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Corps, Lieux et Appartenances
Lieux familiers et identité : l’exemple du Club des Américaines de Paris
Linda Yining Zuo
Résumé | Mots-clés | Sommaire | Texte | Auteur | Notes | Références
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RÉSUMÉ

Le Club des Américaines de Paris fut un espace à la fois géographique, matériel et intimement empreint des liens socio-culturels. Que se passe-t-il pour l’identité en cours de construction lorsque ces formes de « chez nous » disparaissent ou s’éloignent ? Quelles en sont les conséquences sur l’espace propre qu’est le corps de l’artiste ? Le cas particulier des artistes américaines expatriées à la fin du siècle nous amène à apprécier dans quelle mesure le lieu peut fonctionner comme une sorte d’enveloppe du soi et les appartenances qui le définissent, dont la perte vient toucher l’identité même de ses habitants.

Haut de page MOTS-CLÉS

Mots-clés : peinture, artiste américain, corps, appartenance, nu féminin, communauté artistique, expatrié, identité nationale
Index géographique : Paris, États-Unis
Index historique : xixe siècle
SOMMAIRE

I. Introduction
II. Esquisse historique du Club
III.Construction d'une appartenance
1) L’Américaine à Paris : quand le lieu crée l’appartenance
2) L’art des Américaines aux États-Unis
3) Le corps de l’artiste dans son œuvre
IV. Quand l’appartenance fait le lieu
V. Pour conclure
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I. Introduction

« Ce qui pousse les citoyens américains à quitter leur pays, note en 1887 le journaliste Albert Sutliffe, correspondant à Paris du San Francisco Chronicle, c’est d’abord le plaisir [...] et enfin, l’éducation. »[1]

Ce sentiment est très largement partagé par son lectorat, qui, malgré les avantages indéniables d’une éducation artistique à Paris, hésite à traverser l’Atlantique pour en bénéficier. Raison principale : la réputation libertine de la capitale française, une Nouvelle Babylone où règne « la tyrannie du commerce aux idées vénales et étroites, aux instincts vaniteux et fourbes »[2], où le talent et l’ambition finiraient noyés dans l’absinthe et où les jeunes filles respectables sont plus susceptibles de devenir prostituées que peintres. Ces récits d’horreur effarouchent les Américains « de bonne société », où l’héritage des Pilgrims Fathers, le puritanisme, pèse toujours lourdement. C’est donc avec l’intention de protéger les élèves américaines contre la dégénérescence morale que l’American Girls’ Club[3] ouvre ses portes en septembre 1893, avec le soutien financier d’Elisabeth Mills Reid, philanthrope et activiste sociale.

Malgré le fait que le club soit essentiellement une pension glorifiée (avec en plus une réglementation « extrêmement stricte »[4]), il devient très vite un centre d’activité important pour la communauté expatriée à Paris, organisant des événements tels que le dîner de Thanksgiving et le bal du Printemps. « (Le club) était le centre de ma vie à Paris », se souvient la peintre Anne Wilson Goldthwaite[5], et ceux qui ne résidaient pas au club « se donnaient beaucoup de mal pour être invité […] tout le monde voulait une entrée [sic], on vivait si bien ici. »[6]

Ce que Goldthwaite a à l’esprit en parlant d’« ici » est bien évidemment le lieu physique du club, mais le « vivre ici » ne se limite certainement pas au simple fait d’habiter dans le bâtiment, puisque si Goldthwaite s’installe dans son propre appartement en 1909, elle continue à dîner régulièrement au club et s’identifie toujours comme membre.

Selon Patrick Prado, pour différencier un lieu de n’importe quel espace, « c’est le rendre non seulement viable, ce qu’est tout espace neutre, mais vivable. C’est dire que son usage est centré, qualitativement centré », et dans les espaces non-habités, « il n’y a pas d’acteurs [...], seulement des consommateurs, comptabilisés, et uniquement pour un usage déterminé à l’avance. »[7]

Des questions apparaissent alors : qu’advient-il des lieux si ses habitants partent ? Est-ce que le sentiment d’appartenance à ce lieu s’estompe une fois que les « acteurs » s’en vont ? Comment délimiter un lieu s’il correspond à des espaces (physiques) différents selon ces mêmes acteurs ? L’« ici » des souvenirs de Goldthwaite a-t-il encore un sens ? La diversité des parcours individuels rend une réponse univoque impossible, mais dans cet article, nous tenterons d’examiner le lien entre lieu et appartenance, et le devenir de cette appartenance quand le corps n’est plus sur les lieux.

II. Esquisse historique du Club

Elisabeth Mills (1858-1931), fille d’un banquier californien richissime, avait grandi entourée des peintures « de Salon » dont l’Amérique était friande à cette époque-là. Elle a arrêté ses études à Paris pour se marier avec Whitlaw Reid, alors l’éditeur du New York Tribune, et le jeune couple a parcouru le Vieux Continent avant de retourner à Paris suivant la nomination du mari au poste d’ambassadeur en 1889. Les Reid montent avec enthousiasme sur la scène sociale parisienne, et c’est à ce moment-là qu’Elisabeth Reid commence à s’intéresser au bien-être des jeunes Américaines à Paris, qui, aux dires de la presse, souffrent terriblement, soit de la corruption morale, soit des conditions de vie misérables dues à l’avidité des propriétaires parisiens.

Avec les dons et l’enthousiasme de la communauté expatriée, ce qui avait débuté comme des petites soirées hebdomadaires chez le révérend Newell est rapidement devenu une association[8], et quelques années plus tard, le site idéal pour le club des Américaines s’est libéré, 4 rue de Chevreuse.

Emily Meredith Aylward, Afternoon Tea at the Club, Scribner’s Magazine, vol. 16, novembre 1894, p. 604 fig.1 Afternoon Tea at the Club, Scribner's Magazine, vol 16, novembre 1894, p. 604
Source : © Getty Images

L’ensemble des bâtiments, à l’origine une fabrique de porcelaines avant d’être converti en école protestante, attire l’attention de Madame Reid car elle connaît le lieu[9] mais aussi par sa proximité avec l’Ecole des Beaux-Arts[10], les ateliers de William Bouguereau, James McNeill Whistler et Jean-Paul Laurens et – surtout – Saint Luke’s Chapel, où le révérend Newell exerce ses fonctions de pasteur.

<b>fig.2 </b>Chapelle Saint Lukefig.2 Chapelle Saint Luke, Little tin church, Paris, Club des Américaines
Source : © Getty Images

En 1913, Madame Reid achète la propriété adjacente et fait construire une annexe qui comprend sept ateliers d’artistes donnant sur le jardin, ainsi qu’une grande salle pour accueillir les événements qui commencent à attirer trop de monde pour la salle de réception.

Bien que sur le papier, le club ne compte qu’une cinquantaine de membres, ce critère d’être hébergé rue de Chevreuse paraît bien restrictif pour les Américaines de Paris[11], qui se sentent tout aussi bien « ici » que Goldthwaite et rattachent leur identité au lieu de vie. Sauf que ce lieu de vie ne comprend pas forcément une chambre à coucher, mais correspond à une constellation d’endroits où elles se retrouvent pour étudier, manger, prier et s’amuser, souvent sous l’égide du club. Ainsi, le sentiment d’appartenance n’est pas confiné dans les murs physiques du bâtiment, mais s’adapte à leurs activités et inclut l’espace de la vie quotidienne dans son ensemble.

Le fait de s’identifier comme membre vient sans doute du « besoin de se sentir quelque part »[12] : malgré les déplacements et la durée souvent courte de leur séjour à Paris[13], les lieux restent un élément important pour la constitution (ou renforcement) de l’identité[14], et cela d’autant plus lorsqu’elles sont loin de « chez elles » et de la société à laquelle elles appartenaient.

III. Construction d’une appartenance

1) Une Américaine à Paris : quand le lieu crée l’appartenance

La construction de l’appartenance chez ces Américaines à Paris devrait être considérée comme un processus externe et interne. Elle doit aussi être lue avec la disposition particulière des États-Unis à l’esprit, où chaque État a une identité forte et distinctive, à laquelle ses « ressortissants » ont plus tendance à s’attacher que celle de leur pays ; aux États-Unis, le fait de parler tous l’américain et d’utiliser le dollar ne change en rien le fait que chaque État a sa propre Constitution, sa propre histoire, sa propre culture et sa propre composition ethnique, sans évoquer la guerre acharnée de Sécession (1861-1865) dont le pays vient de sortir.

Par contre, à Paris, ces mêmes New-Yorkais et Atlantais s’affirment fièrement « américains », à titre personnel et à l’égard du public. Quand les Américains visitent l’Europe en tant que touristes, ils apprennent ce qui font d’eux des Américains en comparant leur situation à ce qu’ils peuvent découvrir sur les modes de vie et les coutumes dans les pays où ils se rendent. À l’étranger, ils prennent conscience de ce qu’ils ont en commun, et il en va de même pour ces artistes au tournant du siècle qui vivent les choses bien plus intensément que les simples touristes.

Les communautés parisiennes d’artistes américains viennent de New York, Boston, Washington, Philadelphie, Chicago, San Francisco, Baltimore – bref, de tout le pays. Ils se sentent d’autant plus liés que les Français leur renvoient l’image d’un groupe identifiable et parlent d’« artistes américains » ou d’un « style américain ». Aux États-Unis, l’idée que ces artistes représentent collectivement le pays n’est pas du tout répandue, surtout dans les grandes académies d’art du Nord-Est, qui ont une position dominante et ont une tendance à s’en arroger l’exclusivité. De plus, l’identité nationale des Américains en France est renforcée grâce aux événements artistiques parisiens largement relayés par la presse des deux côtés de l’Atlantique. Au Salon et à l’Exposition Universelle, le public peut suivre les artistes individuels et les groupes nationaux d’une année sur l’autre. Les livrets indiquent le lieu de naissance des exposants, les compte-rendus parlent souvent des artistes par pays, et les peintres et les sculpteurs de tous les États-Unis sont présentés et appréhendés comme des artistes américains avant tout. Ainsi sont nées des publications telle que l’American Register, journal destiné aux Américains de Paris, avec au début de chaque édition un annuaire pour aider à trouver ses compatriotes.

La construction de cette appartenance se fait aussi au niveau personnel ; souvent isolés et vivant dans le pays d’autrui où les chances de rencontrer quelqu’un de la même ville (ou même État) sont faibles, ces Américains sont obligés d’élargir leurs critères pour pouvoir former la communauté dont ils sont soudainement privés. Ou comme écrit Henry Ellsworth en décrivant la vague de patriotisme déferlant sur ses compatriotes : « À l’étranger, l’omniprésence des inconnus et des étrangers rend plus compréhensible ce nationalisme subit. »[15] Qui plus est, ce sens du nationalisme a tendance à s’intensifier avec la nostalgie née d’une absence prolongée du pays. Chaque année se déroule au bois de Boulogne des festivités élaborées pour le 4 juillet[16], et des expatriés hissent la bannière étoilée à toute occasion. Le Club des Américaines fait bien partie de cette volonté de re-créer, ou, nous verrons, plutôt de créer une ambiance de l’Amérique pour ses membres, et l’adhésion au club est à la fois un choix délibéré de devenir américaine et la preuve de son américanité, qui joue un rôle non-négligeable dans l’avancement professionnel de ces artistes « parisiennes ».

En effet, le club organise chaque année une exposition d’art où les exposants pourraient recevoir les « critiques des plus grand maîtres français de notre temps »[17]. Il est intéressant d’ailleurs de souligner qu’à la différence des Salons ou grandes expositions françaises, les manifestations artistiques de la colonie américaine sont réservées aux Américains, une pratique dont la non-réciprocité alimente l’anti-américanisme chez certains de leurs collègues français[18]. Cette insularité, qui entrave sans doute la carrière de ses membres en France[19], leur permet en revanche d’écouler leur production bien plus facilement que leurs homologues français grâce aux expatriés fortunés qui sont toujours prêts à acquérir un petit tableau pour « soutenir nos filles ».[20] Le club offre aussi des possibilités de mise en réseau : comme se rappelle Goldthwaite, c’était grâce aux amies qu’elle s’est faites au club qu’elle a pu rencontrer Gertrude Stein[21]et exposer ses œuvres dans les grandes galeries new-yorkaises à son retour[22]. Ces opportunités impulsent une dynamique sociale et (souvent) économique, et sont simultanément motivation et récompense pour l’acceptation de son identité américaine. Par leur participation et investissement dans les événements qu’organise le club, ces Américaines sont des actrices de premier plan, ce qui contribue à affirmer leur appartenance au club, et à la communauté américaine de Paris.

2) L’art des Américaines aux États-Unis

« L’Américain qui habite à Paris jusqu’à devenir un Français bâtard ne pourra jamais peindre un bon tableau. »[23]. La figure de l’artiste bâtard a dû plaire, car elle a été reprise par un quotidien de Boston après sa parution dans une revue populaire en 1880.

Dans la deuxième moitié du xixe siècle, Paris est la Mecque incontestée des étudiants en art des deux sexes, mais cela se double de sa réputation de « camp ennemi » pour les artistes et écrivains qui sont restés aux États-Unis, où vont tous les dilettantes et traîtres.

En effet, la formation artistique reste le principal point fort de Paris, où les artistes les plus renommés de France et même d’Europe y dispensent leur enseignement ou prennent des élèves dans leur ateliers. Les Américains s’en émerveillent d’autant plus que chez eux, les artistes « professionnels » ont tendance à mépriser les activités pédagogiques ; la National Academy of Design ne considère pas son école d’art comme priorité et en 1875, elle ferme l’atelier du dessin d’après le modèle vivant parce qu’il coûte trop cher. En parallèle, à Paris, les exposants nomment respectueusement leurs maîtres dans les livrets des Salons, et réciproquement, les professeurs usent de toute leur influence pour promouvoir leurs protégés. Être sélectionné pour exposer au Salon permet de se faire connaître sur la scène internationale, d’attirer l’attention des collectionneurs et des mécènes, et, presque toujours, d’augmenter le prix de ses œuvres. En plus de nouer des liens avec l’élite culturelle et sociale sur place, les artistes américains à Paris font souvent office de courtiers. Ils présentent des artistes français à leurs compatriotes, leur signalent ainsi des objets susceptibles de les intéresser, et leurs relations personnelles avec des collectionneurs facilitent grandement les choses quand il s’agit de vendre leurs propres œuvres, exposées ou non au Salon. Ces activités ne leur attirent pas l’amitié de leurs collègues restés aux USA, dont les carrières pâtissent directement de cette préférence pour l’art parisien, que ce soit par des Français ou des Américains. On reproche aux Américains de Paris leur anti-patriotisme, leur anti-américanisme.

Et à cette accusation de trahison faite à tous les artistes de Paris s’ajoutent, pour les femmes, des soupçons de tricherie et parfois même de prostitution ; ainsi s’indigne le critique d’art Theodore Child : « Certains marchands d’art new-yorkais achètent les toiles de Mademoiselle Gardner[24] simplement parce qu’ils croient que c’est Monsieur Bouguereau qui […] les avaient peintes. […] C’est jamais facile de dire des choses désagréables à propos d’une femme, mais je suis convaincu que l’œuvre de Mlle. Gardner est, en très grande partie, un ramassis de foutaises. »[25] Ce genre de langage est répandu dans le discours autour des artistes américaines, dont le statut de célibataire – et expatriée – associé souvent à une position privilégiée dans l’atelier du maître, les exclut des rangs des « filles respectables ». Même dans un texte saluant la « virilité » dans la peinture de Lucy Lee-Robbins, Charles de Kay parsème son discours de références à l’intimité et au corps, concluant son compte-rendu avec « Le rapport intime entre le maître et l’élève détourne l’attention du talent de cette dernière […] hélas, il est impossible de pénétrer dans l’atelier pour voir si le maître a mis sa main sur son élève. »[26] Dans beaucoup de cas, ce ne sont pas les corps représentés dans l’œuvre d’art qui intéressent le plus, mais quel rôle le corps de l’« artiste » aurait pu jouer dans sa réalisation. Il est d’ailleurs intéressant de noter que parmi les artistes hantées par ces accusations, très peu se considèrent comme membres du Club des Américaines, et ce rejet sous-entendu de « sa » communauté est sans doute interprété par certains compatriotes comme étant un rejet des bonnes mœurs américaines, ou la capitulation aux débauches parisiennes.

Plus surprenante que ce sexisme (malheureusement banalisé à l’époque) est la montée des rancœurs envers l’art américain « francisé » à cette même période, alors que les toiles des maîtres français s’arrachent à prix d’or ; en 1878, William Wetmore Story déclare que « la France exerce sur l’art une influence plus grande que celle de n’importe quelle autre nation. Elle inocule son mal au monde entier, mais nulle part la contagion ne se fait plus profondément sentir qu’aux États-Unis. »[27] Ayant lui-même effectué la plus grande partie de sa carrière de sculpteur à Rome, il comprend très bien que ses compatriotes aillent étudier l’art à l’étranger, mais le fait qu’ils reviennent « inoculés » des germes de l’art français est inadmissible : il est décadent, obscène et axé sur la vie quotidienne et les sensations fugitives.[28] Cette nécessité supposée de préserver la « pureté » de l’art américain fait que pendant des années, la National Academy of Design n’accepte pratiquement aucune œuvre envoyée de France à leurs expositions annuelles et refusent d’élire en leur sein un seul de leurs compatriotes résidant à Paris.

Mais pire encore que cet art « français » est son processus de création : les hommes et les femmes dessinent dans le même atelier[29], souvent à partir d’un modèle vivant tout nu ! « L’on ne trouve point d’obscénité dans l’art anglais, rarement dans l’art allemand, mais elle est courante à Paris », affirme un observateur américain.[30] Le Salon accueille régulièrement des sculptures et des tableaux figurant des nus, plus ou moins idéalisés à l’antique. Le dessin d’après le modèle nu a beau être l’un des fondements de l’enseignement de l’art à Paris, même les francophiles ardents se déchaînent contre cette atteinte à la pudeur et à la délicatesse virginale des jeunes filles américaines.[31]

Cette « liberté de travailler dur »[32], qui est si prisée chez les Américaines de Paris, devient aux États-Unis une cible d’attaque : l’artiste américaine rentrée de Paris est immorale, infectée, son comportement ne se conforme pas à son identité d’Américaine respectable. Interrogée sur les critiques virulentes à l’égard des « jeunes filles sans vergogne à Paris », une membre du club répond avec fierté : « Beaucoup de nos compatriotes pensent qu’il est malséant de travailler dans un atelier mixte […] mais ici, il n’y a pas de sexe ; les élèves, qu’ils soient homme ou femme, sont juste des peintres. Dans l’atelier, la modestie excessive est un signe de médiocrité ; seule la femme qui oublie les conventions sociales aura une chance de réussite dans ses recherches artistiques. »[33]

Hélas, si le club des Américaines avait donné un vernis de respectabilité à cette poursuite de liberté, une fois rentrées au pays, celles-ci se voient refusées cette liberté par l’Amérique toujours bridée par l’intransigeant puritanisme des Pilgrim Fathers – les mêmes pères pèlerins qui avaient insisté énormément sur la valeur du travail et l’égalité des sexes[34] et que nombre d’entre elles pensent honorer avec cette éthique. « Le travail bien fait devrait être récompensé » écrit Madame Reid à propos du prix de cent dollars qu’elle offre à la gagnante du concours artistique du club. « […] nous suivons les traces de nos Pères [fondateurs]...nous sommes américaines et fières de l’être, les filles viennent ici pour apprendre […], aussi pour montrer l’esprit de l’Amérique. »[35]

Manifestement, la définition de l’« américanité » aux États-Unis ne correspond pas du tout à celle de Paris ; l’américanité parisienne s’est créée par besoin d’identification et d’unification au sein de la communauté expatriée, et d’un désir de reconnaissance par rapport à la société française, donc elle est effectivement un « bâtard français » qui adapte ses notions de nationalité, de moralité et de féminité au lieu qu’elle habite. Cette idée d’américanité à la parisienne étant incompatible avec l’américanité « endogène », les membres du club se trouvent déchues de l’identité qu’elles ont pu construire pour elles-mêmes dès qu’elles rentrent en Amérique[36] : chacune n’est plus une des membres du club des Américaines de Paris, mais une fille de l’Alabama qui, selon son entourage, a oublié comment être américaine.

Rien d’étonnant alors qu’elles parlent de leur temps au club avec envie et nostalgie, et que beaucoup de filles à Paris « n’aient pas envie de rentrer chez elles ».[37] Goldthwaite le résume peut-être le mieux : « À Paris, je suis devenue vraiment, sincèrement […] américaine, et cette Américaine restera là-bas. »[38]

3) Le corps de l’artiste dans son œuvre

Ce n’est pas uniquement la liberté de regarder et de représenter les corps d’autrui que ces Américaines réclament, mais aussi la liberté de se mettre dans des corps étrangers aux leurs. Si, en citant les travaux de Jérôme Dubois[39], on considère que le corps physique est une « prison mouvante » qui limite l’envol des sens, l’œuvre littéraire (ou dans notre cas, artistique) que l’écrivain se fait lui permet de s’évader et de percevoir le monde à travers les sens d’autres corps que le sien, et cette œuvre « travaille » son créateur, le représente comme une version idéalisée de soi. Ainsi, la New-Yorkaise expatriée, Lucy Lee Robbins, explique son auto-portrait (1889) en Parisienne plus mince, plus élégante et plus « chic » qu’elle ne l’est en réalité. Il y a là une profonde identification :

« J’ai dû subir […] une francisation à force de fréquenter, d’entendre parler les Français. C’est une manière de vivre oui, mais aussi une manière de parler. […] Donc ça change complètement la mentalité et le comportement. »[40] Ainsi, cette œuvre marque la mise en question de ses habitudes et façons d’être américaines » et leur francisation, lesquelles renvoient au « corps » même de l’artiste.

On retrouve ce même bouleversement partout dans ses œuvres, où des versions diverses de Lee-Robbins s’allongent sur la toile à la façon de Titien ou d’Ingres, regardant le spectateur sans pudeur ni honte : ce qu’elle cherche avant tout à Paris, dit-elle dans une lettre, c’est le droit d’« avoir un corps, comme un homme »[41] .

Le nu féminin à l’époque de Lee-Robbins est un sujet peu courant pour les artistes femmes ; inconvenable pour une femme de représenter et, pire, d’exposer un genre si sexuel et en même temps si emblématique du succès (financier, si pas critique) dans le monde masculin de l’art. Mais les nus que crée Lee-Robbins au cours de sa carrière sont atypiques : bien que ses femmes dénudées adaptent les mêmes gestes et postures que les nus conventionnels, elles ne se présentent pas comme des « séductrices ». Ces femmes sont songeuses, centrées sur elles-mêmes dans l’intimité de leur boudoir ou représentées comme modèle d’artiste, sans le décor ou le prétexte d’une œuvre littéraire ou historique.

Le cas de Lee-Robbins reste particulier[42], mais cette liberté de représenter des corps et des scènes fantastiques[43] est ressentie et appréciée par la plupart des Américaines parisiennes ; les auto-portraits, les portraits et les « figures dans une scène » prolifèrent. Et malgré l’absence du corps propre de l’artiste dans ces derniers, le corps est omniprésent dans la création de l’œuvre, comme en témoigne Alice Morgan Wright : « Il y a des miroirs dans chaque couloir pour se regarder (et crois-moi, Madame Reid déteste la vanité !)[44], et les soirs, parfois on fait modèle les unes pour les autres parce que nous [les Américaines] nous représentons mieux qu’une Parisienne […] c’est mieux de représenter des choses qu’on a vécu ou que l’on veut vivre. »[45]

IV. Quand l’appartenance fait le lieu

Cette perte d’américanité laisse penser que les liens se distendent, voire se rompent, à partir du moment où n’est plus partagée l’habitation d’un même lieu. Par là, on pourrait déduire qu’il y aurait entre le lieu et le lien une relation de « cause à effet » : que les corps dans le lieu font les liens, ou le sentiment d’appartenance. C’est ce qui semble vérifié par le retour à Paris du sculpteur Saint-Gaudens, dix-neuf ans après l’avoir quitté : « Cette visite a été merveilleuse et j’ai été surpris de redécouvrir [grâce à Paris] à quel point je suis américain. »[46]

Le travail d’Alain Boyer sur le lieu et le lien[47] aide à mieux comprendre la relation lieu-appartenance avec l’exemple des nomades en Afrique – pour ceux qui se déplacent en perpétuité, il n’y a pas d’endroit immuable pour se sentir « chez soi » mais le « chez nous » est où résident pour le moment les autres membres de la famille, du clan, du peuple. Dans ce cas, c’est le sentiment d’appartenance qui crée un lieu. Les Américaines de Paris ne sont évidemment pas une tribu qui se déplace d’un endroit à un autre en quête de subsistance, mais certains points communs permettent un parallèle : comme les nomades, elles sont (dans la plupart des cas) de passage, elles veulent garder leur identité distincte des autochtones (ici les Parisiens) tout en respectant le territoire et la culture du groupe auquel elles n’appartiennent pas.

Donc à la différence des « sédentaires » parisiens, le « chez-soi » des Américaines ne correspond pas à un quartier, ou un bâtiment, ou même un pays, mais par définition un « chez nous » : l’endroit où se trouvent ses concitoyennes américaines. La mobilité de ce foyer explique également le découpage flou entre les différents « ici » dans leurs écrits : le 4 rue de Chevreuse, la ville de Paris, l’Académie Julian…le club suit ses membres, et longtemps après sa fermeture[48], les filles de Madame Reid continuent à se présenter comme fière membre du Club des Américaines de Paris.

<b>fig.3</b>Reid Hallfig.3 Reid Hall (4 rue de Chevreuse, Paris, 6e arrondissement)
Source : © Getty Images

V. Pour conclure

L’exemple du club des Américaines montre comment les déplacements et les dépaysements (littéraux) de ses membres redéfinissent leur appartenance au lieu et l’espace du lieu même. Parler de l’appartenance et d’un « ici » même après sa disparition a encore du sens, mais le sens évolue suivant le groupe qui habite, ou qui a habité l’ «ici ». Pour ces Américaines, l’« ici » est double, d’un côté il est abstrait, c’est la communauté réunie par les mêmes sentiments d’aliénation dans les deux pays (« les Américaines » en France, « les bâtardes françaises » aux États-Unis) et d’un autre il est géographique. Ainsi, l’appartenance est le fruit d’une construction de la part des Américaines qui s’installent à Paris et s’investissent dans des initiatives qui légitiment leur « américanité » et leur ancrage, mais le lieu où elles essaient de s’ancrer n’occupe pas d’espace fixe. Néanmoins, l’« ici » de Goldthwaite existe réellement pour celles qui se reconnaissent dans certaines valeurs et partagent une vision du lieu, ce qui renforce leur sentiment d’appartenance.

Notre exemple présente des particularités : les Américaines de cette histoire n’ont jamais eu l’intention de s’installer durablement à Paris et celles qui s’identifient comme membre du club sont beaucoup plus nombreuses que celles qui y sont officiellement inscrites. Par conséquent, leurs activités pour s’inscrire dans le lieu dépassent largement le site physique du lieu auquel elles appartiennent.

Ces spécificités font que le lieu (ou plutôt, les lieux) se manifestent dans l’interaction entre des individus localisés mais mobiles ; l’« ici » consiste en l’inscription spatiale de cette interaction. Ce lieu est donc un résultat, la cumulation des contradictions culturelles et la conséquence des déplacements. Le club des Américaines, tout en étant havre et ancre pour les élèves dépaysées et isolées de leur monde, exprime aussi un « mal-être », un malaise, un désaccord, la « déliaison » d’une personne qui ne sait plus d’où vient sa propre identité.

Haut de page AUTEUR

Linda Yining Zuo,
LIR3S Laboratoire interdisciplinaire de Recherche “Société, Sensibilités, Soin”, UMR 7366 uBFC/CNRS (Sous la direction d’Alain Bonnet)

Haut de page NOTES


[1] Cité par Gérard Bonal, Des Américaines à Paris. 1850–1920, Paris, Éditions Tallandier, 2019, p. 25.
[2] Joris-Karl Huysmans, À rebours, Paris, Éditions Crès, 1922, p. 287.
[3] Bien que les écrivains fin xixe/début xxe siècles aient souvent utilisé « girls » (filles) pour désigner les élèves d’art, la grande majorité de ces girls avaient plus de 25 ans.
[4] Emily Meredyth Aylward, « The American Girls’ Art Club in Paris », Scribner’s Magazine, novembre 1894, p. 598.
[5] Adelyn Breeskin, Anne Goldthwaite : A Catalogue Raisonné of the Artist’s Graphic Work, Montgomery, Mongomery Museum of Fine Arts, 1982, p. 23.
[6] Ibid., p. 24-25.
[7] Patrick Prado , « Lieux et “délieux” », Communications, 2010/2, n° 87, p. 121.
[8] Avant, Reid avait loué un appartement « où se retrouver pour l’heure du thé […], une salle de lecture avec des magazines et livres anglophones. Chaque dimanche soir […] avait lieu un service religieux informel » et où les jeunes pouvaient obtenir des renseignements divers. Mariea Dennison, « The American Girls’ Club in Paris : The Propriety and Imprudence of Art Students », Woman’s Art Journal, vol. 26, n° 1, p. 33.
[9] L’Institut Keller fut la première école protestante établie en France depuis la Révocation de l’Édit de Nantes en 1685, et près de la moitié du millier d’élèves qui le fréquentèrent était composée d’étrangers, surtout anglo-saxons.
[10] L’École des Beaux-Arts n’acceptera les femmes qu’en 1900, mais il existe plusieurs écoles privées où les personnalités reconnues du monde artistique enseignent, souvent des lauréats du Prix de Rome et des titulaires de la Légion d’honneur. Pour la plupart, ils sont également professeurs à l’École des Beaux-Arts.
[11] Selon les chiffres du journal American Register, il y a environ 800 Américaines étudiant l’art à Paris chaque année ; American Register, 12 février 1888, p. 6.
[12] Philippe Tizon, « Qu’est-ce que le territoire ? », Di Méo, Les territoires du quotidien, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 23.
[13] La durée moyenne d’un séjour dans les années 1890 est de trois ans pour les élèves américains. Isabelle Gournay et Marie-Laure Crosnier-Leconte, « American Architecture Students in Belle Époque Paris : Scholastic Strategies and Achievements at the École des Beaux-Arts », The Journal of the Gilded Age and Progressive Era, 2013, vol. 12, n° 2, p. 163.
[14] Michèle Gennart et Marco Vannotti, « Espaces familiers et identité ; quand l’espace propre est hanté… », Thérapie familiale, 2014/4, vol. 35, p. 439-450.
[15] Samuel Prisme, The Life of Samuel F. B. Morse, p. 368. Ellsworth parle ici des articles dithyrambiques sur « l’extraordinaire Morse […] qui nous rend fier d’être, nous aussi, les fils de l’Amérique » après la démonstration du télégraphe Morse à l’Institut de France.
[16] Le jour de l’Indépendance aux États-Unis.
[17] Samuel Aylward et Emily Meredyth, op. cit., p. 604-605.
[18] Cf. LéonVérax, De l’envahissement de l’École des Beaux-Arts par les étrangers, Paris, Librairie des Imprimeries Réunies, 1886, et Jean-Léon Gérôme, « Enquête : à propos de la Donation Caillebotte », Journal des Artistes, avril 1894, n° 14, p. 8.
[19] Cette hostilité à l’égard des artistes américains à Paris oblige beaucoup d’entre eux à rentrer aux États-Unis, et, par la suite, à perdre leur identité d’« Américain(e) à Paris ».
[20] Caro Lloyd, « The Club for American Girls Studying in Paris », Outlook, 14 juillet 1894, p. 60.
[21] Gertrude Stein (1847–1946) est l’une des premières à collectionner les œuvres de Picasso et Matisse et elle est la plus ardente défenseure de Picasso au début de sa carrière. Sa résidence devient peu après son arrivée à Paris un lieu de rencontre pour l’élite artistique cosmopolite.
[22] Adelyn Breeskin, op. cit., p. 24.
[23] Brooks Adams, International Review, cité dans le Boston Daily Evening Transcript, 24 juillet 1880, p. 2.
[24] Elizabeth Jane Gardner (1837–1922) est une peintre américaine qui a étudié un temps sous la tutelle de William Bouguereau, avec lequel elle entame une relation amoureuse et qu’elle épouse en 1896.
[25] Theodore Child, « Salon Honors », Art Amateur, juillet 1887, n° 17, p. 28.
[26] Charles de Kay, « American Art in Paris », New York Times, 13 juillet 1891, p. 3.
[27] Reports of the U.S. Commissioners to the Paris Universal Exposition 1878. Vol. 2. - Fine Arts, Education, Wood Carving, Washington, Government Printing Office, 1880.
[28] La méthode « américaine » d’apprécier d’une œuvre d’art, fondée sur le jugement subjectif du spectateur, consiste à évaluer l’œuvre en fonction de sa capacité à communiquer des notions morales et des émotions.
[29] Le premier atelier mixte date de 1873, mais l’Académie Julian se trouve obligée de le fermer en 1879, en partie à cause de l’indignation américaine. Des ateliers mixtes se « rouvrent » progressivement dans la dernière décennie du siècle.
[30] S. G. W. Benjamin, Contemporary Art in Europe, New York, Harper and Brothers, 1877, p. 60.
[31] Emma Willard, Journals and Letters, from France and Great Britain, Troy, Tuttle Publishing, 1833, p. 62.
[32] Dans une lettre à une amie qui pense à venir étudier à Paris, la sculptrice Alice Morgan Wright écrit qu’au club « on est libre de travailler aussi dur [que les garçons], de se montrer les dessins au naturel [sic ] » et que « c’est même une exigence pour vivre ici au club. », lettres de Wright à Edith Shepherd, 10 septembre et 28 avril 1910, Wright Papers, Sophia Smith Collection of Women’s History, Northampton.
[33] Albert Rhodes, « Views Abroad », The Galaxy, 1873, XVI, p. 13.
[34] Cf. Sébastien Fath, « L’influence de Calvin aux Etats-Unis : des Pères pèlerins à l’affaire Lewinski », La Revue réformée, 2001/3, n° 213, p. 1-26.
[35] 16 février 1914, Whitlaw Reid Papers, MS 1458, Yale Archives.
[36] Cf. Houda Asal, « La construction d’identités collectives en contexte migratoire : le cas du groupe arabe au Canada », L’identité : Entre ineffable et effroyable, Paris, Armand Colin, 2011, p. 136-146.
[37] Lettre anonyme, « Woman Art Students in Paris », Art Interchange, janvier 1902, p. 21. L’auteur cite les cours « horriblement fascinants » et le mode de vie « risqué » comme raisons principales pour la réticence à retourner aux États-Unis.  
[38] Adelyn Breeskin, op. cit., p. 29.
[39] Jérôme Dubois, « Le corps de l’écrivain dans le corps de l’œuvre », Sociologie de l’art, 2012, p. 55-74.
[40] « Compte-rendu de l’exposition annuelle des Américaines », New York Herald, 28 janvier 1900, p. 9.
[41] Cf. Brandon Brame Fortune, « Not Above Reproach : The Career of Lucy-Lee Robbins », American Art, 1998, vol. 12, n° 1, p. 40-65.
[42] Cette particularité s’explique plus par l’aisance financière de sa famille – ce qui l’exempte de l’obligation de vendre ses tableaux – que par un caractère audacieux hors du commun. Sur le lien entre la classe socio-économique de l’artiste et son choix de sujet, cf. Charles Pearo, « Elizabeth Jane Gardner and the American Colony in Paris : “Making Hay while the Sun Shines” in the Business of Art », Winterthur Portfolio, n° 4 (hiver 2009), vol. 43, p. 275-312.
[43] Cf. Jo Ann Wein, « The Parisian Training of American Women Artists », Woman’s Art Journal, vol. 2, n° 1, 1981, p. 41-44. Pour les filles de « bonne famille », l’art (ou plutôt, le dessin) était considéré comme un passe-temps des « cultivés », et donc les sujets « convenables » étaient surtout la nature morte et le petit paysage.
[44] Elle parle ici du petit « concours » mensuel de l’autoportrait.
[45] Alice Morgan Wright, op. cit., lettre du 2 mai 1900.
[46] Homer Saint-Gaudens (éd.), Reminiscences of Augustus Saint-Gaudens, 1913, vol. II, Londres, p. 191.
[47] Alain Boyer, « Le lieu et le lien », Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, 2006/2, n° 37, p. 9-16.
[48] Le bâtiment est réaménagé en hôpital pendant la Première Guerre mondiale puis en centre résidentiel pour les étudiantes internationales en 1922 sous le nom de Reid Hall. Il héberge aujourd’hui le campus parisien de Columbia University.
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Pour citer cet article :
Linda Yining Zuo, « Lieux familiers et identité : l’exemple du Club des Américaines de Paris », Revue TRANSVERSALES du LIR3S - 18 - mis en ligne le 6 avril 2021, disponible sur :
http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/Transversales.html.
Auteur : Linda Yining Zuo
Droits :
http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/publications/Transversales/menus/credits_contacts.html
ISSN : 2273-1806