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Conflits et démocratie
L’« affaire CPAM ». À propos d’une mobilisation autour de l’expulsion d’un « squat de migrants »
Jérémy Sauvineau
Résumé | Mots-clés | Sommaire | Texte | Auteur | Notes | Références
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RÉSUMÉ

Au début du mois de septembre 2019, la préfecture de Côte d’Or a ordonné l’expulsion d’un squat où vivaient quatre-vingts migrants. Expulsés la veille du jugement devant le tribunal de Grande Instance, l’indignation des militants a rapidement laissé place à diverses formes de mobilisation. Manifestations non autorisées, camping sauvage ou encore concerts de casseroles sont autant de moyens mis en œuvre pour s’opposer à une expulsion et à un traitement « indignes ». Peut-on vraiment considérer que, lors de micro-événements comme un concert de casseroles durant une cérémonie officielle ou un camping improvisé sur une place dijonnaise, « du » politique émerge ?

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Mots-clés :manifestations, migration, migrants, citoyenneté, militantisme, squat, réflexivité, problème public, affaire
Index géographique : Bourgogne, Dijon
Index historique : histoire contemporaine, xxie siècle,
SOMMAIRE

I. Méthodologie
II. Du côté préfectoral
1) Affaire et scandale  : clarification conceptuelle
2) Relativisation et contre-attaque
III.L’«  affaire CPAM  »
1) Problématisation
2) Publicisation
IV.Une «  politique de la présence  ». Police et émancipation
V.Réflexivités militantes
  Épilogue
  Bibliographie
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Introduction

L’Union Européenne connaît, depuis l’orée des années 2010, une élévation constante des demandes d’asile sur son territoire, passant d’environ 300 000 en 2009 à presque un million durant la « crise des migrants » de 2015. Cette augmentation soudaine a brutalement mis sous pression les dispositifs d’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés des pays de l’UE. La France, et ses régions comme la Bourgogne-Franche-Comté n’y font pas exception ; malgré des efforts considérables, le Dispositif National d’Accueil [DNA] tourne à plein régime : dans le Schéma Directionnel d’Accueil des Demandeurs d’Asile Bourgogne-Franche-Comté [SRADA] publié en 2017, nous pouvons lire que « le dispositif [d’accueil] est saturé »[1] et que « [l]’ouverture prochaine des places ne permettra pas d’accroître les marges de manœuvre »[2]. C’est pour faire face à cette pénurie de logements et à certaines situations insolubles (déboutés du droit d’asile), que des citoyens ont successivement ouvert différents lieux de vie, systématiquement expulsés, comme le squat de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie [CPAM] de Chenôve (commune jouxtant Dijon). L’expulsion du 9 septembre 2019 est différente des précédentes par l’ampleur du mouvement qu’elle suscitera. Durant une semaine, exilés et soutiens menèrent différentes actions « politiques » (manifestations, occupation de place, perturbations de cérémonies officielles etc.).

Nous sommes ainsi amenés à nous poser tout un ensemble de questionnements socio-politiques : en quoi peut-on considérer que, lors du déploiement de « l’affaire squat », « du » politique émerge ? En quoi peut-on parler d’une « politique de la présence » émancipatrice ?

Pour répondre à ces questions, et après avoir éclairé la méthodologie déployée nous décortiquerons le communiqué de presse rédigé par la préfecture de Bourgogne-Franche-Comté justifiant l’expulsion[3], avant de revenir sur ce qui devient l’« affaire CPAM ». Ensuite, nous nous concentrerons sur la politique « émancipatrice » nichée dans les actions menées. Enfin, nous reviendrons sur la dimension réflexive des actions chez les militants.

I. Méthodologie

Théoriquement attendue après le 10 septembre 2019, l’expulsion a été actée le lundi 9 septembre. Entre ce jour et le dimanche 15 septembre ont été menées plusieurs actions militantes, sur lesquelles nous reviendrons. Nous avons participé à l’ensemble des actions, incluant les réunions d’organisation. Outre l’observation participante, nous avons mené plusieurs entretiens biographiques a posteriori (exilés et alliés), dépouillé cinq journaux locaux (Le Bien public, Dijoncter.info, infos-dijon.com, France Bleu Bourgogne, France 3 Bourgogne-Franche-Comté) et récolté divers matériaux ethnographiques (communiqués de presse, mails, etc.).

Théoriquement, nous souhaitons nous situer dans ce que Daniel Cefaï (2012) nomme le renouveau d’une « ethnographie du politique » qui s’attache à l’observation en situation et à la description dense, dans le but de faire émerger une compréhension d’un ordre de l’interaction. Par « politique » il faut ici entendre les moments où « des collectifs se forment, s’interrogent, s’engagent autour d’enjeux où il y va d’un bien commun/public à atteindre ou d’un mal commun/public à écarter » (Cefaï, 2011). C’est-à-dire que l’ethnographie du politique prend pour objet principal la constitution concomitante de « publics » (Dewey, 2010) et de « problèmes publics ». Le rôle de l’ethnographie du politique sera par conséquent de « comprendre comment, pourquoi et pour quoi les participants participent » (Cefaï, 2012, p. 12).

II . Entre relativisation et contre-attaque. La position préfectorale

Depuis le 7 octobre 2018, c’est dans les locaux de l’ancienne CPAM de Chenôve que quatre-vingt personnes ont trouvé illégalement refuge, entraînant un dépôt de plainte par la Société Est Métropole [SEM], propriétaire du lieu. Au cours de l’audience du moins de juin 2019 devant statuer sur l’expulsion, le magistrat en charge de l’affaire reporte l’audience au 10 septembre 2019 puisque des éléments manquent au dossier[4]. Le 9 septembre 2019, soit la veille de l’audience prévue, la préfecture ordonne, à la surprise générale, l’expulsion du squat. Pour se prémunir de multiples accusations qui ne manqueront pas de voir le jour, le préfet publie en parallèle de l’expulsion un communiqué de presse. Comment se justifie-t-il de cette opération « coup de poing » ?

1) Affaire et scandale : clarification conceptuelle    

Si l’on suit les outils forgés par une frange de la sociologie pragmatique (de Blic et Lemieux, 2005 ; Boltanski et al., 2007), le « scandale » se définit comme une « mise en accusation publique qui doit conduire à un châtiment unanimement souhaité et reconnu comme légitime » (Lemieux, 2007, p. 367). C’est-à-dire que l’accusateur vient publiquement dénoncer une contradiction opposée par certains à une norme unanimement partagée par tous. Dans un article datant de 2005, de Blic et Lemieux identifient trois avenirs possibles au « scandale » : la confirmation comme scandale, la relativisation ou la transformation en « affaire ». Celle-ci produirait un espace public critique « construit autour d’un dissensus » (Lemieux, 2018, p. 47). C’est-à-dire que l’affaire émergerait lorsque le scandale se renverse, « l’accusateur faisant à son tour l’objet d’une accusation de la part de l’accusé » (Lemieux, 2007, p. 368). Le « scandale CPAM » ne date pas de la décision de septembre 2019, mais débute en amont de celle-ci. La mieux nommée « affaire squat » ne cesse de rebondir et de se transformer (Chateauraynaud, 2015) depuis la première occupation. En bientôt neuf années de mobilisations, les militants n’ont cessé d’occuper pour répondre à un traitement qu’ils jugent scandaleux des exilés : « malgré l’obligation légale de l’État d’aide aux demandeurs d’asile nous constatons l’insuffisance des places d’hébergement et des prises en charge »[5]. Face aux accusations, la préfecture n’est jamais restée silencieuse : avant de se focaliser sur les mobilisations qui ont émaillé la semaine du 9 septembre, nous allons d’abord revenir sur la réponse préfectorale adressée aux militants.

2) Relativisation et contre-attaque

Dans son communiqué de presse, la préfecture développe une double stratégie :

  1. une stratégie défensive visant à une relativisation généralisée de l’accusation. Celle-ci se divise en quatre grandes parties. a) Elle souligne la légalité de l’opération et son respect des droits fondamentaux. La préfecture rappelle que l’occupation a été jugée en référé et que la décision est devenue exécutoire, que des solutions ont été mises en place en parallèle de l’intervention (pour l’examen des droits à un hébergement) ; b) sur la date de l’opération : aux accusations de « négation » de la justice, le préfet rappelle que la procédure d’expulsion était « non suspensive »[6] et que la date n’est qu’un concours de circonstances, la faute à des « mois d’été marqués par un fort engagement des forces mobiles »[7] (G8 etc.). De plus, la préfecture rappelle que « si nous n’étions pas intervenus, on s’exposait à des pénalités financières au regard de la loi »[8] : la justification financière agit comme un argument de dernier ressort ; c) une euphémisation de la violence inhérente à l’opération : on ne parle pas de « police », « d’expulsion, de « garde à vue » mais de « la force publique », « de personnes ayant vocation à quitter le territoire français » [9] et de « retenue administrative » ; d) toute la dernière partie du communiqué de presse est émaillée des chiffres prouvant les efforts réalisés par l’État dans l’hébergement des personnes sollicitant l’asile, alors même que la situation est « exceptionnelle » .
  2. Une stratégie plus proactive. Le communiqué de presse débute en soulignant que le bâtiment, « occupé de manière illégale » est la « propriété de la SEM », qui prévoyait « d’y installer un établissement d’éducation globale ». La préfecture rappelle le caractère « illicite » de l’occupation en s’efforçant de ne pas qualifier les occupants de « résidents », soulignant par là leur absence de droits à l’occupation des lieux[10]. Cette contre-attaque ne s’échine pas seulement à clore l’affaire par la référence au droit, mais prépare aussi un retournement de l’accusation qui émergera plus tard avec plus d’acuité : le caractère illégal d’une occupation montre bien que le coupable n’est pas celui pointé du doigt par les migrants et leurs alliés, mais bien ceux-là mêmes, coupables d’une occupation illégale d’un bâtiment public. Ce sont eux qui ont enfreint la loi par l’ouverture d’un squat, entraînant un double préjudice : en engageant la « responsabilité pécuniaire de l’État pour le préjudice subi » et en empêchant la réalisation d’un « projet d’éducation » programmé.

III. L’« affaire CPAM »

Dans cette troisième partie, nous allons revenir plus avant sur les événements ayant eu lieu après l’expulsion de la CPAM, de façon chronologique.

1) Problématisation

• Lundi 9 septembre 2019 (I). Les exilés sont expulsés. Les personnes présentes sur place font circuler le mot dans les canaux militants et à la presse locale pour réunir le plus de monde possible devant le lieu. C’est d’abord la surprise et l’indignation qui émaillent les discussions (« on met dehors des gens par surprise, sans les prévenir. Expulser la veille d’une audience au tribunal, on n’a jamais vu ça », Pierre). Le coup semble particulièrement difficile à « encaisser » si l’on reprend les mots de Joan Stavo-Debauge. Pour ce dernier, l’encaissement retrace la dynamique qui va du « choc » d’un événement à son intégration au compte d’une communauté (Stavo-Debauge, 2009) : l’événement est d’abord un subir qu’il faut réussir à surmonter. L’enquête, au sens deweyen du terme (2010), est justement une manière de s’approprier ce type d’événements ; ce que l’on répare en priorité c’est une incompréhension puisque l’événement catastrophique est par nature vide de sens (Stavo-Debauge, 2012, p. 209). L’enquête est l’amorce d’une réparation de soi par le rétablissement du sens autour de l’expérience traumatique. Ce premier mouvement permet une intégration expérientielle de l’événement, pourquoi pas capable ensuite de nourrir une mobilisation collective. Ici, le travail d’enquête a refaçonné « la situation problématique à travers de nombreuses épreuves de réalité et de validité qui en délivrent une clé de lecture et en induisent la recomposition » (Céfaï, 2017, p. 36). Ce travail vient imputer des espèces et des degrés de responsabilités, fait émerger des coupables et des victimes, fournit des tentatives d’explication, etc. En d’autres termes, le public d’enquêteurs qui émerge va s’échiner à retourner l’accusation de la préfecture, en prenant son contre-pied : d’une part la victime n’est plus la SEM mais bien les exilés expulsés (« on va les voir dehors à galérer comme des chiens ! », Antoine). D’ailleurs les expulsés, dans les interviews données à la presse, réécriront entièrement leur histoire et leur identité par une présentation de soi victimisante, avec peu de capacité d’agir, à la forte volonté de s’intégrer, etc. 

De victime la SEM passe dans le camp des persécuteurs. Le jour de l’expulsion, les rédacteurs du site alternatif d’informations Dijoncter.info signeront un article assassin sur la SEM et son président[11]. Plus globalement, c’est sur la propriété privée que se porte l’accusation de certains alliés : le bâtiment de la CPAM est identifié comme « leur [les migrants] lieu de vie »[12], qu’ils « habitent ». Contre la vision que l’on pourrait nommer « capitaliste » de la propriété privée imputée au propriétaire, les militants du collectif perçoivent d’abord « les usages possibles » d’un bâtiment permettant de donner un « toit sur la tête de tous ». La propriété privée est clairement accusée, dans la mesure où elle accélérerait la précarité (« ça sera plus compliqué maintenant d’ouvrir un squat, ils vont dans un hangar de merde », Antoine). À ce titre elle doit être combattue, combat bien souligné par l’utilisation du pronom possessif « leur » : ce n’est pas le titre de propriété qui vaut propriété, mais l’usage. Si les explications divergent quant à l’expulsion, un consensus semble toutefois se dégager, œuvrant comme une « prise commune » pour les militants au front (Chateauraynaud, 2004) : l’expulsion viendrait, selon eux, parachever le durcissement de la politique migratoire menée par la préfecture de Bourgogne-Franche-Comté : « après l’expulsion de Gvantsa et de Qadri la préfecture ne s’embête plus avec la justice. Le tribunal servira simplement à ratifier les ordres de la préfecture », Pierre[13]). Reste à savoir auprès de qui la dénonciation est-elle opérée, et par quels moyens ? C’est-à-dire que, parallèlement à cette dynamique de problématisation, se met en place une dynamique de « publicisation » (Céfaï et Terzi, 2012), par laquelle le public s’astreint à faire connaître et reconnaître publiquement un problème. Cette publicisation est l’objet principal de la semaine de mobilisations qui s’est ouverte dès l’expulsion et sur laquelle nous allons revenir plus avant.

2) Publicisation

• Lundi 9 septembre 2019 (II). Une vingtaine de militants est présent sur les lieux de l’expulsion, et quelques médias (Dijoncter.infos, Le Bien public, France 3). La presse est un maillon essentiel de l’opération de visibilisation : « c’est toujours nous qui les prévenons, sans ça ils ont que le communiqué de la préf’, après coup, donc on prévient quand même la presse pour qui voit la réalité des faits que ce soit pas caché quoi et que le point de vue des victimes de l’expulsion soit aussi entendu » (Pierre). Se déploient d’emblée deux régimes d’action : à côté d’un rapport de force presque purement physique (il y aura une altercation entre les deux camps), un agir stratégique se met en place par le biais de la médiatisation de l’événement, visant à développer une « politique de la présence » (cf. infra, partie IV), mettre sous les feux des projecteurs les policiers et amener à soi l’opinion publique qui peut faire pencher la balance du côté militant. Suivant le plan fixé en amont par les militants, qui avaient réfléchi à l’après expulsion, les exilés et les soutiens se retrouvent place Wilson (une célèbre place dijonnaise) dans le but de visibiliser la situation. À 18 heures environ soixante-dix personnes affluent vers le lieu de rendez-vous, distribuant des repas et plantant des tentes. En parallèle, plusieurs camions de CRS encerclent la place et mettent la pression sur les personnes présentes. La situation se tend : d’une part les forces de l’ordre multiplient les sommations mais ne semblent pas avoir d’ordres précis ; de l’autre les migrants et militants savent que leur position est précaire et qu’ils ne pourront la défendre longtemps. Alors que l’affaire se développait publiquement dans le « réel » et dans les médias, une « arène » moins publique est déployée. Pierre, le militant le plus « institutionnaliste » a l’idée de contacter la mairie dijonnaise « bien disposée en ce moment » et « sûrement pas heureuse d’avoir quatre-vingts personnes à la rue sans avoir été prévenue », dans l’idée d’accroître le rapport de force par une entrée en négociations avec la municipalité (« c’était l’idée d’avoir un truc à proposer, sinon on se faisait dégager », Sacha), d’autant plus urgentes que le nombre de militants décroît. Les échanges téléphoniques s’enchaînent et des points sont régulièrement faits en français et en arabe pour informer les présents[14]. Le conflit se complexifie en se feuilletant dans diverses « scènes » : dans les médias et les réseaux sociaux ; dans le réel (engagement physique) ; dans une arène « secrète » visant à s’appuyer stratégiquement sur un complice possible (la mairie). C’est d’ailleurs par cette dernière qu’une porte de sortie va se dégager. Par téléphone, la municipalité propose la mise à disposition du « Chemin des Cailloux », un terrain vague destiné au stationnement des gens du voyage. À posteriori Pierre confirmera que « cette occupation était une bonne chose, en ce qu’elle a fait tergiverser les forces de police, et a permis de gagner du temps et a fait arriver la proposition ». Les soutiens sont du parti de répondre positivement à cette idée ; Nicolas préfère tout de même tempérer : « on a essayé de faire jouer au max le rapport de force qui y’avait. On a pas dit oui tout de suite quand même pour le terrain au Chemin des Cailloux, on a été un peu en mode « non mais faut au moins qu’il y ait de l’eau, de l’éléc’ » on peut pas dire que c’était une grande victoire, mais c’était une étape ». Avant la levée du camp les militants rappellent le rassemblement du lendemain, prévu à 14h devant la Cité Judiciaire. 

• Mardi 10 septembre 2019. Le réveil est difficile après une courte et fraîche nuit sur le campement. L’après-midi est marqué par un rassemblement devant la Cité Judiciaire alors que se tient en parallèle le jugement devant statuer sur l’expulsion du squat. Quelques prises de parole dénoncent une expulsion illégale et les conditions inhumaines de vie au camp. Au même moment, les militants reçoivent un appel téléphonique de la préfecture, par l’intermédiaire de la mairie, les prévenant qu’une équipe mixte préfecture-Office Français pour l’Immigration et l’Intégration [Ofii] est au camp et souhaiterait discuter d’hébergement inconditionnel[15]. Les exilés se lancent dans une manifestation sauvage en direction de la préfecture, rapidement écourtée par l’utilisation de gaz lacrymogènes, mais qui maintient la pression et la visibilité. Pour les négociateurs c’est la douche froide, l’équipe mixte refusant de discuter, avant de proposer une poignée de places d’hébergement : pour Sacha c’était clairement une « stratégie visant à vider la ville des manifestants ». Les négociations en resteront au point mort alors qu’une deuxième nuit de camping se profile. Juste avant que la nuit ne tombe, une réunion bilingue français-arabe est organisée pour préparer la journée du mercredi, faire un point sur les affaires conservées dans des containeurs dans une ville voisine et donner des nouvelles des personnes arrêtées et placées en CRA.

• Mercredi 11 septembre 2019. Le rendez-vous est fixé à 17h30 au camp pour une manifestation prévue à 18h : se tient à quelques hectomètres du camp l’inauguration du mail Guynemer dans le nouvel éco-quartier des Maraîchers, en présence du maire de Dijon et de la préfecture. La réunion préparatoire annonce la couleur : il s’agit de « montrer notre mécontentement et que l’on se battra jusqu’à une amélioration et sortir de ce terrain vague caché » (Henri). Le cortège d’une quarantaine de personnes se retrouve bloqué à l’entrée sud-est par une équipe de CRS. Après quelques échanges de courtoisies, nous nous dirigeons vers l’entrée opposée (nord-ouest) en contournant l’éco-quartier longuement par le sud (boulevard de Chicago). À quelques encablures de l’entrée rue du Bertillon, nous sommes devancés par les forces de l’ordre qui lancent plusieurs grenades lacrymogènes. Nous repartons et entrons au Quartier Libre des Lentillères, qui fait face à l’entrée nord-ouest du mail Guynemer. Sur place certains habitants du Quartier perturbent déjà l’inauguration en tapant sur des casseroles[16]. Nous nous joignions à eux et redoublons ce boucan d’enfer. L’inauguration se poursuit dans un brouhaha qu’essayeront d’apaiser les forces de l’ordre par l’utilisation de gaz. Les jets de projectiles vont se symétriser et se termineront quelques minutes après l’inauguration écoutée, par de nouveaux jets de gaz lacrymogènes. Un léger débriefing s’organisera autour d’un repas cuisiné et consommé en commun.

Sans qu’elle fût explicitement formulée, on peut sentir ici une première ligne de discorde entre les militants. En effet le Collectif de soutien n’est pas une unité homogène, mais est composé d’associations plus ou moins éloignées de la question migratoire, et aux positions diverses sur le continuum allant d’un pôle d’adhésion à un pôle de contestation des politiques migratoires (Pette, 2012). Nous pouvons même dire que la contestation évolue sur une étroite ligne de crête, entre les militants « radicaux » et « institutionnalistes »[17], qui ne voient pas forcément d’un bon œil la perturbation d’un événement municipal, alors même que la mairie a fait un pas dans le sens des militants. On saisit la précarité du mouvement, qui doit composer avec ce qu’il est publiquement possible de faire, la partie adverse (préfecture), les complices possibles ( médias, mairie...) et avec ses lignes de fractures internes : s’il s’agit de se rendre « ingouvernable » pour espérer gagner la passe d’armes, il s’agit également de faire preuve de prudence pour ne pas discréditer les exilés (« je pense c’est [un] jeu de composition d’actions, d’alliances et d’essayer d’être dans la finesse, de pas arriver avec des gros sabots, en permanence sur un monde sans frontières », Nicolas). Ainsi, la frange la plus « contestataire » ne peut uniquement puiser dans son traditionnel répertoire d’actions. De même, le mouvement militant doit faire avec plusieurs lignes temporelles qui s’enchevêtrent les unes les autres : la ligne du court terme (l’urgence de l’ici et maintenant), celle du moyen-terme (l’approche des élections municipales sur lesquelles les militants peuvent s’appuyer[18]), celle du long terme (accéder à une solution pérenne pour tous). Ces difficultés sont aussi présentes du côté préfectoral, qui doit également composer avec ces multiples temporalités et les différents acteurs (opinion publique, mairie, Ofii, etc.).

• Les jeudi 12 et vendredi 13 septembre 2019 ne sont marqués par aucun événement. Toutefois des tractations « secrètes », ouvertes par l’appel du lundi 9, ont cours entre les militants et la mairie, pour trouver une solution au campement. Se mêlent ici différentes temporalités et différents arguments pour les parties distinctes, qui rendent encore plus complexe la détection d’un terrain d’entente. Si des forces semblent pousser au consensus (partir avant l’arrivée des gens du voyage), d’autres forces semblent le repousser (notamment la peur que la situation se répète).

• Samedi 14 septembre 2019. Les soutiens guignent l’inauguration de la piscine municipale du Carrousel. Migrants et militants écrivent quelques slogans sur des serviettes de bain et se rendent à l’inauguration, qu’ils perturberont « gentiment » (Sacha) en tendant les serviettes de toilette dont le slogan exige un accueil digne : « ni douches ni maison, que font-on ? » et « Les douches seront prises où il faudra, et si prendre des douches devient un combat, nous serons là, armés de nos savons ». Le directeur de la piscine souhaitera appeler la police, mais les tractations ouvertes avec les militants le feront se raviser : « on a été négocié avec eux pour leur dire « en fait vous voyez bien que si les flics interviennent ici, ça va être beaucoup plus le bordel que si nous on se calme » et c’est ce qui s’est passé » (Sacha). Comme l’ont souligné de nombreux militants présents, ces événements n’ont pas été que des occasions de maintenir le bras de fer, mais ils ont aussi et surtout été l’occasion de tisser des liens (cf. infra., V) : tout n’est pas que stratégique dans la mobilisation.

• Dimanche 15 septembre 2019. À l’occasion du Grand Déj’ des Associations, les alliés et les migrants distribuent des tracts pour informer sur la situation au camp. Mais la fatigue d’une semaine intense a freiné les ardeurs de certains et « foutre la merde » n’était pas une stratégie idoine : « c’est encore une fois la question de pas se mettre à dos des gens qui sont des soutiens potentiels, le Grand Déj’ c’est la fête pour le milieu associatif dijonnais, on voulait pas foutre la merde chez nos potentiels soutiens » (Sacha). Encore une fois, le travail de composition aura raison des envies militantes, malgré le fait que ces derniers savaient « qu’en période de pré-campagne électorale, que c’est un grand moment de communication. On savait qu’on avait une espèce de moyen de pression, de leur dire « bah en fait faut que vous trouviez une solution parce que même si c’est pas votre prérogative c’est vous qui allez avoir les conséquences de ce problème... Si vous faites rien il va vous exploser à la gueule ».

Les événements publics se closent ici. Les militants semblent avoir réussi à engager un bras de fer avec les pouvoirs publics en inscrivant la question squat au cœur des agendas médiatique et politique. Incontestablement, la cinquantaine d’articles de presse publiés via différents médiums et relatant les différents épisodes de la semaine de mobilisations viennent comme prouver ces dires.

IV. Une « politique de la présence ». Police et émancipation

Depuis plusieurs années, après chaque expulsion, les migrants étaient accueillis au Quartier libre des Lentillères. Perversement, cette habitude a été intégrée par tous, police y compris. Pratique et « confortable » pour les personnes expulsées, la précaire mise à l’abri ne satisfait plus les militants (« c’est caché, c’est propre et on voit plus rien. »), d’autant que le poids a été « important » lors du précédent accueil. Ces propos font écho aux recherches menées par Babels (2019), qui montrent que l’invisibilisation est le point commun entre différentes techniques d’encadrement des populations migrantes (expulser, éloigner, disperser). Pris dans le piège d’une invisibilisation qu’ils ont eux-mêmes contribuée à instituer, les militants ont cette fois-ci opéré à l’inverse de leur habitus militant : « on avait vraiment anticipé tout ce moment-là et heureusement, parce que sinon je pense que spontanément on serait revenu là [aux Tanneries] C’est un truc qu’on a beaucoup réfléchi » (Nicolas). C’est ainsi que, plutôt que d’organiser une systématique manifestation après l’expulsion, la stratégie a été différente, visant la « publicisation » de l’expulsion, et sa potentielle résolution par les représentants de l’officiel. C’est ainsi que le soir même de l’éviction de la CPAM, la traditionnelle manifestation a cédé la place à un rassemblement et la suite de la semaine, d’ordinaire calme, fut le théâtre d’événements présentés plus haut, et qui auront deux mots d’ordre : visibilité et rapport de force. C’est-à-dire que l’expulsion du squat de la CPAM a ouvert un espace de luttes politiques et d’actions urbaines (Aedo, 2019) dans lequel se sont engouffrés les migrants et les militants.

Dans un article faisant le tour des conceptions de la visibilité et de l’invisibilité, Jean-Noël Tardy (2007) affirme que la visibilité met l’accent sur la dimension construite de la réalité et son indéniable hiérarchie. Il montre qu’il existe différents degrés de visibilité et d’invisibilité en lien avec le pouvoir : la visibilité est essentielle à la reconnaissance des groupes sociaux existants ou qui aspirent à se constituer comme tels (« n’est pas visible ce qui n’est pas digne d’être remarqué, ou du moins ce qui est trop trivial pour être mentionné » (Ibid., p. 20-21). D’ailleurs Axel Honneth, dans un texte sur l’épistémologie de la reconnaissance s’efforce de démontrer que l’invisibilité est une forme du mépris social (Honneth, 2006, chap. VII). Effectivement, via cette invisibilité est déniée aux personnes « une participation aux comptes de la communauté politique [...] et que l’on [ne] reconnaît pas leur appartenance plénière » (Stavo-Debauge, 2009, p. 905).

On peut ainsi analyser cette lutte visant la publicisation comme une lutte visant à venir déranger l’ordre policier, qui est tout autant un ordre du visible et du dicible (Rancière, 1995, 2004 [1990]). La tentative de rentrer par l’entrée sud-est du mail Guynemer est fortement instructive. Alors que police et manifestants se font face, plusieurs slogans scandés font sens : « on est pas invité ? », « Pourquoi on est pas invité ? », « nous aussi on veut des petits fours ». William, un jeune tchadien musicalise l’événement par une chanson dont le refrain est « excuse-moi d’exister ». Ce slogan, comme d’autres propos d’ailleurs (« Ça fait du bien de faire du bruit et se dépenser quand depuis deux journées ce qui est demandé, c’est de fermer sa gueule »)[19] est remarquablement conceptualisable comme une action émancipatrice au sens de Rancière : elle ratifie une volonté individuelle et collective de persister à une place qui est déniée. Et c’est dans ce potentiel perturbateur d’un ordre établi que réside la portée politique de cette action. Ici viennent s’entrechoquer « l’ordre policier », qui repose sur la distribution hiérarchique des places et des fonctions (ibid., p. 112), et un processus « d’émancipation », celui de l’égalité, qui vient rompre une configuration où se définissaient des partis et des parts (ou une absence de part).

C’est ainsi que l’on peut analyser les événements mentionnés ici : ce sont autant d’effractions d’un ordre policier par une présupposition d’égalité de la part des « sans-part ». Celles-ci introduiront dans la communauté des êtres parlants qui y étaient incomptés jusqu’à présent (ibid.). Cette violence rend visible l’invisible et crée un lieu polémique. Loin de ratifier le mutisme qui leur est demandé, comme l’emplacement du Chemin des Cailloux le laisse entendre[20], les migrants prennent la parole, demandant publiquement leur part : « nous aussi on veut des petits-fours ! ». D’ailleurs la politique est selon Rancière affaire de production par une série d’actes d’une instance et d’une capacité d’énonciation qui n’étaient pas identifiables dans un champ d’expériences précédent, qui donnait à chacun son identité et sa part (Rancière, 1995, p. 59). Cette prise de la parole c’est la manifestation d’un écart : ce « tort », cette « mésentente » est le mode de subjectivation dans lequel la vérification de l’égalité prend figure politique[21].

V. Réflexivités militantes

Le tableau politique décrit, un brin optimiste, est relativisé par les militants eux-mêmes, comme la délicate question de l’instrumentalisation va nous le montrer. Après avoir habilement préparé ses contre-attaques, la préfecture pointe ce qu’elle désigne comme l’instrumentalisation des migrants « par des membres de la mouvance anarcho-libertaire »[22], comme si les soutiens, en confisquant la parole des migrants, domestiquaient l’effraction[23]. Comment les militants se sont-ils défendus face à cette critique préfectorale ?

Nicolas se défend de toute instrumentalisation, balayant les critiques sèchement : « de la même façon on pourrait dire “tout le monde s’instrumentalise”. Les référents, c’est pareil quoi, ils s’instrumentalisent entre eux aussi si on en est là quoi ». Si les militants ne sont pas exempts de reproches sur cette séquence (dans le discours offert au sociologue à posteriori), Nicolas propose de voir dans le militant un guide accompagnant la construction de capacités émancipatrices chez la personne migrante via la constitution de complicités durant des actes politiques :

« On essaie de dire « bah en fait ouais, c’est à vous de nous dire comment vous le sentez », et c’est sûr que les propositions émanent beaucoup de nous. Si j’déboule dans un pays où je capte pas les enjeux, j’suis quand même content qu’il y ait aussi des gens qu’ont une pratique politique depuis des années dans un contexte puissent te dire. « Ah en fait, ça c’est un niveau que tu peux faire, ça c’est un niveau que tu peux moins faire, ou en tout cas peut être tu peux le faire mais peut-être que les conséquences ça sera plus ça ou ça ». Créer les complicités que je te disais ».

Si le son de cloche est différent chez Sacha, reste que la construction de complicités politiques est chez lui aussi d’une importance capitale : « je suis très content de ce truc-là [la perturbation de l’inauguration de la piscine], parce que ça a fait partie des choses que moi j’aime faire dans la politique, c’est-à-dire y’a des moments où tu fais des choses ensembles, tu crées des complicités, tu te marres, ça a hyper bien marché, c’était assez magique même » (Sacha). Pourquoi parler d’ailleurs d’instrumentalisation alors que les exilés ont leur propre « être politique » (Nicolas) ? Sacha me rappellera d’ailleurs que nombre de personne de nationalité X sont passées par les rangs d’organisations militaro-politiques d’opposition au pays. La personne est d’emblée pensée sous l’œil d’une anthropologie capacitaire, comme l’affirme Nicolas :

« ils préfèrent être en ville, visible, c’est ce qu’ils me disaient : « bah nous qu’est-ce qu’on va aller se cailler dans un coin tout pourri, autant qu’on nous voit ». T’sais ils captent et ils se disent « benh ouais en fait on va être isolé, les gens vont pas nous trouver », là j’pense ils voient bien que ça fait plus chier et [ils] capt[ent] que si tu fais chier tu créer un rapport de force et tu crées la possibilité qu’il se passe d’autre chose, et c’est exactement ce qui s’est passé ».

Si la critique préfectorale a légèrement touché les militants, les reproches internes eux, ont profondément déstabilisé certains militants. C’est tout spécialement le cas de la critique de « néocolonialisme militant » qui a été à l’origine d’une importante investigation réflexive chez Sacha. Malgré les garde-fous disposés çà et là, la session d’événements n’a pas été satisfaisante : « nous on arrive on fait des réunions, on dit aux gens « asseyez-vous », et pis on parle pendant un quart d’heure et pis... les migrants sont souvent d’accord avec ce qu’on propose mais ça fait qu’on a peu d’espace pour un débat... c’est encore notre espèce d’obsession que les gens soient le plus actif possible dans ce processus. ». On observe ici comme une certaine forme de « schizophrénie militante » entre une grammaire politique « obsédée » par l’horizontalisme et l’activité de tous, et, d’autre part des actes in situ assez éloignés de cette grammaire (« alors ça c’est la théorie et pis en pratique en fait on galère », Sacha). Il en résulte chez lui une grande déception, dont (i) une partie est imputée à des obstacles extérieurs. Les conclusions de son enquête soulignent un trop grand groupe de migrants, rendant compliqué le développement de relations personnelles avec chacun ; que l’arrivée des migrants dans un nouveau contexte politique rend difficile l’effectuation de l’action qui convient (Thévenot, 2006) et qu’il faudra attendre quelques temps avant que la personne puisse comprendre les tenants et les aboutissants du contexte politique local ; la barrière de la langue ; une temporalité gouvernée par l’urgence, qui rend difficile toute concertation poussée ; plus étonnement le manque d’un chef politique chez les migrants (« c’était super questionnant, dans les réunions... il fallait de la verticalité pour organiser l’horizontalité », Sacha). Or, une partie des dysfonctionnements est (ii) imputable aux militants qui n’ont pas su tisser des complicités politiques véritables (« à plusieurs moments on a fait des réunions et on a décidé plein de choses sans eux et ça c’est quand même vraiment nul », Sacha) ni faire preuve d’un horizontalisme véritable.

En résulte ainsi un registre d’actions à l’opposé du souhait militant, un « faire-pour » qui a supplanté un « faire-avec », et qui débouche sur un « traitement » des migrants non en tant que « sujets de lutte » mais en tant « qu’objet de lutte » (Sacha). L’exemple de l’occupation du nouveau bâtiment est éclairant : « y’avait deux mecs là assis par terre avec leurs joins, un mec leur demande un truc et qu’est-ce qu’ils font ? Ils disent « va voir Sacha et Nicolas ». Bah non le bâtiment c’est le tien, c’est à toi de le défendre ». C’est pour répondre à de tels soucis, à la fois politiques et moraux, que Sacha envisage dans le futur d’organiser un atelier au sein du Collectif de soutien, où les militants réfléchiraient à leurs pratiques politiques, en s’efforçant de les faire évoluer vers plus de transparence et d’horizontalisme. L’objectif serait ainsi de s’insérer dans un registre qui relèverait le plus possible d’un « faire avec ».

Épilogue

Après le dimanche 15 septembre la fougue militante est peu à peu retombée. Si le rapport de force engagé a permis d’obtenir la mise en service de l’eau-électricité ainsi que l’installation de toilettes et de douches, il a aussi permis une visibilisation bien réelle, qui a drainé un nombre assez élevé de dons. Malgré le rapport de force médiatique (une cinquantaine d’articles durant cette semaine) et populaire (de nombreuses personnes éloignées de la « cause des étrangers » sont passées au camp des Cailloux), aucune solution durable n’a malheureusement pu être trouvée. Un peu plus de deux semaines après la fin des événements, les migrants officialisaient leur présence dans un nouveau bâtiment désaffecté. Un mois plus tard, une plainte a été déposée. Les migrants et les soutiens s’inquiètent désormais de la suite des opérations, et de la fin de la trêve hivernale : date d’expulsion, date de nouvelles mobilisations ?

Bibliographie

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Haut de page AUTEUR

Jérémy Sauvineau,
LIR3S Laboratoire interdisciplinaire de Recherche “Société, Sensibilités, Soin”, UMR 7366 uBFC/CNRS (Sous la direction de J.-L. Tornatore et M. Poussou-Plesse)

Haut de page NOTES


[1] Direction Régionale et Départementale Jeunesse, Sport et Cohésion sociale de la Bourgogne-Franche-Comté, « Schéma Régional d’Accueil des Demandeurs d’Asile [SRADA] », avril 2017, p. 16. C'est moi qui souligne. Selon ce même document, le SRADA vise à 1) assurer une répartition équitable des places d'hébergement dans la région ; 2) améliorer la fluidité des parcours ; 3) mettre en place un pilotage permanent du suivi et de la prise en charge des personnes ; 4) une meilleure coordination des acteurs concernés pour une meilleur anticipation et adaptation aux besoins.
[2] Ibid. p. 16.
[3] La préfecture n’a pas donné suite à ma demande d’entretien.
[4] « Squat à Chenôve : “Pas d’évacuation pendant l’été” », Le Bien public, 8 juin 2019.
[5] Affiche rédigée à la fin de la trêve hivernale 2019.
[6] Les citations en italique sans note de bas de page renvoient toutes au communiqué de presse préfectoral.
[7] C’est moi qui souligne.
[8] « Squat de l’ex-Assurance maladie : les migrants ont été expulsés », Le Bien public, 9 septembre 2019.
[9] C’est moi qui souligne.
[10] Comme dans le cas de l’évacuation d’un camp de migrants dans le nord-est du Chili, cf. Angel Aedo, 2019.
[11] « Thierry Coursin, un empereur de façades », Dijoncter.info, 9 septembre 2019.
[12] Affiche rédigée à la fin de la trêve hivernale 2019.
[13] Gvantsa est une lycéenne géorgienne en situation irrégulière arrêtée en août. Elle fût libérée puis régularisée après une importante mobilisation. Qadri est un jeune nigérian expulsé entre « l’affaire Gvantsa » et l’expulsion de la CPAM. Notons de plus que les militants eux-mêmes relativisèrent leurs propos, à l’image de Pierre : « quand je vois des réunions nationales LDH [Ligue des Droits de l’Homme], les deux tiers là viennent en étant persuadés que leur préfecture est la plus mauvaise du monde » (Pierre, entretien avant l’expulsion).
[14] Les migrants n’entrent toutefois pas dans le cercle des négociateurs.
[15] Selon les militants.
[16] Pour s’opposer au projet d’urbanisation qui menace les Lentillères.
[17] Une précédente expulsion avait laissé le dissensus s’exprimer à visage découvert : « les gens étaient vénères, ils ont fait un énorme feu au milieu du carrefour. Tu vois les assos’ elles ont pété les plombs quoi ! Elles ont fait « non mais c’est quoi votre bordel ?! C’est quoi le délire ?! Vous croyez que c’est comme ça qu’on va faire... » (anonyme).
[18] Pour nombre de militants, le maire actuel est en danger pour sa réélection : cajoler l’électorat de gauche pourrait être une bonne solution pour lui, mais c’est à double tranchant : « j’sais pas si tu l’as capté, mais ça s’inscrit clairement dans la campagne... Tu vois, au mois d’avril, ils ont plus les mêmes intérêts » (Nicolas).
[19] « La CPAM s’invite à l’inauguration de l’Ecoquartier des Maraîchers », Dijoncter.info, 12 septembre 2020. C’est moi qui souligne.
[20] Le terrain est situé entre le cimetière des Péjoces, une chaufferie municipale et l’autoroute.
[21] On peut ici retrouver la question de la citoyenneté explorée par les auteurs pragmatistes. Pour une affaire similaire, cf. Federico Oliveri, 2012.
[22] C’est moi qui souligne. « Cérémonie de la Libération : des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre », Le Bien public, 12 septembre 2019.
[23] Je reprends ici les mots que Jacques Derrida à l’égard de la mobilisation des Black Panthers dans une lettre adressée à Jean Genet. En ligne : https://www.cairn.info/revue-lignes-2015-2-page-87.html.
Haut de page RÉFÉRENCES

Pour citer cet article :
Jérémy Sauvineau, « L’“affaire CPAM ”. À propos d’une mobilisation autour de l’expulsion d’un “squat de migrants” », Revue TRANSVERSALES du Centre Georges Chevrier - 17 - mis en ligne le 30 juin 2020, disponible sur :
http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/prodscientifique/Transversales.html.
Auteur : Jérémy Sauvineau
Droits :
http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/publications/Transversales/menus/credits_contacts.html
ISSN : 2273-1806