Les Bohémiens et leurs juges en Lorraine au XVIIIe siècle L’altérité, caractère de ce qui est autre, soulève la question de l’identité – puisque l’autre renvoie à soi – et des représentations sociales. Des pistes de réflexion peuvent être trouvées dans un article consacré aux Tsiganes au Brésil par Maria Manuela Mendes : « Les situations d’interaction impliquant des individus sont nombreuses et diverses, et elles suscitent des réponses identitaires variées. Ces différentes réponses ne représentent pas une simple juxtaposition d’identités, mais sont intégrées dans un ensemble organisé, plus ou moins cohérent et fonctionnel[1]. » Elle mobilise pour son étude les travaux sociologiques d’Erving Goffman[2] et Claude Dubar[3] dont elle présente les conclusions. Claude Dubar « expose deux processus contribuant à la production d’identités : le processus biographique [identité du “je” et du “soi”] et le processus de communication relationnel systémique [identité de l’“autre”]. Le processus biographique concerne l’internalisation active, c’est-à-dire l’incorporation de l’identité par les individus eux-mêmes. Ce processus ne peut être dissocié des trajectoires sociales à partir desquelles les individus construisent leur identité du “je” et du “soi”. C’est ce que Goffman nomme les “identités sociales réelles”. Dans le second processus, l’attribution de l’identité ne peut être dissociée des systèmes d’action dans lesquels l’individu est impliqué. Il dérive des relations de force entre tous les acteurs engagés et de la légitimité des catégories utilisées. Les participants sont susceptibles d’engager un processus de désignation, que Goffman appelle “identité sociale virtuelle” des individus. Les deux processus ne coïncident pas nécessairement. En d’autres termes, il peut y avoir une divergence ou un manque de simultanéité entre l’“identité sociale virtuelle”, attribuée à un individu, et l’“identité sociale réelle”, attribuée par l’individu à lui-même[4] ». Force est de constater, à la lecture des liasses des archives judiciaires, que les Bohémiens jugés sous l’Ancien Régime en Lorraine constituent une catégorie de justiciables aux confins, entre simples vagabonds et mendiants étrangers, et en tout état de cause considérés comme « autres ». Les procès sont sources de nombreux renseignements au travers des interrogatoires des accusés, mais aussi des enquêtes de maréchaussée et de la phase de l’instruction judiciaire. Les auditions des témoins, et les confrontations des accusés aux témoins peuvent alors nous éclairer sur des aspects de leur identité sociale[5]. Nous verrons que l’altérité indéniable des Bohémiens en Europe occidentale semble toutefois largement influencée par une description stéréotypée qui a alors cours. Dans cette perspective, nous envisagerons tout d’abord l’arrivée des Bohémiens dans cette aire géographique (I), et comment elle conditionne leur identification (II). Puis nous soulignerons que la singularité des Bohémiens, telle qu’elle est perçue au XVIIIe siècle (III), tient autant à des critères anthropologiques et culturels « objectifs » qu’à l’importance du contexte historique et philologique (IV). Une « aura mythique » fondatrice La mythologie mise en avant lors de leur arrivée en Europe occidentale au XVe siècle a fait long feu. Les termes d’« Égyptiens » et de « Bohémiens » ou « Bohêmes » sont les plus usités sous l’Ancien Régime, et on retrouve des « Égyptiens » dans des procès en Lorraine, dans le discours même des accusés. En effet, dans les réponses qu’ils donnent au cours de leurs interrogatoires, certains mettent en avant ces origines égyptiennes. Le nommé Jean Laforêt, âgé d’environ vingt-huit ans, fait partie d’une troupe de Bohémiens arrêtés entre le 29 et le 31 janvier 1728. Douze individus sont capturés sur ordre de M. Norroy, grand prévôt de la maréchaussée de Lorraine et Barrois, et à la requête du procureur de la maréchaussée, suite à des plaintes portées à leur connaissance et faisant état de l’établissement de Bohémiens et voleurs dans des villages des environs de Nancy. Jean Laforêt, considéré comme « bohémien vacabond soubsçonné de vol », affirme dans son interrogatoire préparatoire que son père est originaire « du grand Kaöere en Egipte[6] ». Ce cas n’est pas isolé puisqu’on retrouve en 1733 des déclarations similaires. Une bande de Bohémiens – quatorze personnes – constituée de membres des familles Laroche et Lacroix est arrêtée le 25 août par la maréchaussée assistée de villageois. Un des Bohémiens accusés, Nicolas Laroche, interrogé le 26 août, déclare qu’il est errant et vagabond, et ce, « depuis sa naissance ». Son père se nomme Nicolas Laroche, et est « originaire du grand Caire ville capitale d’Egipte ». Lui-même n’a jamais été au « grand Caire », mais est natif du village de Hayange, dans la prévôté de Thionville. Il a quitté Hayange pour la première fois avec ses parents quinze jours après sa naissance, et il a depuis lors, « également vagabondé en trouppe avec ses père, mère, et autres de pareille vie et nature ». Il est intéressant de noter que Nicolas Laroche fournit des papiers mentionnant l’origine « égyptienne » de sa défunte femme : en l’occurrence un extrait des registres mortuaires de la paroisse d’Attigneville portant le décès, le 27 février 1733, de Roze Lacroix, femme de Nicolas Laroche, de la paroisse de « Chamigny[7] » en Égypte. Visiblement intrigués, les magistrats lui font remarquer que ses déclarations sont mensongères, et estiment qu’il y a une contradiction entre d’une part le fait qu’il affirme que son père est né au « grand Caire en Egipte » alors que lui-même est né à Hayange, et d’autre part les papiers[8] qu’il produit. Il rétorque que c’est bien ce que son père lui a dit et qu’il n’a donc pas déguisé la vérité[9]. Ne peut-on voir en fait en cet exotisme, induisant l’extranéité, une volonté de se définir « autres », ou bien plutôt de se présenter comme « autres », conformément à la perception qu’en ont les sujets des régions, des pays, dans lesquels ils évoluent ? Les Bohémiens arrivant en Europe occidentale au XVe siècle se présentent comme des pèlerins en provenance de Petite Égypte, et se prévalent de documents et lettres de protection du Pape ou de l’empereur Sigismond, roi de Bohême. Si les mentions de comtes et ducs de Petite Égypte, dans les documents émanant des autorités, sont remplacées par celle de capitaines de compagnies bohémiennes[10], le stéréotype d’errants d’origine lointaine reste vivace. Il n’en reste pas moins que les Bohémiens jouent de leur particularité de diverses manières puisque leur attitude n’est pas uniforme : des accusés nient en effet être Bohémiens alors même que d’autres affirment qu’ils se font passer pour Bohémiens[11]. En tout état de cause, tant les intéressés eux-mêmes que la législation – en tant que manifestation de la volonté politique d’un pouvoir souverain – et la pratique judiciaire n’établissent pas clairement et absolument leur qualité d’étrangers ou à l’inverse de régnicoles. Le flou en résultant, nous y reviendrons, conditionne ou a tout du moins une certaine incidence sur les rapports avec les populations locales inscrites dans des solidarités définies. Identification et reconnaissance : signalements et apparence des Bohémiens Les signalements en tant que documents à part entière dans les dossiers des procès instruits contre les Bohémiens sont plutôt rares. Toutefois, des renseignements concernant l’apparence, tels que des descriptions physiques, sont donnés à divers moments du procès. À ce sujet, la couleur de peau des Bohémiens est une donnée qui n’est pas qu’anecdotique en tant qu’elle constitue véritablement un critère d’identification par les contemporains. Elle participe ainsi de l’altérité des Bohémiens au regard des personnes amenées à les identifier dans le cadre de procédures judiciaires, à savoir les officiers de maréchaussée, les habitants des villages que les Bohémiens fréquentent, etc. Le procès de Bohémiens instruit entre les mois de mai et de septembre 1739 constitue un exemple. Vingt femmes et enfants sont arrêtés dans la forêt de la Reine alors que les hommes ont échappé à la capture en s’enfuyant dans la forêt. Un témoin donne leurs signalements qui seront joints à la procédure : tout d’abord un homme d’une soixantaine d’années, de moyenne taille et vêtu d’un habit brun. Il a les cheveux très noirs, les yeux noirs également et a dit au témoin se nommer Mathieu. Ensuite un homme d’une vingtaine d’années, les cheveux noirs, vêtu d’un sarrau vert, d’une veste brune, et d’un drap d’Elbeuf orné d’un galon d’argent. Il a dit s’appeler Baptiste. Le témoin décrit ensuite un homme de vingt-deux ans environ, grand de cinq pieds, quatre pouces et trois lignes. Les cheveux châtains, il est vêtu d’un sarrau couleur cendre, d’une veste rouge, d’une culotte brune. Il s’est présenté sous le nom de Colas. Enfin, un homme d’une quarantaine d’années, de haute taille, qui est cordonnier de profession, et vêtu d’un habit d’estamette[12] jaune tirant sur le blond. Les confrontations entre des témoins et des habitants accusés de faire commerce avec les Bohémiens apportent des compléments ; un cabaretier mis en cause ne croyait pas avoir de Bohémiens chez lui. Selon lui, les individus que le témoin a vus ne pouvaient pas être bohémiens car ils sont « aussy blans que luy ». On voit ainsi nettement que la couleur de leur peau participe de la reconnaissance et de l’identification des Bohémiens. Un autre témoin soutient que des personnes sont venues environ un an plus tôt chez le cabaretier et y sont restées trois jours durant pour vendre des drogues et remèdes aux gens de la campagne. Il s’agissait selon elle de Bohémiens véritables qu’elle a identifiés à « leur habits déchiréz et à leur tein » et qui étaient accompagnés de deux femmes « couvertes de haillons[13] ». Leur couleur noire est donc un élément apparaissant certes comme exotique, mais aussi connoté, car parfois associé à une « mauvaise mine[14] » ou des habits négligés. Cette couleur est-elle artificielle ou artificiellement entretenue ? Des récits, tels que celui de l’abbé Prévôt par exemple, relaient cette idée. Dans le chapitre intitulé « Aventure intéressante ou les Bohémiens », il rapporte la découverte, par un voyageur et son laquais, d’une trentaine de personnes nues exposées au soleil sur une berge du Rhône formant une sorte de petite plage. Un vieil homme qui leur explique qu’ils sont « connus sous le nom d’Egyptiens, ou de Bohémiens » prétend alors qu’ils se noircissent la peau en s’exposant ainsi au soleil pour accréditer l’apparence qu’on leur attribue : « il est nécessaire à notre condition d’être noirs, ou du moins fort basanés ». Ils complètent le stratagème restant à proximité de fours à charbon dont la fumée sert leur dessein[15]. Le contenu d’interrogatoires révélant l’usage d’artifices pour se noircir la peau corrobore ce témoignage. En 1737, quatre Bohémiens arrêtés en Lorraine allemande sont écroués le 15 août et leur procès est instruit au siège de Sarreguemines. Parmi eux, la nommée Marie Elizabeth de la Rivière déclare s’être noircie le corps au moyen de graisse de chat et de hérissons pour ne pas avoir de vermine. Les magistrats interrogent ensuite une autre accusée, Anne Catherine Hirnan, à ce sujet : elle soutient qu’elles ne se noircissent pas, mais que ce sont « la misere, les injures du tems, etant quelquefois sans aucun habillement, portant leurs chemises deguenillées jusqu’a ce qu’elles leur pourrissent sur les corp ». Lorsqu’on lui fait remarquer qu’elle ment puisqu’ils ont recours à de la graisse de chat et hérisson[16], elle répond que c’est ce qu’ils font croire. Enfin son demi-frère, le garçon nommé Jean Hermann, déclare quant à lui que ce sont ses parrain et marraine – non Bohémiens – « qui ont deffendus a ses pere et mere de le noircir », ce qu’elle confirme[17]. Précisons qu’il est toutefois difficile de discerner la part de mystification sur ce point. Leur apparence générale inquiétante complète le tableau. Ils sont d’autant plus inquiétants qu’ils ne se privent pas de menacer des villages afin d’obtenir la mise en liberté de leur compagnes ou compagnons ayant été arrêtés[18] et que leur réputation les précède. Singularité(s) des Bohémiens Au regard du droit d’abord. On observe une concurrence des textes des XVIIe et XVIIIe siècles les concernant. La répression spécifique mise en place au XVIe siècle est complétée – et pourrait-on dire presque supplantée – par le dispositif répressif visant les vagabonds et les mendiants. Les ordonnances de Léopold Ier concernant les Bohémiens recouvrent plusieurs domaines et illustrent le fait qu’ils relèvent aussi bien de la sûreté publique que de l’organisation de la charité : celle du 14 février 1700 « contre les vagabonds, Egyptiens, Bohémiens & mandians » réglemente aussi le port d’armes. Celle du mois de mai 1717 « contre les vagabonds, mandians valides, tant étrangers que ceux du pays » porte également augmentation de pouvoir de la maréchaussée et réglemente l’aumône publique. Celle de 1720 concerne les pauvres, alors que le champ de celle de 1723 est plus large puisqu’il englobe « l’aumône publique, les pauvres, la maréchaussée, les voleurs, vagabonds et gens sans aveu ». Parmi d’autres questions, et compte tenu de ce que nous avons vu plus haut, l’on peut légitimement se demander si les Bohémiens sont considérés comme des étrangers. En Lorraine, cette question – qui se pose surtout dans le cadre de la réglementation de l’aumône publique – est d’autant plus prégnante, ce qui s’explique du fait de sa situation frontalière avec de nombreuses provinces voisines, outre les enclaves françaises en Lorraine[19]. Elle se situe en marge d’une zone de conflit au début du XVIIIe siècle et constitue une aire de circulation privilégiée des Bohémiens. Il semble que les Bohémiens soient catégorisés selon plusieurs critères. Ils le sont d’après la distinction socioéconomique déterminée par la lutte contre la pauvreté et l’organisation de l’aumône publique, qui trace une ligne de séparation entre pauvres domiciliés et vagabonds étrangers[20]. Mais ils le sont aussi d’après leur mode de vie : errants sans profession qualifiés de sans aveu dans la plupart des cas, ils ne peuvent théoriquement pas bénéficier du régime légal de circulation reposant sur l’octroi de passeports[21]. Au regard de l’anthropologie ensuite. Les Bohémiens apparaissent en groupes dans la quasi-totalité des cas dans les archives judiciaires[22]. Cela reflète partiellement la physionomie de la présence bohémienne en Lorraine : l’attroupement familial, et souvent armé. Le 12 mai 1703, un groupe de huit Bohémiens – trois hommes, deux garçons, deux femmes et un enfant – est arrêté par la maréchaussée en Lorraine allemande. Les cinq accusés interrogés se répartissent en deux, voire trois ménages. Claude Laforêt et sa femme, nommée Madeleine, sont les parents des deux autres jeunes hommes, Antoine Alexandre de la Forest et Martin Richard Laforêt. Ce dernier est marié à une nommée Anne Marie Villem. Les trois hommes déclarent lors de leurs interrogatoires avoir servi à Saverne, dans les troupes du roi « tres catholique », c’est-à-dire le roi d’Espagne, dans le régiment de Grimaldi ; tous trois ont obtenu leur congé[23]. De même, le 18 juin 1717, une troupe de Bohémiens est arrêtée aux environs de Dieuze et d’Assenoncourt. La procédure met en cause onze accusés, soit six hommes – âgés de quinze à quatre-vingts ans – et cinq femmes – âgées de vingt-cinq à soixante ans – qui ont été capturés avec leurs enfants. Ce groupe est composé en fait de cinq ménages[24]. Dans son interrogatoire, le nommé Jean Martin[25] se présente comme étant âgé d’environ 72 ans, natif de Lyon, sans profession ni domicile fixe. Ayant quitté sa ville natale depuis environ trente ans, il a depuis servi dans divers régiments. Cela fait sept ans qu’il a eu son congé et qu’il se déplace dans le pays en faisant commerce de soigner les chevaux, dont il fait également troc et achat. Il s’est marié dans un village dépendant de Longwy en Lorraine, avec Marie de la Forest, fille de feu Laforest, capitaine des Égyptiens de la Lorraine avec qui il a eu deux enfants en dix-neuf ans de mariage. Il précise ensuite sa condition de vagabond vivant des aumônes. Sa femme est « Boëmine », et, puisqu’il connaissait les anciens camarades de celle-ci, il a été obligé de les suivre[26]. Il se pourrait que l’on ait affaire ici à des descendants d’un de ces capitaines « égyptiens » du siècle précédent. Cela tendrait à confirmer la pérennité de généalogies qui présentaient à l’origine un caractère militaire. On voit se dessiner les contours du « métier de Bohémien ». Les « Bohémiens de profession » n’ont pas de domicile fixe, exercent une ou plusieurs activités ou se livrent à la mendicité en période de non-activité. Cela contraste avec les « autres » vagabonds, arrêtés allant souvent seuls, parfois à plusieurs, mais alors sans nécessairement de liens de parenté. Mais pour autant, on observe leur insertion dans le tissu social. Ils mobilisent différents réseaux de sociabilités. Ils avancent d’abord des connaissances directes, avec des habitants de villages. Hans-Jacob, ou Jean-Jacob Leinhard [sic], arrêtés avec cinq autres personnes en 1736 et soupçonné de vol, affirme avoir résidé dans un village lorrain[27] pendant douze ans. Il se justifie en outre sur le fait qu’il n’a aucun certificat de vie et mœurs des endroits où il a résidé. Puisqu’il est connu partout où il va, personne ne lui a jamais demandé aucun certificat dans les lieux où il est familier à savoir le pays de Bitche, de Nassau, et le bailliage de Fénétrange où il est jugé[28]. Des réseaux clairement socioprofessionnels se dégagent ensuite : en premier lieu, le service aux armées occupe une bonne place. Ainsi, à la fin XVIIIe siècle, Louis IX, landgrave de Hesse-Darmstadt de 1768 à 1790, s’attache les services militaires de Bohémiens, favorisant à leur installation dans la région[29]. Le procès de Mathias Reinhard [sic] ou Limberger instruit à Sarreguemines en 1786 en atteste. Ayant quitté ses parents dans sa jeunesse, il est revenu dans cette région pour finalement les retrouver « parmy les Egyptiens refugies dans les pays de Hanau Pirmasentz ». Il précise que cela fait trente ans qu’ils sont réfugiés dans le pays de Hanau[30]. En second lieu, les travaux agricoles saisonniers sont assez ordinairement exercés par les Bohémiens. Par exemple, dans le procès de 1737 déjà cité, les femmes accusées affirment toutes avoir travaillé à diverses tâches, aidant à la fenaison, à filer, ou à lier les grains dans plusieurs villages, et notamment à Losheim-am-See, dans la Sarre. L’une d’elles précise même qu’elles y sont appréciées[31]. Il faut également développer ici le point important des parrainages en tant que stratégie s’appuyant sur le caractère familial des groupes Bohémiens, et autorisant leur inscription dans la société de leur temps. On en trouve des exemples dans deux procédures déjà évoquées. En 1717 tout d’abord, les enfants de Jean Martin : son fils aîné est né à Saulce-aux-Bois (près de Reims) et est âgé de quinze ans. Il a pour parrain le sieur gentilhomme Simon Lansart, dont il porte le nom. Le second, né à Cattenom, près de Thionville, et âgé de dix ans, est parrainé par le sieur Manzillon. L’intention du père était de les confier à leurs parrains respectifs pour qu’ils soient élevés car n’en a pas lui-même les moyens[32]. Un autre procès montre un enfant bohémien parrainé par des habitants de la Sarre. En 1737 ensuite, le cas de Jean Hermann, jeune bohémien de onze ans, fils de feu Jean Hermann, de son vivant soldat au régiment d’Alsace, et de la nommée Catherine Gary. Il est sans domicile, mendiant, et « d’ancetres de la race de bohemiens » et a été parrainé par de riches habitants de Losheim-am-See dans la Sarre. Il s’avère en fait que le nom de son père n’est pas Hermann, mais serait Grissgroffen ; la demi-sœur du garçon confie que les Bohémiens ne prennent pas les « surnoms »[33] de leurs pères, mais ceux de leurs parrains et marraines[34]. Des certificats de baptême sont parfois trouvés sur les Bohémiens au moment de l’arrestation, lors de la fouille[35]. Dans le procès instruit contre des Bohémiens en 1733 mentionné plus haut, Nicolas Laroche précise sa situation familiale. Marié à une nommée Rose La Croix qu’il a épousé environ quatre ans plus tôt et qui est décédée au début de l’année 1733, il est le père de leur enfant baptisé à Bar-le-Duc. Il présente plusieurs documents dont l’extrait des registres baptistaires de Salmagne, dans la Meuse, qui mentionne que François Laroche, fils de Nicolas Laroche et Roze Lacroix, son épouse de la paroisse de Chamini en Egypte, est né le 22 juin 1730[36]. On remarquera que les parrainages, attestés dans diverses régions dès le XVIe siècle, sont encore largement pratiqués au XVIIIe siècle. L’historienne Henriette Asséo a très bien montré les modalités de l’enracinement des Bohémiens en France et le rôle de la pratique des parrainages. La forme militaire des compagnies bohémiennes, constituées à la Renaissance, a été entretenue par l’accueil bienveillant de seigneurs jusqu’à la fin du XVIIe siècle. L’inscription généalogique de dynasties de Bohémiens attachés à une maison nobiliaire en est l’illustration. Et de conclure : « l’identité des Tsiganes se trouverait alors historiquement constituée par l’adoption du modèle de filiation légitime, l’ancrage militaire aristocratique et l’incorporation contrastée à l’esthétique baroque[37] ». Les Bohémiens entretiennent des rapports très étroits avec certains sujets des zones qu’ils fréquentent – Lorraine, Lorraine allemande, Allemagne – et ils se procurent passeports et certificats auprès des autorités municipales et villageoises ou auprès des personnes avec qui ils font commerce. Les relations avec la société au sein de laquelle ils vivent sont protéiformes et se déclinent de rapports d’entente ou du moins de tolérance de la part des autorités et habitants d’une région à rapports conflictuels. Des différences d’ordre culturel entre Bohémiens et non-Bohémiens à la lumière du contexte du XVIIIe siècle Les interrogatoires sont les moments du procès où les points de vue respectifs des accusés et des magistrats sont mis en perspective et se confrontent. Les questions posées par les magistrats révèlent une certaine tournure d’esprit, de même que les réponses données par les Bohémiens. L’interrogatoire-type débute par la déclinaison par l’accusé de son nom, son âge, son lieu de naissance, sa profession, sa religion. Puis au fil de l’échange, les juges cherchent à préciser leur état civil, leur itinéraire et leur parcours avant d’arriver là où ils ont été capturés. Les mêmes questions sont posées à tous les vagabonds et mendiants, mais les Bohémiens sont en outre interrogés sur des points spécifiques tels leur couleur, nous l’avons vu, ou quant à leur organisation ; les magistrats peuvent ainsi demander aux accusés si la troupe arrêtée a à sa tête un commandant et s’ils peuvent le désigner. Souvent, les questions semblent indiquer que les juges cherchent à comprendre les raisons de l’errance des Bohémiens. Ce qui leur apparaît comme de l’errance – des pérégrinations sans but précis – est en fait une itinérance répondant à des exigences assez précises. D’ailleurs, les études anthropologiques établissent la permanence de certains traits de l’économie tsigane et de la mobilité y étant associée[38]. On observe au XVIIIe siècle un double phénomène qui n’est certainement pas étranger au contexte des sociétés d’Europe de l’ouest : d’une part la disqualification de la part des élites, et, d’autre part un certain rejet de la part des milieux populaires. Rappelons cependant que cela n’exclut pas une certaine tolérance, et des liens réels et solides, au niveau local. Les Bohémiens font l’objet d’une disqualification dans le champ des cercles savants. Le siècle des Lumières continue la réflexion entamée au siècle précédent avec l’école moderne du droit naturel sur l’organisation politique et l’exercice de la souveraineté en tant que passage d’un état de nature à un état civil – une société policée – au moyen de la théorie du contrat social[39]. Cette notion passe d’un postulat philosophique au terreau nourrissant des réformes politiques sous la plume de certains juristes ou économistes : on le voit notamment avec le mémoire de Le Trosne[40] et le projet de police de Turmeau de la Morandière[41] publiés en 1764. Des formes de rejet sont observables sur le terrain de la vie quotidienne. Bien qu’inscrits dans des réseaux locaux, les Bohémiens sont différents des sujets du royaume de France ou du duché de Lorraine. Dans les campagnes, rappelle Benoît Garnot, ils sont « très impopulaires parce qu’étrangers aux mentalités et aux genres de vie habituels. D’ailleurs, en règle générale les ruraux craignent tous ceux qu’ils ne connaissent pas[42] ». On a vu en outre qu’ils savent se rendre menaçants. Partant de ces observations, la vie des Bohémiens, « selon les bienfaits de dieu et des hommes[43] », ne manque pas d’apparaître comme assez singulière dans une société qui se police. Les questions de la propriété et du travail cristallisent par exemple les divergences de vue qu’il peut y avoir entre juges et Bohémiens. Pour autant, ces derniers laissent transparaître diverses attitudes : à la question de savoir la raison pour laquelle ils ne s’établissent pas pour vivre de leur métier, des accusés affirment simplement ne pas trouver de lieu pour se retirer et y travailler[44], ou n’avoir « aucun bien » pour pouvoir le faire. D’autres, cas de figure certes plus rares, narguent franchement leurs juges. Un Bohémien, interrogé au sujet de sa profession en Lorraine allemande en 1721, déclare « en riant que les bohémiens ne travailloit guerre » parce qu’ils ne sont « pas accoustumez au travail et qu’il [n’ont] jamais travaillez »[45]. Est-ce pour autant que les Bohémiens vivent dans un état de nature s’opposant à l’état social selon une partition que décrivent les théories du contrat social[46] ? La réalité est plus subtile et l’ethnographie permet de saisir quelques aspects de la réponse tsigane à ces problématiques. L’anthropologue Patrick Williams constate que la médiation des Gadjé – soit les non-Tsiganes – est omniprésente entre le monde et les Manouches. Dans leur usage de « la nature-qui-est-la-civilisation-des-Gadjé », ils effacent la présence de ceux-ci. Ils ne retournent pas pour autant à une « nature sauvage », mais baignent alors dans « la civilisation manouche ». Ce qui est visé, c’est d’une certaine façon l’annulation de l’altérité, qui permet d’entretenir avec les Gadjé « des relations de tous types : méfiantes, familières, hostiles […] de solidarité ou de collaboration, de compétition ou de lutte, d’évitement, d’exploitation […]. Toute systématisation des relations Tsiganes Gadjé, toute typologie des attitudes se heurtent à une multiplication des contre-exemples[…], mais tout cela à l’intérieur d’un retrait fondamental – retrait qui est une prise de possession[47] ». Nous nous bornerons à signaler ici que de nombreuses déclarations d’accusés, au cours des interrogatoires, vont dans le sens de ces observations[48]. Il convient de s’attarder ici sur le langage comme constituant un trait culturel des Bohémiens. Si la plupart des accusés rencontrés dans les archives judiciaires lorraines parlent l’allemand ou le français, la langue bohémienne[49] apparaît au détour de certains procès ; en effet les Bohémiens fréquentent des régions germanophones ou francophones, mais usent entre eux d’un langage qui intrigue leurs contemporains par son caractère apparemment secret. Leur langue n’est qu’un « jargon » pour les savants et les magistrats ne montrent tout au plus que de la curiosité à ce sujet. Quelques procès en Lorraine allemande autour des années 1737-1740 contiennent la retranscription de mots et d’expressions de la vie courante[50]. Enfin, des accusés parlent parfois même d’autres langues comme l’italien, trahissant sans doute leurs déplacements jusque dans les zones d’influence de cette langue. Le rapport entre langue et culture – et plus largement entre langue et identité culturelle – appelle quelques développements. La langue est « nécessaire à la constitution d’une identité collective, […] garantit la cohésion sociale d’une communauté, […] en constitue d’autant plus le ciment qu’elle s’affiche. […] Toutefois, « la langue n’est pas le tout du langage. On pourrait même dire qu’elle n’est rien sans le discours, c’est-à-dire ce qui la met en œuvre, ce qui régule son usage et qui dépend par conséquent de l’identité de ses utilisateurs[51] ». La langue est donc le vecteur d’un discours dans lequel la pensée s’informe, et à ce titre, la langue bohémienne telle que parlée par les Bohémiens en Lorraine est liée aux habitudes culturelles et aux structures de pensée de ce groupe. De plus, même en parlant plusieurs langues, on ne fait que « construire un discours propre à son identité culturelle sous l’habillage d’une langue autre[52] ». Les linguistes et les ethnographes observent des variantes aussi bien dans le langage que dans le discours des différents groupes tsiganes – Manouches, Sinte, Roms, Gitans – et il est permis de penser que, partageant une langue d’origine indienne, ces groupes ont pu développer des différences d’ordre culturel au travers de ces variantes. Les Bohémiens lorrains du XVIIIe siècle présentent donc selon toute vraisemblance, en dépit de traits communs avec d’autres groupes tsiganes, des spécificités liées à leur vie dans cette aire de l’Europe occidentale[53]. Pour conclure, si l’on élargit l’analyse à ce qu’on pourrait appeler la culture tsigane, on constate avec Patrick Williams que les Tsiganes, dans leur affirmation identitaire, mettent en œuvre un processus de « détachement-attachement » des cultures non tsiganes. « Selon les endroits et les époques, selon les domaines considérés aussi, les Tsiganes apparaissent plus ou moins “à part” dans la société où nous les rencontrons. […] Ce qui signale ici et à tel moment le détachement peut signaler ailleurs l’appartenance. […] Selon les conjonctures historiques et les stratégies de la vie quotidienne, membres des sociétés installées et membres des communautés tsiganes choisissent de mettre en avant la familiarité ou bien la différence[54]. » Il est entendu que le détachement n’est de toutes les manières jamais total. Conclusion : Le rôle de l’historiographie et de l’ethnographie Les points de vue savants du XVIIIe siècle ont pesé, au travers de leur postérité, sur la vision des Bohémiens. Pour s’en référer aux dictionnaires « éclairés », nous nous bornerons à citer l’Encyclopédie ici qui définit les « Egyptiens ou plutôt Bohémiens [comme une] espece de vagabonds déguisés, qui, quoiqu’ils portent ce nom, ne viennent cependant ni d’Egypte ni de Boheme ; qui se déguisent sous des habits grossiers, barbouillent leur visage & leur corps, & se font un certain jargon ; qui rodent çà et là, & abusent le peuple sous prétexte de dire la bonne-avanture et de guérir les maladies, sont des dupes, volent & pillent dans les campagnes[55] ». L’exemple de la bonne aventure est révélateur d’une confusion entre identification et identité, dans la mesure où cette pratique est présentée comme participant de l’identité bohémienne, mais utilisée seulement dans le champ de l’identification. Si on ne trouve aucune condamnation sur ce seul fondement au XVIIIe siècle[56], la bonne aventure est parfois mentionnée comme activité annexe à la mendicité. Très anecdotique dans les procès, elle est mise en avant dans nombre d’ouvrages savants, apparaissant comme une partie intégrante du schème culturel des Bohémiens[57]. Or, ce n’est finalement qu’une activité reposant sur l’exploitation de la crédulité des populations[58]. Dans le dernier quart du XVIIIe siècle, les philologues allemands lèvent le voile sur l’origine des Bohémiens, en situant leur foyer géographique originel en Inde[59]. La notoriété de l’ouvrage d’Heinrich Moritz Gottlieb Grellmann[60], reprenant de nombreux stéréotypes, fixera le propos savant portant sur les Tsiganes[61]. En guise de conclusion, il faut garder à l’esprit qu’on ne rencontre les Tsiganes « qu’immergés au sein d’une société – et c’est dans le contact avec l’Autre qu’ils deviennent “Tsiganes” ». Et toutes les communautés dites « tsiganes » expérimentent une même situation : « Elles vivent immergées dans une société dont elles se distinguent – on est tenté de dire : “dont elles travaillent à se distinguer”. […] L’immersion est un caractère commun, le détachement en est un autre[62]. » Le fait que les études tsiganes en anthropologie soient marquées par l’histoire de cette discipline universitaire peut expliquer en partie les approximations en la matière et une compréhension biaisée de leur présence en Europe. Judith Okely constate que « née comme étude de l’Autre dans les régions non-occidentales du globe, l’anthropologie sociale s’est voulue connaissance de l’homme dans sa totalité » ; dans ce contexte, cette discipline a été liée aux voyages et entreprises occidentales – exploration, conquête, commerce, colonisation – et l’intérêt pour l’exotique et l’indigène a primé dans les régions concernées. En conséquence, « l’Autre, en tant qu’objet d’étude adéquat, est celui qui se coule le mieux dans le moule de l’exotique ». Les Tsiganes, qui semblent pourtant entrer dans cette catégorie, « ne figurent pas sur la carte ethnographique classique en raison des rapports trop étroits qu’ils entretiennent avec l’Europe géographique et politique[63] ». Dans ces conditions, il est légitime de s’interroger sur l’invention[64], par les philologues du XVIIIe siècle, du Bohémien étranger à l’Europe. L’impression d’extranéité des Bohémiens véhiculée par cette conception pose une sérieuse difficulté à toute étude sur le sujet. Est-il réellement question d’altérité ? Ou plus exactement les Tsiganes cesseront-ils d’être Tsiganes, perdront-ils leur singularité, par la simple abolition de l’altérité ? Leur identité sociale réelle persistante et formée d’individus tous très impliqués dans des réseaux locaux, semble toujours être brouillée par leur singularité conçue comme une altérité, c’est-à-dire en d’autres termes par une identité sociale virtuelle. Jules Admant [1] Maria-Manuela Mendes, « Identité et altérité : les “Ciganos” et les “autres”, les “non-Ciganos” », Études Tsiganes, n° 30, 2007/2, p. 70-108.
[2] Erving Goffman, Stigmate.
Les usages sociaux des handicaps,
1963, Paris, Éditions de minuit, 1975.
[3] Claude Dubar, La
socialisation. Construction des identités sociales et
professionnelles,
Paris, Armand Colin, 1991.
[4] Maria-Manuela Mendes, « Identité
et altérité…», art. cit., p. 78.
[5] Sur les grandes étapes de la
procédure criminelle d’Ancien Régime, se reporter à Lucien Bély
[dir.], Dictionnaire
de l’Ancien Régime,
1996, Paris, PUF, 2010 ; et Jean-Marie Carbasse, Histoire
du droit pénal et de la justice criminelle (1ère éd.
2000), Paris, Presses Universitaires de France, 2006.
[6] Archives départementales de
Meurthe-et-Moselle [désormais ADMM], 48 B 13, procédure
contre des Bohémiens vagabonds, 1728.
[7] L’orthographe est variable :
Chamini, Chamigny.
[8] Extraits des registres
baptistaires de Salmagne (Meuse) et des registres mortuaires
d’Attignéville (Vosges).
[9] ADMM, 48 B 15, procédure contre
Nicolas Laroche, Jean-Baptiste Lacroix et douze autres Bohémiens et
Bohémiennes, 1733.
[10] Cf. Henriette Asséo, « La
“nation errante” : “comtes de petite Égypte” et
“capitaines de Bohémiens” dans l’Europe médiévale et
moderne », dans Claudia Moatti, Wolfgang Kaiser, Christophe
Pébarthe [dir.], Le
monde de l’itinérance en Méditerranée de l’antiquité à
l’époque moderne. Procédures de contrôle et d’identification,
Bordeaux, Ausonius, 2009, p. 113-136.
[11] ADMM, 48 B 8, procédure contre
une troupe de Bohémiens ou Egyptiens lorrains et évêchois
capturés autour de Dieuze, 1717.
[12] Il s’agit d’une petite
étoffe de laine.
[13] ADMM, 11 B 1867, procédure
contre des Bohémiens arrêtés dans le bois de la Reine et des
particuliers de Sanzey, 1739.
[14] Archives départementales de
Moselle, [désormais ADM], B 10 540, procédure contre
Marie La Rivière, Michel Lambert et consorts, 1777.
[15] Antoine-François Prévost, Contes, aventures et
faits singuliers, &c. recueillis de M. l’abbé Prévost,
Paris, Veuve Duchesne, 1767, tome second, p. 207-226.
[16] ADM, B 8141, procédure contre
des Bohémiens, 1737 (interrogatoire de Marie Elizabeth de la
Rivière).
[17] ADM, B 8141, procédure contre
des Bohémiens, 1737.
[18] Les menaces sont expressément
ou vaguement formulées en termes généraux. Par exemple ADM,
B 8 115, procédure contre des Bohémiens, 1721.
[19] Les Trois-Évêchés de Toul,
Metz, Verdun.
[20] Sur le terrain, les étrangers
sont ceux qui ne sont pas natifs du pays (au sens de région) de la
paroisse.
[21] De nombreux maires et officiers
de justice transgressent l’interdiction de délivrer des
certificats et passeports aux Bohémiens.
[22] Cf. David Boutera, « La
question de la désignation et de l’identification des Bohémiens
dans les archives judiciaires bretonnes du XVIIIe siècle », Études Tsiganes,
n° 23-24, 2005, p. 194-204.
[23] ADM, B 8 084, procédure
contre des vagabonds Bohémiens, 1703.
[24] Marie Laforêt, mariée à Jean
Martin ; Catherine Laforêt, mariée à François Robert ;
Barbe Desforets, mariée à Joseph Jullien ; Marguerite
Baptiste, mariée à Jean-François Antoine (dit « De
Launey ») ; et Marguerite Fossaye, mariée à Pierre
Jullien.
[25] Parfois nommé « Saint-Martin »
par les autres accusés. Peut-être son nom de guerre ?
[26] ADMM, 48 B 8,
procédure contre une troupe de Bohémiens ou Egyptiens lorrains et
évêchois capturés autour de Dieuze, 1717.
[27] Au vieux Lixheim.
[28] ADMM, 8 B 150, procédure contre
Jean-Jacob Leinhard, 1736.
[29] On retrouve l’attroupement
familial armé.
[30] ADM, B 10 562, procédure
contre Mathias Reinhard, 1786.
[31] ADM, B 8 141, procédure
contre des Bohémiens, 1737.
[32] ADMM, 48 B 8, procédure contre
une troupe de Bohémiens ou Egyptiens lorrains et évêchois
capturés autour de Dieuze, 1717.
[33] Prendre ici dans le sens de
« nom de famille ».
[34] ADM, B 8 141, procédure
contre des Bohémiens, 1737.
[35] ADMM, 11 B 1 867, procédure
contre des Bohémiens arrêtés dans le bois de la Reine et des
particuliers de Sanzey, 1739.
[36] ADMM, 48 B 15, procédure contre
Nicolas Laroche, Jean-Baptiste Lacroix et douze autres Bohémiens et
Bohémiennes, 1733.
[37] Henriette Asséo, « Mesnages
d’Égyptiens en campagne. L’enracinement des Tsiganes dans la
France Moderne », dans Felice Gambin [dir.], Alle radici dell’Europa. Mori, giudei e zingari nei paesi del
Mediterraneo occidentale. Volume I (secoli XV-XVII),
SEID, Florence, 2008, p. 29-44.
[38] Voir notamment Alain Reyniers,
« Quelques jalons pour comprendre l’économie tsigane », Études Tsiganes,
n° 12, 1998, p. 8-27.
[39] Alain Desrayau, Éléments
de commentaire du discours préliminaire du Code Civil,
Saint-Maur, Novelles, 2006.
[40] Guillaume-François Le Trosne, Mémoire sur les
vagabonds et sur les mendiants,
Paris, P. G. Simon, 1764.
[41] Denis-Laurian Turmeau De La
Morandière, Police
sur les Mendians, les Vagabonds, les Joueurs de profession, les
Intrigans, les Filles Prostituées, les Domestiques hors de maison
depuis long-tems, et les Gens sans aveu,
Paris, Dessain Junior, 1764.
[42] Benoît Garnot, Les
campagnes en France aux XVIe,
XVIIe et XVIIIe siècles,
Paris, Ophrys, 1998, p. 85.
[43] ADM, B 8 117, procédure
contre Anne Delorier et Anne-Elizabeth Bachine, 1740.
[44] ADM, B 8 087, procédure
contre des Bohémiens vagabonds, 1716.
[45] ADM, B 8 115, procédure
contre des Bohémiens, 1721.
[46] Ces théories constituent la
pierre angulaire du jusnaturalisme moderne.
[47] Patrick Williams, « Nous
on n’en parle pas ». Les vivants et les morts chez les
Manouches, Paris,
Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme, 1993. Les
Manouches – ou Sinte, Sinti,
comme ils se présentent dans les pays germaniques –
constituent un groupe tsigane issu d’un foyer germanique :
Hesse, Westphalie, Alsace, Lorraine. Cf. sur ce point Alain
Reyniers, La roue et
la pierre, contribution anthropo-historique à la production sociale
et économique des Tsiganes,
thèse de doctorat, Université Paris V, 2 tomes, 1992.
Par ailleurs, le terme « Tsiganes » est utilisé pour
des raisons de commodité et parce qu’il est communément employé
dans de nombreux travaux de recherche en tant que terme générique.
[48] C’est notamment le cas pour ce
qui est de se procurer leur subsistance, ou pour l’exercice
d’activités commerciales.
[49] C’est-à-dire la langue
romani.
[50] ADM, B 8 141, procédure
contre des Bohémiens, 1737.
[51] Patrick Charaudeau, « Langue,
discours et identité culturelle », Études
de linguistique appliquée,
n° 123-124, 2001/3, p. 341-348.
[52] Ibid.,
p. 347.
[53] La zone géographique au sein de
laquelle évoluent les Bohémiens que nous avons étudiées par le
biais des archives judiciaires, recouvre la Lorraine, l’Alsace,
l’Allemagne, la France, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas.
[54] Patrick Williams, « Une
ethnologie des Tsiganes est-elle possible ? », L’Homme,
n° 197,
2011/1, p. 7-23.
[55] Denis Diderot et Jean Le Rond
D’alembert, Encyclopédie,
ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts, et des métiers,
tome V, Paris, Briasson, 1751-1765, notice « Egyptiens, ou plutôt
Bohémiens » par Edme-François Mallet, p. 438.
[56] Nous prenons comme référence
ici les archives judiciaires de Moselle et de Meurthe-et Moselle.
[57] Les nombreux dictionnaires des
XVIIe et XVIIIe siècles
traitant des Bohémiens mentionnent l’exercice de la bonne
aventure.
[58] Á ce titre, elle n’est
peut-être finalement qu’un élément relevant du
« détachement-attachement » envisagé par Patrick
Williams. Voir Patrick Williams,
« Une ethnologie des Tsiganes est-elle possible ? »,
art. cit., p. 17.
[59] Voir sur ce
point Yaron Matras, « Johann Rüdiger and the study of Romani
in 18th century
Germany », Journal
of the Gypsy Lore Society,
fifth series, 9, 1999, p. 89-116.
[60] Heinrich Moritz Gottlieb
Grellmann, Mémoire
historique sur le peuple nomade, appelé en France Bohémien et en Allemagne Zigeuner avec
un vocabulaire comparatif des langues Indienne et Bohémienne,
traduit par Jean Nicolas Etienne de Bock, Metz, Lamort, 1788.
[61] Henriette Asséo, « Un
cosmopolitisme inavouable. Les Bohémiens dans le préromantisme
européen », dans Sarga Moussa [dir.], Le
mythe des Bohémiens dans la littérature et les arts en Europe,
Paris, L’Harmattan, 2008, p. 83-104.
[62] Patrick Williams, « Une
ethnologie des Tsiganes est-elle possible ? », art. cit.,
p. 19.
[63] Judith Okely, « L’étude
des Tsiganes : un défi aux hégémonies territoriales et
institutionnelles en anthropologie », Études
Tsiganes, n° 4,
1994, p. 39-62.
[64] Au sens de « découverte ».
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