Focus - octobre 2017


À propos de l'exposition « Jules Adler. Peindre sous la IIIe République »,
Musée des Beaux-Arts de Dole, du 13 octobre 2017 au 11 février 2018


Pourquoi Jules Adler ?

La réponse est double. Il y a d’abord l’amicale sollicitation du Musée des Beaux-Arts de Dole par sa conservatrice, Amélie Lavin, avec qui le CGC (CNRS 7366 uBFC) avait déjà travaillé en 2014 pour un catalogue et une exposition sur la coopérative des Malassis [1]. C’était un premier partenariat, heureux pour le CGC, et l’occasion s’est présentée autour de Jules Adler. Un peintre aujourd’hui dans l’ombre malgré les nombreuses commandes d’État dont il jouit de son vivant. Un sujet d’étude donc, pour un peintre qui connaît aujourd’hui, grâce au Musée des Beaux-Arts de Dole, sa première rétrospective.

Né à Luxeuil-les-Bains en 1865, Jules Adler est un peintre proche du naturalisme, certes franc-comtois, mais dont l’ensemble de la carrière est parisienne. Inscrit à l’Académie Julian en 1883, Jules Adler peint et expose jusqu’en 1952. Son activité couvre l’ensemble de la IIIe République, à laquelle le CGC s’est intéressé à partir de nombreux colloques sur les dessinateurs autour de l’œuvre de Noël Dorville [2], les formes brèves du discours politique [3], la question ouvrière au sens large, et les deux guerres mondiales. Si le genre monographique constitue une entrée particulière dans la pratique de l’histoire culturelle, la personnalité du peintre nous a semblé, à Bertrand Tillier et moi-même, un lieu idoine pour l’analyse, si l’on souhaite scruter les manières de peindre, de faire, sur la période, le rapport du peintre aux Salons, à la question des avant-gardes. En outre, Jules Adler nous permettait de reprendre, à partir du parcours d’un peintre, une interrogation déjà présente dans un travail collectif plus ancien consacré à Léon Rosenthal, critique d’art, militant socialiste, et figure tutélaire d’une histoire sociale de l’art sous la IIIe République [4]. La proposition du Musée de Dole, celle d’un colloque puis d’une exposition, tombait bien.

D’une collaboration…

Cette proposition simple à l’origine, celle d’un colloque préparatoire à l’exposition dont les actes constitueraient le cœur du catalogue [5], s’est singulièrement étoffée au fil de l’aventure. À l’origine donc, un colloque à Dole, Peindre sous la IIIe République, Jules Adler et son temps. En terme de valorisation de la recherche, le choix d’un laboratoire hors les murs, que ce soit à Anost, Auxerre ou Dole dans le cas présent, mêle les publics, offre paradoxalement une assistance plus nombreuse et partant, des discussions et débats sans doute plus vifs. Le colloque à Dole fut ainsi. Il débouchait, par le travail du Musée de Dole, sur la possibilité d’une exposition itinérante : outre le Musée des Beaux Arts, le musée de Roubaix (La Piscine), et dans l’intervalle, le Palais Lumière à Evian. Bertrand Tillier et moi-même assurons avec Amélie Lavin, pour le musée de Dole et le Palais Lumière d’Evian, le commissariat scientifique de l’exposition et du catalogue, dont les actes s’enrichirent de contributions inédites. Ayant déposé un dossier de candidature, le musée de Dole obtenait le label « d’Exposition d’intérêt national ». Outre le travail sur le catalogue, le partenariat s’est alors approfondie dans la rédaction des cartels et autres panneaux pour l’exposition et, aux ressources du CGC, s’est adjoint les enseignants-chercheurs, la mobilisation d’une part de nos étudiants dans le cadre d’actions pédagogiques variées, comme dans celui de stages de professionnalisation à l’IUT info-com (option Métiers du livre et du patrimoine) en vue de l’exposition. Le travail prit deux ans.

Retour sur…

« Sans le mouvement le but n’est rien ». En l’espèce, la formule d’Edouard Bernstein convient. Construite sur la proposition d’un colloque dont les actes fourniraient l’armature d’un catalogue, la collaboration avec le Musée de Dole s’est approfondie au fil des discussions sur l’exposition, donnant au commissariat scientifique un relief plus ample. La réflexion sur le déroulé de l’exposition – son chemin de fer – nous est apparue en retour comme un exercice d’écriture de l’histoire, et de l’histoire de l’art, par sa mise en espace, par l’accrochage. La réflexivité propre aux SHS trouvait ici d’autant plus un lieu qu’Améle Lavin choisissait, en partenariat avec la Saline Royale d'Arc-et-Senans et la Grande Saline-Musée du Sel de Salins-les-Bains, de proposer une installation sonore de Ben Farey sur la question contemporaine de l’invisibilité ouvrière. Ainsi, l’exposition, par effet retour, permet de revenir à nouveaux frais, et sous les auspices de la création contemporaine, sur l’un des questionnements collectifs du laboratoire. Enfin, parce que mise en écriture spatiale de l’histoire de l’art en regard de Jules Adler, l’exposition au musée de Dole permet la collaboration d’un chercheur avec l’écrivain de théâtre Enzo Cormann, pour une lecture, le 6 décembre prochain, autour des thématiques de la ville et de l’ouvrier dans l’exposition. Par le son, la voix du comédien, la musique et le choix de courts textes, l’exercice propose au chercheur de prendre les textes du catalogue à rebrousse-poil. Soit, s’appuyant sur ces analyses, d’offrir par le grain d’une voix et pour le grand public, une autre écriture de l’histoire.

La valorisation de la recherche est ici réversible, académique et simultanément propice à tous les braconnages, pour faire entendre au public, la collaboration d’un musée et d’une UMR CNRS.

Vincent Chambarlhac

 

L'exposition

  Peintre franc-comtois né à Luxeuil-les-Bains, Jules Adler (1865-1952) a compté au sein du courant des artistes naturalistes qui ont incarné une voie alternative dans le dernier quart du XIXe siècle entre les avant-gardes impressionnistes et un art plus officiel. Défenseur d’un art en prise avec la société de la Troisième République, Adler l’a incarné par sa dimension connue « de peintre des humbles », ouvriers, modestes travailleurs ou chemineaux qui peuplent tout un pan de sa production. Au-delà de cette dimension, l’exposition entend éclairer par pans thématiques les différentes facettes de la démarche du peintre : la question sociale, la notion de régionalisme, son rôle d’artiste sur le front de guerre lors du second conflit mondial, sa condition de peintre des valeurs républicaines, et plus largement les « équivoques du Naturalisme » entre académisme et modernité…


Musée des Beaux-Arts de Dole
85 Rue des Arènes, 39100 Dole
Du 13 octobre 2017 au 11 février 2018
Vernissage : Le jeudi 19 octobre à 19 h 00
Informations : 03 84 79 25 85
Information pratique : Le musée est ouvert tous les jours de 10h00 à 12h00 et de 14h00 à 18h00 (sauf dimanche matin et lundi toute la journée)
Tarif(s) : Entrée Libre

 

On en parle dans les médias…

 



[1] Vincent Chambarlhac, Amélie Lavin, Bertrand Tillier, Les Malassis. Une coopérative de peintres toxiques, Paris, L’Echappée, 2014.
[2]Vincent Chambarlhac, Bertrand Tillier [dir.], Coups de crayons sur la IIIe République, Dijon, Editions du murmure, 2017.
[3] Colloque : Les formes brèves, de l'imprimé au numérique (XIXe-XXIe siècles)
[4] Vincent Chambarlhac, Thierry Hohl, Bertrand Tillier, Léon Rosenthal (1870-1932), militant, critique et historien d’art , Paris, Hermann, 2013.
[5] Vincent Chambarlhac, Amélie Lavin, Bertrand Tillier, Jules Adler. Peindre sous la IIIRépublique, Milan, silvanaeditoriale, 2017.

 


La lettre du Centre Georges Chevrier - n° 58 - octobre 2017
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