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De quoi l’héritage est-il le nom ?
Se découvrir héritier en cuisinant. L’exemple des cuisiniers réfugiés syriens
Jérémy Sauvineau
Résumé | Mots-clés | Sommaire | Texte | Auteur | Notes | Références
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RÉSUMÉ

L’arrivée de la diaspora syrienne en France n’a pas été sans poser son lot de questions. Faisant le constat de plusieurs « expériences de l’injustice », les exilés syriens ont cherché les moyens de les briser. Confrontés au chômage et au déclassement, les Syriens semblent néanmoins avoir trouvé dans leur « patrimoine culinaire » l’outil d’une insertion économique. De manière sous-jacente, se posent les questions de la participation et de l’appartenance. Finalement, « de quoi les migrants se rendent-ils capables à travers ce qu’ils découvrent être un héritage ? ».

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Mots-clés : cuisine, pragmatisme, citoyenneté, démocratie, héritage, injustice, épreuve, rencontre
Index géographique : France, Syrie
Index historique : xxie siècle
SOMMAIRE

I. L’expérience de l’injustice : du trouble subi
II. À la réflexivité
III. L’« épreuve » plutôt que la « rencontre »
IV. La cuisine pour se découvrir « héritiers »
V. « Se rendre capable de » en héritant
Ouverture
Bibliographie
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           Le soulèvement du peuple syrien à partir de l’année 2011 et la dure répression qui l’a touché ont entraîné des mouvements massifs de population, qui se sont accélérés à partir de l’année 2015, touchant en premier lieu les pays frontaliers de la Syrie (Turquie, Jordanie, Liban), puis, dans un second temps et dans une (très) moindre mesure, les pays Européens (en particulier l’Allemagne). L’arrivée d’une partie de la diaspora syrienne en France a questionné les politiques dites d’« intégration », sans pour autant les remanier en profondeur. Six années plus tard, les premiers concernés font l’amer constat de difficultés persistantes à se couler dans le « creuset français », interrogeant par-là l’efficacité de ces « politiques d’intégration », notamment dans leur versant professionnel. Confrontés au chômage et au déclassement, les Syriens semblent néanmoins avoir trouvé dans leur « patrimoine culinaire » l’outil d’une insertion économique qui ne serait pas pour autant un « pis-aller ». En outre, l’ouverture de restaurants, d’une activité traiteur et l’organisation de multiples ateliers de cuisine sont perçues comme des moyens de jeter des ponts entre français et réfugiés, pour enfin « faire communauté ». De manière sous-jacente se posent les questions de la participation et de l’appartenance, par le truchement d’un « patrimoine ». Ainsi, je me permets de tordre quelque peu la question de départ qui était « de quoi l’héritage est-il le nom ? ». Je me demanderai plutôt, dans une veine plus pragmatiste, « de quoi les migrants se rendent-ils capables à travers ce qu’ils découvrent être un héritage ? ». Pour y répondre, je reviendrais, dans mes deux premières parties, sur l’« expérience de l’injustice » que produit le maintien aux marges de la communauté ; les deux suivantes s’intéresseront aux notions de « rencontre » et d’« épreuve », avant de revenir succinctement sur l’« enquête » menant les exilés au choix de la cuisine. Enfin, la dernière partie articulera une réponse à ma problématique autour de la notion de « participation ».  

I. L’expérience de l’injustice : du trouble subi...

           Plutôt que de prendre pour point de départ la conscience a priori en l’existence d’un « héritage culturel » à rayonnement global, je souhaiterais préférablement l’établir comme un effet d’un processus pratique et intellectuel. C’est-à-dire que ce n’est que « chemin faisant », que les exilés syriens se découvrent « héritiers de ». Avant de suivre ce mouvement d’enquête, il me paraît impérieux au préalable d’examiner les achoppements qui l’ont produit. Ceux-ci me semblent relatifs à ce que Renault considère comme une « expérience de l’injustice », soit la congruence (1) d’un préjudice dont la source se trouve dans la non-satisfaction d’attentes normatives émises par la ou les victimes, et (2) d’un mouvement réflexif articulant ce même préjudice à un ensemble de revendications et de tendances pratiques (2004). J’identifierai ici trois « préjudices » principaux parmi l’abondance des maux générés par l’exil.

La difficulté à retrouver une activité salariée est probablement la doléance qui a été la plus récurrente durant mes entrevues avec les exilés. Nonobstant le fait qu’ils correspondent à « l’archétype rêvé du réfugié politique » (Akoka, 2011), les exilés syriens n’ont de cesse d’exposer, non leur fuite forcée face à la guerre ravageant leur pays, mais leur éthique du travail, source quasi exclusive de leur dignité, leur mérite et leur masculinité (Vandevoordt & Verschragen, 2019) :

« Chez nous en Syrie, les syriens adorent le travail. Ils travaillent toujours, ils cherchent toujours ! On reste pas sans rien à faire. Moi je me rappelle bien qu’en Syrie, on avait pas beaucoup de chômage »[1]

assure Fahim, cuisinier exilé syrien. Plus prosaïquement, le travail est aussi et surtout ce qui permet de quitter le strict régime de la survie pour retrouver un semblant de « normalité » : « no money no life » me dira par exemple un ami soudanais. Pourtant, l’« attachement » au travail se concrétise difficilement : la pénétration du marché du travail relève d’un véritable « parcours du combattant ». Pêle-mêle, je peux évoquer des difficultés liées à la « barrière de la langue » (et, par ricochet, aux dispositifs lacunaires d’apprentissage du français), à l’absence de reconnaissance officielle des diplômes obtenus hors Union Européenne, au défaut de « capital social », sans oublier les toujours actuelles discriminations à l’embauche. Les dernières données de l’INSEE, congruentes aux enquêtes ELIPA I & II[2] rappellent la réalité consternante d’une situation où la France se distingue négativement : « En 2018, le taux de chômage des étrangers non originaires de l’Union Européenne (22 %) est 2,6 fois plus élevé que celui des personnes de nationalité française (8 %) » (Insee, 2020, p.  34). Les demandeurs d’asile, quant à eux, sont frappés d’interdiction de travailler depuis la circulaire du 26 septembre 1991 « relative à la situation des demandeurs d’asile au regard du marché du travail » ; la « loi Collomb » de 2018 a certes assoupli cette disposition, mais les autorisations ne sont délivrées qu’avec une extrême parcimonie. Pour les personnes relevant de ces deux catégories administratives (réfugiés et requérants de l’asile), l’absence d’un travail salarié entraîne inévitablement une précarité protéiforme, tangible dans l’exclusion spatiale ou dans les troubles psychologiques (dépression, etc.).

Cette double mise à l’écart, professionnelle et spatiale, ne doit pas masquer un autre mal induit par l’exil. Les migrants, qu’ils viennent de Syrie, de Colombie ou du Soudan, pointent tous avec acuité une certaine « inhospitalité » ou une troublante indifférence des locaux à leur égard – et feraient même parfois l’expérience d’une « réification » au sens de Honneth. Cet isolement qu’ils expérimentent en France est par ailleurs régulièrement décrit comme diamétralement opposé à une « chaleur » africaine où une vie plus « communautaire » aurait cours. Quoi qu’il en soit, cet isolement proviendrait, outre les exclusions spatiale et professionnelle, de leur image négative circulant dans les discours médiatiques et politiques, qui « cloisonneraient » les uns et les autres dans leurs univers respectifs.

Ce sommaire exposé m’amène à conclure en l’existence d’une « situation de fragilité » qui frappe les migrants, et qui les place en marge d’une société qu’ils peinent à pénétrer. La situation administrative empêche ou retarde l’accès au marché du travail ; le non maniement de la langue entraîne un déclassement aux fortes incidences psychiques ; l’absence de revenus et l’endettement inhérent à la migration grèvent leur budget mensuel, obligeant à s’installer chez des tiers, dans un squat, au 115 ou dans la rue ; le tout vient fragiliser l’état global de santé, aggravé par l’isolement qui perdure au fil des mois de présence.

II. … à la réflexivité

           La prise de conscience relative à ces abondants « préjudices » est (occasionnellement) l’amorce d’un mouvement réflexif qui les porte à la conclusion selon laquelle les français ne veulent « pas de relations avec eux » : «  t’es là et tu restes là » me dit un épicier syrien. Ce « devoir de rester à sa place » trouve un écho notable dans la production littéraire récente autour du couple conceptuel hospitalité-inhospitalité. L’hostilité qui caractériserait le XXIe siècle naissant restaurerait la figure de l’« étranger radical » par des durcissements « de la différence entre eux et nous », et l’utilisation d’arguments identitaires et ethniques (Le Blanc, 2018a). L’« étranger » serait une « construction » élaborée de bien des manières au cours de l’histoire, mais qui contiendrait au titre de permanence idéologique un « signifié » qui renverrait à la « menace » (Le Blanc, 2018b). En somme, l’étranger serait le produit d’une « volonté de faire nation » en écartant délibérément celui « qui n’est pas d’ici » (Brugère & Le Blanc, 2018 [2017], p. 51). Par la référence au « nous national », l’étranger qui vient ne pourrait jamais appartenir, parce qu’il serait continuellement renvoyé à son extranéité : « Les États ont continuellement produit de nouvelles strates d’infrastructures gouvernementales de soutien et d’exclusion, canalisant certains groupes vers une “arrivée permanente” et d’autres vers une “permanence temporaire” » (Meeus, van Heur & Arnaut, 2018, p. 2, ma traduction). En un certain sens, ces propos peuvent être ramassés sous le concept rancérien de « police », en entendant par-là l’ensemble des processus qui définissent la distribution des places et des parts (en l’occurrence ici, leur absence (1995, p. 52)).

La réflexivité relative à une « expérience de l’injustice » n’est pas l’apanage des immigrés ou des chercheurs en sciences humaines. Elle innerve également les propos des bénévoles qui accompagnent quotidiennement les personnes en migration. Les bénévoles appréhendent bien souvent ces dernières à l’aune de ce que je qualifie de « philosophie de la rencontre ». Celle-ci recouvre un sens fort, c’est-à-dire celui d’un « événement » où se trouverait une véritable « injonction » au changement. La rencontre doit produire une altération mutuelle des deux protagonistes. Le « nouveau venu », par le « choc » que son arrivée provoque, est estimé détenir la force de pouvoir « changer » les locaux en « faisant événement »[3]. Comme le dit une bénévole durant la réunion d’organisation d’un après-midi de cuisine :

« Les migrants ne sont pas que des personnes à aider, ce sont des gens qui ont des talents, qui aiment des trucs. Comment faire pour exprimer tout ça ? Tu vois l’idée ce n’est pas que nous leur apportons la culture française, mais que eux aussi, ils nous apportent ce qu’ils savent, par des échanges, des chansons ».

Deux choses sont à souligner. D’une part, un pas de côté est effectué par rapport à la version belliqueuse (en l’occurrence schmittienne) de « l’Autre constitutif », si souvent mobilisée quand il s’agit de traiter d’étrangers « lointains » (Deleixhe, 2019) : s’y substitue, un « Autre qualifié ». Cette saisie est d’emblée politique en ce qu’elle nous ramène à l’« humanisation », soit une des trois grammaires d’identification que repère Marchal. Sous ce registre, sont déterminées des qualités inhérentes aux êtres humains, sur fond de condition humaine identique : l’inter-compréhension est permise par l’existence d’une « réalité transcendantale » qui « englobe et recouvre les identités culturelles » (2013, p. 270). La saisie des migrants comme « autres qualifiés » rentre en congruence avec le modèle derridéen de l’hospitalité inconditionnelle (Derrida & Dufourmantelle, 1997). Derrida promeut une vision de l’hospitalité comme un abandon « total » de soi à l’altérité et sans contrepartie, qu’il modélise à partir de la visite messianique. De l’événement que doit être la rencontre, les deux protagonistes doivent sortir changés, irrémédiablement transformés, enrichis et éprouvés (Deleixhe, 2018, p. 136 ; Stavo-Debauge, 2019).

Pour les militants, le « propre » de l’étranger est automatiquement lesté de l’assurance de faire « évoluer » une mentalité plus ou moins « raciste » ou «  fermée » qui serait aujourd’hui dominante en Occident. Ce « propre » serait même la condition de la régénération d’une Europe vieillissante : un militant franc-comtois glosera longuement sur les « ravages » causés par le « non métissage », discernables dans les documentaires consacrés à la campagne française par Depardon, et dans les livres d’histoires retraçant le parcours des Habsbourg, «  famille royale devenue débile en ne se mariant qu’entre eux ». De facto, la rencontre transformera autant le nouvel arrivant (perçu comme porteur d’une richesse au moins culturelle) que l’autochtone (devenant plus tolérant en gagnant une part de la richesse de l’autre).  

III. L’« épreuve » plutôt que la « rencontre »

           Avant de revenir plus avant sur l’« enquête » que ces troubles vont générer, il me semble néanmoins impérieux de relativiser la portée des arguments précédents, en pointant tout de go les limites de l’« hospitalité hyperbolique » de Derrida (Deleixhe, 2016, p. 136). Derrida, à l’instar des militants, fait peu de cas de la capacité d’« encaissement » des individus, qui n’a pourtant rien d’infini (Stavo-Debauge, 2012). Avant d’être désignée comme transformatrice, la survenue de l’étranger est avant tout un « choc » qui demande à être « encaissé », avant d’être éventuellement porté au crédit de la communauté (Stavo-Debauge, 2009). Plutôt qu’automatique et postulée a priori, la « Rencontre » doit toujours être considérée comme contingente (elle peut se produire). On retrouve ici une critique déjà émise à l’encontre du « pragmatisme optimiste » de Dewey : dans sa théorie de l’enquête, le philosophe a tendance à voir dans l’expérience d’un trouble l’amorce quasi réflexe d’une enquête qui devrait directement et automatiquement transformer positivement la situation ou les collectifs impliqués (Stavo-Debauge & Trom, 2004). En amont de la théorie de l’enquête de Dewey, où le subir est pensé à l’aune d’un agir ne contenant que des « virtualités positives », il faut s’intéresser aux capacités d’« encaissement » des collectifs et avancer l’idée d’un « pragmatisme pessimiste » (Stavo-Debauge, 2012). C’est à ce mouvement que se réfère une tapissière afghane dont les voisins ne sont, semble-t-il, pas encore parvenus à « encaisser » sa présence :

«  Un jour on a invité une personne chez nous quand on venait d’arriver, et j’avais fait du riz et nous en Afghanistan, nous faisons du riz très long. Et plus les grains sont longs, plus ils sont décollés, plus ça veut dire que c’est réussi, et meilleur c’est. En plus ce soir-là c’était très réussi ! Quand j’ai posé sur la table il m’a dit « ah mais qu’est-ce que c’est ?! On dirait des asticots ! ». Elle, elle en a pas pris... Elle a dit « nous on mange, on finit notre travail, on rentre à 17h, on mange à 18h, j’ai vraiment pas très faim », son mari a pris une seule cuillère »[4].

Écarter la vision magnifiée de la Rencontre et faire la part belle à l’« encaissement » oblige à me déporter vers le concept d’« épreuve », tel qu’il a été développé par Boltanski et Thévenot (1991). Selon ces derniers, l’épreuve est un moment caractérisé par une forte incertitude sur un état de choses. Personne ne peut déterminer à l’avance la « réussite » d’une épreuve, qu’elle soit dégustation d’un met ou écoute d’une musique « ethniques ». Au cours de ces épreuves, une nouvelle disposition du juste se construit au fur et à mesure que les litiges sur l’état des choses s’y closent. Les êtres qui entrent dans ces épreuves y changent d’état, s’y déterminent : ils peuvent en sortir à l’état de « grand » ou de « petit », en fonction de leur « réussite » à l’épreuve. Au cœur de cette épreuve, se niche la présence nécessaire d’un bien envisagé sans quoi il n’y aurait ni conséquences, ni importance de cette dernière (Stavo-Debauge, 2020). Les égards apportés à la sélection des denrées et la gravité avec laquelle sont effectués les gestes culinaires me permettent justement d’y déceler l’importance d’un bien valué (qui serait ici l’appartenance ou au moins la reconnaissance d’une contribution). Les « boîtes de conserve » et les « produits congelés » sont soigneusement évités : on ne transige pas avec la qualité des provisions en ce qu’elles peuvent potentiellement faire « perdre la face » et décrédibiliser un cuisinier – et entacher la réputation de l’ensemble des compatriotes lorsque qu’ils s’affichent en « représentants ». L’image ci-dessous illustre la dimension « esthétique » de l’épreuve, en montrant que les décorations d’assiettes ne sont pas qu’une lubie de chefs briguant ou défendant des étoiles, mais qu’elles font partie intégrante de l’« épreuve ».

fig.1En haut et en bas, le bœuf Sega Wek accompagné d’une galette au sarrasin d’un chef érythréen.fig.1 En haut et en bas, le bœuf Sega Wek accompagné d’une galette au sarrasin d’un chef érythréen.
Sur les côtés, des beignets de courgette sauce Shero du même chef. Les brins de persil, comme les pétales de fleurs, pointent la dimension esthétique de la cuisine.
Source : Raphaëlle Pepe.

Ces épreuves ont des impacts à la fois sur les personnes et les communautés : après un atelier de cuisine bangladaise, la déception ressentie par l’une des participantes à l’égard des plats préparés (qu’elle ne trouve « pas fameux ») ne lui donnera pas l’envie – au moins partiellement et pour un temps – de re-goûter les mets bengladais et même à douter de la « richesse » de cette cuisine – la cuisine, à l’instar de la cheffe, sont restées à l’état de « petites ». À l’inverse, me contant une fin de repas particulièrement heureuse, Fahim me confiera tout le « bonheur » qu’il a ressenti lorsqu’on lui a avoué tout le bien que l’on avait pensé de son plat : «  ça fait plaisir. Ça veut dire que les gens sont contents, ils ont aimé ma cuisine, ils ont aimé Fahim. C’est l’amour  ». La notion d’« épreuve » permet de relativiser la perspective « enjouée » des militants en montrant que le propre de l’étranger ne change pas automatiquement les locaux : ce changement est plutôt le résultat d’épreuves.

IV. La cuisine pour se découvrir « héritiers »

             Pour qu’une rencontre ait lieu, il est cependant nécessaire qu’un médium joue le rôle de lubrifiant. Dans son étude sur le « régime d’hospitalité », Kareva (2017) indique que le nouveau venu ne dispose pas d’objets sur lesquels il puisse se reposer pour qu’ils « parlent à sa place ». Par conséquent, le travail de « présentation de soi » lui incombe en totalité. La « culture » s’avère alors être un « soutien » qui va permettre aux « nouveaux venus » de parler d’eux. Durant mes enquêtes, m'ayant amené des montagnes du Morvan aux contreforts de celles des Vosges, c’est à la cuisine que ce rôle a souvent échu. Si la migration peut mener à une expérience de la fragilité, elle ouvre simultanément les possibilités de son dépassement – à condition de trouver aide et support dans le milieu. En fait, il semble que la cuisine soit le moyen qui réponde le mieux aux critères de la « Rencontre », du fait de certaines caractéristiques qui lui seraient intrinsèques – et toujours découvertes lors d’une « enquête de sens commun » visant à la transformation contrôlée d’une situation indéterminée en une situation déterminée (Dewey, 1967, p. 169). Nous en relèverons ici trois principales :

1/ D’abord par un certain « attachement » intime à la cuisine qui se découvre dans la perte induite par la distance, et l’étrangéité du nouveau lieu de villégiature (Tornatore, 2014). Les nombreuses occurrences du vocabulaire identitaire indiquent la dimension quasi « ontologique » de la cuisine : pour Mehdi, réfugié syrien dont les enfants sont nés en France, c’est par le truchement de la nourriture que ces derniers vont « savoir qu’ils sont syriens », qu’ils « ont » la «  nationalité syrienne » et qu’ils ne sont pas « apatrides ». La cuisine se révèle comme est « attachement » au sens fort du terme, c’est-à-dire « ce à quoi nous tenons » et « par quoi nous tenons » (Bidet, Quéré, Truc, 2011) ;

2/ L’universalité supposée de la cuisine. Alors que les cuisiniers ne maîtrisent qu’avec parcimonie le français, la cuisine offrirait le moyen de communiquer avec l’autre dans la mesure où elle serait un « langage universel » permettant de dynamiter la tour de Babel dans laquelle nous sommes retenus bien malgré nous :

«  J’ai choisi la cuisine parce que je n’avais pas le choix au début. Je ne pouvais pas parler français et en cuisine tu sais, on a pas besoin beaucoup de parler. C’est un langage universel, définitivement » (ma traduction)[5].

La cuisine s’offre comme le vecteur avec lequel dialoguer quand aucune langue commune ne peut jouer ce rôle. Plus précisément, si les cuisiniers sont arc-boutés sur le « particularisme » de leur cuisine (et son exceptionnalité intrinsèque), ce qu’ils soulignent c’est l’universalité des plaisirs que déclenchent la dégustation – nous ramenant à l’humanisation de Marchal. La cuisine apparaît dès lors comme un « universalisant » au sens de Jullien (2008), c’est-à-dire comme l’opérateur d’une universalité autour de laquelle nous pourrions tous nous retrouver et communier ;

3/ l’accessibilité et la simplicité de la cuisine. D’une part, il faut souligner l’accès relativement aisé des denrées alimentaires : les épiceries vendant des produits « ethniques » ont essaimé sur le territoire, proposant à des prix généralement abordables les fournitures alimentaires requises. D’autre part, la cuisine n’a pas besoin d’appareils sophistiqués, contrairement à la musique qui requiert un système d’amplification. Par exemple, il m’a déjà été offert un repas tchadien avec des produits de la Banque Alimentaire dans un squat, cuisiné à l’aide d’une gazinière de troisième main.

Dans le mouvement occasionné par « l’enquête de sens commun », les cuisiniers exilés vont se découvrir en tant « qu’héritiers de », s’attribuant une véritable mission « sacerdotale ». Nous quittons l’attachement intime pour arriver à une certaine forme de « patrimonialisation monumentale », à la hauteur de la perte subie (Pecqueux & Tornatore, 2013). Ces « attachements culinaires » apparaissent comme un « propre » qu’ils souhaitent rendre « commun », par l’importance qu’ils revêtent pour l’humanité tout entière. Un couple de restaurateur.ice.s l’affirment avec autorité : leur « mission » est d’« apporter » la cuisine syrienne et son « parfum d’orient » à des français qui ne la « connaissent pas » : « fameuse », cette cuisine est aussi «  réputée pour son histoire » au carrefour de l’« Orient » et de l’« Occident », et dont les « très anciennes racines historiques » nous ramènent au fond « des siècles ». Cuisine « artisanale » et « traditionnelle », les « meilleurs gastronomes français » la placent « au même rang que la cuisine française ». Un cuisinier africain semble même induire la « supériorité » de l’univers culinaire africain : « plus goûteux » les plats mijotés africains sont également plus « complexes » au niveau des « assaisonnements » et des «  cuissons » par rapport à la cuisine française, moins « longue, plus simple et moins diversifiée  » (nous retrouverions «  partout la même chose » et les restaurants proposeraient tous « les mêmes cartes »). En outre, « faire la cuisine » s’appuie sur un héritage transmis de «  génération en génération » par une « femme-patrimoine », en règle générale la mère, avec tout son savoir-faire, ses secrets et sa grammaire maîtrisée de la cuisine (Adell, 2011). Ici, l’« héritage culturel » rejoint presque une sorte d’« héritage biologique », certains jouant même sur l’amalgame des deux registres.

Finalement, la cuisine est « découverte » in situ comme un médium expérimental à travers lequel il semble pouvoir possible d’annihiler plusieurs des conséquences produites par l’exil (inactivité, isolement, exclusion spatiale, précarité, etc.). Dans ce mouvement même, les cuisiniers se dépeignent en « héritiers » d’une richesse dont ils n’étaient pas forcément conscients par le passé.

V. « Se rendre capable de » en héritant

           « De quoi les migrants se rendent-ils capables en se découvrant, dans le mouvement de l’enquête, “héritiers de ?” ». Pour le dire succinctement, les migrants se découvrent en capacité de « participer » :  

–      Premièrement, se révéler comme le porteur d’une tradition « inestimable » ouvre les portes d’une participation économique. L’ouverture d’un restaurant, d’une activité de traiteur ou d’une épicerie va permettre de contourner les obstacles que représentent la langue, l’absence de relations ou les discriminations à l’embauche, tout en étant une promesse d’activité relativement sûre. Cette activité professionnelle est en un sens, politique, en ce qu’elle repousse les discours publics faisant de l’immigration un « fardeau économique » « du point de vue de l’emploi, des finances publiques ou de la croissance » (Vendryes & Boubtane, 2021)[6]. Elle ratifie alors une forme de « réussite » imprévisible ou inattendue, comme l’affirme ce couple de restaurateurs :

« Le 6 mars 2021 est un jour émouvant pour nous. Nous sommes passés du jour où nous étions dans la rue sans abri, au jour où nous avons célébré l’ouverture de notre seconde activité, six ans après notre entrée sur le territoire français »[7] ;

–     Deuxièmement, les arts culinaires dotent les migrants d’une certaine capacité de participation politique et/ou citoyenne à la communauté. La participation politique ne se réduit pas au dépôt du bulletin de vote annuel dans l’urne, et la démocratie ne s’épuise pas dans le choix de représentants ; la politique se fait également « au coin de la rue », et il incombe aux chercheurs de saisir la « citoyenneté » « comme un ensemble de ressources mobilisables dans une série d’activités et de contextes d’expériences » (Bidet, Gayet-Viaud & Le Mener, 2019, p. 23). La citoyenneté serait ainsi à concevoir comme une activité publique découverte in situ par des « non-citoyens », cherchant à (re)conquérir une citoyenneté active (Neveu, 2005, p. 7) – elle serait, comme l’écrit Balibar repris par Neveu son propre procès d’acquisition. Il me paraît également important de souligner de surcroît qu’un emploi et des revenus stables sont des réquisits nécessaires à toute demande de naturalisation. De manière liée à la « citoyenneté », la cuisine peut s’avérer être un moyen par lequel reconstruire son identité narrative après les difficultés de l’exil et de l’asile. Elle serait ainsi un opérateur de « personnalisation » au sens de Marchal (2013). Selon ce dernier, la « personnalisation » permet de réhabiliter la multiplicité des supports de sens qui sous-tendent l’identité personnelle de l’individu. Elle est le vecteur d’un « épaississement de son être » contre la réduction à une seule dimension de l’être des migrants (« demandeur d’asile », « bénéficiaire passif des minimas sociaux », etc.). La cuisine bâillonne (en partie) cette « réduction », en s’offrant comme un médium autorisant à se présenter en personne non seulement qualifiée, mais également porteuse d’un patrimoine culturel immatériel [PCI] qui doit être sauvegardé au nom de la valeur qu’il revêt pour l’humanité entière. Par exemple, l’association sénégalaise dijonnaise accueillera avec une joie intense l’annonce de l’inscription au PCI du plat sénégalais Thiéboudiène. En ce sens aussi, la cuisine apparaît comme franchement politique[8].  

Cette double « participation » – qu’on pourrait dire, schématiquement, économique et politique – repose sur le médium « cuisine », qui serait en quelque sorte la « porte d’entrée » des cuisiniers syriens à la communauté, en leur permettant le « partage d’une situation » vécue en commun (Stavo-Debauge, 2009). C’est en tout cas ce que pense Fahim quand il m’affirme qu’il faut « trouver le chemin pour communiquer ». Ici, faire-la-cuisine serait le moyen de verser sa propre contribution à un « commun » auquel les migrants souhaitent prendre part – i.e contribuer à édifier. D’ailleurs, étymologiquement, la « communication » est une opération élémentaire de la communauté : dans son sens premier elle est la « mise en commun » (Stavo-Debauge, 2009). Néanmoins, comme le souligne Fahim, la « mise en commun » est toujours incertaine, fragile et précaire, parce qu’elle est une expérimentation : «  il faut trouver » dit-il, en étant jamais totalement sûr de pouvoir réellement « trouver » – cette mise en commun n’est en effet jamais donnée d’avance, comme elle est codifiée dans le contrat d’intégration qu’il a conclu avec la France. Alors, la « proposition communalisante » que serait la cuisine pourrait être la première des trois épreuves qui constituent la communauté selon Stavo-Debauge : « mettre en commun » en espérant par la suite et par le même mouvement, « vivre avec » puis « tenir ensemble » (Ibid., chap. V). Contre les visions réificatrices du « commun », qui pullulent en période préélectorale, il faut affirmer que ce dernier n’est jamais donné définitivement et par avance. Ce qui est en commun est toujours en constante évolution, toujours « en train de se faire ». Selon Jullien le commun est «  ce à quoi on a part ou à quoi on prend part, qui est en partage et à quoi on participe  » (2008, p. 39). C’est un concept éminemment politique : ce qui se partage est ce qui nous fait appartenir à la même cité. Ce commun j’y suis pris et je le fonde, et son extension se fait par le truchement de la « participation ». L’intuition de Jullien se retrouve également chez Dewey pour qui le « commun » serait également virtuellement extensible au monde entier : le commun est le fruit d’une contribution individuelle et non la condition préalable de leur coordination. Sans contribution individuelle, il n’y a pas de communication (Zask, 2008 ; Stavo-Debauge, 2020). Cette « mise en commun », en tant qu’épreuve, ne se réduit pas à la simple consommation d’un met ensemble ; se jouent ici pour les cuisiniers la reconnaissance de leur contribution à la société dans laquelle ils adviennent.

In fine , ce qui est visé (la « fin-en-vue ») c’est l’« appartenance » à la communauté en entendant cette dernière comme l’assurance de la disposition « d’être pris en compte et d’avoir part aux comptes de la communauté » que signe « la reconnaissance d’une contribution ou d’un apport » et la possibilité « d’une mise en cause […] de la distribution et du partage des choses communes dont l’obtention confère une pleine appartenance » (Stavo-Debauge, 2009, p. 475-476).

Ouverture

           En un certain sens, nous atteignons les confins de la question de la démocratie, telle qu’elle a été posée par Dewey, contre le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin qui souhaite l’interdiction des rayons dit « ethniques » dans les supermarchés, dans la mesure où ils feraient le lit du communautarisme. Chez Dewey la démocratie c’est avant tout une expérimentation où doit se construire en commun une « fin-en-vue » à laquelle nous participerions tous de manière responsable, comme nous participerions à la direction des activités du groupe auquel nous appartenons. Et c’est justement cela que peut aussi permettre la cuisine parce qu’elle est au carrefour d’une participation multiple : elle est économique pour les restaurateurs, citoyenne en ce qu’elle permettrait de « changer les mentalités », politique puisque l’ouverture d’un restaurant et d’un salaire sûr ouvre la voie à la naturalisation, etc. Elle est un moyen – parmi d’autres – de ratifier les épreuves de l’appartenance à une communauté que l’on crée et recrée de manière permanente. Pour reprendre une formule de Latour, il faut bien souligner qu’il n’y a pas de « monde commun », mais que la politique est un art, un art par lequel on cherche à progressivement composer un « monde commun », à expérimenter et à toujours reprendre (Latour, 2012).

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Haut de page AUTEUR

Jérémy Sauvineau,
LIR3S Laboratoire interdisciplinaire de Recherche “Société, Sensibilités, Soin”, UMR 7366 uBFC/CNRS (Sous la direction de Jean-Louis Tornatore et Marianne Poussou-Plesse)

Haut de page NOTES



[1] Syrien, réfugié, Bourgogne, octobre 2020. Il ne faudrait néanmoins pas sous-estimer les effets de la relation d’enquête dans cette présentation de soi, le travail s’avérant aussi être un moyen de légitimer sa présence en France.
[2] L’ELIPA [enquête longitudinale sur l’intégration des primo-arrivants] est réalisée en France auprès des bénéficiaires d’un premier titre de séjour d’au moins un an souhaitant s’installer en France de manière durable. Sont interrogées les personnes ayant obtenu un titre de séjour à la fin de l’année 2009, âgées de 18 ans ou plus et originaires des « pays tiers », c’est-à-dire hors l’Espace économique européen (EEE) et la Suisse. Pour plus d’informations voire DSED, 2014.
[3] Les philosophies de l’hospitalité insistent toutes sur le « choc » de l’arrivée : chez Brugère & Le Blanc, l’arrivée du nouveau venu est même perçu comme une « intrusion » (2018).
[4] Afghane naturalisée française, Franche-Comté, septembre 2020.
[5] Bangladais, titre « salarié, Bourgogne », octobre 2020.
[6] La cuisine n’a pas le monopole de l’activité économique : nous avons également rencontré des musiciens ainsi que des luthiers.
[7] Syriens, Bourgogne, décembre 2019.
[8] Même s’il faut souligner qu’elle porte potentiellement en elle le risque prononcée d’une auto-exotisation.
Haut de page RÉFÉRENCES

Pour citer cet article :
Jérémy Sauvineau, « Se découvrir héritier en cuisinant. L’exemple des cuisiniers réfugiés syriens », Revue TRANSVERSALES du LIR3S - 21 - mis en ligne le 16 mai 2022, disponible sur :
http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/Transversales.html.
Auteur : Jérémy Sauvineau
Droits :
http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/publications/Transversales/menus/credits_contacts.html
ISSN : 2273-1806