Les autres lieux du politique

 

unE ÉPHEMèRE (RE)POLITISATION DU CHAMP CULTUREL.
POLITIQUE CULTURELLE ET DÉBAT PUBLIC
EN FRANCE LORS DES ÉLECTIONS DE 2002


 

La campagne électorale du printemps 2002 – initialement plutôt atone – a ensuite été profondément marquée par l’absence du candidat socialiste au second tour, et le face à face qui a opposé le candidat sortant, Jacques Chirac, au leader du Front national, Jean-Marie Le Pen.

Il s’agit ici d’analyser la place que la politique culturelle occupe dans les discours mobilisés par les principaux acteurs de la campagne électorale  [1] . Deux constats ont orienté nos investigations. Le premier, placé sous le signe de l’atonie, renvoie à l’absence, souvent soulignée par les contemporains, de débats sur la question au cours de la campagne électorale. Le second est lié à la forte mobilisation des mondes de l’art et de la culture, à la suite des résultats du premier tour des élections présidentielles. C’est le poids de « l’événement » – ici des résultats électoraux – sur la mise en discours, la mise en scène et la mise en agenda d’une politique publique qui retiendra notre attention.

Bien sûr une campagne électorale peut apparaître au premier abord comme un « lieu » naturel du débat politique. Pourtant, force est de constater que la question de la régulation des politiques publiques de la culture est le plus souvent absente de la controverse électorale. Au printemps 2002, la configuration politique singulière qui caractérise le second tour suscite une éphémère (re)politisation du champ culturel.

La défense de l’exception culturelle

C’est sous le signe de la défense de l’exception culturelle que le débat se formalise dès le début de l’année. Le 17 décembre 2001, à l’occasion de la prise de contrôle d’USA Networks, Jean-Marie Messier, PDG de Vivendi-Universal déclare à New-York : « L’exception culturelle française est morte » et « les angoisses franco-françaises sont archaïques »  [2] . Cette déclaration suscite, dans les jours qui suivent, une large protestation des professionnels de la culture qui dénoncent une remise en question du modèle français de financement du cinéma. En filigrane, la stratégie future de Canal +, acteur essentiel de la production cinématographique française, est l’objet de toutes les interrogations.

Deux candidats aux élections présidentielles, Jean-Pierre Chevènement et Noël Mamère, s’expriment également dans les colonnes de Libération (28 décembre), sous la forme de tribune libre, et soulignent respectivement que « La liberté de création n’est pas un archaïsme » et que « La culture n’est pas une marchandise ». A droite, où Alain Madelin est le seul responsable à approuver Jean-Marie Messier, les réactions sont – du moins dans la forme – plus nuancées. « Chacun peut se réjouir de voir les entreprises françaises s’imposer sur la scène internationale », précise Jean-Louis Debré. Le président du groupe RPR de l’Assemblée ajoute cependant qu’il faut « veiller à ce que l’on continue à soutenir les artistes et leurs œuvres », rappelant que « la France s’est mobilisée avec succès » pour défendre cette politique lors des négociations du GATT, de l’AMI (Accord multilatéral sur les investissements) et de l’OMC. François Bayrou, candidat à l’Elysée, affirme qu’« il n’est au pouvoir de personne, heureusement, de décréter la mort de l’exception culturelle ». Le succès du cinéma français prouve bien, selon lui, que ce modèle a été plébiscité par la société elle-même.

C’est au nom de « l’identité nationale » que l’extrême droite défend ce principe de l’exception culturelle. Bruno Mégret regrette que « ce ne [soit] plus les peuples qui décident mais les marchands ». Le président du Mouvement national républicain, qui accuse M. Messier de « trahir son pays », considère que « la croissance de nos grands groupes est un illusoire avantage puisqu’ils cessent de favoriser les intérêts français lorsqu’ils atteignent un certain seuil ». Le candidat à la présidentielle juge « légitime » que les pouvoirs publics « soutiennent financièrement la création, notamment audiovisuelle ». D’autant que « cela a toujours été l’apanage du pouvoir que de passer des commandes d’œuvres d’art », sous la monarchie comme sous la République. Bruno Gollnisch ne voit, lui aussi, que « la traduction d’une logique capitalistique » qui le pousse à se transformer en « porte-étendard arrogant de ses nouveaux commanditaires » américains. Or la culture, qui est « l’âme d’un peuple [...], ne saurait être soumise aux lois du marché », tranche le délégué général du FN, qui n’est pas hostile – sous certaines conditions – à des aides publiques. Il est surtout persuadé que c’est « en se réappropriant [sa] langue et en s’inscrivant dans un vaste projet de francité » que la France évitera sa dilution dans le « mondialisme »  [3] .

La réaction des pouvoirs publics est toute aussi rapide. Dès le 19 décembre, Catherine Tasca déclare à propos des affirmations de Jean-Marie Messier :

« C’est le propos d’un homme d’affaires qui développe son groupe outre-Atlantique. Ce n’est pas une politique et ce n’est assurément pas celle de notre gouvernement. L’exception culturelle française est devenue pour les Européens et pour les autres continents la défense de la diversité, plus que jamais nécessaire face au poids du marché. C’est le socle même des systèmes publics de soutien à la création. Jamais cet objectif n’a été aussi bien partagé, et il dépasse de loin la stratégie d’une entreprise, quelle qu’elle soit. » (Le Monde, 20 décembre).

La ministre de la Culture approfondit cette thématique lors de la présentation des vœux à la presse, le 9 janvier 2002. La tribune libre donnée au Monde du 26 décembre par Michel Duffour, secrétaire d’Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, conforte la volonté affichée par Catherine Tasca de tenir compte du poids des industries culturelles et traduit le souhait de défendre l’exception culturelle dans le cadre d’un service public de la culture renforcé  [4] . Le premier ministre Lionel Jospin, qui avait déjà évoqué la question lors de ses vœux à la presse le 15 janvier, saisit, le 21 janvier, l’occasion de l’inauguration du site de création contemporaine du Palais de Tokyo pour réaffirmer la position du gouvernement. Les propos de Jean-Marie Messier sont implicitement dénoncés :

« Cette vision, loin de signifier un repli national, marque au contraire la volonté d’une ouverture au monde. À travers la culture, ce sont en effet toutes les cultures que nous célébrons. Leur diversité est un patrimoine précieux de l’humanité. Cette diversité culturelle, patiemment construite par l’histoire des hommes, doit être préservée et encouragée. Considérer, comme certains le font, que la liberté du commerce devrait s’étendre à la culture, qu’il faudrait traiter la culture comme une marchandise, ce serait subordonner la création aux règles du marché, ce serait prendre le risque de l’uniformisation des cultures humaines. Pour que toutes les cultures – et pas seulement la nôtre – continuent de s’épanouir et de s’exprimer, il est souvent indispensable de défendre l’exception culturelle ».

Quant au chef de l’Etat, il confirme solennellement la position de la France sur la diversité culturelle, le 12 février, lors de la réception en l’honneur du Haut conseil de la Francophonie. Un passage de l’allocution de Jacques Chirac s’inscrit sans aucun doute dans le cadre du débat ouvert, quelques semaines plus tôt, par les propos de Jean-Marie Messier :

« On le voit bien, dans la grande incertitude où chacun se trouve plongé, à l’heure où s’estompent les frontières traditionnelles, où certains craignent, avec raison, que les lois du marché se substituent à celles des États, où les citoyens ne se sentent plus totalement maîtres de l’ordre du jour, la volonté d’affirmer son identité revient en force à travers le monde. Comme un réflexe de survie, car chacun sent que l’extinction de traditions, de langues, de connaissances, de cultures sont autant de chances gâchées, de portes qui se ferment et que nous ne pourrons plus ouvrir. Soyons donc vigilants : l’uniformisation, en ce qu’elle a de réducteur et d’impérieux à la fois, alimente, par réaction, le repli identitaire et aussi le fanatisme. L’affirmation de la diversité est au contraire l’une des clés pour répondre aux hantises contemporaines.

« Voilà pourquoi tout ne peut pas être une marchandise ! Voilà pourquoi tout ne peut pas être livré à la loi du marché ! L’Homme, qui ne saurait être réduit à son seul rôle dans le processus de production, mais qui est l’horizon de tout projet. Le vivant, qui est le patrimoine indivis de l’humanité, qui préexiste à toute recherche et que nul ne peut s’approprier. Et la culture, la création, respiration de l’âme qui ne peut s’épanouir que dans la multiplicité et la rencontre des différences […].

« Dans le même esprit, ensemble nous avons obtenu la reconnaissance de l’exception culturelle par l’Organisation mondiale du commerce. Il est ainsi admis que les biens culturels ne sont pas des biens marchands comme les autres et que les États doivent pouvoir soutenir leurs créateurs et leurs artistes par les mécanismes de leur choix. À mes yeux, ce principe est intangible.

« Mais le combat n’est pas fini. Et je voudrais affirmer ici que la France entend maintenir les mécanismes d’aide à la création qui lui sont propres. Je pense d’abord au cinéma. Les indéniables et magnifiques succès du film français l’an dernier témoignent de la pertinence de notre dispositif. Mais face à la puissance de quelques groupes de dimension mondiale, veillons à adapter, chaque fois que nécessaire, notre dispositif pour qu’il accompagne, par exemple, réalisateurs et producteurs dans leurs efforts de diffusion à l’étranger. Je pense aussi à l’édition et à la loi sur le prix unique du livre. Autant de mécanismes bâtis en bonne intelligence entre les pouvoirs publics et les professions concernées au service de la culture et de la création. »

La polémique reste vive jusqu’à l’aube de la campagne officielle. Le 9 mars, la cérémonie des Victoires de la Musique permet une prise de position de certains artistes, excédés des propos de Jean-Marie Messier, qui donne pour exemple de la diversité culturelle défendue par la maison de disques dont il a fait l’acquisition, la présence au catalogue de « rebelles » tels que Noir Désir et Zebda. En direct sur France 2, le leader de Noir Désir, sacré meilleur Album Rock de l’année, Bertrand Cantat dénonce cette instrumentalisation. Cette prise de position, à une heure de très grande écoute, sera très largement commentée par la presse les jours qui suivent. Elle confirme un relatif consensus autour du refus de la marchandisation des biens culturels

Une actualité éditoriale spécifique

La conjoncture électorale est propice à la publication d’ouvrages dont la nature est diverse : témoignages, bilans et prospectives constituent le cœur des livres publiés par quelques acteurs des politiques publiques de la Culture. Ancien directeur du cabinet de Jacques Duhamel, ministre des Affaires culturelles de Georges Pompidou, ancien PDG de RTL, Jacques Rigaud a régulièrement pris la plume sur la question des politiques culturelles depuis La culture pour vivre (1975) à Libre culture (1990). Son Exception culturelle, ouvrage publié en 1995, pouvait se lire comme une réponse argumentée aux contempteurs de l’Etat culturel de Marc Fumaroli à Michel Schneider. Les deniers du rêve. Essai sur l’avenir des politiques culturelles, publié en septembre 2001, revient sur son itinéraire, notamment sur son rôle lors de la tentative de « Refondation » impulsée par Philippe Douste-Blazy en 1996. L’auteur regrette l’absence de débat politique de fond sur la politique publique de la culture, et estime que les partis politiques, de gauche comme de droite, n’ont guère renouvelé leur réflexion sur le sujet depuis la fin des années 80. Une forme de consensus national masquerait en réalité un manque d’intérêt du politique pour les questions culturelles. L’auteur, qui consacre quelques pages aux rapports personnels que Jacques Chirac, Alain Juppé et Lionel Jospin entretiennent avec la culture, soutient avec conviction que « la volonté politique en matière de culture ne se relancera pas d’elle-même. Les professions culturelles ne songent aujourd’hui qu’à la préservation de leurs intérêts, le plus souvent légitimes, mais dont l’addition ne saurait faire une politique digne de ce nom  [5]  ». Dans Sans détour, Catherine Trautmann revient également sur son parcours atypique, fait d’engagement, d’audace et de risques assumés. Plusieurs pages concernent son passage rue de Valois de 1997 au printemps 2000. L’auteur souligne combien son refus des mondanités, ses distances prises avec les seules logiques corporatistes, sa posture de provinciale et d’élue locale ont contribué à rendre plus difficile la tâche qu’elle s’était fixée. Il faut rappeler que la pression de certains lobbies culturels, largement relayée par la presse nationale, a fragilisé la position politique de la ministre  [6] . Catherine Tasca ouvre son livre par un regard sur son parcours de jeune énarque au sein du ministère des Affaires culturelles, son action à la maison de la culture de Grenoble, puis ses fonctions au sein d’institutions culturelles auprès de Pierre Boulez et Patrice Chéreau. La seconde partie de l’ouvrage est centrée sur une réflexion autour de quelques questions : culture et politique, l’égalité d’accès à la culture, comment concilier culture et communication, la place de la culture dans les relations internationales  [7] .

La prospective alimente, à des degrés divers, ses trois ouvrages. Jacques Rigaud insiste sur la nécessité de repenser nos politiques culturelles. Catherine Trautmann souhaite que les questions culturelles ne soient pas seulement considérées comme un secteur d’intervention public, mais soient placées au cœur du projet socialiste. Catherine Tasca énonce, dans son dernier chapitre, un projet pour l’Etat et ses partenaires : maintenir l’effort budgétaire, accompagner l’expansion des industries culturelles, faire progresser la décentralisation et mettre l’accent sur l’éducation artistique. Elle reste, contrairement à Jaques Rigaud, sceptique face au possible développement du mécénat d’entreprise. Faire « renaître le débat citoyen sur l’enjeu culturel » est présenté par la ministre de la Culture et de la Communication comme une priorité. Réformer le service public de la culture, afin de le rendre plus efficace dans un monde qui enregistre de formidables mutations, est ici un enjeu partagé, par-delà les sensibilités des auteurs. Ces trois ouvrages sont assez peu commentés par la presse. Jacques Rigaud fait figure de théoricien d’une politique culturelle alternative à celle impulsée par la « gauche plurielle ». A ce titre, il donne de longues interviews au cours de la campagne électorale, dans les colonnes des Echos fin mars et dans L’œil en avril  [8] .

En avril, Patrick Bloche, Marc Gauchée et Emmanuel Pierrat, publient La culture quand même ! Pour une politique culturelle contemporaine. L’ouvrage, au ton militant, qui s’affiche « délibérément ancré à gauche », a le mérite de proposer de nouvelles perspectives, susceptibles de relancer la réflexion. Les auteurs plaident notamment pour une politique qui prenne davantage en compte les attentes des Français, et soulignent combien la thématique de la « démocratisation culturelle » n’est plus adaptée à une société qui a enregistré, depuis une trentaine d’années, de profondes mutations. La décentralisation, la reconnaissance de nouveaux « lieux » culturels, les nouvelles formes de médiation, la généralisation des technologies numériques, l’affirmation du temps libre dessinent un paysage où le rapport à la culture évolue rapidement, ce qui constitue un véritable défi pour les politiques publiques. Un « ministère du citoyen dans la société de la connaissance » devrait répondre à ces nouveaux enjeux : « ce ministère comprendrait un pan patrimonial renforcé et rénové, un pan pour la médiation artistique et culturelle qui à la fois protège, suscite et soutient toutes les formes de création, un autre enfin qui regrouperait le suivi de toutes les industries culturelles, le tout pouvant faire appel à une direction juridique forte et bien dotée  [9]  ».

Les revues professionnelles consacrent également plusieurs pages à la politique culturelle, entre bilan et prospective. Le traitement demeure presque toujours sectoriel – à l’image de l’organisation de l’administration centrale du ministère de la Culture – et, souci corporatiste oblige, accorde une place essentielle aux questions techniques. Le sens général des politiques publiques de la Culture n’est que rarement questionné. Le débat, médiatisé par l’intermédiaire de la rubrique « tribune libre » du Monde, qui oppose à partir de janvier Catherine Tasca et quelques responsables d’établissements culturels sur l’autonomie de ces établissements par rapport à l’administration centrale du ministère de la Culture est un bon exemple de cette situation. Ce débat offre l’opportunité à Jean-Jacques Aillagon, président du Centre Pompidou, mais aussi principal rédacteur du programme culturel du candidat-président, de développer sa position dans un long article donné au Figaro le 2 février  [10] . A ce titre, le dossier, publié en avril par la revue de vulgarisation Beaux-Arts sous le titre « la crise politique de la culture » fait exception. Les auteurs dénoncent notamment la faible place accordée, qualitativement et quantitativement, à la culture dans la campagne électorale  [11] .

L’une des rares voies discordantes est celle de l’académicien Marc Fumaroli. Pourfendeur de la politique culturelle depuis le début des années 90, l’auteur de l’Etat culturel (1991) publie dans les colonnes du Point (29 mars et 5 avril), un article, repris ensuite dans la revue Commentaire, sous le titre « Le terrorisme de l’Etat culturel ». La plume est vive, les formules souvent brillantes, mais le propos n’est guère nouveau et se caractérise par une vive dénonciation d’un Etat culturel jugé « tentaculaire ». Par-delà la politique culturelle, c’est l’art (dit) contemporain qui est dénoncé. L’auteur dénonce également le consensus autour de la politique culturelle et l’absence de débats pendant cette campagne électorale :

« Il était à peu près certain que la “culture” ne jouerait aucun rôle dans le duel de la présidentielle. Des deux côtés du pré, les politiques sont dressés sur leurs ergots, mais les hiérarques “culturels” de droite et de gauche se tenaient cois. Leurs intérêts sont communs, leur programme est semblable, leurs langues de bois copulent, leurs clientèles se recoupent. L’important pour eux est de persévérer dans le non-être conquérant. Ils sont convaincus que les questions posées par leur activisme de néant et par ses conséquences sur le bien commun n’intéressent pas les médias, et passent par-dessus la tête de l’électorat. Tout peut donc tourner doucement en rond, dans le “domaine réservé” d’un très petit milieu complice, mondano-politico-culturel, assorti de rares journalistes spécialisés, eux-mêmes exercés à la loi des demi-silences. »

La réponse de Philippe Dagen, critique au Monde et professeur d’histoire de l’art à l’Université de Paris IV-Sorbonne, n’est pas moins vive, et s’ouvre par la stigmatisation de l’essayiste : « Il faut savoir gré à Marc Fumaroli. Aux historiens du goût des décennies à venir il offre le manifeste extrême d’une attitude ultraréactionnaire qui s’est rarement exhibée avec autant de franchise depuis longtemps. Il y porte à leur paroxysme quelques-uns des traits majeurs de cette attitude : l’arrogance, l’ignorance, l’outrance  [12] . »

Par-delà les divergences d’appréciation sur le bilan, la grande majorité des observateurs s’accordent sur un point : le désintérêt des hommes politiques pour la question de la politique culturelle.

Programmes et professions de foi

Ce constat mérite d’être examiné à l’aune des programmes électoraux et des professions de foi. Presque tous les candidats consacrent quelques lignes à la politique culturelle. Absente dans les programmes de l’extrême gauche, la politique culturelle occupe une place assez faible chez Alain Madelin, seul candidat libéral qui souhaite réduire la place de l’Etat culturel. En revanche, Jacques Chirac et Lionel Jospin, François Bayrou, Robert Hue, Jean-Pierre Chevènement et Noël Mamère développent assez largement cette question. Dès janvier 2002, la Commission « Culture » des Verts publie un texte « Culture, bilan et perspective » qui s’ouvre par un véritable plaidoyer :

« La culture n’est pas un secteur de la société mais une composante de la vie, essentielle à la vie. La question de la politique culturelle – en faut-il une et laquelle ? – est une question vitale parce qu’elle concerne la vie de chacun. Elle se pose donc à la collectivité tout entière. Et c’est par conséquent une question centrale à la politique et non pas secondaire, périphérique comme on l’a considérée jusqu’à présent, et depuis un demi-siècle. Elle est au centre des préoccupations des Verts qui veulent faire une autre politique, celle qui assure un développement supportable et durable, et qui veulent aussi faire la politique autrement en lien avec la vie des gens. »

L’extrême droite (sous ses deux modalités) n’oublie pas cette question qui renvoie à celle, ô combien centrale dans ses programmes, d’une identité nationale, jugée en danger dans un contexte de mondialisation et de multiculturalisme. Christine Boutin – qui souhaite la disparition du ministère de la Culture pour lui substituer un ministère du patrimoine – et Jean Saint-Josse consacrent plusieurs pages de leur programme à une politique culturelle qu’ils appréhendent essentiellement par le registre patrimonial.

En réalité, c’est moins l’absence de discours sur la politique culturelle, que la faible médiatisation de cette question qui semble caractériser la situation à la veille du premier tour. Les deux principaux candidats Lionel Jospin et Jacques Chirac organisent une conférence de presse sur la politique culturelle, respectivement le 24 mars au Théâtre Edouard VII et le 8 avril au Théâtre du Palais Royal. Ces conférences de presse, assez rapidement commentées dans les médias le lendemain, sont également destinées à mettre en scène les comités de soutien des candidats ; comités composés de personnalités, d’intellectuels mais surtout d’artistes  [13] .

Les médias nationaux couvrent assez peu les questions culturelles. Le 18 mars, dans sa série « Portrait de la France », Libération donne la parole à huit candidats sous le titre « La France décomplexée ». En 6 à 8 lignes, chaque candidat esquisse la présentation de sa position, qui se résume pour presque tous à une défense de l’exception culturelle. A la veille du premier tour des élections présidentielles, la politique culturelle demeure marginale dans le débat politique. Certes, la culture n’est pas totalement absente, mais n’est pas considérée comme un élément central du dispositif électoral.

Le départ de Pierre Lescure, PDG de Canal +, débarqué le 16 avril par la direction de Vivendi-Universal, relance le débat. Habilement mise en scène, en direct et dans un créneau emblématique des programmes, par les producteurs-vedettes de la chaîne à péage, la médiatisation transforme une vicissitude du capitalisme moderne en défense de l’« esprit Canal », élevé au rang de rempart de l’exception culturelle française. Le limogeage de Pierre Lescure a relancé l’inquiétude des milieux cinématographiques français. Plusieurs candidats à l’élection présidentielle ont réagi à l’éviction de Pierre Lescure. Pour Jean-Pierre Chevènement, « Jean-Marie Messier avait annoncé sa volonté de mettre fin à l’exception culturelle française : il passe à l’acte. » De son côté, Robert Hue dénonce « la brutalité de la décision de Monsieur Messier ». « On a là à faire à un comportement typique d’une véritable fuite en avant d’un homme qui a comme seul objectif la rentabilité ». Pour Noël Mamère, candidat vert, Jean-Marie Messier « démantèle Canal + et menace la création française et l’exception française », tandis que François Bayrou, le candidat UDF, se déclare « choqué, comme beaucoup de Français, par la brutalité de la décision de Jean-Marie Messier ».

Lionel Jospin, relayé par Catherine Tasca et Laurent Fabius – ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie – affiche également sa volonté de voir les engagements pris par Vivendi-Universal respectés. Jacques Chirac exclut, en Conseil des ministres, que l’entreprise Vivendi « puisse ne pas rester française ». « Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est la richesse et la diversité de notre paysage audiovisuel, estime le Président candidat. C’est aussi la responsabilité culturelle de Canal +, qui joue un rôle essentiel, et qui doit le maintenir, dans le financement de notre cinéma  [14] . »

La campagne électorale accorde une faible place aux questions culturelles. Certes, les principaux candidats, entourés de leur comité de soutien formé d’artistes et de créateurs, ont tous consacré une conférence de presse à la politique culturelle. Les revues professionnelles, secteurs par secteurs, ont repris les éléments des programmes. La politique culturelle demeure pourtant marginale dans le débat public. Tout se passe comme si la vive polémique du début d’année sur l’exception culturelle, réactivée à la veille du premier tour, avait scellé un large consensus et réduit, avec certes la sempiternelle question du budget, l’espace du débat. Les résultats du premier tour des élections présidentielles changent incontestablement la donne. Le « séisme » politique, que représente la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour, conduit à un infléchissement notable des prises de position.

Une sensibilisation au programme culturel du Front national

Peu évoqué avant le premier tour, le programme culturel du Front national fait l’objet d’une véritable exégèse dans la presse nationale : Libération et Le Monde le 25 avril, L’Humanité le 4 mai. Un important travail de sensibilisation avait déjà été réalisé par des collectifs citoyens et des associations à la suite des élections municipales de 1995 et des élections régionales de 1998, qui avaient enregistré la montée en puissance de la droite nationale qui, pour la première fois, était en mesure d’exercer l’exécutif de certaines villes (Marignane, Orange, Toulon, Vitrolles) et de participer à la gestion de plusieurs régions (Languedoc-Roussillon, Rhônes-Alpes, Bourgogne). La réaction des pouvoirs publics s’était également concrétisée par la mise en place par Catherine Trautmann d’un « Comité de Vigilance » en avril 1998. Mais la scission entre le Front national et le MNR semblait avoir éloigné le danger. La ministre, à l’image de son prédécesseur Philippe Douste-Blazy, avait affiché à plusieurs reprises sa volonté de défendre le pluralisme culturel et la liberté des créateurs face à l’affirmation des populismes.

Ce programme culturel, structuré depuis 1993 et pris en charge au sein du Front national par les héritiers de la Nouvelle droite, affiche la volonté de construire une contre-culture de droite. Cette conception stratégique de la culture doit se lire comme le retour du politique au cœur du champ culturel. La version 2002 n’innove guère, s’ancre sur un diagnostic déjà avancé – « extinction biologique ; submersion migratoire, disparition de la Nation, génocide culturel » – et demeure articulée sur l’opposition entre la Civilisation à défendre (le beau, le bien, le vrai) et la culture à dénoncer (culture de masse, culture branchée, folklore). Il s’agit de rester fidèle à l’héritage, d’« enraciner l’avenir » par un refus de la colonisation culturelle nord-américaine et par la volonté de valoriser le patrimoine national et les beaux-arts.

Une forte mobilisation des mondes de l’art et de la culture

La mobilisation des mondes de l’art et de la culture est forte entre les deux tours des élections présidentielles. Elle prend des formes très diverses : pétitions de scientifiques, appels des présidents et directeurs de la totalité des organismes publics de recherche, publication de tribunes libres signées par des intellectuels et des représentants des mondes de l’art et de la culture dans Libération et Le Monde, concerts organisés à Strasbourg, Lyon, Lille et Orléans (Yann Tiersen, Dominique A, Noir Désir, Têtes Raides…). Les collectifs citoyens, comme Ras l’Front né en 1990, sont très présents et réactivent des réseaux mobilisés depuis le milieu des années 90. La mobilisation du mouvement sportif est également massive. Le Comité national olympique et sportif français appelle à voter Jacques Chirac au nom des « valeurs fondamentales du sport et les missions du mouvement sportif ». Les positions de l’équipe de France de football, symbole depuis 1998 d’une France multiculturelle, étaient particulièrement attendues. Dès le 25 avril, son capitaine Marcel Desailly exprime son indignation sur son site internet. Le 29 avril, au cours d’une conférence de presse, Zinédine Zidane se prononce contre « un parti qui ne correspond pas du tout aux valeurs de la France ». Le 23 avril, un appel est lancé par 103 organisations professionnelles et syndicales représentant le monde des arts et de la culture à la suite d’une initiative de Catherine Tasca. La ministre de la culture est la seule à réunir l’Atelier de campagne du parti socialiste après le premier tour des élections présidentielles. Cet appel aboutit à la réunion de 10 000 personnes au Zénith de Paris le 28 avril afin de dénoncer le dispositif de « guerre culturelle » mis en place par l’extrême droite. Il s’agit de faire du vote un référendum pour la démocratie et la République. Le 30 avril, Jean-Jacques Aillagon, lance un appel devant le Centre Georges-Pompidou qu’il dirige, en présence de nombreux artistes, et de deux anciens ministres de la culture : Jacques Toubon et Jack Lang. Le même jour, le collectif « Vive la France » réunit 2 000 personnes pour chanter « La Marseillaise » sur l’esplanade du Trocadéro. Cette volonté de ne pas laisser le Front national confisquer les emblèmes de la République est partagée par Le Nouvel Observateur qui met en ligne différentes versions de l’hymne national. Des forums de discussion sont également organisés au sein des Universités.

Le défilé républicain du 1er mai, qui mobilise près d’un million et demi de personnes à Paris et en Région, constitue l’apogée de cette mobilisation qui est perçue, à chaud, comme un processus de politisation, voire de re-politisation. Le moment Front populaire est la référence historique la plus souvent avancée par les observateurs.

Une remise en cause de la politique culturelle

Cette mobilisation s’accompagne d’un débat sur la situation culturelle du pays. La volonté d’expliquer l’affirmation de l’extrême droite débouche sur une remise en cause des modalités de la politique culturelle. Plus largement, plusieurs observateurs soulignent la crise de la transmission des savoirs et de la culture qui marque une société plongée dans la culture de masse  [15] .

Dès le 26 avril, le sociologue Jean-Claude Kaufmann publie dans Le Monde un texte intitulé « Les nouveaux barbares ». L’auteur souligne la « coupure culturelle » qui caractérise la France. D’un côté, les « modernes », culturellement nantis, et de l’autre, la souffrance de ceux qui n’accèdent pas, ou si peu, à l’accumulation du savoir. Une jeunesse multiculturelle fait face à une « nouvelle contre-révolution des cheveux gris ». « La modernité intellectuelle est un phénomène qui reste socialement minoritaire » constate le sociologue qui en appelle à une véritable révolution des mœurs.

La position de Jean-Pierre Rioux – l’un des rares historiens à s’exprimer dans cette conjoncture – s’inscrit dans une perspective proche. « Insurger l’intelligence », publié dans Le Monde du 30 avril, évoque la nécessité de « déblayer les ruines de l’esprit et reconstruire du vrai ». Mieux éduquer, instruire, donner les outils pour « relativiser, critiquer, résister, argumenter » constituent l’architecture d’une « révolution culturelle » qui redonne toute sa place à l’Ecole. L’historien du temps présent, et inspecteur général de l’Education nationale, revient sur ce thème dans un entretien donné à Télérama, le 7 mai, sous le titre « Une culture commune à reconstruire ».

Libération (le 27 avril) puis Le Monde (le 4 mai) orientent ensuite le débat vers l’échec de la politique culturelle française. « La politique de l’élitisme pour tous dans l’impasse » titre le quotidien du soir. Les articles soulignent les limites d’une politique de démocratisation culturelle fondée sur une politique de l’offre ; évoquent la faible place occupée par les programmes culturels sur les chaînes de télévision ; défendent le rôle, jugé essentiel, d’une culture artistique transmise par l’école. Les arguments ne sont guère nouveaux, et ont été mobilisés à plusieurs reprises par les contempteurs de la politique culturelle à la suite des publications du ministère de la Culture sur les pratiques culturelles des Français  [16] . La plus large place accordée au débat et sa diffusion au-delà des cercles des spécialistes le sont davantage.

Pourtant, le débat s’estompe à la suite du second tour des élections présidentielles et ne sera guère réactivé dans le cadre des élections législatives. Le texte de Jacques Blanc, directeur du Quartz, scène nationale de Brest, « Evitons la “lepénisation” culturelle », publié par Libération le 9 mai, est l’une des dernières manifestations du débat médiatisé par la presse nationale. L’homme de théâtre, pourfendeur du « vilarisme » depuis le milieu des années 90, dénonce la facilité qui consiste à réduire le débat autour du couple « l’art pour l’art » versus « populisme ». L’auteur ne croit pas à l’homologie entre fracture sociale et fracture culturelle et souligne l’inculture grandissante des élites. A la veille des législatives, le délitement du processus de politisation sur les questions culturelles est net. Le débat, s’il perdure, n’est plus couvert par la presse nationale. De surcroît, la culture n’est guère présente dans les programmes des différents partis politiques. Quelques traces de débat sont perceptibles chez certains acteurs du spectacle vivant. Le collectif « Réflexe », réuni à Montreuil les 24-26 mai, produit un texte « L’art est politique ». L’objectif est de re-politiser l’art pour reconstruire une nouvelle politique publique  [17] . Cette posture est loin de faire l’unanimité au sein des mondes de l’art et de la culture. Une enquête, publiée par la revue La Scène en juin 2002, confirme la coupure maintenue entre les représentants des institutions culturelles et les militants de l’action culturelle. Les premiers demeurent fidèles à une logique professionnelle qui récuse toute instrumentalisation de l’art ; les seconds souhaitent renouer avec l’héritage des Lumières et de l’éducation populaire : ceux-ci, acteurs le plus souvent en marge des institutions et proches des nouveaux mouvements sociaux, interrogent le sens politique de la culture.

En juin, l’éditorial de la revue professionnelle La Scène, signé par Nicolas Marc, résume l’état d’esprit d’une partie des acteurs culturels, et traduit parfaitement les infléchissements des discours perceptible depuis les élections présidentielles :

« Si le ministère de la culture est le ministère de la création, il doit aussi être celui de la créativité. Car le coup de trique électorale du 21 avril n’a pas seulement déboussolé grand nombre de professionnels du spectacle : il a marqué une ligne de fracture et résonné comme un avertissement sérieux. Il a montré la nécessité pour les acteurs culturels de repenser leur action et leur contribution à un projet de société qui change […].

« Malgré quelques résultats saillants et encourageants, et le formidable souffle impulsé depuis deux décennies, la politique de l’Etat n’a pas su réduire les inégalités culturelles. De cela, les professionnels du spectacle doivent en avoir conscience et se reposer les questions qui fâchent. Les controverses, la pression orchestrée des lobbies, les querelles corporatistes, les débats sémantiques et les attentes purement pécuniaires ont figé la réflexion. Aujourd’hui, il faut plus que jamais reconstruire et réenchanter la culture. Plus qu’une occasion historique, c’est une formidable chance à saisir. »

La « chance » n’est pas immédiatement saisie. Dès l’automne, les logiques corporatistes semblent plus que jamais présentes. C’est dans ce cadre-là que Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture et de la Communication du gouvernement Raffarin, présente son budget 2002. Le sens des politiques culturelles disparaît du débat public. L’embellie des politiques culturelles a, depuis le début des années 80, contribué à davantage autonomiser le champ culturel en France. L’affirmation de la professionnalisation s’est accompagnée d’un délitement des formes militantes de l’action culturelle. Cette « dépolitisation » des enjeux a grandement favorisé la généralisation du partenariat entre l’Etat et les collectivités locales. Le « séisme » du 21 avril a momentanément déplacé les termes du débat. Cependant, la mobilisation antifasciste n’a pas véritablement débouché sur la formalisation de politiques alternatives de la part des pouvoirs publics. Essentiellement réactionnelle, voire conjoncturelle, la thématique antifasciste – portée par les acteurs culturels comme un fondement de légitimation – n’est guère assortie d’une réflexion nourrie sur le sens de la politique culturelle.

 

Un an plus tard, la remise en cause du statut des « intermittents du spectacle » débouche sur une grave crise sociale, redoublée d’une crise économique qui fait suite à l’annulation des principaux festivals de l’été. La question de la légitimité de la politique culturelle est de nouveau posée, alors même que le ministère de la Culture affiche une perspective néo-libérale. Le délitement du service public de la culture est à l’ordre du jour. Depuis, la thématique de la crise de la politique culturelle est mobilisée par les analystes  [18] .

Philippe Poirrier
UMR CNRS 5605, Centre Georges Chevrier,
Université de Bourgogne

 



[1] . Sur ce « séisme » politique : V. Duclert, C. Prochasson et P. Simon-Nahum [dir.], Il s’est passé quelque chose… le 21 avril 2002, Paris, Denoël, 2003. Sur la construction historique des politiques publiques de la culture : P. Poirrier, L’Etat et la culture en France au XXsiècle, Paris, Le Livre de Poche, 2000. Une actualisation : D. Looseley, Back to the Future : Rethinking French Cultural Policy, 1997-2002, The International Journal of Cultural Policy, july 2003, n° 9-2, p. 227-234 et P. Poirrier, Le ministère de la Culture : entre « refondation » et désenchantement, 1993-2004 in G. Saez [dir.], Institutions et vie culturelles, Paris, La Documentation française, 2005, p. 21-24. Une première version de ce texte, plus synthétique, a été publiée dans French Cultural Studies, juin 2004, p. 174-189.
[2] . La rapide diffusion outre-atlantique des propos de Jean-Marie Messier et les modalités très sélectives de la réception font sens. Selon le New York Times, le PDG de Vivendi Universal avait déclaré : « The Franco-French cultural exception is dead. », en ajoutant : « We are now in a period of cultural diversity. What does that mean ? It means we must be both global and national. » . Dans Libération (20 décembre), puis plus longuement dans le Figaro (4 janvier 2002), Jean-Marie Messier dénonce l’instrumentalisation et la déformation de ses propos. Dès le 20 décembre, Libération avait donné une traduction intégrale : « L’exception culturelle franco-française est morte. Nous sommes aujourd’hui dans une période de diversité culturelle. Qu’est ce que cela veut dire ? Qu’il faut être à la fois mondial et national. L’intérêt de Vivendi est d’avoir d’un côté un acteur américain majeur, très dynamique, et de l’autre côté d’avoir Canal + et Studio Canal, premiers soutiens de l’industrie française du cinéma, et aussi Canal premier soutien du cinéma polonais en Pologne, du cinéma italien en Italie. Pour conclure, laissez-moi le dire de façon un peu agressive, ce genre de réaction dans la période que nous vivons et en ce temps de diversité culturelle résonne de façon un peu archaïque. En tout état de cause, l’anxiété qu’elle recouvre est artificielle et n’a aucune raison d’être. » Serge Regourd (L’exception culturelle, Paris, PUF, 2002) souligne à juste titre que les propos de Jean-Marie Messier sur la diversité culturelle n’étaient en rien différents de ceux tenus par les pouvoirs publics et les professionnels du cinéma depuis 1999.
[3] . J.-M. Bezat et C. Chombeau, Droite et gauche s’opposent à Jean-Marie Messier sur l’« exception culturelle », Le Monde, 28 décembre 2001.
[4] . Texte publié dans P. Poirrier, Les politiques culturelles en France, Paris, La Documentation française, 2002, p. 610-612.
[5] . J. Rigaud, Les deniers du rêve. Essai sur l’avenir des politiques culturelles, Paris, Grasset, 2001.
[6] . C. Trautmann, Sans détour, Paris, Seuil, 2002.
[7] . C. Tasca, Un choix de vie, Paris, Plon, 2002.
[8] . Grand angle avec Jacques Rigaud. La culture comme lien social, Les Echos, 29 mars 2002 et Trente ans de politique culturelle, L’œil, avril 2002, p. 31-35.
[9] . P. Bloche, M. Gauchee et E. Pierrat, La culture quand même ! Pour une politique culturelle contemporaine, Paris, Mille et Une Nuits, 2002, 156 p.
[10] . J.-J. Aillagon, Culture : les failles d’un ministère, Le Figaro, 2-3 février 2002.
[11] . La crise politique de la culture, Beaux-Arts, avril 2002, n° 255.
[12] . P. Dagen, La gazette des châteaux, Le Point, 12 avril 2002, n° 1543. L’auteur venait de faire paraître un essai sous le titre : L’art impossible. De l’inutilité de la création dans le monde contemporain, Paris, Grasset, 2002.
[13] . A.-D. Bouzet, Après l’agri, la culture, Libération, 25 mars 2002 ; Culture : les sept engagements de Jospin, Le Nouvel Observateur quotidien, 25 mars 2002 ; G. Schneider, Chirac ressort sa poignée de stars, Libération, 9 mars 2002 ; A. Fulda, Il a présenté hier son projet culturel Chirac : la culture n’est pas une affaire de « clan », Le Figaro, 9 mars 2002 ; S. Le Fol, Les nouveaux intellectuels du camp chiraquien, Le Figaro, 9 mars 2002.
[14] Libération, le 17 avril 2002.
[15] . M. Gauchet, A. Farge et P. Laborie, Le devoir de mémoire ne garantit pas contre les erreurs du futur, Libération, 26 avril 2002.
[16] . Voir les mises en perspective socio-historiques : O. Donnat, La question de la démocratisation dans la politique culturelle française, Modern & Contemporary France, february 2003, n° 11-1, p. 9-20 et V. Dubois, La statistique culturelle au ministère de la Culture, de la croyance à la mauvaise conscience in O. Donnat et P. Tolila [dir.], Les public(s) de la culture, tome 2, Paris, Presses de Sciences PO, 2003, p. 25-32.
[17] . Texte publié dans Cassandre, juillet-août 2003.
[18] . Les impasses de la politique culturelle, Esprit, mai 2004 et P. Le Brun-Cordier, La crise de la politique culturelle française, Contemporary French Civilization, 2005, n° 1, p. 1-19.


Pour citer cet article :

Philippe Poirrier , « Une éphémère (re)politisation du champ culturel. politique culturelle et débat public en france lors des élections de 2002 » in Les autres lieux du politique, sous la dir. de Benoît Caritey et Serge Wolikow, Territoires contemporains, nouvelle série - 1 - mis en ligne le 26 juin 2008.
URL : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/publications/autreslieux/P_Poirrier.htm

Auteur : Philippe Poirrier, professeur à l'université de Bourgogne

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