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De quoi l’héritage est-il le nom ?
Les appellations d’origine en héritage : une AOP se transmet-elle ? Le cas des appellations d’origine fromagères franc-comtoises
Raphaël Salvi
Résumé | Mots-clés | Sommaire | Texte | Auteur | Notes | Références
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RÉSUMÉ

Les appellations d’origine fromagères de la Franche-Comté possèdent une renommée en partie basée sur une histoire longue et des pratiques transmises par les générations successives. Mais outre la transmission des moyens de production, et la succession des activités d’agriculteur, de fromager et d’affineur, y a-t-il en plus une transmission de l’AOP elle-même ?

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Mots-clés : Franche-Comté, transmission, Comté, Morbier, Bleu de Gex, Mont d’Or
Index géographique : Franche-comté, Bourgogne-Franche-Comté
Index historique : xxe siècle, xxie siècle
SOMMAIRE

I. Les AOP fromagères en Franche-Comté
1) Une histoire longue
2) Les enjeux des AOP
3) La démarche de recherche
II. L’héritage dans les AOP : l’articulation du particulier et du commun
1) L’enjeu économique de la transmission agricole en AOP
2) La transmission par les fromagers, les écoles de laiterie et les techniciens- conseils
3) L’affinage, héritage familial et héritage de filière
III. Des valeurs communes ?
1) Mobiliser l'héritage : l’exemple de l’AOP Morbier
2) Valeurs héritées, valeurs partagées
Conclusion
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           L’association entre appellations d’origine (AO) et héritage est loin d’être anodine : en témoigne l’occurrence du terme « héritage » dans les noms des productions vinicoles. L’héritage des territoires et des terroirs, des pratiques et des savoir-faire, des normes et de l’histoire, est essentiel pour l’existence d’une appellation d’origine mais également valorisé et valorisant pour ces productions. La notion d’héritage renvoie à la transmission d’un patrimoine, qui peut être matériel ou immatériel, et qui comporte une dimension d’appropriation par l’héritier pour qu’il perdure.

Si l’on peut entrevoir cette transmission dans un cadre familial ou privé, la question des modalités de la transmission dans le cadre de patrimoines collectifs que sont les appellations d’origine est à soulever. Qu’est-il transmis, quel héritage est-il légué ? et de quelle manière ?

L’appellation d’origine contrôlée (AOC) « voit le jour avec le décret-loi du 30 juillet 1935 sur la défense du marché des vins et le régime économique de l’alcool ». Dans le cas des fromages, plusieurs lois sont votées entre 1924 et 1935 afin de donner des définitions aux fromages, de protéger l’origine (décret du 7 octobre 1927) et d’encadrer le marché du lait et des produits laitiers (loi du 2 juillet 1935 relative à l’organisation du marché du lait et des produits laitiers)[1].

Mais ce n’est que plus tard qu’une loi parachève ce processus :

« Enfin en 1955 une loi fixe le régime des appellations d’origine pour les fromages et radicalise les conditions de délivrance. Elle crée avec 20 ans de retard sur les vins un Comité National des Appellations d’Origine des Fromages (CNAOF) compétent pour la définition des appellations d’origine, de leurs aires de productions ainsi que de leurs conditions de fabrication et d’affinage[2] . »

La dernière étape pour les produits laitiers s’est faite avec l’intégration à l’Institut National des Appellations d’Origine (INAO) en 1990.

La Franche-Comté est reconnue pour quatre productions fromagères sous appellation, avec dans un ordre croissant de production : le Bleu de Gex (ou Bleu de Septmoncel), le Mont d'Or, le Morbier et le Comté.

Historiquement parmi les quatre, le Comté est le premier à bénéficier de la protection AOC en 1958. Bien que le Bleu de Gex ne dispose de cette qualification qu’en 1977, il possède une aire de fabrication protégée depuis un jugement du tribunal de Nantua daté du 26 juillet 1935. Le Mont d’Or est protégé par l’AOC depuis 1981, et ces trois fromages comtois bénéficient de l’appellation d’origine protégée (AOP) en 1996 lors de l’harmonisation européenne[3]. Le Morbier les rejoint avec l’obtention de son AOC en 2000 puis celle de l’AOP en 2002.

Avec l’obtention de ces appellations, c’est toute une reconnaissance qui se met en place. Du produit bien sûr, mais aussi de son histoire, de son terroir et de sa production. Le produit doit répondre aux « usages locaux, loyaux et constants », comme définis dans la loi du 6 mai 1919[4] relative à la protection des appellations d'origine, et donc répondre d’une histoire, mais aussi d’une transmission des savoirs et savoir-faire arguant de sa continuité et de sa légitimité.

Pour autant, l’héritage des AOP et dans les AOP n’est pas une notion si évidente. L’histoire est importante. Les membres des filières héritent de moyens de production ou de savoirs, mais hériter de l’AOP elle-même est une idée beaucoup plus abstraite. Des recherches se sont penchées sur l’héritage des agriculteurs, la transmission des savoirs chez les fromagers, ou la dimension familiale des entreprises. Mais ces transmissions patrimoniales recouvrent-elles celle de la transmission des AOP, ou cette transmission répond-elle à des modalités différentes ou/et supplémentaires ?

Afin de fournir des éléments de réponse, il a semblé important d’interroger l’héritage chez les différents corps composant les filières. Héritent-ils de la même chose ? L’adoption de l’AOP est-elle semblable pour toutes et tous quelle que soit leur fonction dans les filières ? Ces questions figurent certes dans la littérature scientifique, mais, outre cet appui, quelques entretiens semi-directifs ont été effectués avec des acteurs·ices de la filière pour, d’une part, confronter ces études aux impressions et ressentis des témoins, mais aussi pour recueillir leurs propres approches de l’héritage des et dans les AOP.

I. Les AOP fromagères en Franche-Comté

1) Une histoire longue

           Cette approche revêt les caractéristiques de l’histoire du temps présent et peut s’apparenter à celle de l’histoire immédiate. En effet, alors que les AOP fromagères de la Franche-Comté s’inscrivent dans une histoire de longue durée, qui remonte au moins à la seconde moitié du xiiie siècle[5], c’est aussi une histoire qui s’écrit encore, car ces fromages sont toujours produits. Ce sont des productions actuelles aux caractéristiques différentes de celles fabriquées durant tous ces siècles (évolution des techniques ou de la part de production de subsistance), mais qui en conservent l’histoire, certaines particularités et donc un héritage. Les sources anciennes n’évoquent pas distinctement les types de fromages, relatant avant tout l’activité laitière et fromagère de la région. Mais, à partir du xvie siècle pour le Bleu de Gex[6], et des xviiie et xixe siècles pour les autres, ces fromages apparaissent sous leur première dénomination[7]. Ces quatre productions revendiquent ainsi une histoire longue, toujours en construction, et les membres des filières sont inscrits et s’inscrivent eux-mêmes tout à la fois dans l’héritage et dans la construction de ces productions.

2) Les enjeux des AOP

Les AOP sont des enjeux économiques et agricoles. Dans le cas de la Franche-Comté elles s’étendent principalement sur les départements du Doubs et du Jura – certaines débordant sur les départements limitrophes. Les AOP font vivre le territoire, mais pas seulement au niveau économique, en apportant un revenu à un certain nombre de personnes ; elles modèlent aussi son paysage, façonnent son histoire, stimulent ses activités et permettent la vie sur et du territoire :

« Près des trois quarts des élevages laitiers de la Franche-Comté (ancienne région) sont situés dans la zone géographique des AOP fromagères et ont donc la possibilité de produire leur lait sous ce signe de qualité ; près de 70 % des exploitations respectent ainsi un cahier des charges, ce qui montre toute l’importance de ces productions de qualité dans la région, qui contribuent à préserver une agriculture familiale et un tissu rural dynamique en zone de moyenne montagne. Les acteurs économiques impliqués dans la filière lait représentaient, en 2013, 13 500 emplois directs. La filière lait, dont la filière AOP, a donc une importance considérable sur le territoire[8]. »

<b>fig.1</b>Carte des productions fomagères sous appellations de la Bourgogne/Franche-Comtéfig.1 Carte des productions fomagères sous appellations de la Bourgogne/Franche-Comté
Source : Direction Régionale de l'Alimentation, de l'Agiculture et de la forêt (DRAAF) de Bourgogne/Franche-Comté.
Disponible sur : href="https://draaf.bourgogne-franche-comte.agriculture.gouv.fr/Signes-de-qualite,513", page consultée le 20/09/2021.

Ces quatre appellations ont des pratiques et des usages assez semblables : usage exclusif du lait cru, limitation des pratiques intensives, interdiction de l’ensilage, exploitation des mêmes races laitières (et donc l’héritage commun de la race montbéliarde, dont le herdbook remonte à 1889), obligation du fourrage récolté dans les prairies de la zone AOP, mais également deux éléments soulignés par la totalité des témoins lors des entretiens : les fruitières et l’esprit coopératif. À cela s’ajoute un même territoire de production de ces appellations : la zone Comté se superpose en partie avec celle du Morbier, les deux recouvrent les autres, et toutes ces zones possèdent des caractéristiques géologiques, topologiques et climatiques semblables, celles du massif jurassien[9]. Combiné à une histoire régionale et à des pratiques humaines analogues, cela fait du territoire un fondement commun aux quatre AOP.

3) La démarche de recherche

Appuyé, d’une part sur le fonctionnement des filières, dont les étapes de fabrication sont divisées en métiers, dotés d’outils et de savoirs distincts, et d’autre part sur la littérature scientifique portant sur l’héritage, qui sépare les études en fonction de la profession, le programme d’entretiens a consisté à choisir des témoins dans ces différentes catégories. L’objectif étant de comparer les témoignages entre eux, et les témoignages avec les travaux des chercheurs, dans une démarche d’enquête qualitative, les témoins sont sélectionnés pour leur place dans la filière et leur approche potentiellement différente de l’héritage. C’est donc une approche empirico-inductive, partant de l’observation que ces AOP perdurent et qu’il doit donc y avoir une transmission matérielle et culturelle.

Les témoins ont été sollicités en considérant trois grandes divisions de la production : les producteurs laitiers, les fromagers et techniciens-conseils, et les affineurs. Les témoins ayant participé sont regroupés dans le tableau ci-après, suivant la chronologie des entretiens (réalisés entre août et octobre 2021) :

fig.2Recensement des témoinsfig.2 Recensement des témoins,
Source : Raphaël Salvi, 2021.

Les liens entre les AOP franc-comtoises sont forts, cependant réduire ces productions à un unique héritage commun serait nier leurs spécificités, leurs savoir-faire et leurs histoires. S’il existe des recoupements, cela n’en fait pourtant pas des productions communes, d’autant plus que l’histoire contemporaine de ces appellations est différente. L’héritage n’est pas figé, et le terroir, élément essentiel de la définition d’une appellation d’origine, s’il peut révéler des composantes et des histoires communes, n’est pas un héritage commun.

II. L’héritage dans les AOP : l’articulation du particulier et du commun

           L’héritage dans les AOP, c’est aussi la question de l’héritage particulier des membres de l’AOP. Agriculteurs, fromagers, techniciens et affineurs n’héritent pas de la même chose. Entre un héritage physique, celui du matériel, de l’exploitation[10] ou de l’entreprise, et l’héritage patrimonial, les savoirs et savoir-faire, les valeurs et la culture, la question se pose de savoir s’il peut y avoir un commun pour toutes et tous.

Néanmoins, la dimension de l’héritage est bien présente car, au-delà d’un mécanisme de reproduction, c’est aussi un enjeu de perpétuation : de l’exploitation familiale et du nom, dans le cas des agriculteurs ; de l’entreprise et du nom chez les affineurs ; du savoir et parfois du nom chez les fromagers (il existe ainsi des « dynasties de fromagers » selon les termes de Luc Poirot). Mais c’est un enjeu compliqué, notamment chez les agriculteurs et les fromagers, confrontés pour les premiers à la diminution de leur nombre, et pour les seconds à la dépossession et à l’industrialisation de leurs savoirs.

1) L’enjeu économique de la transmission agricole en AOP

Audrey Salvi, en s’appuyant sur Godelier, nous explique que « le patrimoine agricole pourrait avoir les mêmes fonctions que “l’objet sacré” de Godelier. On a bien la notion de don : l’objet sacré est fait pour être donné aux descendants car il représente et a donc pour vocation de perpétuer l’identité sociale[11]. »

En poursuivant, elle explique :

« Avec le lien au territoire qui se transmet entre générations c’est là ce qui ferait la société pour Godelier, bien avant la parenté. On peut donc imaginer, qu’en entretenant un lien avec la terre partagée et travaillée par ses aïeuls, le paysan perpétue l’identité de ce qui pourrait être une totalité sociale locale et on comprend mieux ainsi où est l’intérêt de transmettre le patrimoine dans la lignée. [...] Ainsi, on pourrait grâce à ce semblant de comparaison comprendre l’enjeu de la transmission de l’exploitation dans la lignée et surtout le sentiment de responsabilité qui pèse sur les membres de la famille agricole. »

La reconnaissance de cette dimension est bien présente chez les témoins, notamment dans « la fierté » d’avoir pris la succession et fait fructifier l’héritage (matériel ou immatériel), qui apparaît dans les témoignages des agriculteurs, de l’affineur mais aussi du fromager. Cette reconnaissance de l’héritage c’est aussi celle des combats menés par leurs aînés : défense de la race montbéliarde face aux volontés de regroupements en 1920, 1930 et 1950, lutte des syndicats interprofessionnels, développement et renommée des productions, relocalisation du Morbier et de son héritage au cours de la décennie 1990-2000. La dimension économique du patrimoine agricole peut toutefois nuancer ou questionner cette approche et ajouter un fort enjeu financier.

Ce dernier n’est pas une situation qui transparaît d’emblée dans les chiffres de la statistique agricole régionale. Les terres d’élevage ont une valeur moindre que les autres terres agricoles, et leur prix est très inférieur à la moyenne française[12]. Le prix moyen des terres et prés libres dans le Doubs et le Jura était ainsi compris entre 1 870 €/ha et 3 110 €/ha en 2019[13]. Mais si on regarde le prix par zone, on remarque que les prix les plus élevés en zone élevage et/ou connaissant la plus forte progression, sont ceux des zones concentrant le plus d’exploitations en zone AOP[14], dans le Doubs et dans le Jura.

Cette situation s’explique par le fonctionnement de l’AOP Comté, la plus importante en production, et qui a donc un fort effet sur la situation économique et foncière de la région.

Cette AOP fonctionne suivant le principe du droit à produire. Celui-ci, symbolisé par les plaques de caséine à apposer sur le fromage lors de sa fabrication, n'est pas rattaché à la terre, mais à la société transformatrice. Or la quantité de droit à produire dépend des exploitations sociétaires. De ce fait, à travers la reprise de l’exploitation, c’est aussi le droit de produire du lait destiné à la production AOP qui est transmis ou cédé. Une exploitation sans repreneurs, c’est ainsi une diminution du nombre de plaques pour l’atelier transformateur. Découle donc une double problématique de cette situation : d’une part l’augmentation de la valeur du patrimoine agricole, puisque celui-ci permet l’accès à une production valorisée et rémunératrice ; mais d’autre part, la difficulté de trouver des repreneurs à cause justement de cette valeur.

<b>fig.3</b>Carte des exploitations agricoles dont l’activité est destinée à des productions sous signe de qualité fig.3 Carte des exploitations agricoles dont l’activité est destinée à des productions sous signe de qualité
Source : DRAAF de Bourgogne/Franche-Comté.
Disponible sur : href="https://draaf.bourgogne-franche-comte.agriculture.gouv.fr/Signes-de-qualite,513", page consultée le 20/09/2021.

On peut voir sur la carte ci-dessus à quel point les AOP fromagères de la Franche-Comté pèsent dans la production agricole de la région, puisqu’elles représentent un nombre important d’exploitations, mais aussi la plupart des exploitations sous signe de qualité. L’héritage des AOP et des exploitations les produisant a donc un indéniable intérêt économique, sans compter toutes les activités et emplois indirects liés à ces filières.

Dès lors, la transmission représente un défi, pour les exploitants comme pour les fruitières, pour la diversité de la production, et même pour la région. Bien que propriété privée, le patrimoine agricole semble donc lui aussi être un enjeu collectif, à l’image du fonctionnement de ces AOP, et de lui découle le reste de la production et sa spécificité.

2) La transmission par les fromagers, les écoles de laiterie et les techniciens-conseils

La transmission est aussi question de reproduction sociale, a priori agriculteurs fils d’agriculteurs, fromagers fils de fromagers, et affineurs des dynasties, mais aussi réalité. Dominique Jacques-Jouvenot et Audrey Salvi montrent bien la reproduction sociale des agriculteurs, les fromagers n’échappant pas à cette règle. La question des fromagers est délicate à appréhender historiquement, car la transformation du lait recouvre différents profils, de la fermière fabriquant à la maison avec le seul lait des vaches de l’exploitation, au technicien industriel conduisant une production mécanisée, en passant par le fruitier fabriquant chaque jour le lait avec des sociétaires de la coopérative. Il ne faut ainsi pas minimiser la transmission dans les exploitations familiales, notamment la part des femmes au xixe siècle, qui « assurent donc, au sein de l’exploitation agricole familiale, l’ensemble du processus de fabrication depuis la traite jusqu’à la transformation en beurre et, parfois aussi, de certains fromages[15] », et le rôle des écoles de laiterie. « L’influence familiale reste forte dans le monde fromager. En aidant le père ou le grand-père ils se transmettent une forme de savoirs spécifiques[16] » explique Sylvie Guigon, dans sa thèse qui analyse le métier de fromager aux xixe et xxe siècles. Elle nous montre que le patrimoine des fromagers n’était (et d’une certaine manière est toujours, chaque fromager ayant son propre savoir-faire) pas tant économique que représenté par leurs savoirs.

« Les fromagers naviguent dans des milieux patrimoniaux (agriculteurs ou affineurs) mais ils ne sont eux-mêmes pas héritiers et ne possèdent pas de patrimoine économique. Ils ne disposent donc que de leur savoir. Mais parce que ce savoir est valorisé par les autres, nous pouvons donc supposer qu’ils cherchent à le conserver et à le transmettre. Héritage immatériel, dont nous parle Dominique Jacques-Jouvenot, pour qui le patrimoine renvoie au bien culturel tout comme au bien économique[17]. »

Toutefois, ceux-ci se placent aussi dans une démarche de transmission : envers leurs propres enfants, qu’ils socialisent au métier et envers leurs apprentis. La « transmission de terrain » est essentielle selon Bruno Sommer, l’héritage fromager ne peut pas se transmettre qu’à l’école. La filiation entre le maître-fromager et l’apprenti est ainsi très forte, celui-ci lui léguant ses savoirs et savoir-faire et le recommandant. Et l’apprenti se situe par rapport à son maître d’apprentissage, la reconnaissance de ce dernier qualifiant le savoir de l’apprenti. « La reconnaissance n’est pas le salaire mais la recommandation du fromager[18]. »

Être fromager est en outre un métier qui reste difficile, ce qui peut inciter des pères à guider leurs enfants vers d’autres voies. Néanmoins, depuis les années 1980, le syndicat des fromagers et les filières ont fait beaucoup d’efforts, par la mise en place du Service de remplacement (créé en 1985) afin d’imposer un temps de repos hebdomadaire, puis la prise de vacances[19], par l’incitation à la mécanisation des tâches difficiles et par les investissements dans des programmes de recherches destinés à améliorer les conditions de travail.

La transmission est un élément-clé de la perpétuation des AOP. Outre la transmission familiale, elle passe par l’école, avec les lycées agricoles et les Écoles Nationales d'Industries Laitières (ENIL). Les deux ENIL de Franche-Comté sont des créations anciennes, l’ENIL de Mamirolle est fondée en 1888 et celle de Poligny l’année suivante[20]. Luc Poirot explique lors de l’entretien que la transmission des valeurs, de la passion pour les filières, passe par l’enseignement. Les professeurs de fromagerie doivent conserver un lien concret et être « ambassadeurs » de ces filières. La transmission à l’école et celle sur le terrain sont complémentaires et sont reliées par l’importance de la « passion » sur laquelle mettent l’accent nos deux témoins, MM. Sommer et Poirot.

3) L’affinage, héritage familial et héritage de filière

Les maisons d’affinage sont un maillon essentiel de la production des fromages sous appellation.  Elles sont héritières des marchands de fromages du xixe siècle qui venaient chercher les fromages dans les fruitières afin d’aller les vendre et qui se sont orientés vers l’affinage afin de maîtriser une partie de la qualité et de libérer des caves de fromageries devenues trop exiguës avec la hausse de la production.

Les entreprises d’affinage préexistaient à la création de l’AOP (l’affinage des Établissements Rivoire-Jacquemin étant par exemple créé en 1880) et sont pour certaines des patrimoines familiaux (on pense aux noms Rivoire-Jacquemin, Petite, Seignemartin, Brun ou Arnaud). Mais Véronique Rivoire explique que l’héritage de la filière c’est aussi plus que cela : c’est la transmission de valeurs et l’importance des relations de confiance[21]. L’héritage familial des maisons d’affinage peut aussi être sociologique : en se sentant responsables de l’héritage et des valeurs transmises, les héritiers et héritières se placent dans la continuité familiale.

Le secteur de l’affinage est également héritier des relations passées (négociations, ententes et oppositions) entre producteurs et affineurs, comme peuvent l’illustrer les créations des premières coopératives d’affinage, dans les années 1930-1940, mises en place par les producteurs dans l’idée de gérer eux-mêmes les débouchés de leur production et d’obtenir une meilleure plus-value. Il s’agit par exemple de l’Union des Coopératives Fruitières de Franche-Comté (UCFFC) créée en 1937, puis après son dépôt de bilan en 1983, de l’Union des Coopératives Agricoles des Fruitières Traditionnelles (UCAFT), créée début 1980 par vingt-neuf fruitières ayant quitté l’UCFFC peu avant sa faillite, mécontentes des orientations prises par celle-ci[22]. Mais affinage privé et affinage coopératif coexistent et même coopèrent, les coopératives d’affinage passant en partie par des affineurs privés pour le façonnage et la commercialisation des fromages.

Ainsi, ces entreprises ont en partie hérité de moyens matériels, de savoir-faire et de techniques permettant de réaliser la maturation des fromages, mais également de réseaux commerciaux permettant de les vendre. Mais à cet héritage particulier et privé, il faut ajouter l’héritage commun du secteur de l’affinage, qui n’est pas simplement l’addition d’entreprises privées. En effet, des structures coopératives existent et les affineurs sont tout autant héritiers de la filière que les autres composantes. L’affinage a participé à cette construction collective qui permet à tous ses éléments de retirer ensemble les bénéfices du travail commun. L’héritage des affineurs n’est donc pas simplement privé, mais il est aussi collectif, héritier des relations avec les autres parties de la filière, et héritier de sa participation à la construction de cette filière.

III. Des valeurs communes ?

1) Mobiliser l’héritage : l’exemple de l’AOP Morbier

           Le cas du Morbier, AOP la plus récente des quatre, illustre l’importance de la revendication de l’héritage dans la mise en place d'une AOP. D’une part, l’héritage motive la démarche qui a conduit à l’obtention de l’AOP, et d’autre part il est mobilisé pour en définir le fonctionnement.

Le Morbier est un fromage que l’on peut qualifier de « relocalisé ». En effet, à partir des années soixante et sous l’impulsion d’élèves sortis des écoles de laiterie, le morbier voit sa recette s’exporter en dehors de la région. Il est bientôt davantage fabriqué en dehors de sa zone d’origine, le plus souvent au lait pasteurisé.

Quand une association est créée entre la dizaine de producteurs de morbier au lait cru de Franche-Comté, au début des années 90, elle se heurte à la production externe et au scepticisme des organismes de tutelle des appellations d’origine. C’est ici que la responsabilité et le sentiment de propriété de l’héritage du morbier prennent sens puisque, à la proposition qui leur est faite de créer une appellation « Morbier de Franche-Comté », les producteurs répondent par une ferme opposition, refusant de scinder le produit entre un fromage sous signe de qualité et un autre sans règles de production.

Avec le soutien, notamment, de deux parlementaires, Jean Charroppin, député du Jura et Joseph Parrenin, député du Doubs et après une décennie de démarches, le Morbier est rapatrié dans sa région d’origine et protégé (Décret du 22 décembre 2000 relatif à l'appellation d’origine contrôlée « Morbier », JORF n° 302 du 30 décembre 2000).

Les enjeux et intérêts économiques ne sont pas absents de cette démarche, le Morbier présentant les avantages de diversifier la production et d’obtenir un paiement plus rapide grâce à un affinage plus court. Mais cette lutte est aussi motivée par l’attachement à ce produit et à sa fabrication typique et héritée. Ajoutons-y, semble-t-il, un sentiment de responsabilité vis-à-vis d’un héritage dont les membres se sont vus dépossédés. Cette bataille, ensuite transmise, renforce l’attachement des producteurs au produit et à un cahier des charges en perpétuelle construction.

Enfin, l’héritage est aussi primordial dans la caractérisation de l’AOP. Les pratiques, la zone et les justifications historiques reposent toutes sur un héritage revendiqué justifiant la création de l’AOP.

La justification par ces éléments n’est d’ailleurs pas spécifiques au Morbier, les quatre AOP mobilisent l’héritage comme enseignement pour définir leur ligne de conduite, et utilisent l’histoire, les pratiques et la typologie lors de la définition ou redéfinition des cahiers des charges.

2) Valeurs héritées, valeurs partagées

Si on veut définir un héritage commun aux quatre AOP fromagères de la Franche-Comté, c’est davantage du côté des valeurs qu’il faut se tourner. Sur un territoire commun, celui de l’Arc jurassien, les pratiques, les savoirs et les savoir-faire ont évolué différemment suivant les fabrications. Mais la gestion collective, le souci de la qualité et l’acquisition d’une renommée couplée à une réussite économique (un lait payé autour de 560 €/1 000 L en 2019[23]) permettent une valorisation financière et une continuité de la transmission. Tous les acteurs s’accordent en effet pour dire que l’héritage ne peut se perpétuer que si le succès justifie les contraintes naturelles ou réglementaires (légitimes et/ou acceptées) : Claude Vermot-Desroches évoque le cahier des charges, Joël Alpy les exigences de la production au lait cru et ses obligations sanitaires, et Audrey Salvi l’astreinte d’une traite biquotidienne. Cette dernière précise en ce sens « l’héritage englobe toujours une part imposée aux successeurs avec laquelle ils doivent composer ».

L’argument économique a donc un rôle certain dans l’acceptation de ces contraintes, mais la responsabilité envers l’héritage ne peut sans doute pas être effacée : c’est l’exemple du Morbier avant sa reconnaissance. Le sentiment de responsabilité se retrouve également dans l’esprit coopératif, au sein duquel la valorisation des filières est recherchée, chaque membre œuvrant au bien collectif, à sa perpétuation et à sa transmission. La structure des ateliers de fabrication renforce les liens entre les filières : Luc Poirot et Bruno Sommer soulignent la polyvalence de nombreux ateliers de fabrication, par exemple ceux en Mont d’Or, qui, en dehors de la période saisonnière, se tournent principalement vers la fabrication de Comté. Mais il y a aussi une volonté de cohésion, matérialisée par la création de l’Union Régionale des Fromages d’Appellation d’Origine Comtois (URFAC) en 2007, qui regroupe les quatre fromages francs-comtois sous des objectifs communs : défense des intérêts des filières adhérentes, coordination des appuis techniques ou mise en commun de moyens de promotion[24].

Les membres sont aussi héritières et héritiers des améliorations qualitatives apportées aux filières au cours des décennies passées, conjointement (ou par anticipation) avec les évolutions de la société : par exemple les agriculteurs avec l’amélioration de l’hygiène, les fromagers et techniciens avec celles des techniques de fabrication, et les affineurs avec des méthodes de maturation. Les témoins nous rappellent ainsi les difficultés qu’il a fallu surmonter dans les années 1980 comme la mauvaise qualité des fromages et des problèmes sanitaires, et montrent de fait que les successeurs de cette période n’appréhenderont pas l’héritage de filière de la même façon que ceux l’ayant intégré après ces événements. Il est essentiel pour le fonctionnement des filières (et pour leurs membres, qui les choisissent aussi sur ce critère), que les successeurs adhèrent aux valeurs collectives, transmises par le collectif (famille, coopérateurs, syndicat, filière[25]). Le contrat de confiance, lui aussi transmis, entre acteurs et actrices, mais également entre les filières de qualité et les consommateurs, en fait pleinement partie.

Les AOP, construction permanente, ne sauraient être réduites à leur passé, mais les évolutions qu’elles poursuivent se fondent sur l’héritage des générations précédentes et sur la conciliation d’intérêts, parfois contradictoires, par la concertation dans des structures communes, permettant une participation active et collective à la gestion des filières AOP.

Conclusion

           Ces AOP, loin d’être uniquement des groupements de patrimoines privés, ont hérité de valeurs et de fonctionnement démocratiques et collectifs. Ce collectif fonctionne par la négociation et la discussion car il doit concilier le souci des autres composantes et du bien collectif, avec la défense des intérêts de chaque corps de métier.

Pour autant, on ne saurait omettre aussi une logique marchande, elle-même héritée, producteurs, fromagers et affineurs se révélant économiquement interdépendants. Les AOP instituent donc un équilibre entre ces différents intérêts et entre ces différents héritages, avec en sus une transmission de valeurs qui en font des réussites collectives et participatives en continuelle construction, ce que confirme notre enquête. Les témoins s’accordent enfin sur la solidité de ces quatre AOP, par leurs structures décisionnaires et leur maillage territorial. Il ne semble pas y avoir de mainmise possible par de grands groupes industriels ou par une des composantes des filières. Néanmoins, toutes et tous s’accordent également sur l’importance du rôle de l’héritage et de la transmission de l’expérience pour la préservation de cet équilibre et la poursuite de la réussite, garante de la perpétuation de ces filières.

 

Haut de page AUTEUR

Raphaël Salvi,
Centre Lucien Febvre (EA 2273), Axe II Sociétés, production et culture de masse (Sous la direction de Jean-Paul Barrière)

Haut de page NOTES



[1] Florian Humbert, L’INAO, de ses origines à la fin des années 1960 : genèse et évolutions du système des vins d’AOC. Université de Bourgogne, thèse en histoire, 2011, p. 24-25. En ligne : href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01020855/document".
[2] Claire Delfosse, La France fromagère (1850-1990), Paris, La Boutique de l’Histoire, 2007, p. 105.
[3] Imposant par ailleurs le sigle AOP en lieu et place d’AOC dans les discours et, depuis le 1er janvier 2012, dans la réglementation.
[4] Claudine Wolikow, « Le recours aux usages locaux, loyaux et constants : de l’acquis au mythe (1908-1935…) », Territoires du vin, 2021. En ligne : href="http://preo.u-bourgogne.fr/territoiresduvin/index.php?id=1938".
[5] Michel Vernus, Le Comté, une saveur venue des siècles, Textel, Lyon, 1988, p. 29-30.
[6] Corinne Couillerot, Le bleu de Gex, Université de Besançon, mémoire de Géographie, 1997, p. 9.
[7] Michel Vernus et Thierry Petit, Le Morbier, le Bleu de Gex, Une histoire, Presses du Belvédère, Pontarlier, 2010, p. 26 ; Denis Bonnot, Le vacherin Mont-d’Or franco-suisse : un fromage qui sort du bois & du froid , Aréopage, Lons-le-Saunier, 2006, p. 28-36 ; p. 53.
[8] Alexandra Rossi, Anaïs Hanus, Pierre-Emmanuel Belot, « La production de lait AOP franc-comtoise : potentialités et dynamiques à l’horizon 2030 », rapport pour le Ministère de l’Agriculture de l’Agroalimentaire et de la Forêt (MAAF) et le Comité Interprofessionnel de Gestion du Comté (CIGC), Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, mars 2017, p. 5. En ligne :
href="https://draaf.bourgogne-franche-comte.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Prospective_AOP_FC_rapport_etude_VF2_cle491d11.pdf.
[9] Serge Ormaux, « Identité physique du massif Jurassien », dans Jean-Claude Daumas et Laurent Tissot [dir.], L’Arc jurassien, Histoire d’un espace transfrontalier, Maé-Erti Éditeurs et Éditions Cabédita, 2004, p. 9-19.
[10] Pour l’étude de la transmission chez les agriculteurs, voir Dominique Jacques-Jouvenot et le manuel de Bernard Hervieu et François Purseigle, qui expliquent notamment que les changements dans la structure familiale des exploitations ont bouleversé les questions de maintien de l’activité et de transmission des exploitations. (Dominique Jacques-Jouvenot, Choix du successeur et transmission patrimoniale, L’Harmattan, Paris, 1997 ; Bertrand Hervieu et François Purseigle, Sociologie des mondes agricoles, Armand Colin, Paris, 2013).
[11] Audrey Salvi, Les études à l’université chez les enfants d’agriculteurs ou l’identité agricole remise en question, Université de Franche-Comté, mémoire de maîtrise de sociologie, 2015, p. 22.
[12] Agreste, « Annuaire statistique 2014 », Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt, 2014, p. 42. En ligne : href="https://draaf.bourgogne-franche-comte.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Chapitre_5_Foncier_cle8b9c11.pdf".
[13] Agreste, « Valeur vénale des terres en 2019 », juillet 2020, p. 10. En ligne : href="https://www.agreste.agriculture.gouv.fr/agreste-web/download/publication/publie/ChdAgri2005/cd2020-20_VVT%202019V2.pdf" .
[14] Jean-Christophe Kroll, « La filière laitière de Franche-Comté : Quelles perspectives pour les productions AOC dans un contexte économique troublé », décembre 2008, p. 36. En ligne : href="https://agriculture.gouv.fr/file/la-filiere-laitiere-de-franche-comte-0/download".
[15] Fabien Knittel, « L’“éducation” des fruitiers et des laitières de Franche-Comté au xixe siècle : entre initiation domestique, apprentissage professionnel et transmission scolaire », Les Études Sociales, n° 159, 2014, p. 123. En ligne : href="https://www.cairn.info/revue-les-etudes-sociales-2014-1-page-119.htm".
[16] Sylvie Guigon, Le métier de fromager : Reconnaissance, monopolisation et dépossession d’un savoir professionnel, Université de Franche-Comté, thèse de sociologie, 1999, p. 7.
[17] Ibid. p. 144.
[18] Ibid. p. 140.
[19] Jean-Pierre Gurtner, Michel Gurtner et la Fédération des Comices du Doubs, Sur les traces du Comté. Des hommes et des usages pour un fromage haut de gamme, Fédération des Comices du Doubs, Ornans, 2021, p. 219.
[20] Nicolas Delbaere, « L’État et la formation professionnelle laitière de 1880 à 1914 », Cahiers Jaurès, 2010, n° 195-196, p. 81-102. En ligne : href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-jaures-2010-1-page-81.htm".
[21] Les relations de confiance dans le cas du Comté ont d’ailleurs été spécifiquement étudiées par André Torre et Eduardo Chia dans cet article : « Pilotage d’une AOC fondé sur la confiance. Le cas de la production de fromage de Comté », Annales des Mines, Gérer et Comprendre, n° 65, Septembre 2001, p. 55-68. En ligne :
href="https://www.andre-torre.com/pdf/PDFpub25N1.pdf".
[22] André Dasen, Du Gruyère au Comté, 2 siècles d’histoire, Ornans, A. Dasen, 2013, p. 297-301.
[23] Agreste, « Enquête annuelle laitière 2019 », n° 27, mai 2021, p. 2. En ligne : href=" https://draaf.bourgogne-franche-comte.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/No27_EAL_cle81dd3f.pdf".
[24] L’info d’un trait, n° 5, Lettre d’information du Syndicat Interprofessionnel de Défense du fromage Morbier, avril 2007 ; en ligne : href="https://www.fromage-morbier.com/wp-content/uploads/2021/06/Morbier-Info-trait-N%C2%B05.pdf".
[25] Dans cet objectif de transmission et de compréhension, une formation obligatoire est mise en place depuis 2015 pour les agriculteurs s’installant en filière Comté afin de les initier aux fonctionnements de la filière, à l’interprofession, à l’importance du cahier des charges ou aux étapes de fabrication ; « Formation Jeunes Agriculteurs : le Comté, ça s’apprend ! », Les Nouvelles du Comté, n° 95, automne 2016, p. 6-7. En ligne : href="https://www.comte.com/documents/les-nouvelles-du-comte-n95-automne-2016/".
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Pour citer cet article :
Raphaël Salvi, « Les appellations d’origine en héritage : une AOP se transmet-elle ? Le cas des appellations d’origine fromagères franc-comtoises. », Revue TRANSVERSALES du LIR3S - 21 - mis en ligne le 16 mai 2022, disponible sur :
http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/Transversales.html.
Auteur : Raphaël Salvi
Droits :
http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/publications/Transversales/menus/credits_contacts.html
ISSN : 2273-1806