Laboratoire
Interdisciplinaire de
Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin"
UMR 7366 CNRS-uB
Transversales
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Violences et transitions
« Violences et transition ». Conclusions
Harmonie Mariette, Victor Aparicio Rodriguez
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RÉSUMÉ

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SOMMAIRE

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La journée « Transversales » fut particulièrement riche et dense en échanges, en idées. Quelques éléments de conclusion sont maintenant nécessaires. On se rend bien compte que les notions de transition, de violence, s’appliquent, et même s’imbriquent dans toutes les strates de nos sociétés et plus globalement, dans tous les échanges, toutes les interactions et rapports humains. La violence semble intrinsèque à la transition tout comme la transition est le pendant, parfois la réponse à la violence ; la relation est ténue, sensible, forte. En effet, le concept même de « transition » implique un changement, (parfois rapide et brutal) et, presque par définition, un « conflit ». Quand il y a conflit, la violence peut être présente, de manière plus ou moins forte (bien que ce ne soit pas une condition suffisante, Charles Tilly, The politics of collective violence, Cambridge University Press, 2003) ; par conséquent, les transitions, dans leur sens le plus large, peuvent conduire à des épisodes de violences spécifiques, à des expressions de violence politique, sociale, populaire. La violence pourrait presque entrer dans un jeu complexe où elle devient constitutive d’un fonctionnement et joue donc un rôle particulièrement important, fondateur.

C’est d’ailleurs là que nous pouvons parler de cette Violence fondatrice : la violence devient un élément fondamental et structurant dans le processus de construction (et du maintien) de l’État. Par conséquent, dans les xixe et xxe siècles, qui représentent bien l’apogée de la construction et du développement des États-nations contemporains, la violence a été une caractéristique fondamentale de la contemporanéité, et elle a atteint des niveaux plus élevés qu’auparavant. On pense alors par exemple au régime de Vichy et à la réponse qu’apportent les CDL pour soustraire durablement les populations à la violence d’État. Il est également important de comprendre comment cette violence est canalisée, surtout si elle est antérieure à la transition ou même si elle a été un facteur indispensable pour celle-ci (Harmonie Mariette), et comment elle est éliminée du processus de transition a posteriori. C’était bien le rôle des comités.

Comme le souligne le texte de Godefroid Nzila, la violence fondatrice n’est pas seulement celle d’un État, mais aussi celle d’une « communauté historique », c’est-à-dire, qu’elle peut devenir le mythe fondateur d’institutions ou de groupes autres que l’État-nation. L’État, après sa fondation, perpétue certains niveaux de violence (Godefroid Nzila et Emma Sutcliffe).

L’institution pénitentiaire est peut-être un des exemples les plus marquants d’une durabilité de la violence, de son institutionnalisation. Ainsi, l’institution pénitentiaire contemporaine, avec la transition vécue depuis la fin de l’ère moderne (Michel Foucault, Surveiller et punir : naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1993, réédition), continue d’être une institution violente, même si les formes de violence qui y sont pratiquées se sont transformées (Bertrand Kaczmarek). Ce sont d’autres exemples de transformations liées à la modernité et aux institutions qui en découlent (comme l’État), étroitement liées à la violence, et au mécanisme qui la perpétue.

Dans les différents textes qui composent ce numéro de Transversales, quelques relations entre certaines cultures politiques spécifiques et la violence ont également été observées. C’est donc un motif d’intérêt d’analyser les processus d’adoption de la violence comme outil politique, les mécanismes et les contextes qui permettent son apparition au sein de certaines cultures politiques déterminées (Benjamin Flammand). Il faut se demander s’il existe une prédisposition particulière à la violence au sein de certaines cultures politiques, qu’elles soient de gauche ou de droite, ou si, au contraire, les processus qui conduisent à l’adoption de la violence sont précisément transversaux et peuvent affecter n’importe quelle politique dans un certain moment si les facteurs appropriés sont réunis.

De même, nous voulons réfléchir sur l’énorme dimension que la violence politique a atteint tout au long du xxe siècle. Un « siècle court », tel que défini par Eric Hobsbawm, qui acquiert pourtant des niveaux de violence politique jamais observés auparavant. C’est aussi, d’autre part, le « siècle des victimes ». Au cours du xxe siècle siècle, la victime de violences politiques acquiert un statut particulier, elle « prend corps » et fait son apparition dans le débat politique et historique depuis les années 1980, augmentant le degré de conscience envers les victimes de périodes et d’épisodes traumatisants et conflictuels : guerres, guerres mondiales, dictatures, transitions, génocides, etc. Ce constat a suscité à son tour un plus grand intérêt pour l’étude et la compréhension de ce type de phénomènes violents. Selon Enzo Traverso :

« L’horizon des attentes dégagé, le xxe siècle siècle apparaît à notre regard rétrospectif comme une ère de guerres et de génocides. Une figure auparavant discrète et modeste fait irruption au centre de la scène : la victime. Pour la plupart anonymes et silencieux, les victimes envahissent la scène et dominent notre vision de l’histoire. […] Cette empathie pour les victimes illumine le xxe siècle siècle sous un nouveau jour, en introduisant dans l’histoire une figure qui, malgré son omniprésence, était toujours restée dans l’ombre »[1].

Enfin, nous ne voulons pas fermer ce dossier sans inviter à la réflexion sur la nécessité d’approfondir les études sur la violence politique, non seulement du champ de l’historiographie, mais de toute discipline académique, puisque, comme on l’a vu, l’interdisciplinarité est un élément enrichissant en ce qui concerne l’analyse de ce phénomène. La violence politique est un élément clé dans une grande partie des processus et phénomènes historiques contemporains (Víctor Aparicio Rodriguez). Peut-on en conclure, dès lors, qu’il est un élément central de la contemporanéité elle-même ? De même, dans quelle mesure ce phénomène sera-t-il clé dans les processus de changement et de transition (écologique, numérique, etc.) que, d’une manière ou d’une autre, nous allons connaître dans les prochaines décennies ? Nous pensons que le développement d’études liées à ce sujet peut nous aider à proposer des solutions aux défis du présent, et même nous alerter sur d’éventuelles difficultés que nous rencontrerons dans le futur.  

Haut de page AUTEUR

Harmonie Mariette,
LIR3S Laboratoire interdisciplinaire de Recherche “Société, Sensibilités, Soin”, UMR 7366 uBFC/CNRS (Sous la direction de Jean Vigreux)

Victor Aparicio Rodriguez,
Université du Pays Basque/Euskal Herriko Unibertsitatea - UPV/EHU (Sous la direction de Sophie Baby)

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[1] Enzo Traverso, Melancolía de izquierda. Después de las utopías, Galaxia Gutemberg, Barcelona, 2019, p. 38.

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Pour citer cet article :
Harmonie Mariette, Victor Aparicio Rodriguez, « Conclusion », Revue TRANSVERSALES du LIR3S - 20 - mis en ligne le 12 janvier 2022, disponible sur :
http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/Transversales.html.
Auteur : Harmonie Mariette, Victor Aparicio Rodriguez
Droits :
http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/publications/Transversales/menus/credits_contacts.html
ISSN : 2273-1806