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Dispositifs et modalités de l’expertise
Évolutions des dispositifs de prise en charge de l’IVG et reconfigurations de l’expertise médicale en matière d’orthogénie
Myriam Borel
Résumé | Mots-clés | Sommaire | Texte | Auteur | Notes | Références
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RÉSUMÉ

Cette communication portera sur les effets de l’évolution des dispositifs de prise en charge de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) depuis la loi Veil de 1975 sur les dynamiques des groupes professionnels impliqués dans cette offre de soins. En effet, les dispositifs de prise en charge de l’IVG évoluent en raison des besoins qui se font jour dans les territoires, suivant les innovations médicales mais aussi pour s’adapter aux fluctuations de la démographie médicale.

Plusieurs rapports (Nisand, 1999 ; rapport du HCE f/h 2013) ont montré les insuffisances de la réponse du service public en matière d’accès à l’IVG sur le territoire français depuis la dépénalisation de l’avortement par la loi Veil de 1975. Pour répondre aux nombreux dysfonctionnements et problèmes rencontrés par les femmes dans leur parcours d’IVG, la loi française a régulièrement cherché à améliorer les dispositifs réglementaires de l’encadrement médical de la prise en charge de l’IVG. Dans les suites de la promulgation de la loi HSPT du 21 juillet 2009, notamment, le recours à la voie médicamenteuse a été promu via l’élargissement du champ de compétences des médecins généralistes d’abord (2009), puis par celui des sages-femmes (2016), en réponse à la demande sociale de démédicalisation de l’avortement, ainsi qu’aux impératifs gestionnaires du tournant néolibéral de la politique hospitalière.

Cet essor invite à questionner la nature et la place des professions dans la conduite de l’action publique en matière d’accès à l’IVG : partant de la difficulté d’évoquer la notion d’expertise pour un acte qui, bien que revendiqué comme délicat au regard des risques sur la santé sexuelle et reproductive des femmes, ne suppose pas un geste opératoire très complexe sur le plan technique (aux dires de la plupart des professionnels médicaux concernés par la méthode instrumentale d’IVG), cette communication se propose d’analyser les reconfigurations des modalités de l’expertise médicale dans la prise en charge de l’avortement. Les professionnels de santé sont constamment conduits à redéfinir leur territoire d’exercice ; en outre, l’évolution réglementaire et technique des dispositifs de prise en charge de l’IVG contribuent à la revalorisation de la légitimité de certains groupes professionnels (médecins généralistes, sages-femmes) : si elles visent à stabiliser les formes de coopération entre professionnels, notamment au travers de la création de réseaux ville-hôpital, ces évolutions redessinent l’horizon normatif des professionnels de santé, sur le plan des représentations comme sur celui des pratiques, tout comme elles ont des effets symboliques dans les interactions entre professionnels de santé et avec le public concerné par cette offre de soins. Dans cette communication, nous mobiliserons ainsi les outils de la sociologie interactionniste pour analyser ces évolutions.

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Mots-clés : avortement, groupes professionnels, médicament, loi de modernisation du système de santé 2016
Index géographique  : France, Bourgogne-Franche-Comté
Index historique : xxie siècle
SOMMAIRE

Introduction
I. L’orthogénie : un objet d’expertise ?
1)L’IVG comme « sale boulot » : un enjeu dans la définition des juridictions professionnelles dans le champ de l’orthogénie
2) Le dispositif médicamenteux : un « objet-réseau » qui stabilise la position d’expertise des sages-femmes en orthogénie
II. Le rôle des dispositifs abortifs dans la segmentation agonistique de l’orthogénie
1) La construction d’une expertise relationnelle
2) L’émergence du segment des « sages-femmes orthogénistes »
  Conclusion
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La loi Neuwirth (1967) a légalisé la contraception, et les lois de 1975 et 1979 ont autorisé la pratique de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) sous certaines conditions. Puis la loi Aubry-Guigou en 2001 a reconnu l’avortement comme un véritable droit des femmes, principalement intégré à l’activité des services de gynécologie-obstétrique existants (Collet, 2011). Si l’offre en orthogénie – soit l’ensemble des méthodes médicales de planification et de régulation des naissances  est répartie sur l’ensemble du territoire français, plusieurs rapports publics[1] ont pointé l’insuffisance de l’organisation des soins en matière d’accès à l’IVG : désertification médicale dans les territoires ruraux, départs en retraite des professionnels, fermetures d’établissements de santé, exercice de la clause de conscience de nombreux professionnels expliquent ces inégalités d’accès aux soins.

Cet acte médical peine cependant à être pleinement reconnu par l’ensemble des professionnels de santé qui s’accordent à dire que « l’avortement n’est jamais un acte anodin » ; il est construit comme un droit toujours à part. En examinant les représentations et les usages des dispositifs de prise en charge de l’IVG, nous envisagerons la profession comme un monde en constante évolution, composé de « segments » porteurs de conceptions différentes relatives à la spécificité de leur pratique. Nous montrerons comment les évolutions des dispositifs de prise en charge de l’IVG induisent de nouvelles divisions du travail abortif (tant morales que sexuelles), entre les différents acteurs impliqués, sous-tendant la diversité des groupements et les conflits entre segments qui émergent dans le champ de l’orthogénie.

Le matériau de cette communication est constitué des observations effectuées dans le cadre d’une thèse CIFRE en sociologie financée par l’Observatoire de santé Bourgogne Franche-Comté sur les formes des réseaux de prise en charge de l’IVG en France.

I. L’orthogénie : un objet d’expertise ?

Dans les centres d’orthogénie exercent des gynécologues, des médecins, des sages-femmes et d’autres professionnels. Il s’y pratique les interruptions volontaires de grossesses (I.V.G.), des consultations de contraception, de dépistage des infections sexuellement transmissibles (I.S.T.), de suivi de grossesses et des consultations tout-venant de gynécologie. Mais l’orthogénie peut être également pratiquée de manière connexe à d’autres activités, telle que la médecine reproductive, ou dans des services hospitaliers dédiés au suivi des grossesses pathologiques ; elle peut s’exercer dans divers lieux (centres hospitaliers, établissements de santé, centres de planification, en PMI, etc.). Si l’orthogénie mobilise des savoirs experts, elle s’exerce selon des modes et dans des lieux différents (en médecine de ville ou en établissements hospitaliers), par des professionnels pouvant exercer sous des statuts différents au sein d’un même service (vacataires, titulaires, médecins territoriaux ou praticiens hospitaliers) ; elle peut être exercée de manière exclusive ou annexe dans l’ensemble de l’activité d’un professionnel dans le champ plus large de la périnatalité.

1) L’IVG comme « sale boulot » : un enjeu dans la définition des juridictions professionnelles dans le champ de l’orthogénie

Dans les propos des acteurs, l’activité d’IVG n’est pas le support d’une identité professionnelle spécifique. Dans l’ensemble des actes médicaux en orthogénie, la prise en charge de l’IVG est en effet dévalorisée sur le plan technique et financier par l’institution médicale elle-même (Aubin, Jourdain-Menninger et Chambaud, 2009) ; déclinée en plusieurs consultations, elle est coûteuse en temps médical. L’acte abortif, en particulier instrumental, véhicule une charge agressive dans les représentations, comme dans les pratiques. Le geste abortif semble placer les professionnels au contact d’une « souillure » (Douglas, 1966) :

« L’embryon est gros, à 14 semaines !!! On trouve pas de tubes assez gros pour avaler tout d’un coup… Donc vous déchirez le gamin à l’intérieur ! Des fois, y a la tête qui reste, ça fait une petite bille au fond… Faut prendre une pince pour l’attraper… Ouais, ça peut être gore, quand même. Et on a des états d’âme. » (Bernard, GO, chef de pôle en CH.)

Souvent, l’évocation des émotions suscitées par l’acte trahit le discours public de bienveillance à l’égard de l’IVG, révélant la « mauvaise foi sociale » à propos de l’avortement, irreprésentable refoulé dans l’espace de l’officieux (Boltanski, 2004). Les professionnels disent manquer d’outils pour construire collectivement un sens qui leur permettrait de se défaire de cette agression symbolique. Et ils font face à une demande formulée comme un droit, dont ils ne peuvent tirer aucun prestige, puisqu’il ne s’agit pas de restaurer un ordre perturbé par la maladie. Ils sont alors placés en position de simple exécutant (Gelly, 2006) qui les dérange. Malgré le travail d’euphémisation de cette souillure auquel ils se livrent, en qualifiant le « produit de la grossesse » de « fœtus tumoral » (Boltanski, 2004) afin de légitimer de « donner la mort » (Paillet, 2007), ils n’échappent pas au sentiment d’être contaminés par ce stigmate. Ainsi, les registres de la justification des professionnels rendent compte d’un imaginaire de la compétence qui peine à s’affirmer (Trepos, 1992), en particulier dans le contexte de renouveau des mobilisations pro-life à l’échelle mondiale.

L’IVG peut donc, dans la perspective interactionniste, être considérée comme « sale boulot », délégué par les professionnels en quête de légitimité à un personnel de rang inférieur, de manière à établir un monopole par le jeu combiné de la délimitation d’un territoire d’exercice (Hughes, 1958). Et le dispositif médicamenteux facilite la délégation de cette tâche. Cela explique son essor dans l’offre de soins : le geste chirurgical est abandonné au profit de l’administration du médicament :

« Les internes font les aspirations des grossesses avancées… D’ailleurs, c’est souvent les Med Gé qui font les IVG. Les gynécos, ils disent que c’est pas leur job, quoi ! » (Céline, MG, 33 ans, vacations d’orthogénie en CH.)

La délégation du sale boulot abortif s’opère en cascade dans la hiérarchie médicale : les gynécologues obstétriciens le délèguent aux gynécologues médicaux ou aux internes de spécialité en formation, qui en retour apprécient de le voir délégué aux sages-femmes. L’extension de leur champ de compétence à la prise en charge médicamenteuse en janvier 2016 est vite retraduit comme une surcharge de travail dans les propos de certaines enquêtées, même très impliquées dans la prise en charge de l’IVG. Ainsi s’exprime Sophie, sage-femme échographe en centre périnatal de proximité d’un territoire rural :

« Personne ne veut faire l’IVG à certains endroits, donc ils sont contents qu’il y ait des sages-femmes qui veulent bien s’y coller ».

Les sages-femmes hospitalières impliquées dans le travail abortif tendent elles-mêmes à déléguer ce « sale boulot », selon l’ordre des priorités habituellement accordé aux tâches qui leur incombent, dans les choix organisationnels des services où elles travaillent. Dans le cas de l’enquêtée suivante, les femmes entrées dans un parcours d’IVG chirurgicale sont accueillies dans le service des « grossesses pathologiques », pour lesquelles les représentations de l’urgence, de la gravité, et de la technicité des gestes sont très différentes :

 « C’est important que je fasse mon travail dans le service des grossesses patho, et si j’ai pas le temps, ben c’est vrai que c’est l’auxiliaire de puériculture, avec moi dans le service, qui va faire mon travail à côté, quoi… » (Aurélie, sage-femme hospitalière, maternité de niveau 2B, 37 ans)

2) Le dispositif médicamenteux : un « objet-réseau » qui stabilise la position d’expertise des sages-femmes en orthogénie

En mobilisant un concept issu de la sociologie de la traduction, nous considérons le dispositif médicamenteux comme « objet-réseau »[2] exerçant une « fonction de convergence » entre acteurs différents, ici ceux du champ médical et de l’action publique, aux valeurs et aux intérêts propres. S’il peut exercer cette fonction de convergence, c’est qu’il est, pour tous, attractif au regard des évolutions organisationnelles induites par la loi HPST de juillet 2009. Affirmant une volonté politique de moderniser les établissements publics de santé, cette loi faisait de la performance l’un des axes principaux d’une organisation territoriale du système de santé. L’offre de soins en matière d’IVG permise par le dispositif médicamenteux s’inscrit donc dans la logique du « virage ambulatoire » qui recentre l’hôpital sur les activités de soins et non plus sur l’hébergement[3] en optant pour des modes d’organisation qui permettent un gain d’efficacité et d’optimisation des temps d’utilisation des infrastructures (blocs opératoires, lits, etc.) tout en réduisant les coûts. Le virage ambulatoire suppose donc l’intervention d’une pluralité d’acteurs et de lieux (établissements de santé, professionnels libéraux, établissements médico-sociaux).

Dans ce contexte organisationnel et territorial, le dispositif abortif médicamenteux offre l’intérêt de faire converger les objectifs des agences régionales de santé chargées de décliner en région le programme national d’action de renforcement de l’accès à l’IVG mis en place en janvier 2015, mais aussi des conseils départementaux tenus par le décret du 6 mai 2009 à l’obligation de permettre la mise en œuvre généralisée de l’article 71 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 prévoyant le conventionnement des centres de planification ou d'éducation familiale, des centres de santé ou des praticiens pour l’accès à l’IVG médicamenteuse. Il rencontre également l’intérêt des gestionnaires des centres hospitaliers qui y voient une source d’économie en moyens humains et matériels, de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, et des professionnels de santé libéraux.

Le dispositif médicamenteux a permis un redéploiement de l’offre de soins, avec un raccourcissement des délais d’attente et un développement des prises en charge à des âges gestationnels plus précoces. 30 % des IVG étaient ainsi réalisées par voie médicamenteuse en 2001, contre 67 % en 2017. Les analyses régulières des données médico-administratives montrent que les IVG médicamenteuses en cabinet de ville, en centre de santé et CPEF représentent une part croissante du total des IVG réalisées sur le territoire (18 % du total des IVG en 2015[4] ). À l’intérieur du périmètre normatif délimité par ses règles d’usage, le dispositif médicamenteux est le support d’une multiplicité d’ajustements[5], qui fractionnent l’exercice de l’expertise médicale, pour répondre aux contraintes organisationnelles du travail en équipe et aux nécessités d’une coordination à l’échelle territoriale, comme pour s’adapter aux besoins de la patientèle. Le dispositif médicamenteux se présente alors comme l’un des supports au travers desquels la prise en charge de l’IVG relève d’un « ordre social négocié »[6] (Strauss, 1992).

Mais l’observation montre que la responsabilité en revient plus souvent aux sages-femmes, selon une répartition des tâches très segmentée. Elles peuvent se voir confier la prise en charge intégrale des IVG médicamenteuses ou n’assurer que la surveillance post-opératoire des IVG instrumentales, en fonction des effectifs, et/ou de leurs compétences (diplômes d’échographie, de gynécologie ou formation en orthogénie).

L’enquête montre aussi une multiplicité des modalités de la division du travail abortif au sein des réseaux ville-hôpital à l’échelle de la région. Si la répartition reste variable selon les départements[7], le schéma suivant montre que l’avortement est majoritairement pris en charge par des médecins généralistes et des sages-femmes dans la région couverte lors de notre enquête de terrain (fig.1).

fig.1 Répartition de la division du travail abortif sur le territoire
fig.1 Répartition de la division du travail abortif sur le territoire bourguignon
© M. Borel

L’essor du dispositif abortif médicamenteux, en résonnance étroite avec une demande sociale de démédicalisation de l’avortement (Schnegg, 2007), a permis la stabilisation de la position d’expertise des sages-femmes dans le champ de l’orthogénie. Sur les lieux de travail, le travail abortif est l’objet d’une segmentation organique (Champy, 2012) rendue possible par les qualités d’objet-réseau du dispositif médicamenteux. Mais le plus souvent, sur le terrain, l’observation a montré qu’il n’existait guère de collégialité entre professionnels autour de la prise en charge de l’avortement : l’idée d’une complémentarité des spécialisations et des savoirs des membres des différents segments n’est pas dominante, la délégation de la prise en charge du « sale boulot abortif » servant à faire reconnaître le monopole d’autres compétences plus valorisées.

II. Le rôle des dispositifs abortifs dans la segmentation agonistique de l’orthogénie

La manière dont le dispositif médicamenteux a été promu par l’État dans un objectif de santé publique d’amélioration de l’accès à l’IVG, puis approprié par les sages-femmes et les médecins généralistes, invite à penser ces dynamiques professionnelles dans une temporalité longue (Abbott, 1988) pour rendre compte des reconfigurations des savoirs et des pouvoirs professionnels. Les sages-femmes s’emparent de la compétence abortive – et des dispositifs socio-techniques qui en sont les instruments – pour conquérir le territoire de l’orthogénie, en cherchant à faire valoir leur légitimité et leur expertise propres.  

1)  La construction d’une expertise relationnelle

Historiquement construite comme étant « à compétence limitée », la profession de sages-femmes, en quête de spécialisation (Jacques, 2007, Charrier, 2007, Schweyer, 1996), est prise dans une compétition continuelle vis-à-vis des autres groupes professionnels du champ de la périnatalité (Gélis, 2008 ; Sage-Pranchère, 2017).  Les sages-femmes ont investi le versant relationnel de leur activité, se livrant à un travail de réinterprétation permanent de la spécificité de leur mission, notamment lorsque des innovations viennent bousculer la division du travail (Carricaburu, 1994). Ainsi, dans le contexte de la médicalisation croissante des gestes de la parturition, les sages-femmes ont lutté pour défendre leur compétence dans certains segments spécifiques du suivi de la vie génésique des femmes (l’accompagnement global de la grossesse, ou l’accouchement physiologique en maison de naissance). Actuellement, tandis que les violences obstétricales sont en passe de devenir un problème public[8], les sages-femmes revendiquent le respect de l’intégrité corporelle de leurs patientes : pas d’examen sans recueil du consentement des patientes, respect du besoin d’intimité, etc. Leur rhétorique professionnelle s’articule autour de l’affirmation de dispositions à un accompagnement relationnel dans la prise en charge de la santé des femmes (Knibiehler, 2007). Elles revendiquent leur connaissance de la physiologie, de l’anatomie et de la psychologie féminines. Sollicitude et bienveillance constituent des schèmes essentiels de leur rhétorique professionnelle, par opposition aux obstétriciens qui ne réfléchiraient qu’au prisme de l’intervention médicale. Elles affirment reconnaitre le besoin de réassurance des femmes, acquièrent des compétences spécifiques (haptonomie, acupuncture, sophrologie) pour justifier de la particularité de leur savoir-faire, notamment dans le soulagement des douleurs (Jacques, 2007). Le travail d’élaboration de l’expertise en orthogénie des sages-femmes se fonde sur une rhétorique relationnelle[9] construite sur une éthique du care, penser comme « capacité à prendre soin d’autrui » (Gilligan, 1982) : la connaissance empirique, intime, physique, des moments où les femmes font à la fois l’expérience de la vulnérabilité comme de leur puissance, est une compétence relationnelle spécifique.

La légitimation de leur expertise en orthogénie s’articule donc autour de schèmes tels que la capacité à se montrer bienveillantes, en particulier pour reconnaître l’ambivalence de la demande d’IVG (entre situation d’urgence et décision difficile à prendre). Leur expertise relève d’une vision globale de la santé, incluant les dimensions biomédicale, psychologique, sociale, environnementale et politique :

« Depuis que je pratique des IVG médicamenteuses, je suis sortie de l’utérus obstétrical. C’est vrai que dans la formation de sages-femmes, on te concentre sur l’obstétrique, et t’en oublies qu’il y a une femme avec une histoire, derrière. » (Marjorie, SF hospitalière, zone urbaine)

Le champ d’intervention légitime des sages-femmes est encadré par le code de la santé publique définissant la liste des actes médicaux qui leur sont autorisés.  Ceux-ci relèvent de l’eutocie (le « physiologique »), par opposition à la dystocie qui relève des compétences des obstétriciens (Clavandier et Charrier, 2013 ; Knibiehler, 2007). Mais les frontières entre eutocie et dystocie sont constamment brouillées en raison des choix organisationnels des services. C’est une donnée de l’enquête de terrain : partout, constamment, gynécologues-obstétriciens et sages-femmes se renvoient dos à dos la responsabilité de ne pouvoir exercer dans leur domaine de compétence propre, et d’avoir constamment à rattraper les fautes professionnelles, les manquements à la déontologie comme les transgressions. Or la prise en charge de l’avortement est analysée au prisme de cette catégorisation : pour certaines, il est dit « physiologique », tandis que, pour d’autres, il est « pathologique ». Bien plus qu’un jugement sur la légitimité de l’IVG, cette catégorisation est une façon de définir cet acte médical comme appartenant à leur territoire d’exercice. L’enjeu ici est celui de la légitimité et de la respectabilité dans la division du travail.

« J’ai des retours sur des IVG qui se sont très mal passées, avec des personnes qui étaient inhumaines… Des patientes qui n’ont pas eu les bonnes explications… Je ne dis pas que je suis parfaite au niveau des explications, mais humainement, je fais mon possible. » (Bénédicte, SF libérale, 34 ans, zone rurale.)

Or, dans un contexte national de raréfaction de l’offre de soins en matière d’IVG, les sages-femmes orthogénistes se livrent actuellement à une contestation de la légitimité des savoirs experts des spécialistes de gynécologie-obstétrique, ainsi qu’à une controverse sur les modalités de l’expertise en orthogénie.

2) L’émergence du segment des « sages-femmes orthogénistes »

Nous analysons l’émergence de segment intra-professionnel comme mouvement social, adossé à l’introduction de nouveaux dispositifs de prise en charge de l’avortement ayant conduit à de nouvelles concurrences interprofessionnelles. Parmi les sages-femmes, certaines se mobilisent pour revendiquer la légitimité de leur groupe professionnel à prendre en charge l’IVG avec cet argument central que les sages-femmes sont, seules, habilitées à proposer des réponses différentes aux femmes dans l’offre de soins en matière d’IVG.

L’Association Nationale des Sages-Femmes Orthogénistes (ANSFO) est née en novembre 2009, en opposition à la fondation du collectif des « Sages-femmes de demain »[10], en janvier de cette même année, et qui avait mené une campagne massive de lutte dans les rangs des professionnels et dans la presse[11] contre le projet de loi sur l’élargissement du champ de compétences des sages-femmes à la prescription de l’IVG médicamenteuse[12]. Forte de ses expériences professionnelles et des acquis de sa formation continue, Marjorie Agen a souhaité défendre la position d’expertise des sages-femmes en orthogénie, au point qu’il a fallu inventer une qualification pour son groupe professionnel, sur la base d’une pratique, requalification qui a permis l’émergence du segment :

« Et quand j’ai monté le truc, j’ai dit “orthogéniques”. Mais en fait, il fallait réinventer l’adjectif, qui n’existait pas. Parce que c’est les pratiques qui sont orthogéniques, pas les praticiens […]. On a changé le nom. On a reposé les statuts, l’année d’après, pour passer à “istes”. J’ai eu l’impression que ça a re-déclenché l’utilisation du mot “orthogénie”. En termes de vocabulaire, il y a eu un impact ; c’était rendu plus visible » (Marjorie Agen, fondatrice de l’ANSFO) .

L’association s’est dotée d’un site dédié à l’information et à la formation des sages-femmes en orthogénie[13]. L’association affiche une dimension militante d’éducation populaire et féministe ; elle entend « développer – avec la population – de meilleures conditions d’accès aux soins orthogéniques et favo­riser la prise de conscience individuelle et collective des femmes et des hommes face à la régulation des naissances, à la santé et à la prévention »[14]. Avant la loi de 2016, les militantes de l’association pointaient les contradictions dans les textes de loi et les écarts criants avec les réalités de terrain ; elles insistaient aussi sur l’importance de faire reconnaître la compétence « psycho-médico-sociale » des sages-femmes, de manière à valoriser la profession comme personnels de premier recours dans le suivi des femmes en bonne santé. Les représentantes de l’ANSFO sont présentes dans les espaces d’échanges professionnels, où elles procèdent à un travail de réassurance auprès de leurs pairs pour les inciter à s’impliquer en orthogénie. Leur argumentation consiste en la réaffirmation des normes médico-légales qui encadrent cette pratique (respect des protocoles établis, des recommandations, de la loi[15]). Elles soulignent leur légitimité en insistant sur l’importance de dispenser une information de qualité aux femmes. Cette revendication de professionnalité (Castra, 2003)[16] permet d’affirmer que cette prise en charge n’entre pas en confrontation avec les principes adoptés dans d’autres champs de leur pratique. Mené entre pairs dans des espaces de socialisation professionnelle dédiés à la défense de l’orthogénie[17], ce travail renforce la légitimation de l’acte d’IVG. Marjorie Agen témoigne de l’importance qu’ont eu les mobilisations de l’ANSFO dans ces arènes :

« Tout le monde n’est pas encore sensibilisé. Tenir un stand comme ça, dans un congrès, y a encore 5 ou 6 ans […] Tu pouvais avoir des regards vachement agressifs… Maintenant ça devient presque une évidence que les sages-femmes commencent à faire des IVG : je pense que c’est notre petit travail, au fur et à mesure, qui a permis ça. »

Fortes de l’élan que leur a donné la loi de 2016, les représentantes de ce mouvement oeuvrent auprès des pouvoirs publics dans l’objectif affiché de remédier aux dysfonctionnements de l’offre de soins en orthogénie[18]. L’association joue un rôle de veille dans les équipes hospitalières et dans les territoires, recueille les témoignages des manquements à l’objectif de santé publique :

« Notre rôle, c’est de faire appliquer le droit. Si des chefs de service n’appliquent pas les lois, ils sont dans l’illégalité. Et alors, qui les remet sur la route ? Il faut dire aux ARS que leur travail n’est pas de fermer les maternités et de s’occuper des budgets, mais de faire appliquer la loi à l’intérieur des services. Nous, en tant qu’ANSFO, on doit le faire. » (Chantal Birman[19], vice-présidente, Assemblée générale de l’ANSFO, 19 mai 2019).

L’ANSFO opère une montée en généralité, pour faire valoir l’expertise des sages-femmes en orthogénie, au nom des valeurs qui sous-tendent leur rhétorique professionnelle (l’« humanité », la solidarité envers les femmes, le dévouement, la transmission et le sens de la collégialité)[20]. À cette fin, elles prennent appui auprès de professionnels alliés à la cause du mouvement[21], procèdent à des évaluations quantitatives[22] destinées à objectiver le besoin d’obtenir cette nouvelle reconnaissance de leur professionnalité : la compétence chirurgicale. Car derrière cette revendication de contribuer à défendre un intérêt supérieur, la santé publique, c’est toute l’histoire de leurs luttes définitionnelles qui est à nouveau rejouée avec cette revendication de l’usage des dispositifs techniques chirurgicaux, instruments de pouvoir hautement symboliques depuis les origines de la professionnalisation des accoucheurs (Gelis, 2008) :

« Notre rôle, c’est de défendre les droits des femmes… et des sages-femmes ! Déjà que, dans la plupart des services, pour avoir des plages opératoires en IVG, il faut se prostituer ! Il faut qu’on comprenne, nous, les sages-femmes, que le bloc opératoire, c’est le lieu ritualisé de la puissance médicale. Y faire rentrer des sages-femmes qui demanderaient aux anesthésistes d’endormir les femmes pour qu’elles puissent opérer… C’est une révolution culturelle ÉNORME !!! Bien sûr qu’il faut demander l’aspiration au niveau des sages-femmes. Mais il faut bien réfléchir, ensemble, à comment NOUS protéger de ce qui va NOUS arriver, avec les médecins… Parce que s’il faut qu’on passe à la casserole, pour bien leur montrer que c’est encore EUX qui peuvent nous baiser… Il en est hors de question !!! (Tout le monde s’esclaffe). » (Chantal Birman, AG de l’ANSFO, extrait du journal de terrain, 19 mai 2019).

 

L’argumentaire ci-dessus montre combien la division du travail – et en particulier du travail abortif – dans les organisations hospitalières et territoriales recoupe la dimension genrée des luttes de territoires entre le groupe professionnel des obstétriciens, majoritairement masculin, et celui des sages-femmes, composé presqu’exclusivement de femmes (Charrier, 2007). La mobilisation, dans l’argumentation, de l’idée d’une oppression spécifiquement masculine à leur encontre, issue d’un groupe professionnel disposant de tous les attributs effectifs et symboliques du prestige et du pouvoir, est l’argument qui permet de renforcer la « communalité » des sages-femmes orthogénistes – le fait de partager une catégorie, celle de participer à l’offre de soins en matière d’IVG – et même d’avoir des liens concrets – être fédérées au sein d’une association – : c’est ce sentiment d’appartenir à un segment professionnel particulier, limité et solidaire, dans le champ concurrentiel de la périnatalité des rapports sociaux de sexe, - ce que Léonie Hénaut et Frédéric Poulard[23] nomment la « groupalité » d’un mouvement social. Autrement dit, c’est en mobilisant à nouveau l’argument des rapports sociaux de sexe – l’un des schèmes constitutifs de la rhétorique professionnelle des sages-femmes – que se cristallise le sentiment d’appartenance et qu’une montée en généralité est permise dans l’action collective, visant l’infléchissement de la dynamique du groupe professionnel. Et, une fois encore, ce sont les débats autour des usages d’un dispositif de prise en charge qui ont permis cette « groupalité ».

Conclusion   

Le dispositif abortif médicamenteux a été analysé comme objet-réseau cristallisant des tensions entre des pratiques de prise en charge de l’avortement : en permettant de parachever en quelque sorte un processus de délégation du sale boulot abortif, tout en opérant une convergence entre des intérêts très divergents, il stabilise les modalités de coopération entre professionnels de santé et acteurs institutionnels engagés dans la mise en œuvre des politiques de santé publique en matière d’avortement. Différenciés selon les choix organisationnels des établissements hospitaliers et des réseaux de périnatalité, les usages des dispositifs abortifs (médicamenteux et chirurgicaux) traduisent les conflits qui traversent les différents groupes professionnels  dans les luttes définitionnelles de leur territoires d’exercice respectif dans le champ de la périnatalité : en réponse à l’invitation de ce séminaire des Transversales, l’expertise en orthogénie a été envisagée comme un état provisoire, occupé de manière incertaine (Trepos, 1996) et objet de mobilisation de la part des sages-femmes depuis qu’elles ont obtenu l’élargissement de leur champ de compétence en 2009, pour la prescription et la pose de contraceptifs, et en 2016 pour la prescription de l’IVG médicamenteuse. Ces réflexions engagent à mobiliser les outils de la sociologie processuelle des groupes professionnels pour analyser la transformation structurelle de ces groupes dans le champ de la périnatalité : plus spécifiquement, nous avons souligné comment les dispositifs abortifs étaient investis par les sages-femmes, en analysant l’émergence du segment intra-professionnel des « sages-femmes orthogénistes », comme mouvement social permis par la « groupalité » de ces dernières, à savoir leur sentiment d’appartenir à un segment professionnel particulier, limité et solidaire, dans le champ concurrentiel de la périnatalité.

Bibliographie :

ARTICLES :

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OUVRAGES

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Rapport de la Commission IVG du Ministère des Affaires sociales et de la santé, IVG : état des lieux et perspectives d’évolution du système d'information, juin 2016.

 

 

Haut de page AUTEUR

Myriam Borel,
Centre Georges Chevrier, UMR 7366 uBFC/CNRS
(Sous la direction de Jean-Christophe Marcel)

Haut de page NOTES



[1] Claire Aubin, Danièle Jourdain Menninger et Laurent Chambaud, Évaluation des politiques de prévention des grossesses non désirées et de prise en charge des interruptions volontaires de grossesse suite à la loi du 4 juillet 2001, pour l’Inspection générale des Affaires sociales en 2009, ou le Rapport relatif à l’accès à l’IVG, volet 2 : l’accès à l’IVG dans les territoires, rapport n° 2013-SAN-009 publié le 7 novembre 2013 pour le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.
[2] Vincent Boissenat, « Un “objet-réseau” : la radiographie de dépistage du cancer du sein », dans Geneviève Cresson, Marcel Drulhe ; François-Xavier Schweyer [dir.], Coopérations, conflits et concurrences dans le système de santé, Rennes, Éditions de l’EHESP, Collection Recherche Santé Social, 2003. 
[3] Maurice-Pierre Planel, Frédéric Varnier, Olivier Véran (préface), Les fondements du virage ambulatoire. Pour une réforme du système de santé, Rennes, Presses de l’EHESP, juin 2017.
[4] IVG : état des lieux et perspectives d’évolution du système d'information, rapport de la Commission IVG du ministère des Affaires sociales et de la Santé, juin 2016, p. 21.  
[5] Vincent Lavoué et al., «  L’interruption volontaire de grossesse médicamenteuse de 12 à 14 semaines d’aménorrhée : étude rétrospective portant sur 126 patientes », Journal de Gynécologie obstétrique et Biologie de la reproduction, 2011, vol. 40, n° 7, p. 626-632.  
[6] Anselm Strauss, La Trame de la négociation, Sociologie qualitative et interactionnisme, textes réunis et présentés par Isabelle Baszanger, Paris, éditions L’Harmattan, 1992.
[7] Lors du staff IVG du réseau périnatalité régional en 2018, mandatée par la commission IVG, nous avons présenté une analyse de la répartition de ces professionnels sur le territoire. Il s’agissait d’objectiver les besoins de recrutement qui vont se faire jour prochainement.  
[8] « Les actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical », Rapport du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, juin 2018.  
[9] Catherine Paradeise, « Rhétorique professionnelle et expertise », Sociologie du travail, 1985, vol. XXVII, n° 1, p. 17-31.
[10] Le collectif comptait 2 000 membres en 2009. Dans l’entretien que j’ai mené avec elle, Margorie Agen, fondatrice de l’ANSFO, raconte que dans son établissement hospitalier, les sages-femmes avaient reçu une carte postale du collectif appelant à se mobiliser contre le projet de loi de santé. C’est le contenu de l’argumentation, ainsi que la somme des moyens déployés, qui l’avaient incitée à réagir.  
[11] Dans les médias, plusieurs articles sont parus dans Famille chrétienne, Le Figaro entre 2009 et 2016.  
[12] URL : https://www.sages-femmes.info/defendons-ensemble-notre-metier. L’élargissement du champ de compétence à la prise en charge de l’IVG médicamenteuse était entendu par les membres de ce collectif comme une « dénaturation » de « l’essence » de leur profession.  
[14] Céline Glorie, alors vice-présidente de l’ANSFO, dans « IVG : quelles perspectives pour les sages-femmes ? », Les Dossiers de l’Obstétrique, n° 416, juin 2012.  
[15] Marjorie Agen se déplace beaucoup en France pour dispenser des formations sur l’IVG médicamenteuse, notamment. Je publie ici un lien pour une formation dispensée en 2014 : https://ansfl.org/document/sage-femme-liberale-et-ivg-marjorie-agen-presidente-ansfo-colloque-ansfl-mai-2014.  
[16] Michel Castra, dans Geneviève Cresson, Marcel Druhle, François-Xavier Schweyer, Coopérations, conflits et concurrences dans le système de santé, Rennes, Editions de l’EHESP, collection Recherche Santé Social, 2003.  
[17] L’Association Nationale des Centres d’IVG et de Contraception (ANCIC), ou le Réseau Entre la Ville et l’Hôpital pour l’Orthogénie (REVHO). 
[19] Dans les années 1970, elle a été l’une des premières sages-femmes à pratiquer des avortements dans l’illégalité, au sein du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC) dissous en 1975. Elle est connue pour avoir été l’une des membres de l’équipe de la maternité des Bleuets, ancienne « clinique des « métallos » située non loin du « 94 », local de la fédération CGT des métallurgistes de la rue Jean-Pierre Timbaud, où le docteur Fernand Lamaze a pratiqué pour la première fois en 1954 la méthode psychoprophylactique d’accouchement sans douleur, dont il a été le promoteur en France. Membre du conseil d’administration de l’ANCIC, Chantal Birman dispose d’une grande visibilité médiatique : elle est aussi vice-présidente du Conseil départemental de l'ordre des Sages-Femmes de Seine-Saint Denis et représentante des sages-femmes libérales au Collectif des associations et des syndicats de sages-femmes (CASSF) et à la Société française de maïeutique (SFMA). Elle est aussi membre du  comité de rédaction des Dossiers de l’obstétrique.
[21] URL : https://www.sages-femmes-orthogenistes.org/lettre-ouverte-des-medecins-favorables-a-la-pratique-de-livg-instrumentale-par-les-sages-femmes-2. La connaissance des enjeux financiers aussi bien que des rapports de pouvoir entre acteurs, permet à ces entrepreneurs de cause (Becker, 1985) de se positionner comme porte-parole à l’interface de plusieurs réseaux militants dans le champ de l’orthogénie : le Mouvement français pour le planning familial (MFPF), l’Association nationale des centres d’IVG et de contraception (ANCIC), l’International Federation of Professional Abortion and Contraception Associates (FIAPAC), le Réseau entre la ville et l’hôpital pour l’orthogénie (REVHO).
[22] URL : https://www.sages-femmes-orthogenistes.org/enquete-ansfo-sur-la-pratique-des-ivg-medicamenteuses-par-les-sages-femmes. Il s’agit d’un questionnaire en ligne sur les pratiques exactes de l’IVG, destiné à récolter des données permettant aux sages-femmes d’appuyer leur travail d’argumentation auprès des autorités publiques pour obtenir la compétence instrumentale en orthogénie. L’enquête comporte des items sur la formation, le mode d’exercice, la trajectoire professionnelle, les procédures adoptées, les problèmes rencontrés, etc.
[23] Léonie Hénaut et Frédéric Poulard, « Faire groupe au sein d’un groupe : la structuration des segments professionnels », SociologieS, dossier « Identité au travail, identités professionnelles », novembre 2018. En ligne : http://journals.openedition.org/sociologies/8798.

Haut de page RÉFÉRENCES

Pour citer cet article :
Myriam Borel, « Évolutions des dispositifs de prise en charge de l’IVG et reconfigurations de l’expertise médicale en matière d’orthogénie », Revue TRANSVERSALES du Centre Georges Chevrier - 16 - mis en ligne le 12 février 2020, disponible sur :
http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/Transversales.html.
Auteur : Myriam Borel
Droits :
http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/publications/Transversales/menus/credits_contacts.html
ISSN : 2273-1806