Remuements
de chartes et passage à l’histoire :
La
fatalité du déficit de récit dans les programmes centralisés de collecte de
sources (1750-1850)
Le XVIIIe siècle a été
marqué par deux grandes entreprises de collecte de sources : la première
est celle qui a sous-tendu le programme mauriste d’histoire des provinces, dont
la période de plein développement peut être située entre 1710 et 1760 [1] ;
la seconde, celle qui, sous l’égide de Jacob-Nicolas Moreau, avocat au
Parlement de Paris et fervent défenseur de l’absolutisme, a, entre 1764 et
1789, accompagné la constitution et l’enrichissement progressif du Cabinet des
Chartes [2]. L’une et
l’autre ont généré une abondante littérature méthodologique, révélatrice de la
manière dont ce vaste mouvement d’exploration des chartriers provinciaux avait éprouvé
et adapté les principes de diplomatique mis au point, au siècle précédent, par
dom Mabillon et dom Luc d’Achery.
L’Ancien Régime devait toutefois
s’achever sans qu’une geste historique nationale ait pu véritablement émerger,
c’est-à-dire sans que ces grands remuements de chartes, irrigués par les
principes de l’érudition bénédictine, aient pu aboutir à la production d’un récit
susceptible de donner une mémoire au royaume.
Cette carence narrative, dans
laquelle Chantal Grell et Marc Fumaroli voient l’une des raisons de la violence
et de la soudaineté de l’arrachement à l’ordre politique, social et religieux
auquel les Français se sont livrés en 1789[3],
renvoie très directement à la question des rapports complexes qui se sont précocement
établis entre ecdotique et historiographie.
La Congrégation de Saint-Maur,
en infléchissant vers l’histoire civile un programme à l’origine conçu comme
une entreprise centralisée d’histoire de l’ordre bénédictin, cherchait avant
tout à rassembler un corps de preuves destinées à produire une nouvelle
intelligence des origines de la nation ainsi qu’à justifier la légitimité du
pouvoir monarchique. L’aventure du Cabinet des Chartes, pour laquelle les
Mauristes avaient été également sollicités, participait du même désir de
soumettre l’archive aux besoins de procédure d’une monarchie administrative aux
prises avec les prétentions juridiques des parlementaires.
La seule écriture à laquelle était
susceptible d’aboutir de telles collectes de sources était donc d’ordre
argumentatif. La narration historique proprement dite ne pouvait, dans ces
conditions, que s’immiscer dans les interstices de la culture de la curiosité,
encore bien vivante chez les élites provinciales du temps : fragments
d’histoire locale ou régionale dérobés par quelque érudit à la faveur de
travaux réalisés pour le compte du Comité des chartes, monographies urbaines ou
monastiques, ou encore, notations subreptices sur les mœurs et anciens usages
en vigueur dans telle ville ou partie du royaume. Mais rien qui pût déboucher
sur ce type de récit consensuel sur lequel fonder une mémoire et ou un
sentiment d’appartenance nationale. L’historiographie provincialiste qui
fleurit dans les milieux académiques des dernières décennies de l’Ancien Régime
ne devait qu’aviver encore les discordances et les particularismes que ces
vastes mouvements d’exhumation de titres avaient fait remonter à la surface.
Ces entreprises centralisées de
collecte de sources, ancrées dans la culture juridique de l’Ancien Régime,
appellent une mise en perspective avec celle qui, entre 1830 et 1850, préside à
la mise en œuvre, sous l’égide du Comité des travaux historiques, du grand
projet mémoriel de la monarchie de Juillet.
La statistique historique et
archéologique de la France, mise en œuvre par Guizot à partir de 1833, repose
en effet sur des bases techniques qui révèlent la pérennité, au-delà de la
fracture révolutionnaire, des méthodes éprouvées dans le cadre des programmes bénédictin
et étatique du XVIIIe siècle : même attachement à des
conceptions fédératives reposant sur le recours à des réseaux de correspondants ;
même attente de voir la France accoucher de sa propre histoire par la seule
vertu du regroupement des sources susceptibles de la fonder.
Dans un contexte où l’archive a
acquis un statut nouveau et où les besoins d’histoire de la nation font l’objet
d’une reformulation radicale, la question de l’articulation de la pratique
documentaire à la narration historique se trouve une nouvelle fois posée. Toute
la question est de savoir si le déficit de récit, dûment constaté par les
historiens libéraux de la génération de 1830, n’aurait pas constitué une
fatalité avec laquelle le XIXe siècle aurait renoué alors même qu’il
pensait la conjurer.
C’est à une mise en perspective,
sur les deux siècles qui encadrent l’événement révolutionnaire, des effets
produis sur les procédés d’écriture de l’histoire par ces trois grandes entreprises
centralisées de collecte de sources que nous nous proposons de nous livrer ici.
I. Collecte de sources et renoncement à
l’histoire : le programme mauriste d’histoire des provinces.
C‘est entre septembre 1711 et janvier
1712 que dom Audren, assistant de dom Charles de l’Hostallerie, supérieur général
de la Congrégation de Saint-Maur, avait posé les bases d’un vaste programme
visant « à l’illustration et à la gloire de la France [4] ». Y figuraient la poursuite de la Gallia Chritiana, l’achèvement du Monasticum
gallicanum, la réalisation d’un nobiliaire de France, le complément du Glossaire de Ducange et la reprise du Recueil des historiens de la France. C’est
précisément avec ce dernier ouvrage, dont les treize volumes devaient paraître
de 1738 à 1786, que les Mauristes allaient prendre part au débat qui opposait
germanistes et romanistes sur la question des prétentions respectives de la
noblesse et de la monarchie à détenir seule la légitimité du pouvoir. Le Recueil faisait de l’étude critique des textes une arme de combat contre les pratiques
d’instrumentalisation des mythes originels – comme celui de l’origine troyenne
des Francs ou celui de Pharamond – dont se nourrissait l’historiographie
nobiliaire. En 1712, dom Audren songeait à le doubler d’un catalogue des
historiens de la France, dans lequel voisineraient les anciennes histoires
manuscrites des rois, les ouvrages concernant leurs droits et prérogatives,
ainsi que « les chroniques avec le temps qu’elles parcourent […] les nécrologues,
les cartulaires et autres recueils qui peuvent servir à connoistre les familles [5] ».
Dans un premier temps, les
promoteurs de ce programme qui faisait la part belle à la collecte des sources
et titres de l’histoire de la monarchie et des provinces, avaient envisagé le
passage à l’histoire comme une nécessité. Ainsi, lors de la mise en chantier
par dom Vic d’une histoire de Languedoc en 1711, dom Charles de l’Hostallerie
avait-il recommandé à l’auteur d’isoler les pièces justificatives du corps de
la narration : « de cette manière, précisait--il, on n’interrompt
point le fil du discours. On arrive à le lire de suite[6] ». En octobre 1713, dom Audren adressait le même genre de recommandation à dom
Aubrée qui lui soumettait son plan pour la composition d’une histoire de
Bourgogne : « On ne lit guère les titres si on ne donne les
instructions nécessaires pour l’intelligence de ces titres, écrivait-il. Rien
n’est plus beau que de voir dans les titres la preuve de ce que l’histoire a
avancé dans la suite de sa narration, mais il faut que cette narration précède[7] ». Puis, dans une autre lettre au même auteur : « Quelque
empressement que marquent Messieurs de Dijon que vous fassiés imprimer ce que
vous pouvés avoir de mémoire pour l’histoire de Bourgogne […], ce ne sera
jamais le sentiment des connoisseurs de donner seulement au public des matériaux
tout bruttes. Outre l’ordre qu’on doit y mettre, on doit encore éclaircir la
matière par des dissertations [8].
»
Le bilan des productions
auxquelles a abouti le seul programme d’histoire des provinces et dont rendent
compte les travaux effectués sous le Second Empire par Léopold Delisle, conduit
cependant à constater que les vœux de ses initiateurs en matière de narration
historique ont été de toute évidence revus à la baisse. Une distorsion
flagrante entre édition de sources et historiographie apparaît, en effet, au bénéfice
de la première : entre 1710 et 1789, les Mauristes ont publié 640 volumes
de sources : 50 concernent la Bretagne, 74, la Bourgogne, 143, la
Champagne, 131, le Languedoc, 9, le Limousin, 179, la Picardie, 29, la
Touraine, le Maine et l’Anjou, 25, la Normandie, ensemble auquel il convient
d’ajouter la collection aujourd’hui perdue concernant le Berry et dont il ne
subsiste que trois volumes de tables [9].
En regard, le bilan historiographique proprement dit paraît bien maigre puisque
seules quatre provinces – la Bretagne, le Languedoc, la Lorraine et la
Bourgogne – ont fait l’objet de la publication d’une histoire en bonne et
due forme [10]. En tout,
seulement quatorze volumes d’historiographie auxquels il convient, certes,
d’ajouter les recherches, prospectus, plans et introductions contenant des
fragments parfois substantiels d’histoires qui n’ont pas vu le jour sous une
forme aboutie [11].
Les raisons de cet inaboutissement
du programme historiographique sont sans aucun doute à chercher dans le caractère
contradictoire des intérêts en jeu dans cette entreprise d’histoire des
provinces : ceux de l’ordre bénédictin et de la monarchie, d’une part,
ceux des institutions provinciales et des grandes familles de l’aristocratie
locale, d’autre part. Dès la mise en chantier d’une histoire de Bretagne en
1685, un membre du clergé breton, le Père de Large, avait ainsi averti dom
Audren de Kerdrel de « prendre garde, en poussant la gloire des Bretons
jusqu’où elle peut aller, de ne pas offenser la cour de France […] [et] au
contraire, en retranchant les rois bretons, de ne pas offenser la nation
[bretonne] [12] ».
On constate, en effet, que, dans
trois cas sur quatre, les Mauristes ont fait aboutir à l’état historiographique,
des recherches menées dans des provinces qui étaient pays d’États [13].
Ce choix peut s’expliquer par le désir de mettre à l’épreuve de la critique
documentaire, dans toute la rigueur léguée par Mabillon, les mythes
historiographiques que la noblesse entrante aux États provinciaux était par
trop encline à instrumentaliser à des fins contraires aux intérêts de la
monarchie. C’est, aussi, ce qui explique les résistances
multiples opposées aux bénédictins par les institutions provinciales ou par les
grandes familles qui n’avaient aucun intérêt à voir aboutir un programme
historiographique qui fût contraire à leurs intérêts. On connaît les mésaventures
que l’entreprise devait réserver, dans les toutes premières années du XVIIIe siècle, à dom Lobineau,
historiographe de Bretagne : la famille de Rohan, ulcérée qu’il n’eût pas
admis la véracité de l’existence de leur ancêtre mythique, Conan-Mériadec, très
hypothétique premier roi de Bretagne, fit obstacle au vote d’approbation de
l’ouvrage par l’ordre de la noblesse aux États et obtint de la congrégation de
Saint-Maur la mise en chantier d’une nouvelle histoire de Bretagne par l’un de
ses protégés, dom Morice, spécialement formé à cette fin à Saint-Germain-des-Pré [14].
Des obstacles similaires, émanant des États provinciaux ou d’érudits locaux fâchés
de voir un ordre monastique à ce point soutenu par la monarchie s’emparer de
l’histoire de leur province attendaient dom Vic et dom Vaissette en Languedoc
ou dom Aubrée en Bourgogne [15].
En Champagne, l’opposition des érudits locaux et la réticence des grandes
familles à ouvrir leurs dépôts de chartes aux bénédictins, ce, malgré les
injonctions répétées de l’intendant Le Peletier de Beaupré, eurent finalement
raison des efforts de dom Taillandier puis de dom Rousseau [16].
A l’extrême fin de l’Ancien Régime,
il semble cependant que ce soit les bénédictins eux-mêmes qui aient renoncé à
passer de la collecte et de la publication des sources à l’historiographie.
L’exemple le plus patent en est donné par dom Lenoir, engagé depuis 1760 dans
un projet censé aboutir à la rédaction d’une histoire de la Normandie, et qui,
vingt ans plus tard, lançait finalement le prospectus de ce qui n’était plus
qu’une Collection chronologique des actes et titres de Normandie concernant
l’histoire des familles nobles et des fiefs des trois généralités de cette
province, depuis le XIe siècle jusqu’à nos jour s[17].
Inversant les termes des recommandations adressées au début du siècle par dom
Audren aux religieux engagés dans les histoires de Bourgogne et du Languedoc,
Lenoir justifiait en ces termes la supériorité du travail de recension et de
transcription des titres sur la narration historique :
« D’ailleurs,
me dis-je à moi-même, quels sont ceux qui désirent le plus ardemment de voir
paroître une nouvelle histoire de Normandie ? Ce sont principalement des
gentilshommes qui sont dans le cas de faire leurs preuves ou des propriétaires
qui ont des droits à constater, des héritages à conserver et à défendre. Les
uns et les autres se persuadent que s’il existoit une bonne histoire de
Normandie, ils y trouveroient tous les renseignements dont ils ont besoin. Ils
ne font pas réflexion qu’une histoire générale ne comporte point ces sortes de
détails. Ce n’est donc point l’histoire qu’ils demandent, ce sont les titres et
particulièrement ceux qui peuvent servir à prouver leurs généalogies et à
consulter leurs propriétés. Donnons leur ces titres […] et ne doutons pas que
nous n’ayons fait un bon ouvrage, un ouvrage vraiment utile et plus utile que
l’histoire-même [18] ».
Dom Lenoir exprimait ainsi les
apories d’une entreprise à l’origine vouée à justifier les fondements
institutionnels de la monarchie absolue et qui s’était enlisée dans
l’illustration de particularismes de plus en plus étroitement circonscrits,
ceux des provinces, des villes et, finalement, de familles plus ou moins
impliquées dans la vie institutionnelle locale et provinciale. Et ce, parce les
Mauristes n’avaient eu d’autre solution pour collecter les titres que de
s’adresser à ceux qui en étaient détenteurs et qui ont vite compris l’intérêt
qu’à titre personnel, ils pourraient tirer de leur mise au jour.
II. L’aventure du Cabinet des Chartes ou
l’arrimage de l’histoire à la chicane (1764-1789)
Sans doute était-ce la prise de
conscience précoce de cette soumission de l’érudition au souci de justification
des prérogatives nobiliaires qui, en août 1764, avait fait écrire à
Jacob-Nicolas Moreau que, « depuis que l’abus de la raison a introduit
celui de l’érudition, il n’y a point en France de corps ou de compagnies qui
n’ait mis en avant une foule de prétentions et qui n’ait disputé pour les
soutenir [19] ».
Soucieux de donner à la monarchie les moyens juridiques de faire pièce à ces
revendications, il suggérait au roi la création, à côté de la Bibliothèque des
finances qu’il venait d’organiser, d’un dépôt qui, en rassemblant les volumes déjà
parus des Ordonnances des rois de France, l’ensemble des édits arrêtés
et règlements, copies des registres du Parlement et ouvrages des
jurisconsultes, répondît à cette triple vocation, historique, administrative et
juridique.
Il était dès lors entendu que le
travail de collecte des actes législatifs et administratifs destinés à
constituer ce dépôt, auquel on devait donner, lors de sa création effective en
1767, le nom de « Cabinet des Chartes », ne devait pas aboutir à la rédaction
d’une histoire proprement dite. Son objet était de fournir à la monarchie
administrative les moyens de se défendre contre les prétentions des
parlementaires : « Nous ne bâtirons point, écrivait Moreau au Contrôleur
général Bertin, mais d’un côté nous aurons de quoi bâtir un jour et, en
attendant, de quoi apprécier et même de quoi démolir tous ces édifices que l’on
élève contre le gouvernement [20]. »
Sur le plan matériel, cette
vaste collecte de chartes et titres s’engageait à moindre frais. Pragmatique,
voire un rien cynique, Moreau comptait, d’une part, utiliser le savoir-faire
des Mauristes à qui l’entreprise pouvait être présentée comme un moyen de faire
sortir de l’enlisement leur propre programme d’histoire des provinces et,
d’autre part, sur la vanité des milieux parlementaires qu’il espérait leurrer
en leur faisant miroiter, moyennant l’ouverture de leurs collections de titres,
quelques gratifications sans conséquence financière : « il n’y a
aucune compagnie, écrivait-il à Bertin en 1764, dans laquelle on ne puisse
trouver un ou deux magistrats honnêtes et laborieux qui seroient flatez d’une
correspondance avec le Ministre et d’un travail qui les mettroient à portée d’être
connu du roi : avec des motifs d’honneur et de gloire, on fera tout ce que
l’on voudra de la plupart [21]».
Engagée comme une partie de
dupes, cette démarche de collation de sources
devait en tout cas s’accomplir dans un cadre méthodologique très strict dont
Moreau et Bertin avaient débattu dès l’été 1762. La question était alors de
savoir si le Contrôle général tenait à disposer de copies intégrales de toutes
les chartes retrouvées dans les dépôts provinciaux ou s’il pouvait se contenter
de notices rédigées par les collecteurs. Bertin avait alors exprimé une répugnance
catégorique vis-à-vis des notices, pratique dont il reconnaissait que les
Mauristes avaient pu recourir avec profit à usage interne, mais dont il
redoutait les dangers dans le cadre d’utilisation qui leur serait assignée au
sein du Cabinet des Chartes. Sa réfutation reposait sur le principe selon
lequel l’usage auquel étaient destinés les titres était davantage d’ordre procédurier
que savant. Il redoutait en effet les controverses qu’une confrontation des
notices aux originaux ne manquerait pas de susciter en cas de procès : « qu’on
suppose un procès, écrivait-il le 13 août 1762, un fait d’histoire controversé,
auquel cette notice puisse paroître démonstrative, et qu’on remette entre les
mains du parti opposé le titre original : l’expérience journalière nous
apprend que la controverse trouve des ressources et même des lumières
nouvelles, à la lueur desquelles les autheurs des notices se rendroient eux-mêmes [22] ».
Dans ce contexte où l’ecdotique était
mise au service de la justification des droits plus qu’à celui de la rédaction
d’un récit historique, le passage de l’une à l’autre ne pouvait aller de soi.
Cette éventualité, si clairement rejetée en 1764, allait être une première fois
évoquée l’année suivante à l’occasion de la création, en marge du Comité des
chartes, d’une « Société littéraire » destinée à examiner les listes
et catalogues des fonds adressés par les correspondants et à statuer sur la
qualité des transcriptions ainsi que sur leur intérêt juridique ou
jurisprudentiel. Moreau écrivait alors : « Enfin, qui empêcheroit
cette société de s’occuper de l’éclaircissement de plusieurs points intéressans
de notre histoire et de chercher impartialement la vérité, que tant de systèmes
tendent à obscurcir ? Là, sous les regards même du gouvernement, se
formeroient peut-être bien des mémoires utiles dont on pourroit faire usage
quelque jour dans des tems plus calmes[23] ».
Ces « tems plus calmes » qui constituaient l’horizon d’attente de Moreau,
ce moment où l’histoire, enfin dégagée de ses racines procédurières, pourrait donner
une mémoire au royaume, étaient assimilés, dans son esprit, à la capitulation
des prétentions parlementaires.
Si les termes de sa
correspondance, ainsi que les différents mémoires rédigés sur l’état
d’avancement des travaux du Comité des chartes, laissent percevoir, après 1770,
une inflexion des intentions de Moreau vers l’historiographie, rien n’autorise
cependant à conclure à une conversion au récit. L’histoire qu’il espérait
fonder sur l’immense travail de collecte de sources suscité par la création du
cabinet des Chartes demeurait arrimée à l’éclaircissement du droit public. Une
histoire de la monarchie, certes, mais point une histoire du royaume. Moreau
n’envisageait guère autre chose lorsque, dans un rapport de mars 1774 sur l’état
et les progrès de la collection des chartes, dans lequel ces dernières étaient
qualifiées de « monumens historiques », il rappelait que l’objectif de
l’opération avait été « d’ouvrir un chemin facile à tous ceux qui
doresnavant voudroient étudier l’histoire et le droit public de la France [24] ».
Attachement, encore et toujours, à une histoire liée au droit et à la politique
lorsque, quatre ans plus tard, il définissait la fonction d’historiographe de
France, à laquelle il avait été élevé par Louis XVI, comme tout entière vouée à
la démonstration de la prééminence monarchique et à la défense de l’absolutisme[25] ;
ou lorsque, en 1786, il réaffirmait que l’histoire de la monarchie était « inséparable
de celle de la législation et de l’administration du Roi [26]».
Blandine Barret-Kriegel a analysé
l’impact social de cette historiographie juridico-politique, fondée sur la mise
au jour de titres essentiellement nobiliaires et cléricaux qui, en ces années où,
dans l’opinion, se construisait le procès du régime féodal, démontraient au
public que “dans les profondeurs des ordres du royaume, la rente et la
puissance, le pouvoir et la propriété demeuraient indissolublement mêlés[27]».
III. Nouveaux rapports à l’archive et
reformulations du besoin d’histoire dans la France du premier
XIXe siècle
La Révolution
avait fourni aux Français l’occasion d’éprouver un nouveau rapport aux
documents d’archives. Les saisies révolutionnaires, en faisant basculer dans le
domaine public le vaste ensemble constitué par des titres et chartes jusque-là
confiné dans le secret des ordres privilégiés, avaient donné à la nation la
conviction – l’illusion – qu’elle allait, en se les appropriant,
accéder à la compréhension des mécanismes de sa séculaire oppression. Promues
au rang de pièces à conviction sur lesquelles pourrait s’instruire le procès de
l’Ancien Régime, les archives, désormais dotées d’une valeur idéologique,
participaient de la pédagogie de la régénération. Un nouveau discours pouvait
alors prendre corps, qui allait conduire, dans les trente premières années du
siècle, à une reformulation progressive des besoins d’histoire de la nation.
Exprimée
par Augustin Thierry dès 1820 dans la première de ses Lettres sur l’Histoire
de France [28], la
conscience d’un défaut d’histoire nationale allait être réitérée jusqu’à l’aube
de la décennie 1830 : servant de justification à la création de la Société
de l’histoire de France – « les Français attendent toujours une
histoire de leur pays [29] »
– ou à la mise en chantier de l’Histoire de France de Jules
Michelet – « l[a France] avait des annales, et non point une
histoire [30] »
– ou de celle d’Henri Martin – « La France n’a pas d’histoire
nationale [31] ».
C’est
que, comme l’avait proclamé l’abbé Grégoire en 1794, si la France était un « vieux
pays », elle était aussi « une jeune nation ». C’était donc
cette nouveauté-même qu’il fallait conjurer en l’inscrivant dans le fil d’une
histoire appelée à dépasser les préoccupations procédurières et donc la
dimension essentiellement juridico-politique qu’elle avait revêtue sous
l’Ancien Régime.
Toute la
question était désormais de conférer une intelligibilité à l’événement révolutionnaire
en renouant la chaîne des temps afin d’y trouver des précédents susceptibles de
faire apparaître la grande rupture de 1789, non comme un accident de
l’histoire, mais comme l’aboutissement d’un long travail de fond à la faveur
duquel se seraient constituées ces classes moyennes auxquelles le régime de
Juillet tenait tant à donner une mémoire. Faire de l’histoire pour trouver les
origines de la Nation et en révéler l’unité immanente : le type d’écriture
historienne à laquelle devait aboutir une entreprise mémorielle engagée sur de
telles bases était une nouvelle fois appelé à avoir partie liée avec la rhétorique
argumentative. Augustin Thierry l’avouait sans ambiguïté lorsque, en 1834, dans
la préface de Dix ans d’études historiques, il rappelait les motifs qui
avaient, au début de la Restauration, présidé à son entrée en historiographie :
« Toujours préoccupé d'idées politiques et du triomphe de la cause à
laquelle j'avais dévoué ma plume, si je songeais à devenir historien, c'était à
la manière des écrivains de l'école philosophique, pour abstraire du récit un
corps de preuves et d'arguments systématiques, pour démontrer sommairement, et
non pour raconter en détail [32]. »
Les
nouvelles perspectives ouvertes par le désir des jeunes historiens libéraux de
la Restauration de « contribuer au triomphe des idées constitutionnelles [33] »,
devaient conduire à un élargissement considérable du besoin d’archives de la
nation. L’Institut, au sein duquel s’était opérée la synthèse entre la tradition
érudite héritée de l’Ancien Régime et l’esprit de 1789 [34],
avait, certes, favorisé la reprise du mouvement d’édition de sources interrompu
par les événements révolutionnaires [35],
mais Daunou, qui en était la cheville ouvrière, ne voyait guère d’un bon œil
les débordements interprétatifs auxquels se livraient les tenants de l’histoire
philosophique.
Mais
c’est l’émergence du concept de « civilisation », apparu dans le Cours
d’histoire moderne, professé à la Sorbonne par Guizot à partir de 1812, qui
devait se révéler déterminant dans la définition du nouveau corps de matériaux
nécessaires à la recherche historique nationale. La civilisation étant définie
comme « une espèce d’océan qui fait la richesse d’un peuple, et au sein
duquel tous les éléments de la vie du peuple, toutes les forces de son
existence viennent se réunir [36] »,
son histoire impliquait la prise en compte d’archives où, à côté des chartes, éclairantes
pour l’histoire des institutions, devaient figurer les sources narratives
– annales et chroniques – ainsi que tous les documents susceptibles
d’éclairer ce que Guizot appelait « les faits moraux, cachés » et « les
faits généraux, sans nom, auxquels il est impossible d’assigner une date précise
[…] qu’il est impossible de renfermer dans des limites rigoureuses, et qui n’en
sont pas moins des faits comme d’autres, des faits historiques, qu’on ne peut
exclure de l’histoire sans la mutiler [37] ».
Un véritable
culte du « document original » s’emparait dès lors des milieux érudits
français[38].
Son usage était à la fois gage de rationalité et promesse d’ouverture à ce pan
de l’histoire nationale qui était demeuré jusqu’alors caché : celle du
peuple, désormais promu au rang d’acteur principal de l’histoire de la nation.
Les statuts de la Société de l’histoire de France,
créée en 1833 à l’instigation de Guizot, stipulaient que son but était de « populariser
l’étude et le goût de notre histoire nationale dans une voie de saine critique
et surtout par la recherche et l’emploi des documents originaux[39] ». Essentiellement conçue pour permettre l’accès au grand public des textes les
plus parlants de l’histoire de France, elle affichait cependant très vite les
limites d’une entreprise qui ne pouvait satisfaire les attentes scientifiques
du projet mémoriel du régime.
A partir
de 1833, Guizot, prenant conscience de l’insuffisance des exigences érudites de
ce qui n’était finalement qu’une société savante parmi tant d’autres, décidait
de renouer avec la tradition, si bien éprouvée sous l’Ancien Régime, des
grandes entreprises étatiques centralisées : en 1833, il mobilisait la
province en adressant aux préfets une circulaire les enjoignant de faire procéder,
dans les bibliothèques et dépôts départementaux d’archives, à l’inventaire de
tous « les manuscrits qui ont rapport à notre histoire nationale »
et, dans un rapport au roi du 31 décembre de la même année, proclamait que c’était
au gouvernement qu’il appartenait « d’accomplir le grand travail d’une
publication générale de tous les matériaux importants encore inédits sur
l’histoire de notre patrie [40] ».L’institution,
l’année suivante, du Comité des travaux historiques, la mobilisation, sur la
base du volontariat, des érudits provinciaux alléchés par l’attribution du
titre hautement honorifique de « correspondant du ministère de
l’Instruction publique » illustrent les liens qui, par delà la rupture révolutionnaire,
unissaient l’entreprise libérale de la décennie 1830 à celle que Jacob-Nicolas
Moreau avait, soixante-dix ans auparavant, conçue pour la défense et
illustration de la monarchie absolue.
L’objectif
affiché par Guizot privilégiait, une fois encore, la collecte de documents
originaux sur l’écriture de l’histoire. Tandis que Jules Michelet frémissait
aux murmures dont bruissaient les rayonnages de la section d’histoire des
Archives du royaume à la tête de laquelle il avait été promu dès 1830, Augustin
Thierry se voyait chargé de superviser la collection des chartes concédées aux
villes et aux communes médiévales ainsi que celle des « chartes et
constitutions primitives des différentes corporations, maîtrises et sociétés
particulières établies en France ». La fonction d’une telle collection
devait être, selon les propres termes employés par Guizot dans un autre rapport
au roi du 27 novembre 1834, de mettre « dans tout leur jour les nombreuses
et diverses origines de la bourgeoisie française, c’est-à-dire les premières
institutions qui ont servi à affranchir et à élever la nation[41] ».
L’archive était donc promue au rang de matériau de base d’une histoire conçue
comme dynamique des progrès de la liberté.
Guizot,
Thierry, Michelet : c’est à travers ces trois noms que la question du
passage de l’archive à l’historiographie mériterait d’être abordé. Tandis que
Guizot s’employait à une construction intellectualiste de l’histoire des progrès
de la civilisation, Augustin Thierry, avec l’Histoire de la conquête de
l’Angleterre, d’abord, avec le Récit des temps mérovingiens, puis
avec l’Essai sur l’histoire de la formation et des progrès du Tiers-État,
ensuite, donnait vie, en l’inscrivant dans une logique narrative, à sa théorie
de la lutte des races. Michelet, poursuivant dans son Histoire de France, dont
les deux premiers volumes avaient paru en 1833, son rêve de « résurrection
de la vie intégrale », jouait sur le registre spiritualiste :
« Ces traces du vieux temps, elles sont dans nos âmes,
confuses, indistinctes, souvent importunes. Nous nous trouvons savoir ce que nous
n’avons pas appris, nous avons mémoire de ce que nous n’avons pas vu ;
nous ressentons le sourd prolongement des émotions de ceux que nous ne connûmes
pas . »
Chez Thierry comme chez Michelet, le recours aux documents
originaux s’est imposé très progressivement, au fil d’une œuvre
historiographique dont les notes de bas de page témoignent d’un long
cantonnement aux recueils de sources légués par l’érudition de l’Ancien Régime.
Tel est d’abord le cas chez Thierry, dont la première grande œuvre
historiographique, l’Histoire de la conquête de l’Angleterre par les
Normands, est, dans sa première édition de 1825, exclusivement
nourrie des collections bénédictines – dom Luc d’Achery, dom Duchesne,
dom Bouquet et dom Mabillon. Au fil des rééditions successives [43],
on la voit s’enrichir de recueils de textes produits par l’érudition du XIXe siècle – le Roman de Rou de Robert Wace dans l’édition donnée par
Frédéric Pluquet en 1827 ou les Chroniques anglo-normandes éditées à
Rouen en 1836 par Francisque Michel [44].
On mesure, dans l'Essai sur l'histoire de la formation et des progrès du
tiers-état, à l'autre extrémité de la carrière historienne[45],
le travail d'actualisation documentaire qui s'est opéré : si les
compilations classiques y sont encore présentes, les notes critiques de bas de
page, de plus en plus étoffées, renvoient à des éditions de sources récentes
(comme, par exemple la collection des cartulaires de Benjamin Guérard ou la réédition
de Ducange par Henschel ), de même qu’elles commencent à intégrer des références
au premier tome du Recueil des Monuments inédits de l’histoire du Tiers État,
paru trois ans auparavant.
Dès sa
nomination, en octobre 1830, à la tête de la section historique des Archives du
Royaume, Michelet s’était senti partagé entre les exigences de l’archivistique
et la tentation historiographique. Dans un rapport en date du 31 décembre de la
même année où il prévoyait la réalisation d’un inventaire général du trésor des
chartes, il notait qu’« en lisant, la plume à la main, un certain nombre
de pièces de chaque époque, on, peut en extraire beaucoup de remarques
importantes sur le droit, sur la langue, sur la forme des actes, sur les
variations même de l’écriture [46».
Daunou, redevenu, en 1830, Garde général des Archives du Royaume et qui avait
assez mal pris mal le fait de se voir imposer la nomination de Michelet, devait
lui interdire longtemps le droit de publier les documents des archives. Dans la
préface de l’édition de 1869 de son Histoire de France, Michelet, tout
en revendiquant d’avoir été le premier historien de sa génération à avoir appuyé
son œuvre sur les documents originaux, avouait cependant n’avoir pu les
utiliser avant le troisième volume, paru en 1837 : « Cela commença
par l’emploi que je fis, dans mon histoire, du mystérieux registre de l’Interrogatoire
du Temple, enfermé quatre cents ans, caché, muré, interdit sous les peines
les plus graves au Trésor de la cathédrale, que les Harley en tirèrent, qui
vint à Saint-Germain-des-Prés, puis à la Bibliothèque. La Chronique, alors inédite
de Duguesclin m’aida aussi. L’énorme dépôt des Archives me fournissait une
foule d’actes à l’appui de ces manuscrits, et pour bien d’autres sujets. C’est
la première fois que l’histoire eut une base si sérieuse[47] ».
Mais
c’est dans les profondeurs de la province qu’il faut plonger pour mesurer
l’impact réel exercé, sur la production historiographique, par la vaste
entreprise d’exhumation de sources qui mobilise les érudits locaux, regroupés
dans un réseau de sociétés savantes que les initiatives de Guizot ont largement
contribué à revivifier. Partagé entre les exigences centralisatrices du Comité
des travaux historiques et la résistance provinciale animée par Arcisse de
Caumont, le mouvement antiquaire des années 1830-1850 est totalement dominé et
comme écrasé par la pratique inventoriale.
L’étude
que j’ai pu réaliser sur la nature des productions écrites des sociétés
savantes régionales des provinces du Nord de la France entre 1830 et 1870 [48] révèle la place relativement faible qu’y a tenue l’histoire narrative
proprement dite au profit de celle, écrasante, de ce que Charles-Olivier
Carbonell appelle « l’historiographie documentaire[49] ».
Écrits sur les sources plus souvent que véritable édition de sources,
l’ecdotique à laquelle se sont livrées avec enthousiasme les sociétés
d’antiquaires de la monarchie de Juillet a conduit à la fois à un éclatement
des trames narratives et à une atomisation des objets de l’étude historique.
D’autant que, dans le même temps, la démarche d’inventaire conduisait à un phénomène
de miniaturisation des espaces d’inscription de la recherche documentaire et de
l’écriture historienne. La statistique historique et archéologique de la France
devant s’inscrire dans les circonscriptions emboîtées nées des réformes
territoriales de la Révolution – départements, arrondissements, cantons,
communes – , c’étaient désormais les territoires et les conditions de la
découvertes d’archives éventuelles qui gouvernaient le discours
historiographique. Le triomphe de la monographie locale devait ainsi consacrer
un type d’écriture séquentielle, guidée, non plus par la logique narrative de
faits historiques, mais par la nécessité de traquer les mentions éparses de
traces laissées, au hasard de la survivance de sources d’archives, par les
localités. Un type d’écriture qui accompagnait – ou favorisait – ,
par ailleurs, le mouvement d’apetissement des formes de la publication d’un
savoir historien qui trouvait, dans les publications périodiques des sociétés
savantes, un lieu d’expression privilégié.
Il
convient encore de noter que les exercices plus ou moins hasardeux de
transcriptions auxquelles les érudits provinciaux se sont livrés, en faisant découvrir
la musique des mots de la langue médiévale, ont également contribué à faire de
la démarche documentaire une mimesis, un moyen de restituer la « couleur
locale », version romantique de la « vérité historique ».
L’histoire
locale s’est ainsi inventée au prix d’un nouvelle renonciation au récit et
d’une compromission avec le rêve micheletien de « résurrection de la vie
intégrale ».
Organisée
dans un cadre technique assez semblable, celle d’une démarche inventoriale
centralisée reposant sur la mobilisation des bonnes volontés locales,
l’entreprise patronnée par Guizot sous la monarchie de Juillet a abouti, toutes
proportions gardées, au même paradoxe que celles que la volonté de servir
la monarchie absolue avaient inspirées à l’érudition bénédictine et privée de
l’Ancien Régime : celui de l’impossibilité de fonder sur un corps de
preuves patiemment colligées un récit susceptible de créer un consensus
national. La génération des historiens libéraux de 1830 n’a pas raconté, elle a
démontré – Guizot que l’histoire était une dynamique du progrès de la
civilisation, Thierry qu’elle avait pour principe conducteur la lutte des races
issues de la conquête franque, Michelet qu’elle commençait au contraire lorsque
l’enracinement territorial des peuples leur eut permis de conjurer les déterminations
raciales dont ils étaient porteurs
Mais la
ressemblance avec les entreprises centralisées de collectes de sources médiévales
va plus loin. Car elle réside aussi dans l’échec du principe de centralité qui
les a animées : déchaînement des intérêts particuliers et renforcement des
particularismes provinciaux contre lesquels les Mauristes et l’équipe du
Cabinet des Chartes prétendaient plaider ; fronde des sociétés savantes de
province qui, alors que l’on attendait qu’elles contribuassent au grand œuvre
historiographique national, travaillaient, au contraire, au réveil des mémoires
locales et à la fabrication des images régionales.
Il aura
finalement fallu attendre que, dans le dernier tiers du siècle, se conjuguent
la volonté positiviste de débarrasser le discours historien de toute velléité
interprétative, le projet unitaire et universaliste de la Troisième République
et les effets unificateurs de son dispositif pédagogique pour faire advenir
cette forme d’historiographie médiatrice, fondée sur le partage de repères
communs, que ni l’Ancien Régime dans ses velléités de légitimation de
l’absolutisme, ni la période romantique dans sa réinterprétation libérale du
passé national n’avaient su produire.
Odile Parsis-Barubé
Université de
Lille III
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