturelle et expertise scientifique soulève des questions de fond, qui seront traitées dans la conclusion de cet article.

Deux référentiels contrastés en Suisse romande

Procédons tout d’abord à une exploration comparative des référentiels des deux grands centres urbains romands et de leurs cantons : Genève, qui est pour ainsi dire un canton-ville, et Lausanne, avec le canton de Vaud qui représente un territoire bien plus vaste. Cette mise en perspective montre que, si la « démocratisation culturelle » devient un nouveau mode – voire une mode – dans les politiques culturelles, elle se matérialise dans des formes très contrastées.

Le paradigme de l’offre abondante : Lausanne en Pays de Cocagne culturel

Lausanne fait partie des cinq grandes villes suisses du pays – elle est la quatrième devant Berne, la capitale – et ses dépenses culturelles se montent à environ 45 millions de francs par an ; pour le Canton de Vaud, ces dépenses s’élèvent à 72 millions[6]. Alors que le Canton de Vaud, traditionnellement plutôt actif sur le versant patrimonial de la culture, peine quelque peu à rendre visible son engagement auprès de la population large, Lausanne jouit d’une réputation culturelle perçue loin à la ronde.

En suivant le principe de subsidiarité en vigueur en Suisse, c’est à l’échelon le plus local – ici les communes – de formuler des politiques et des mesures concrètes. Le référentiel du Canton de Vaud énonce dès lors d’une manière très générale l’importance de la question des publics et de l’accès à la culture. Outre qu’elle rappelle la liberté de l’art (art. 18), la Constitution vaudoise affirme que le canton conduit une politique culturelle favorisant l’accès et la participation à la culture (art. 53)[7]. En consultation en 2010, la nouvelle Loi cantonale sur la promotion de la culture (LPC) est un peu plus éloquente : ses cinq domaines d’intervention incluent l’augmentation de l’accessibilité de l’offre culturelle (les personnes handicapées sont mentionnées comme, ailleurs, les malvoyants, aveugles, malentendants et sourds – il s’agit donc au départ de critères moins sociaux que physiques, même s’ils peuvent mener à de l’exclusion sociale), mais aussi la sensibilisation à la culture auprès des jeunes, dans un cadre scolaire. Et parmi les sept lignes de force de la politique culturelle cantonale présentées lors de la conférence de presse inaugurant cette consultation, la cinquième se réfère à la « médiation culturelle » et réaffirme la nécessité de « favoriser l’accès du plus grand nombre à toutes les formes de culture[8] ». L’exposé des motifs de cette loi est, lui, un peu plus disert : en posant qu’une œuvre « achève de trouver son sens face au public qu’elle rencontre », il crée un lien inhabituellement étroit entre création et réception, dans une perspective de rayonnement et de rentabilisation des coûts d’une production[9].

Le discours est plus concret au niveau de la Ville de Lausanne. En 2008, son Service de la culture a publié un volumineux Rapport-préavis[10] qui procède, à la faveur d’un changement de direction du Service, à un état des lieux détaillé du paysage culturel lausannois. Ce document se plaît à relever l’offre culturelle lausannoise « riche et diversifiée », en n’hésitant pas à comparer le chef-lieu vaudois à Paris, Londres ou Berlin. Le site Internet de la Ville[11] qualifie d’ailleurs Lausanne de « ville culturelle » multiple et vivante: on y jouit d’une « accessibilité » généralisée à la culture par une offre « omniprésente » située « au cœur de la ville ». A en croire ce site, à Lausanne, la culture est partout : « Grâce aux nombreux festivals ainsi qu’aux innombrables petites scènes et théâtres d’essai qui animent les quartiers, la culture est ici en permanence à la portée de tous. »

Au travers de cette offre permanente et omniprésente, la demande qui doit suivre d’elle-même. Les mesures envisagées en témoignent. Parmi les trois lignes directrices de la politique culturelle de la Ville, il y a, outre la volonté de soutenir une vie culturelle attractive et dynamique, en deuxième lieu, l’idée de « favoriser l’accès de l’ensemble du public » à la culture[12]. Des trois mesures listées à cette occasion, l’une a trait directement à l’offre (le renforcement du soutien aux manifestations destinées à un large public) et une autre s’attaque à la seule dimension pécuniaire : on vise une offre abordable au plus grand nombre au niveau des prix, en ciblant les catégories défavorisées classiques (enfants, jeunes, familles, retraités, chômeurs). Et une visée citée dans ce contexte est d’améliorer l’information sur la culture – car l’abondance même de l’offre lausannoise la rend difficilement perceptible : avec plus de 130 lieux ou événements à Lausanne, « comment s’y retrouver dans une offre si vaste[13] ? Dans ce Pays de Cocagne culturel qu’est la ville de Lausanne, l’offre abondante satisfait donc d’elle-même une demande qui n’a d’obstacles que le porte-monnaie ou le manque d’information. Pour les édiles culturels lausannois – qui s’étaient lancés, dans les années 1980, dans une politique volontariste du rayonnement : Matthias Langhoff, Maurice Béjart[14] –, cette abondance et survisibilité de l’offre est la garantie d’une démocratisation culturelle aujourd’hui déjà atteinte.

L’utilisation des résultats d’enquête par la Ville ces dernières années va dans ce sens. Il y a une dizaine d’années, le Service de la culture avait commandité une étude sociologique sur les pratiques de la population[15]. A la publication des résultats, la principale feuille locale, mobilisée par les commanditaires, titrait en une : « Culture mon amour[16] »... Les résultats de cette étude étaient pourtant contrastés. Certes, ils montraient que plus de la moitié de la population de Lausanne et de son agglomération (59%) avait fréquenté dans l’année au moins l’un des 38 lieux ou événements culturels, dans l’acception restreinte du terme (théâtre, musique classique, danse, musées). Mais ils révélaient également qu’une fréquentation plus assidue de cette offre était plus rare et fortement dépendante du profil sociodémographique des personnes, notamment du niveau de formation : seul un quart de la population pouvait se targuer de 7 fréquentations ou plus dans l’année, et 17%, d’une pratique au moins mensuelle – des personnes plus âgées, aisées et formées que la moyenne. Dans le domaine des arts de la scène, environ un tiers des personnes (32%) avait fréquenté un théâtre dans l’année, à savoir un public plutôt féminisé (composé de 62% de femmes) et âgé, avec une nette surreprésentation des 45-59 ans. Pour la danse, le public était – sans surprise, vu l’offre bien moins importante – encore plus restreint (20% de la population), mais aussi plus féminisé (67%) et âgé, avec une surreprésentation des 60 ans et plus cette fois[17].

Tant les résultats très optimistes que la diffusion plutôt confidentielle d’une récente étude – portant sur l’ « offre culturelle », selon son titre, et surtout, sur la satisfaction de la population vis-à-vis de ladite offre[18] – confirment une utilisation unilatérale, à Lausanne, d’études mesurant la participation culturelle dans le sens d’une validation d’un accès à la culture largement généralisé grâce à une offre plus qu’abondante. Tout se passe comme si, dans cette ville, la question de la démocratisation de la culture était moins une utopie vers laquelle tendre qu’un objectif déjà atteint – ainsi qu’un argument bienvenu pour légitimer les dépenses culturelles municipales.

Le modèle de la demande multiple : Genève en Terre d’accueil de tous les publics

Si, à Genève également, les publics sont au centre du référentiel de la politique culturelle, la place qui leur est attribuée est différente. Le Canton (54 millions) et, surtout, la Ville de Genève (218 millions) ont des dépenses publiques pour la culture notoirement généreuses[19]. En même temps, la quasi superposition entre ville et canton pose des questions récurrentes sur la répartition des tâches entre les deux niveaux[20], sans oublier que la Cité de Calvin – qui se présente, elle aussi, comme une « ville de culture », notamment patrimoniale[21] – est réputée avoir une relation tendue aux arts et aux divertissements.

C’est peut-être pour ces raisons détournées que la réflexion sur les publics apparaît comme particulièrement développée à Genève, rappelant en cela son voisin direct, la France. Datant de 1996, la Loi sur l’accès et l’encouragement à la culture (LAEC, 1996) contient déjà, dans son intitulé même, la référence au thème qui nous intéresse[22]. Dans cette loi, il est question de rayonnement et de développement des grandes institutions (art. 1), mais aussi de l’encouragement d’un accès le plus large possible à la culture (premier principe énoncé à l’art. 2). Parmi les « orientations » (art. 4), on cite l’action permanente auprès des jeunes favorisant l’éveil, l’éducation et la pratique culturels. Cette loi est actuellement en révision[23]. Datés de 2009, la présentation et l’exposé des motifs de l’Avant-projet de loi évoquent – comme cinquième des cinq grandes tâches à relever – la « médiation et sensibilisation des jeunes à l’art et la culture ». Les arts et la culture, est-il par ailleurs expliqué, « sont nécessaires à notre qualité de vie » ; ils « s’adressent à tous » et « nul ne devrait être empêché d’y avoir accès » notamment pour des raisons économiques ou, également, sociales[24]. Il s’agit, selon le Service cantonal de la culture, d’assurer la « diversité de l’offre », mais aussi de « former le public de demain »[25].Dans cette même veine, le site Internet du Département de la culture de la Ville de Genève précise que cette dernière « porte une attention particulière à tous ses publics » avec pour objectif, notamment, de favoriser l’intégration par la culture[26]. On trouve, à Genève, une vision couvrante de l’offre – et aussi du côté des nombreux sous-publics à satisfaire. Sous le mot d’ordre « culture pour tous », la Ville[27] liste un à un les sous-groupes de la population visés, aussi nombreux que variés, dont l’accès à la culture pourrait être difficile et qui deviennent autant de destinataires de la politique de démocratisation culturelle très volontariste de la Ville. Il y a tout d’abord les revenus modestes, pour lesquels il s’agit de « lever le frein financier » ; puis le jeune public, bien sûr. On veut également accueillir des personnes d’origines socioculturelles multiples, en parlant de levée des « obstacles socioculturels » (il est question d’agents d’accueil, ou de médiateurs culturels). Un point concerne la problématique handicap et culture ; enfin, les seniors sont également visés par des mesures spécifiques. Signe de l’attention marquée accordée à la question de l’accès à la culture, la Ville possède une unité spécifiquement vouée à cette tâche. Créé en 1992, le Service de la promotion culturelle (SPC) gère les « mesures facilitant l’accès de tous les publics aux activités culturelles » et s’occupe ainsi de la conception des supports promotionnels (affiches, brochures, vidéo, Internet), de la promotion de « grandes manifestations » (Fête de la musique, Fureur de lire, etc.) et de la carte 20 ans/20 francs, du Chéquier culture, ou encore des invitations et autres matinées. Le dispositif genevois de mesures est donc vaste, englobant, avec, pour un éventail varié de sous-publics, des mesures spécifiques. Le rapport aux données chiffrées issues d’enquêtes est aussi différent. Si, à Lausanne, les chiffres venaient d’une certaine manière récompenser une démocratie culturelle déjà atteinte, à Genève, les résultats quantitatifs doivent plutôt révéler la nécessite d’engager une démocratisation culturelle et justifier les mesures prises pour combler l’écart constaté entre la culture et le plus grand nombre. En 2003, la Ville de Genève à travers son Service culturel, l’Etat de Genève et son Département de l’instruction publique ainsi que l’Association des Communes Genevoises (ACG) ont mandaté conjointement un institut privé pour réaliser une étude[28] dont l’objectif était de saisir les besoins et attentes de la population genevoise en matière culturelle, et ce en comparant les résultats qui seraient obtenus avec ceux issus d’une précédente étude menée dix ans auparavant, en 1993. L’enquête portait ainsi tant sur les pratiques déclarées que sur les représentations des individus interrogés par téléphone. Les résultats ont montré que les cinémas (79% des habitantes et habitants du canton s’y sont rendus dans l’année), les « grandes fêtes culturelles » (63%), mais aussi les fêtes de quartier (56 %) étaient largement fréquentés alors que les théâtres ou spectacles de danse l’étaient moins. L’étude avait même identifié une « très légère baisse » pour le théâtre en dix ans (-3 %, alors même que la fréquentation avec l’école avait augmenté, dans le même laps de temps, de 13%) et, « plus importante », pour la danse classique ou contemporaine (-5 %), les musées (-5 %) et les expositions (-7 %)[29]. Les motivations et critères de choix des sorties culturelles, l’envie d’en faire davantage, les obstacles et des incitations possibles faisaient également partie de cette enquête. Alors qu’un souhait de faire plus de sorties était largement exprimé – particulièrement pour le cinéma (64%), les grandes fêtes culturelles (64%), mais aussi pour le théâtre (61%) –, le temps et, plus loin derrière, les raisons économiques, familiales ou pratiques étaient mentionnés par les interviewés comme des obstacles à une pratique culturelle plus soutenue.

Commanditée pour cerner les pratiques et les attentes de la population, préciser les mesures à prendre et, enfin, pour procéder à une comparaison avec l’enquête précédente en vue de capter les évolutions de l’accès à la culture par la population, cette enquête suit la plus pure tradition des enquêtes sur les « Pratiques culturelles des Français ». Elle confirme l’image d’une politique genevoise inscrite dans un projet de démocratisation culturelle de longue haleine, conçue comme un but idéal à atteindre et pensée sur le mode de la facilitation, pour le plus grand nombre, de l’accès à la culture essentiellement « légitime ».

Le niveau national : un nouveau référentiel et ses impensés

Sur le plan fédéral également, la question des publics et de l’accès à la culture a gagné, ces dernières années, en actualité. Dans ce pays fédéraliste qu’est la Suisse, l’Etat central ne joue qu’un rôle subsidiaire dans de nombreux domaines, qui relèvent des cantons[30]. Jusque il y a une dizaine d’années, la culture n’avait d’ailleurs pas, en Suisse, de base constitutionnelle spécifique, et ce n’est qu’après plusieurs tentatives infructueuses qu’un article sur la culture a été intégré à la Constitution fédérale, en 2000. Cet article 69 pose, à son premier alinéa, que la culture est…l’affaire des cantons. Mais – et c’est nouveau – il précise aussi que la Confédération peut développer une politique culturelle active, notamment dans la formation musicale ou quand il y a un intérêt national reconnu.

Un volontarisme confédéral inédit : la Loi sur l’encouragement de la culture (LEC)

Votée fin 2009 par le Parlement sur la base de cet article et devant entrer en vigueur en 2012, la nouvelle Loi sur l’encouragement de la culture (LEC) contient plusieurs passages qui visent une démocratisation culturelle. Dès son premier article (lit. a, point 3), la LEC mentionne les « médiations artistiques et culturelles » comme l’un de ses objets. L’article 8 liste, parmi les projets prioritaires et à sa première lettre, des projets « qui permettent à la population d’accéder à la culture ou lui facilitent cet accès ». Et l’article 19 précise, au sujet de l’« encouragement de la médiation artistique », que la Confédération peut même « prendre des mesures pour familiariser le public avec une œuvre ou une prestation artistique ».

Elaboré par l’Office fédéral de la culture (OFC), le « Ministère de la culture » helvétique, le « Message culture » 2012-2015 témoigne de cet intérêt nouveau de la Confédération pour la question des publics et de l’accès à la culture[31]. « Les créateurs culturels ont besoin de se produire ou d’exposer, de trouver un public intéressé et d’avoir accès au marché de l’art », affirme ce document. Comme premier des trois « principaux objectifs » de l’encouragement de la culture par l’Etat – défini au passage comme une « tâche prioritaire » – il est posé que la Confédération « facilite à toutes les couches de la population l’accès aux prestations culturelles et renforce la participation active et passive à la vie culturelle ». L’accès à la culture est, par ailleurs, également désigné comme « un instrument important d’intégration sociale ».

A noter que la définition même de la culture se trouve précisée et, partant, transformée au passage : « La politique culturelle de la Confédération ne prétend pas amener chacune et chacun à ce qu’on appelle la grande culture classique », explique ainsi le Message. Son objectif est plutôt, « au titre de l’égalité des chances », de faciliter « à l’ensemble des groupes sociaux, et notamment aux enfants et aux jeunes », l’accès « à une large palette de formes d’expression culturelle ». Signe de cet élargissement, la fondation Pro Helvetia, dont il est déclaré ici qu’elle doit « s’assurer que les producteurs d’art n’oublient pas le public », ont, au sein de leur nouvelle priorité « Go digital ! », créé le programme « GameCulture » dédié aux jeux vidéo[32].

Vers un référentiel consumériste ? L’offre, la demande… et une enquête

C’est dans le cadre de ce volontarisme nouveau de la Confédération qu’une enquête nationale a été menée, en 2008, par l’Office fédéral de la statistique (OFS), portant sur les pratiques culturelles en Suisse. Il s’agit de la première étude d’envergure en vingt ans sur ce thème[33]. Cofinancée par l’Office fédéral de la culture (OFC), cette enquête portait sur la fréquentation des institutions culturelles, l’utilisation des médias et les activités culturelles pratiquées en amateur, mais aussi – en lien direct avec l’intérêt nouveau des autorités fédérales pour la question de l’accès à la culture – sur les motivations des sorties, le souhait d’en effectuer davantage et les obstacles à une pratique plus soutenue[34].

Les résultats ont montré une fréquentation importante pour certaines institutions – environ les deux tiers de la population en Suisse a été au cinéma, visité des monuments et sites, été au musée ou s’est rendu à des concerts dans l’année –, alors que d’autres domaines sont ressortis comme moins fréquentés, comme le théâtre, fréquenté par 42% de la population, ou des spectacles de danse ou de ballet (20%). De plus, la grande majorité de ces activités a été effectuée de manière plutôt occasionnelle (1 à 6 fois en 2008), à l’exception des bibliothèques et du cinéma, où la part de public plus assidu est plus importante. Sans surprise, l’étude a également montré que l’âge, le revenu du ménage et, surtout, le niveau de formation des personnes jouaient un rôle central dans l’accès à la culture, ainsi que la dimension ville-campagne et la région linguistique, tandis que le sexe était, à ce niveau global, moins important.

Plus intéressant pour l’OFC, il est apparu que la population souhaitait se rendre davantage à des concerts (59%), au théâtre (42%) ou au cinéma (40%), pourtant déjà largement fréquentés ; souhaiter aller plus au musée (30%) ou dans une bibliothèque ou médiathèque (14%) était moins souvent mentionné. L’analyse montrait par ailleurs que l’envie d’en faire davantage en matière culturelle suivait les mêmes évolutions que la pratique elle-même, augmentant avec le niveau de formation ou le revenu du ménage. Parmi les obstacles les plus cités, il y avait, en premier lieu le temps, mais aussi les horaires, suivis un peu plus loin par les coûts, alors que d’autres obstacles comme l’entourage, une offre jugée insatisfaisante, des facteurs personnels (maladie, désintérêt, etc.) ou l’infrastructure (transports, parking, etc.) étaient moins cités. A la conférence de presse organisée par les deux offices lors de la publication des résultats, l’OFC a mis l’accent sur les souhaits et les obstacles. Comme par ailleurs aussi sur la nécessité de « réintroduire la notion de divertissement » : en effet, parmi les motivations des sorties culturelles, l’intérêt actif (68%) et la volonté de se divertir (60%) étaient ressortis presque ex æquo en tête[35].

Si l’on peut se réjouir du retour de cet objet dans l’agenda statistique confédéral, on doit s’interroger sur le projet politique dans lequel il s’inscrit. Il est question de faciliter l’accès à la culture – mais s’agit-il bien du même idéal que celui mis en avant par André Malraux, en 1959, soucieux de « rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité au plus grand nombre[36] » ? En 2004, le chef du Département fédéral de l’intérieur de l’époque (centre-droit) déclarait, lors d’une réunion internationale : « Après des années d’efforts pour développer l’offre culturelle, il convient maintenant de chercher des moyens de développer la demande[37]. » Ce glissement vers une rhétorique de l’offre et de la demande n’est sans doute pas que sémantique, mais aussi paradigmatique. Dans la « politique culturelle libérale » de l’Etat – ainsi nommée par le Ministre suisse de la culture – à laquelle la récente étude sur les pratiques culturelles est, à l’origine, liée, il s’agit moins de rapprocher la population d’un art conçu comme un bien élevé que, plutôt, de rapprocher l’art de la population, afin de satisfaire les attentes de ceux qu’on désigne, ici, comme des « citoyens consommateurs ». Cet objectif doit être atteint via une offre multiple et variée dans laquelle l’Etat n’a, toujours selon le Ministre – ici, la rupture avec Malraux est évidente –, plus de rôle prescripteur à jouer[38].

La « démocratisation culturelle » : un idéal et ses usages politiques

Jusque dans les années 1980-1990, la légitimation de la politique et des dépenses culturelles passait volontiers par l’argument économique. En Suisse, on peut citer, pour le seul cas lausannois, deux études commanditées par les collectivités locales démontrant l’apport financier des quatre grandes institutions de la ville, en 1989[39], puis de l’ensemble des institutions, en 1997[40]. Aujourd’hui, cette argumentation passe de plus en plus par les publics et, plus généralement, le rôle « social » de la culture. Dans les mots d’un spécialiste français, on se trouve face à une « légitimation de l’art par le social[41] ». Les référentiels de politique culturelle des autres grandes villes helvétiques – ou les débats autour de ceux-ci – tendent à confirmer une généralisation du phénomène[42].

Autrefois distinctive, en suivant l’analyse sans fard effectuée par Pierre Bourdieu[43], la culture est devenue facteur d’intégration de sociétés aux populations de plus en plus hétérogènes. Dans le cadre de cette évolution, on observe une imbrication croissante entre les études sociologiques ou statistiques et les politiques de la culture[44]. Si cette prise d’importance de l’analyse des publics et des pratiques culturelles ne peut qu’être saluée du point de vue de la sociologie de la culture, elle n’est toutefois pas sans ambivalences. L’étude rapprochée de trois exemples helvétiques a montré que l’idéal de « démocratisation culturelle » peut faire l’objet de réappropriations très variées, comme le peuvent aussi les résultats des enquêtes scientifiques. Révélation des inégalités d’accès à la culture en vue de l’élaboration de mesures spécifiques et ciblées, confirmation d’une démocratisation culturelle qui serait déjà atteinte à des fins de légitimation, translation en direction d’une conception plus consumériste de l’accès à la culture en termes d’offre et de demande : les réappropriations de l’idéal cher à André Malraux sont multiples et, parfois, inattendues. La définition de la place du public et de la culture à laquelle il s’agit de faciliter l’accès, comme de la relation à la création et aux arts, se trouvent ainsi profondément modifiées.

Olivier Moeschler,
Université de Lausanne

Bibliographie

Ouvrages et articles

  • Bourdieu, Pierre et Darbel, Alain, L’amour de l’art, Les Editions de Minuit, Paris, 1966.
  • Bourdieu, Pierre, La Distinction, Les Editions de Minuit, Paris, 1979.
  • Cunha, Antonio (avec Ghelew, Alexandre), Culture et économie à Lausanne. Essai d’évaluation de l’impact économique des principales institutions culturelles, OESES, Lausanne, 1989.
  • Ducret, André et Moeschler, Olivier [éd.], Nouveaux regards sur les pratiques culturelles, L’Harmattan, Paris, 2011.
  • Ducret, André, « La connaissance des publics de la culture comme instrument d’une politique culturelle », in Olivier Moeschler et Olivier Thévenin [éd.], Les Territoires de la démocratisation culturelle, L’Harmattan, Paris, 2009, p. 181-185.
  • Fleury, Laurent, Sociologie de la culture et des pratiques culturelles, Armand Colin, Paris, 2006.
  • Greffe, Xavier, Artistes et marchés, La Documentation française, Paris, 2007.
  • MIS Trend, Enquête sur les pratiques culturelles dans le canton de Genève, Lausanne, 2004 (résumé en ligne : ftp://ftp.geneve.ch/dip/sacdossierpresse.pdf, février 2011).
  • Moeschler, Olivier et Thévenin, Olivier [éd.], Les Territoires de la démocratisation culturelle, L’Harmattan, Paris, 2009.
  • Moeschler, Olivier et Vanhooydonck, Stéphanie, « Culture et identités. Quand les pratiques culturelles (re-)deviennent un objet d’étude légitime » in Burton-Jeangros, Claudine, Maeder, Christoph et Kettenacker, Florian [éd.], Identität und Wandel der Lebensformen, Seismo, Zurich, 2011 (à paraître).
  • Moeschler, Olivier et Vanhooydonck, Stéphanie, « La statistique de la culture en Suisse. Etat des lieux et enquête nationale sur les pratiques culturelles », in Andrea Ghiringhelli et Elio Venturelli [éd.], Mesure la culture, Salvioni editore, Bellinzone, 2011 (à paraître).
  • Moeschler, Olivier, « Enquête sur les publics de la culture à Lausanne. Chronique d’un malentendu productif », in Olivier Donnat et Paul Tolila [éd.], Le(s) public(s) de la culture, Presses Sciences Po, Paris, t. II, p. 51-63.
  • Moeschler, Olivier, Publics de la culture à Lausanne. Enquête sur la fréquentation des institutions culturelles, Bureau lausannois de statistique, Lausanne, 2000.
  • Muller, Pierre, « Les politiques publiques comme construction d'un rapport au monde », in Faure, Alain, Pollet, Gilles et Warin, Philippe [éd.], La construction du sens dans les politiques publiques. Débats autour de la notion de référentiel, L'Harmattan, Paris, p. 153-179.
  • Office fédéral de la statistique, Les dépenses publiques en faveur de la culture en Suisse, 1990-2007, OFS, Neuchâtel, 2009.
  • Office fédéral de la statistique, Les pratiques culturelles en Suisse. Premiers résultats, OFS, Neuchâtel, 2009.
  • Office fédéral de la statistique, Les pratiques culturelles en Suisse. Analyse approfondie – enquête 2008, OFS, Neuchâtel, 2011.
  • Peytregnet, Aldona, L’impact économique des institutions culturelles, Service des affaires culturelles, Lausanne, 1997.
  • Pidoux, Jean-Yves, Langhoff à Lausanne. L'ouragan lent, Editions Theaterkultur et Editions d’en bas, Bâle et Lausanne, 1994.

Ressources internet



[1] Cet article s’inscrit dans une réflexion plus générale sur les échelles des politiques de démocratisation et sur la mesure des pratiques culturelles : Olivier Moeschler et Olivier Thévenin [éd.], Les Territoires de la démocratisation culturelle, L’Harmattan, Paris, 2009 ; André Ducret et Olivier Moeschler [éd.], Nouveaux regards sur les pratiques culturelles, L’Harmattan, Paris, 2011. Une version courte, réduite à l’échelle cantonale a été publiée dans A.-C. Sutermeister [éd.], La médiation culturelle dans les arts de la scène. Lausanne-Malley, HETSR-La Manufacture, 2011, p. 53-62. Nos remerciements vont à Anne-Catherine Sutermeister qui, par ses remarques judicieuses, a contribué à améliorer ce texte.

[2] Pierre Muller, « Les politiques publiques comme construction d'un rapport au monde », in Alain Faure, Gilles Pollet et Philippe Warin [éd.], La construction du sens dans les politiques publiques. Débats autour de la notion de référentiel, L'Harmattan, Paris, p. 153-179.

[3] Citons seulement, pour la France, les cinq enquêtes sur les pratiques culturelles des Français menées par le DEPS depuis le début des années 1970. En Allemagne, des études nationales analogues ont régulièrement été réalisées, même si souvent dans une perspective plus marketing.

[4] Laurent Fleury, Sociologie de la culture et des pratiques culturelles, Armand Colin, Paris, 2006.

[5] Le terme est d’André Ducret dans son article : « La connaissance des publics de la culture comme instrument d’une politique culturelle », in Olivier Moeschler et Olivier Thévenin [éd.], Les Territoires de la démocratisation culturelle, L’Harmattan, Paris, 2009, p. 181-185.

[6] Office fédéral de la statistique, Les dépenses publiques en faveur de la culture en Suisse, 1990-2007, OFS, Neuchâtel, 2009, p. 19 et 21 (chiffres 2007).

[9] En ligne : www.ucv.ch/net/com/100032/Images/file/Consultations/2010/LPC_expose_motifs.pdf, février 2011, p. 8. Il est notamment dit que les pouvoirs publics doivent « exhorter les artistes, les éditeurs et les promoteurs culturels » à penser à la diffusion des œuvres en Suisse et à l’étranger « dès la conception de leur projet » ; ibid., p. 9.

[10] Rapport-préavis n. 2008/26, En ligne : www.lausanne.ch/view.asp?DocId=29363, novembre 2010.

[12] En ligne : www.lausanne.ch/view.asp?DocId=29366, novembre 2010.

[13] En ligne : www.lausanne.ch/view.asp?docId=32543&domId=64300&language=F, novembre 2010. Une troisième mesure signale une réflexion davantage axée sur le long terme : l’initiation du public jeune à la culture, à laquelle est dédié le projet d’un nouveau pôle culturel à créer au centre de Lausanne autour d’un grand théâtre pour enfants.

[14] Jean-Yves Pidoux, Langhoff à Lausanne. L'ouragan lent, Editions Theaterkultur et Editions d’en bas, Bâle et Lausanne, 1994.

[15] Olivier Moeschler, Publics de la culture à Lausanne. Enquête sur la fréquentation des institutions culturelles, Bureau lausannois de statistique, Lausanne, 2000.

[16] Cette référence involontaire à la première enquête de Pierre Bourdieu en la matière, L’amour de l’art (Minuit, Paris, 1966), émane du quotidien 24heures (10-11 février 2001).

[17] A noter toutefois que l’étude montrait aussi des profils contrastés entre le « in » et le « off », ce dernier attirant un public moins féminisé, moins aisé et plus jeune, quoique toujours bien formé ; op. cit., p. 34-35. Pour une analyse plus détaillée des conditions de production et diffusion de l’enquête lausannoise, cf. Olivier Moeschler, « Enquête sur les publics de la culture à Lausanne. Chronique d’un malentendu productif », in Olivier Donnat et Paul Tolila [éd.], Le(s) public(s) de la culture, Presses Sciences Po, Paris, t. II, p. 51-63.

[18] Joaquin Fernandez Marketing Intelligence & Etudes de marché, Etude « offre culturelle’ » Genève, 2008. La méthodologie peu explicite de cette étude rend sa discussion approfondie difficile.

[19] Office fédéral de la statistique, op. cit., p. 19 et 21.

[20] La décision prise, puis suspendue, de transférer l’ensemble des charges culturelles du Canton vers la Ville de Genève a ainsi donné naissance, en 2007, au RAAC (Rassemblement des artistes et acteurs culturels), qui s’est fortement engagé dans les débats virulents de ces dernières années. En ligne : www.raac.ch/, novembre 2010.

[21] En ligne : www.ville-geneve.ch/geneve-ville-culture/, novembre 2010.

[23] Un document retrace les résultats de la consultation. En ligne :
http://www.geneve.ch/scc/doc/dossiers/celac/celac_expose_commentaires_consultation.pdf, mars 2011.

[25] En ligne :www.geneve.ch/scc/scc_bref.asp, février 2011.

[26] En ligne : www.ville-geneve.ch/geneve-ville-culture/, novembre 2010.

[27] Ibid.

[28] MIS Trend, Enquête sur les pratiques culturelles dans le canton de Genève, Lausanne, 2004. On relèvera qu’en amont de l’enquête proprement dite, les sociologues André Ducret (Département de sociologie, Université de Genève) et Dominique Gros (SRED Service de la recherche en éducation, Etat de Genève) furent alors mandatés comme experts externes, respectivement par la Ville et par le Canton, pour ce qui est de la définition du plan de recherche, en particulier de la conception du questionnaire et de sa compatibilité visée avec celui utilisé en 1993.

[29] Ibid., p. 10, et p. 6 du résumé (En ligne : ftp://ftp.geneve.ch/dip/sacdossierpresse.pdf, février 2011).

[30] Mathieu Gillabert, Claude Hauser, Thomas Kadelbach et Pauline Milani, « La culture comme politique publique : le cas de la Suisse » dans Philippe Poirrier [dir.], Pour une histoire des politiques culturelles dans le monde, 1945-2011, Paris, La Documentation française, 2011, p. 447-461.

[31] Le titre complet de ce document soumis à la consultation auprès des milieux intéressés est : Message concernant l’encouragement de la culture pour la période 2012 à 2015, En ligne :
www.bak.admin.ch/themen/kulturpolitik/03720/index.html?lang=fr, novembre 2010. Citations : p. 11, 12, 18.

[32] Ibid., p. 18-19 et 75-78. Pour plus d’informations sur ce projet novateur, cf. En ligne : www.prohelvetia.ch/GameCulture.797.0.html?&L=3, février 2011.

[33] Pour un état des lieux détaillé, cf. Olivier Moeschler et Stéphanie Vanhooydonck, « La statistique de la culture en Suisse. Etat des lieux et enquête nationale sur les pratiques culturelles », in Andrea Ghiringhelli et Elio Venturelli [éd.], Mesure la culture, Salvioni editore, Bellinzone, 2011.

[34] Office fédéral de la statistique, Les pratiques culturelles en Suisse. Premiers résultats, OFS, Neuchâtel, 2009 et Les pratiques culturelles en Suisse. Analyse approfondie – enquête 2008, OFS, Neuchâtel, 2011.

[35] Jean-Frédéric Jauslin, directeur de l’OFC, Les pratiques culturelles en Suisse, document (présentation powerpoint) distribué lors de la conférence de presse à Berne, le 23 juin 2009.

[36]Décret no 59-889, 24 juillet 1959, En ligne :http://fr.jurispedia.org (sous « Histoire du ministère de la culture »), novembre 2010. Voir, dans cette livraison de Territoires contemporains : Laurent Martin, « La démocratisation de la culture en France. Une ambition obsolète ? » in Démocratiser la culture. Une histoire comparée des politiques culturelles, sous la direction de Laurent Martin et Philippe Poirrier, Territoires contemporains, 2013, n°5 :  http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/publications/Democratiser_culture/Laurent_Martin.html

[37] Source : « Allocution de Monsieur Pascal Couchepin, Ministre suisse de la culture, lors de la septième réunion ministérielle annuelle du Réseau international sur la politique culturelle », Shanghai, Chine, 14-17 octobre 2004, En ligne : http://ww.edi.admin.ch/dokumentation/00334/00336/index.html?lang=fr, novembre 2010.

[38] Pour une analyse plus détaillée, cf. Olivier Moeschler, Stéphanie Vanhooydonck, « Culture et identités. Quand les pratiques culturelles (re-)deviennent un objet d’étude légitime » in Claudine Burton-Jeangros, Christoph Maeder et Florian Kettenacker [éd.], Identität und Wandel der Lebensformen, Seismo, Zurich, 2011.

[39] Antonio Cunha (avec Alexandre Ghelew), Culture et économie à Lausanne. Essai d’évaluation de l’impact économique des principales institutions culturelles, OESES, Lausanne, 1989.

[40] Peytregnet, Aldona, L’impact économique des institutions culturelles, Service des affaires culturelles, Lausanne, 1997.

[41] Xavier Greffe parle d’une « légitimation de l’art par le social » : Artistes et marchés, La Documentation française, Paris, 2007, p. 219.

[42] A Berne, la Strategie für die städtische Kulturförderung 2008-2011 affirme ainsi (p. 7) que, dans la politique de la culture municipale, « la société n’est pas seulement sous-entendue ; la société, le public est en fait le but de tous les efforts » (En ligne : www.bern.ch/stadtverwaltung/prd/kultur/politik/kulturstrategie, novembre 2010). A Zurich, le Leitbild der städtischen Kulturförderung 2008-2011 dit que la création artistique libre est « indispensable pour le développement et la cohésion d’une société libre », le canton parlant de soutenir des efforts visant à « rapprocher les productions culturelles d’un public large » (mais exprimant aussi une certaine méfiance envers les « taux de remplissage importants », dont on rappelle qu’ils ne sont pas forcément un indice de qualité ; En ligne : www.stadt-zuerich.ch/kultur/de/index/kultur_stadt_zuerich/leitbild.html, novembre 2010). Enfin, dans le canton de Bâle-Ville, l’esquisse du Kulturleitbild a donné lieu, en 2010, à une polémique, le Studienzentrum Kulturmanagement (Université de Bâle) lui reprochant d’être trop assujetti aux lois du marketing (En ligne : www.kulturmanagement.org/fileadmin/user_upload/redaktion/Basel_Kulturleitbild_Vernehmlassung_DEF.pdf).

[43] La Distinction, Les Editions de Minuit, Paris, 1979.

[44] Signalons que l’art. 30 (« Statistique et évaluation ») de la LEC précise que la Confédération « tient une statistique culturelle ».

Pour citer cet article :
Olivier Moeschler, « La “démocratisation culturelle” : mythe ou réalité ? Les publics et leur évaluation, un nouvel enjeu des politiques de la culture en Suisse » in Démocratiser la culture. Une histoire comparée des politiques culturelles, sous la direction de Laurent Martin et Philippe Poirrier, Territoires contemporains, nouvelle série - 5 - mis en ligne le 14 mai 2013.
URL : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/publications/Democratiser_culture/O_Moeschler.html
Auteur : Olivier Moeschler
Droits : © Tous droits réservés - Ce texte ne doit pas être reproduit (sauf pour usage strictement privé), traduit ou diffusé. Le principe de la courte citation doit être respecté.
ISSN : 1961-9944


Imprimer Credits Plan du site Contact Imprimer

 

Imprimer Contact Plan du site Credits Plug-ins