Contrat d’étude : Les attentes des retraités à l’égard du syndicalisme CFDT
La tendance au vieillissement de la population interpelle les organisations syndicales sur plusieurs dimensions, comme les retraites, les modes de vie ou la santé. Les syndicats, organisent les retraités depuis de nombreuses décennies, autour de deux objectifs potentiels : le maintien d’un lien étroit du retraité avec son champ professionnel, dans la continuité de son adhésion en tant qu’actif ou la défense des intérêts des retraités. Si, historiquement, la CFDT avait organisé dans la pratique le maintien des retraités dans la continuité de leur secteur d’activité, le choix stratégique d’une défense des intérêts des retraités, en dehors du champ professionnel, prévaut désormais.
Afin d’appréhender la perception de cette stratégie, la confédération CFDT, à travers l’agence d’objectifs de l’IRES (Institut de recherches et d’études sociales), a lancé un appel d’offres d’une durée de 18 mois (janvier 2012-juin 2013). Georges Ubbiali, maître de conférences en sociologie à l’UFR sciences humaines de l’Université de Bourgogne et chercheur au Centre Georges Chevrier a répondu à cet appel d’offres et conduit à présent cette recherche. Il est spécialiste de la sociologie des relations professionnelles ; il a par ailleurs publié plusieurs contributions sur le syndicalisme des personnes retraitées. Il avait organisé une journée d’études sur ce thème en mars 2005 : Les nouveaux champs de syndicalisation : le cas du syndicalisme des retraités en France et eu Europe.
Convention
Après
l’élaboration du budget nécessaire (vacations, déplacements, matériel
informatique, logiciels spécifiques, documentation) pour mener à bien cette
étude, une convention a été signée entre la CFDT et le CGC.
Dans
ce document sont indiquées les obligations de chacune des parties :
versement de la contribution financière, propriété intellectuelle de la
recherche, mode de restitution de l’étude, et échéances.
Recrutement de vacataires
Cette étude demandant un savoir faire propre aux sociologues, G. Ubbiali a lancé un appel à candidatures parmi les étudiants de licence et de master de sociologie. Quatre enquêteurs vacataires ont été recrutés dès le printemps 2012. Les étudiants se sont familiarisés avec l’objet de l’étude ; une grille d’entretien a été définie et ils ont commencé à recueillir la parole d’anciens salariés, sur la base d’un panel fourni par la CFDT (lire ci-dessous la contribution d’un étudiant participant à l’étude).
Méthodologie
Entretiens
L’enquête est construite à partir de 60 entretiens approfondis, répartis sur trois régions (Bourgogne, Franche-Comté, Ile-de-France). Une quatrième région (Basse-Normandie) pourrait être ajoutée, en fonction de la dynamique de l’enquête. La CFDT a fourni, en janvier 2012, une liste de 300 adhérents ou ex-adhérents (100 par région), répartis selon les critères suivants : adhérents/ex- adhérents ; non-retraités, retraités actuels, retraités anciens ; prise en compte des différents secteurs (privé/public) et différents métiers ; hommes/femmes
Grille d’entretien
• Place du syndicat dans la vie active :
• La retraite :
• Le syndicalisme retraité :
• Evolution du syndicat
• Problématiques liées à l’âge (santé, isolement, perte d’autonomie, pension de retraites)
• Concurrence avec le monde associatif
En fin d’entretien, la parole est laissée aux enquêtés.
Retour d’expérience d’un enquêteur (Kevin Martin)
La CFDT a fourni une liste de personnes correspondant aux critères de recherche en essayant de varier les âges et les fonctions pour plus de représentativité. Malheureusement, plusieurs difficultés se sont présentées à nous. La première a été une quantité importante de refus. Pour des raisons diverses, comme le manque de temps, une prise de distance vis-à-vis du syndicat du fait même de la retraite, des problèmes de santé, ou simplement une méfiance quant à l’arrivée de jeunes gens à leur domicile. Et quand ce fut une acceptation, nous avons remarqué, seconde difficulté, qu’il nous manquait la part la plus âgée de la population, pourtant si importante pour notre réflexion parce que concernée directement par les aléas du temps qui passe.
Nous avons alors demandé au syndicat une aide pour nous permettre de mener à bien notre enquête. Nous souhaitions qu’une lettre soit envoyée pour que notre crédibilité soit garantie par celle du syndicat lorsque nous prendrions contact. La CFDT a répondu positivement à notre demande en nous fournissant une liste où figurent des plus de soixante-quinze ans, et en envoyant une lettre informative à ces personnes. Les résultats ont été concluants puisque les refus ont été moins nombreux.
Les personnes que nous réussissions finalement à interroger ont accepté les entretiens à domicile pour la plupart (une seule personne a été vue sur son lieu de travail). Munis d’une copie de la lettre envoyée préalablement par la CFDT, les portes se sont facilement ouvertes. L’enregistrement de la rencontre pour le travail de retranscription n’a pas posé de problème. Puisque nous évoquons des faits passés, pour certains remontant à plusieurs dizaines d’années, les enquêtés redoutent souvent d’oublier des événements, mais à force de discussions et de rappels, il n’est pas rare qu’ils reviennent sur une question précédente. Souvent, il s’agit d’activités et de responsabilités, professionnelles ou syndicales, dont ils avaient oublié l’existence. Les entretiens connaissent donc quelques réorientations pendant leur déroulement, et si tous les thèmes que nous avions anticipés dans la grille d’entretien sont évoqués (plus ou moins longuement selon le parcours de la personne), ils le sont de façon décousue. La remarque précédente est d’autant plus vraie pour les personnes de plus de soixante-quinze ans qui ne manquent pas, en début d’entretien, de s’excuser pour les oublis qu’ils auront et les temps de réflexion qu’ils prendront.
Il existe une grande différence dans la façon de mener l’entretien selon que la personne ait eu des responsabilités ou non dans le syndicat. Pour celles qui auraient pu en avoir ou qui en ont encore, il est facile d’aborder les thématiques de la grille d’entretien, surtout en ce qui concerne le rôle qu’a, ou que pourrait, avoir l’organisation sur les problématiques liées au vieillissement. Dans ces cas-là, il n’est pas rare de voir les enquêtés être informés des démarches du syndicat pour les retraités et avoir un avis sur son action. Certains y participent même, plus ou moins intensément. Pour les autres, ceux qui « ne paient que leur cotisation », le rôle du syndicalisme retraité n’est pas bien défini et semble manquer d’intérêt. L’entretien manque alors rapidement de substance car l’enquêté n’a souvent pas d’avis sur les questions qui lui sont posées, et la phrase « Je ne paie que ma cotisation » revient régulièrement. Lorsque nous avons de telles rencontres, il convient alors de comprendre si cette distanciation est le résultat de l’arrivée à la retraite ou si elle a toujours existé. C’est le plus souvent le second cas de figure, soit que d’autres engagements existaient ou que l’engagement syndical n’intéressait ni dans la vie active, ni dans la retraite. Nous n’avons rencontré personne, pour le moment, dont l’engagement a été plus important à la retraite que dans la vie active : soit il l’était moins, soit il était différent.
Les plus de soixante-quinze ans ont un intérêt supplémentaire pour nous : ils ont été contemporains de la division de la CFTC en CFTC et CFDT en 1964. Nous devons comprendre quelles ont été leurs motivations pour rejoindre la CFDT, soit qu’ils étaient d’abord adhérents à la CFTC, soit qu’ils aient attendu la scission pour rejoindre le syndicat nouvellement créé. Dans tous les cas, c’est l’argument de la laïcisation de la vie syndicale et de la défense des personnes qui est avancé.
À ce jour, nous avons effectué une quinzaine d’entretiens, avec encore quelques-uns possibles en Bourgogne, nous commencerons prochainement le travail sur la Franche-Comté, puis dans un troisième temps en région parisienne.
La lettre du Centre Georges Chevrier n° 10 - décembre 2012
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