Démocratiser les pratiques culturelles : l’exemple bulgare.
Les enjeux de la transition démocratique, 1989-2012

 

La réflexion sur la relation entre les principes démocratiques et les politiques culturelles dans le cas de la Bulgarie, et plus particulièrement entre l’accès démocratique à la culture et sa justification par la mise en place des politiques culturelles, doit être transposée nécessairement dans un contexte historique marqué ces cinquante dernières années, par des transformations politiques, idéologiques et sociétales tout à fait radicales[1].

Rappelons d’abord dans une perspective historique que la démocratie culturelle, la gestion centralisée et planifiée des institutions et des actions culturelles entièrement financées par l’Etat, représente une caractéristique essentielle de l’ensemble de la politique culturelle socialiste.

La politique culturelle de l'Etat dans les années du socialisme réel se caractérise par un développement culturel extensif dont l’objectif est l’accès le plus large possible de la population à la production culturelle par le biais d’une participation active aux manifestations culturelles de toutes les couches sociales et de tous les milieux socio-culturels.

Sur le plan national, l'Etat développe de nombreux programmes afin de donner à la culture l’apparence de la « vitrine de la société socialiste ». Pour réaliser cet objectif, l’Etat qui est en réalité l’unique mécène dans le domaine culturel, prévoit des budgets importants pour l’organisation et le financement de nombreuses manifestations de prestige international. En parallèle, l’Etat développe toute une stratégie pour améliorer les formations artistiques dans le domaine de la musique, du folklore, de la danse ; de nombreuses maisons de lecture, palais de culture, centres de festivals sont construits dans les grandes villes du pays.

Le développement de l’infrastructure des institutions culturelles et un meilleur accès à l’ensemble de la production culturelle permettent une participation plus active à la consommation culturelle : de nombreux dispositifs sont mis en place pour permettre à un  large public de bénéficier d'accès directs ou indirects à la culture.

La crise économique et les transitions politiques après 1989 bouleversent la société, ce qui va exacerber davantage la crise en matière culturelle.

Culture et société civile - acteurs et débats

Les transformations profondes des sociétés en Europe de l'Est ont touché particulièrement le champ culturel. Depuis 1989, les enjeux économiques, idéologiques, sociaux et culturels redonnent une nouvelle dimension aux politiques culturelles dans le contexte de la transition. L'espace culturel se construit autour de trois axes fondamentaux : la démocratie, les réformes institutionnelles et une nouvelle définition de la culture. La mise en place progressive d’une société civile joue un rôle déterminant dans le processus de conception et de réalisation des stratégies culturelles.

Dans un premier temps, l’instrument principal dans le mouvement de la démocratisation de la culture est le ministère de la Culture. Il est l’organe spécialisé de l'Etat chargé de la formulation et de l'application de la politique culturelle officielle dans le domaine de la création, de la promotion et de la préservation des biens culturels. Il joue un rôle essentiel dans la définition de la culture, plus particulièrement en mettant en place une législation appropriée.

L’adoption de la Constitution de la République de Bulgarie en 1999 dans laquelle huit articles font référence directement à la culture met fin à une longue période marquée par une législation insuffisante face aux faits culturels de la transition. La Loi pour la protection et le développement de la culture est votée en 1999. Auparavant, toute une série de lois et de textes législatifs sont adoptés de manière successive afin d’assurer l’harmonisation de la législation nationale en matière de propriété intellectuelle. Tel est le cas de la loi sur les droits d’auteur et droits associés (1993), la loi sur les maisons de lecture (1996), la loi sur la radio et la télévision (1998), la loi sur l’industrie cinématographique (2003), la loi sur le piratage et la contrefaçon (2005), la loi sur le mécénat (2005). Actuellement plusieurs lois sont en cours de préparation dans différents secteurs culturels ; dans ce mouvement, il est indéniable que le fait le plus marquant concerne la préparation de la Stratégie nationale de la culture, document majeur pressenti comme base à une future loi de la culture, après son adoption prévue en 2013.

Dans un second temps, la restructuration nécessaire de la sphère culturelle ne serait pas possible sans les efforts conjoints de trois acteurs principaux de la politique culturelle : l’Etat, le marché et la société civile. L’association de ces trois sujets qui se fait sur plusieurs registres et qui reste parfois conflictuelle, est une expression directe de la progression de la société civile dont l’exigence première est l’application des principes démocratiques dans le domaine culturel.

En fait, l’apparition d'acteurs nouveaux et la création de multiples organisations, associations, fondations dédiées à la culture sont des traits caractéristiques du nouveau champ culturel en construction. La reconnaissance de la diversité culturelle comme un principe des politiques culturelles est initiée notamment par des rassemblements constitués au sein de la société civile dont l’objectif est la défense de la culture au nom des valeurs démocratiques.

En conséquence, tout examen du processus de la démocratisation culturelle dans ce contexte est étroitement lié à l’action des organismes représentatifs du secteur culturel non gouvernemental au service de la démocratie.

Le document final du premier débat national de la culture qui s’est tenu à Sofia en 1998 marque clairement cette position : « …la politique culturelle bulgare aujourd’hui et dans les années à venir va stimuler l’évolution de la société civile en République de Bulgarie en préservant l’unité de la culture nationale dans le respect de l’identité culturelle nationale et la diversité culturelle[2]. Lors de cette manifestation, les représentants de tous les secteurs de la culture bulgare, de l’administration de la culture, des organismes culturels régionaux et nationaux, des organisations publiques et privées ainsi que des universitaires et des experts du Conseil de l’Europe, ont souligné la nécessité de poursuivre l’organisation de vastes débats nationaux au nom de la mise en place progressive de la démocratie culturelle.

L’examen des politiques culturelles nationales par le prisme des principes démocratiques est ainsi au cœur de toute une série de manifestations au sein de la société civile qui, en utilisant divers instruments – débats, campagnes dans les médias, contrôle parlementaire, chartes, manifestes –, devient rapidement un acteur actif et engagé dans le processus de l’élaboration des stratégies culturelles.

Aujourd’hui parmi les 5468 organisations non-gouvernementales en Bulgarie, 473 affichent leur appartenance au secteur culturel, et parmi elles les plus actives ont une présence souvent quotidienne dans l’espace public[3].

Notons aussi que ces ONG sont particulièrement actives dans les actions auxquelles l’Union européenne apporte un soutien financier et logistique par le biais de différents programmes et projets européens. Un des exemples est le projet Park technologique Culture, soutenue par le Programme européen « Politiques culturelles » qui dans la période 2001-2002 a permis de réunir des représentants de tous les secteurs culturels autour de trois tables ronde[4]. La première avec les professionnels de la culture, la deuxième, avec les représentants des milieux économiques, la troisième avec les décideurs politiques ; l’objectif des débats est de proposer des mécanismes pour une meilleure représentation de la culture dans l’espace politique[5]. Une des conséquences directes de ces Tables rondes est la constitution du Forum National Civique pour la culture qui est une organisation non gouvernementale de cinquante organisations civiles dans le domaine de la culture dont la mission est de « contribuer à la participation réelle de la société civile dans le processus de définition, d’élaboration, d’actualisation, de réalisation des politiques culturelles au nom du respect des principes démocratiques[6] ». Les démarches mises en œuvre consistent à accompagner les ONG culturelles comme partenaires légitimes des pouvoirs publics lors de la constitution des politiques culturelles, de même que veiller à l’application de la démocratie culturelle, à contribuer au déploiement du dialogue culturel international. Dans ce cadre, en 2002, est signé l’accord de partenariat entre la commission de culture de l’Assemblée nationale, le ministère de la Culture et des organisations de la société civiles représentant la culture. Ce document affiche clairement l’ambition pour une meilleure coopération dans tous les domaines de la politique culturelle entre les partenaires, en soulignant l’obligation de transparence et d’information à tous les niveaux et en encouragent l’initiation et la réalisation des débats publics sur les politiques culturelles[7].

Malgré une certaine fragilité de ce nouveau forum civique dont l’ensemble des fonctions et des missions ne paraît pas toujours clairement défini, il semble important de souligner son action représentative pour l’ensemble des ONG culturelles qui œuvrent pour une meilleure articulation entre la démocratie et la culture.

Organisation de la culture - réactions et oppositions

La création du Forum marque également le début d’une opposition, régulière, solide, active et bien organisée au sein de la société civile qui réagit immédiatement à tout acte du ministère de la Culture concernant les politiques culturelles. La légitimité des stratégies, des initiatives, des décisions et des actes législatifs de la part des pouvoirs publics est régulièrement contestée et de nombreuses contre-propositions sont présentées aux débats publics. C’est le cas notamment de la série de débats autour de trois Tables rondes dédiées au droit et à l’accès à la culture, qui ont eu lieu en 2003[8]. Organisé par plusieurs universités et le Forum national civique pour la culture, ce projet est la prolongation du programme Park technologique de la culture de l’EU et répond au souhait des organisations culturelles pour un dialogue étendu sur les stratégies culturelles. L’objectif est de faire avancer la réflexion sur les possibilités des citoyens, consommateurs de la culture, à disposer d’un accès équitable à la culture, (art, théâtre, cinéma, musique), sans oublier le droit à la création et l’accès à l’éducation dans le domaine de la culture. A l’issu de ces débats, dominés par un ton critique, de nombreuses propositions ont été adressées aux responsables politiques.

De son côté, le ministère de la Culture organise une série de discussions nationales consacrée au thème général « Culture et information - accès pour tous » et réunit durant l’année 2005 des représentants des organismes publics et privés pour un débat national sur « La culture dans la petite ville ». Lors de ces manifestations un rôle important joue le Fonds national Culture créé auprès du ministère de la Culture comme partenaire stratégique dans le processus de la création des politiques culturelles[9].

L’omniprésence des débats sur la culture démontre à la fois le potentiel réformateur de la société civile, et le fonctionnement de la culture comme un élément qui consolide la formation de la société civile en tant qu’alternative du pouvoir.

L’exemple type d’un pareil fonctionnement est la structure Red House, centre culturel et espace d’expériences artistiques et des débats publics dans la société actuelle. Les partenaires financiers parmi lesquels le programme hollandais MATRA, le programme du Ministère des Affaires Etrangères en Allemagne, le fonds culturel Prins Bernhard, Fondation Open Society, Pro Helvetia, La caisse des fonds des Etats-Unis et d’autres pays, mais également différentes fondations et divers programmes culturels européens, permettent la réalisation d’une programmation hebdomadaire très dense. L’application des principes démocratiques et leur rôle dans la constitution de la société sont au cœur de débats organisés avec les experts nationaux et internationaux, spécialistes en politiques culturelles[10].

Un des partenaires réguliers de cette programmation est encore une ONG active dans les débats publics, L’observatoire de l’économie de la culture, créé en 2008. Son objectif principal est de fournir des études économiques dans le domaine de l’art, de la culture et des industries culturelles : cet organisme s’attèle également à la constitution des réseaux et partenariats entre les organisations culturelles, issues de la société civile ; en collaboration avec Open Society Soros Fondation, cet organisme initie des débats Culture&Politique dont une première édition consacrée aux politiques culturelles a vu le jour en 2009[11]. En 2011, année électorale en Bulgarie, la prolongation de cette initiative a comme objectif de transformer la série de débats consécutifs consacrés, cette fois, à l’art et aux industries culturelles, en un instrument réellement efficace qui contribue à la prise de décision collective dans la conception et la gestion des politiques culturelles[12].

A l’examen de ces débats et polémiques, il semble évident que la légitimité et la responsabilité des pouvoirs politiques dans le domaine de la culture sont souvent fragilisées par les revendications et les démarches conjointes de nombreux acteurs collectifs très engagés au sein de la société civile. Ces derniers disposent d’une large couverture médiatique et utilisent aisément les réseaux sociaux. Ainsi le ministère de la culture se voit contraint de changer, moduler, corriger son action pour répondre à ces exigences.

Stratégie nationale de la culture

C’est notamment le cas récent concernant le projet Stratégie nationale de la culture dont une première édition a été rendue publique en novembre 2011. Ce document répond à l’engagement pris par le ministère de la Culture en 2006 de présenter la situation de la culture nationale à la veille de l’entrée de la Bulgarie dans l'Union européenne[13].

Avant même la publication du projet, apparaissent dans la presse des déclarations de protestation des collectifs de la société civile dont le ton et la virulence marquent les esprits. Les représentants des organisations, forums, associations et collectifs signataires des lettres ouvertes adressées aux ministres de la Culture et des Finances, et à la présidente de la Commission de la culture à l’Assemblée nationale, considèrent que le projet présenté ne respecte pas les clauses de l’engagement signé en décembre 2010 qui donne la possibilité aux représentants de tous les secteurs culturels de participer à l’élaboration d’un tel projet[14]. Sous la forte pression médiatique, le ministère cède et accepte de revoir sa copie. Suite à cela, une prolongation de six mois est envisagée cette fois avec la large participation des représentants de toutes les organisations signataires de l’Acte tripartite[15]. Ainsi un nouveau projet a-t-il été rendu public au mois de juillet 2012, résultat des travaux conjoints d’une commission élargie sur les politiques culturelles avec la participation de 150 experts réunis dans 27 groupes de travail.

Il est indéniable que ces négociations sont aujourd’hui au cœur des débats très vifs, à la veille du passage du document final de la Stratégie devant le Conseil des ministres ; à partir du 1er septembre 2012 ont commencé les négociations interministérielles avant l’examen, à la fin de l’année, par l’Assemblée nationale[16].

Dans ce contexte, les tensions autour de la constitution et l’élaboration de la politique culturelle continuent, mais il semble qu’une nouvelle étape voit le jour, et cette fois elle est liée à une sorte d’autonomisation des organismes culturels issus de la société civile. Si un reproche récurrent qui leur a été adressé concerne leur dépendance financière vis-à-vis des organismes et gouvernements étrangers, de plus en plus des collectifs représentatifs des différents secteurs culturels ont une présence nationale et peuvent exister en dehors des subsides de toutes sortes ce qui confirme davantage leur légitimité et leur pertinence[17].

Culture et minorités

L’action des ONG culturelles est particulièrement active dans le débat national concernant les minorités culturelles. Dans ce domaine celles-ci travaillent conjointement avec les institutions et organismes étatiques autour d’une problématique principale, à savoir, la diminution des inégalités sociales par le biais de la culture et de l’éducation[18].

Rappelons d’abord qu’en termes ethniques et culturels, la population majoritaire est bulgare. La communauté des Turcs bulgares représente environ 8% de la population, les Roms quelque 3,7%, quant aux autres communautés (les Juifs, les Arméniens, les Pomaks, les Aroumains, les Macédoniens), leur pourcentage est estimé à environ 1% de la population totale du pays[19]. D’après le recensement de 2001 sur une population totale de 7 929 000, les ethnies se répartissent de la façon suivante : 6 655 000 Bulgares, 747 000 Turcs, 371 000 Roms[20].

Selon les différentes époques historiques, les nombreuses communautés turques[21] et roms[22] ont tenté de s’adapter aux divers changements politiques et culturels.

Au total, la Bulgarie compte plus de 25 groupes ethniques, religieux et linguistiques. La variété des identifications ethniques et religieuses est particulièrement caractéristique aux échelons locaux et régionaux ; sur l’ensemble du territoire il existe plus de 20 langues parlées dans le groupe rom/tsigane.

Notons ensuite que la réflexion sur les minorités fait partie intégrante du débat national sur la culture – il s’agit d’une interprétation de la culture comme vecteur privilégié et consensuel de la politique des minorités, mais aussi comme une extension de l’idée de la culture vers le concept de la diversité culturelle.

Dans cette perspective, plusieurs initiatives en faveur de la diversité culturelle émergent progressivement. Ces dix dernières années, les subventions publiques destinées à soutenir les activités artistiques sont désormais attribuées sur concours et stimulent ainsi l’activité locale en augmentant la participation à la sphère culturelle des projets culturels issus de la diversité culturelle ethnique et religieuse.

D’autre part, il est un fait connu que selon une forte tradition en Bulgarie, il existe globalement un climat de tolérance entre les différents groupes ethniques qui constituent la base même de la société bulgare. Le principe d’une pareille identification qui présente un modèle social tolérant a un rôle positif car il encourage la participation équitable des groupes minoritaires dans la vie sociale et culturelle. Cette situation pourrait empêcher l’existence et l’extension de certaines confrontations tout en évitant des conflits, qui peuvent émerger en temps de crise politique et économique[23]

Pour remédier à de pareilles situations, l’Etat a procédé à un acte décisif avec la création du Conseil national pour les questions ethniques et démographiques (CNPED) le 4 décembre 1997. Il s’agit d’un organe gouvernemental composé de représentants de dix ministères au niveau de vice ministre, de quatre organes gouvernementaux compétents et d’organisations non gouvernementales représentant tous les groupes ethniques et religieux. Le Conseil assure la consultation, la coopération et la coordination entre les organes gouvernementaux et les ONG, dans l’élaboration et l’application de la politique nationale relative aux questions ethniques et démographiques et aux immigrations. Celui-ci joue un rôle de premier plan car il est chargé de coordonner le programme-cadre d’intégration sur un pied d’égalité des Roms dans la société bulgare, ce qui développera et confortera les capacités de l’administration publique en matière d’intégration des groupes minoritaires et en particulier les Roms[24].

Un autre fait marquant est la création du programme-cadre 2010-2020 pour l’intégration équitable des Roms dans la société bulgare. Ce texte adopté par le gouvernement en avril 1999, annonce les mesures prises dans le domaine des politiques culturelles en relation notamment avec les politiques de l’éducation comme une des priorités de l’intégration des populations roms et l’accès égal à tous à la culture et à l’éducation. En fait, le Programme-cadre, fruit du dialogue engagé avec la communauté rom et approuvé par le Conseil des ministres, en 1999, énonce les principes fondamentaux de la stratégie gouvernementale visant à assurer une égalité réelle aux Roms en Bulgarie. Conformément aux documents internationaux, ce programme d’intégration définit les actions que les institutions publiques devront engager en vue de créer les conditions politiques, sociales, économiques et culturelles nécessaires à la juste intégration des Roms dans la société[25].

Vers une démocratisation des pratiques culturelles - culture et éducation

Le programme cadre 2010-2020 note que la communauté rom se caractérise par un très faible taux d'accès à tous les niveaux éducatifs comparé à celui du reste de la population. Ainsi, le degré éducatif le plus élevé de la communauté bulgare est le niveau secondaire qui atteint 48,4%, tandis que la plus grande partie des Roms (44,8%) arrivent à peine au niveau du collège.

Par ailleurs, une très nette tendance démontre la diminution du nombre des Roms, dans l’enseignement supérieur à peine 0,3% en comparaison avec la population bulgare (20,4%). Encore plus alarmante devient la tendance d’augmentation du nombre des Roms qui n’ont pas accédé à l’école primaire: 20,5%, tandis que ce chiffre chez les Bulgares est de presque 0% et qu'il est de 5,6% au sein de la communauté turque[26].

Ces conclusions sont confirmées également par les chercheurs bulgares, Dotcho Mihkaylov et Antonina Jeliazkova, auteurs d’une étude exhaustive qui démontre clairement que l’illettrisme, « maladie de la société actuelle », se propage rapidement au sein de la population rom pour atteindre 18,1% chez les adultes[27]. Selon l’ensemble des statistiques récentes de l’Institut national de statistique, la tendance la plus inquiétante est la croissance de l’illettrisme chez les Roms. Nous pouvons constater que cette situation persiste malgré les mesures entreprises par les gouvernements successifs comme la Stratégie pour l’intégration par l’éducation des enfants et les élèves provenant des minorités ethniques (2004), ou l’action du Centre d’Intégration ethnique par l’éducation, créé en 2005 auprès du ministère de l’Education.

Pour ces raisons, ce programme du gouvernement, soutenu par la majorité des communautés roms et les ONG, pose comme priorités l’encouragement de la diversité culturelle comme facteur de la consolidation de la culture nationale ; la vision globale qui enferme l’ensemble des cultures des ethnies dans un esprit de tolérance et d’échanges mutuelles ; l’intégration par la culture et l’éducation comme moteur principal de l’intégration globale des minorités dans la société[28].

Ce mouvement s’est prolongé par la création en 2002 du Conseil national de la diversité culturelle auprès du ministère de la Culture. L’année suivante, vingt-huit conseils régionaux des affaires ethniques et démographiques commencent à fonctionner dans les administrations locales. Le plan d’action du gouvernement signé en 2004 est associé à l’action menée par huit pays de l’Europe du sud-est intitulée Décennie de l’intégration des Roms 2005-2015.

Dans une perspective actuelle, en mars 2012 est votée la Stratégie nationale de la République de Bulgarie pour l’intégration des Roms 2012-2020, un document stratégique qui conduit à la mise en pratique de la politique globale nationale qui garantit l’accès équitable de tous les citoyens bulgare à la culture et l’éducation[29]. Il s’agit de la prolongation des expériences accumulées lors de l’action du programme-cadre 2010-2020 ; la priorité principale de ce document en matière d’éducation est la garantie à l’accès équitable et à une éducation de qualité y compris par la voie de l’intégration des écoliers roms dans les établissements scolaires à caractères ethnique mixte.

Dans le domaine culturel, la priorité incontestable est avant tout la sauvegarde et le développement de la culture traditionnelle rom, et plus particulièrement l’encouragement et la promotion de l’art amateur rom comme une voie possible pour une réalisation professionnelle et une participation active dans la vie culturelle de la société.

A la lecture de tous ces documents, on peut conclure que, suite aux actes conjoints de l’Etat et des ONG, il semble exister actuellement une prise de conscience de plus en plus prononcée du fait que la culture des minorités représente une partie intégrante de la culture nationale. Dans certains domaines, les courants de la culture dominante et de la culture minoritaire se croisent et c’est le cas notamment de la culture populaire, qui réunit des formes d’expression artistique venues du folklore et de l’art contemporain. Le cas de la musique populaire dans les régions du sud du pays donne des exemples d’un mélange de formes, d’instruments, de traditions bulgares, roms et turcs. Cet enrichissement culturel mutuel est encouragé par une série d’actions culturelles menées par les institutions et les organismes de la culture dans le cadre des programmes nationaux d’intégration des minorités en Bulgarie.

Enseignement artistique – démocratiser l’art

Un des thèmes du débat national sur la culture concerne notamment le développement de l’enseignement artistique et l’accès démocratique à la création.

Il existe une longue tradition dans ce domaine, et une infrastructure bien développée est en fait un des héritages appréciables du régime précédent. A cela s’ajoute la vision que l’enseignement artistique représente un atout stratégique de l’ensemble de l’éducation nationale qui contribue largement à l’épanouissement des jeunes générations et ouvre la voie vers une meilleure intégration professionnelle et sociale. Ainsi, malgré de nombreuses difficultés financières, dans tous les programmes du primaire au secondaire sont maintenues deux heures d’enseignement en art et musique.

D’autre part, comme matières optionnelles, les programmes scolaires prévoient de nombreuses heures dédiées à l'éducation artistique, musique et arts plastiques et tous les élèves du secondaire étudient l'esthétique, l'histoire de l’art et des civilisations ; dans certaines filières il existe une formation obligatoire : 2 heures par semaine jusqu'en classe de troisième, 4,5 heures en seconde, 11 heures en première et 17 heures en terminale[30].

Ce sont notamment des écoles spécialisées consacrées à l’art et à la culture qui sont gérées par le ministère de la Culture et spécialement par sa Direction Génération artistique. Il s’agit d’un véritable réseau national, réparti sur tout le territoire, composé de vingt-et-une écoles d’art et de deux écoles de culture. Elles ont le statut d’institutions culturelles nationales et relèvent de l’article 13 de la Loi de la culture. Leur mission principale est d’assurer un enseignement de haut niveau à tous les élèves qui passent le concours d’entrée et par un système de bourses permettre l’accès à une large représentation sociale. Dans un sens général, la formation propose des métiers stratégiques pour la sauvegarde des traditions culturelles nationales, dans le but de faire perdurer les métiers de la culture en relation avec la politique culturelle nationale. Selon les statistiques officielles, dans ces vingt-trois établissements publics secondaires environ 150 bourses d’excellence sont attribuées chaque année aux élèves classés aux trois premières places lors des prestigieux concours nationaux et internationaux. D’autres subventions ponctuelles complètent ces financements de la part des ministères, régions et communes. 

Beaucoup des diplômés de ces écoles prestigieuses, dont plusieurs existent depuis plus de cent ans, ont une brillante carrière internationale – chanteurs d’opéra, musiciens, chefs d’orchestre, dessinateurs, cinéastes, photographes.

Traditionnellement les programmes de l’éducation nationale sont en relation directe avec ceux du ministère de la culture au sein duquel une direction gère l’enseignement en art et culture. Dans les propositions de la Stratégie, le groupe de travail en charge de cette problématique accorde notamment une place importante au développement des activités extrascolaires pour les élèves de tous les niveaux. Au cours des dernières années, les organismes et les institutions gérés par le ministère de la Culture s’activent dans la recherche de programmes, projets, modalités plus adaptés dans le but d’encourager davantage les élèves à participer à des activités culturelles extrascolaires. Parmi la liste des possibilités les plus représentatives figurent l’accès gratuit aux concerts, expositions, musées, une programmation artistique spécifiquement destinée aux foyers des jeunes en difficultés. Cette action assure un accès assez large à la culture aux enfants les plus fragiles, appartenant aux couches sociales les plus défavorisées. En conséquence, se profile une vision globale qui, parallèlement au développement des écoles en art et culture et au déploiement des activités extrascolaires, se donne les moyens d’élargir progressivement l’auditoire et d’éduquer ainsi le jeune public. L’élargissement des publics est en fait un des objectifs annoncés dont la mise en pratique est assurée par l’intensification des partenariats entre les institutions culturelles – musés, galeries d’arts, académies d’art et de musique, – les établissements scolaires et les ONG ; cette action conjointe contribue effectivement à un accès équitable à la culture des groupes sociaux en marge de la société, y compris dans les contrées les plus éloignées.

Cette problématique est posée à une place centrale dans les objectifs du Programme national 2020 qui définit l’accès démocratique à la culture pour tous les citoyens de tous les âges comme une de ses priorités stratégiques, et plus particulièrement à travers l’essor prévu dans ce document des pratiques artistiques en amateur qui, en Bulgarie connaissent une très longue tradition.

Pratiques artistiques en amateur –maisons de lecture/tchtitalichte

L’enseignement artistique est lié à la problématique des pratiques artistiques en amateur qui, en Bulgarie a aussi une longue histoire, et dont l’exemple le plus visible sont les maisons de lecture.

Les maisons de lecture sont les ONG culturelles et éducatives traditionnelles, des associations nationales les plus anciennes réparties dans un réseau dense sur tout le territoire et financées par les municipalités, par le ministère de la Culture et par des sponsors. En 2012 leur nombre est de 3518, en légère augmentation par rapport à 2000 – 3 414, mais en diminution par rapport à l’année 1985, elles étaient alors 4 297[31].

Elles sont des institutions culturelles typiques, bien ancrées dans la tradition culturelle nationale et qui continuent à jouer un rôle essentiel dans la stratégie culturelle locale.

Elles sont les institutions les plus représentatives pour les pratiques amateur dans tous les genres classiques et modernes et de tous les âges. Elles constituent également le réseau le plus important d’activités extrascolaires que nourrissent les nombreuses formations d’art amateur, destinées avant tout aux enfants à travers tout le pays.

Au fil des siècles, les maisons de lecture se sont confirmées comme des centres incontournables pour préserver l’identité et les traditions nationales, qui de concert avec les institutions de l’Etat, encouragent l’expression populaire en transmettant des expériences et des savoir-faire séculaires.

Déjà en 1927 la loi sur les maisons de lecture publiques plaçait ces organismes sous le contrôle du Ministère de l'instruction publique qui a instauré un Conseil des maisons de lecture dirigé par le ministre. Chaque ville et chaque village de plus de 10 000 habitants devait maintenir un fonds destiné à l'entretien de ces organisations et un terrain de cinq hectares a été concédé sur la propriété foncière de l'Etat ; leurs fonds et profits n'étaient pas imposables. Le ministère avait créé un fonds géré par le ministre et destiné à aider les maisons de lecture situées dans des régions pauvres.

Ce rôle social est notamment à la base même de la Loi des maisons de lecture, votée en 1996 et amendée en 2009. Le ministère de la Culture observe, analyse et soutient les actions de ces organismes populaires, instrument principal pour la réalisation des politiques culturelles régionale et locale. Ainsi parmi les milliers d'ONG en activité depuis 1990, les maisons de lecture sont les seuls organismes qui possèdent leur propre base matérielle et fonctionnent en synergie à travers un solide système d’institutions éducatives réunies en réseau sur l’ensemble du territoire, en assurant souvent l’unique présence culturelle après la fermeture des écoles dans les petites communes.

Malgré des difficultés économiques et des pressions politiques et sociales durant différentes périodes, les maisons de lecture ont toujours préservé l’esprit d’ouverture et ont appliqué les principes de démocratie et d’indépendance. Leur rôle social ne cesse de croître ; l’Etat encourage leur mission d’intégration entre les générations, des jeunes en difficultés, ainsi que des représentants des minorités ethniques ou religieuses.

Les études et les rapports qui ont alimenté le texte de la Stratégie de la culture, confirment qu’aujourd’hui encore les maisons de lecture sont au cœur des politiques publiques et participent activement au développement de la culture locale, à la constitution d’une nouvelle société civile ; les vingt dernières années, elles continuent à fonctionner comme principaux centres de l’art amateur, œuvrant pour une participation encore plus large des publics.

Depuis l’entrée de la Bulgarie dans l'Union européenne, de nouveaux dispositifs au sein des maisons de lecture facilitent la réalisation des programmes et projets dans un cadre national et international, tel que « Trésors vivants de l’humanité », ou « Bibliothèques planétaires ».

Véritable référence populaire en matière culturelle en Bulgarie, les tchitalichta sont la preuve incontestable qu’il existe effectivement des solutions pour démocratiser les politiques culturelles publiques sur la base d’une féconde expérience nationale tournée désormais vers la diversité culturelle au cœur des pratiques artistiques.

Svetla Moussakova
Université de la Sorbonne nouvelle


[1]. Svetla Moussakova, « Les politiques culturelles en Bulgarie, 1878-2009 » dans Philippe Poirrier [dir.], Pour une histoire des politiques culturelles dans le monde, 1945-2011, Paris, La Documentation française, 2011, p. 93-112 et Svetla Moussakova, Le miroir identitaire. Histoire de la construction culturelle de l'Europe. Transferts et politiques culturels en Bulgarie, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, 2007.
[2]. Document final, Débat national de la culture dans le cadre du Programme européen des politiques culturelles nationales, Ministère de la culture, Sofia, le 1 décembre 1998.
[3]. C'est la même source - BULSTAT, Registre public des entreprises économiques de la République de Bulgarie, qui recense au début de 1998, 3 403 associations, 966 fondations et 161 branches d'associations et de fondations, soit un total de 4 530 ONG.
[4]. En 2000 l'EU lance un programme-cadre régional Policies for Culture, destiné aux pays de l'Europe du sud-est dans le but de soutenir financièrement et logistiquement les initiatives culturelles proposées par les pays-membres, en contrepoint des projets inspirés directement des modèles étrangers, ou des modèles, issus de l'héritage politique. La coordination de ce programme, qui s'appuie en priorité sur des experts locaux, est confiée à un consortium de deux organismes – la Fondation européenne de la culture à Amsterdam et l'Association Ecummes à Bucarest. Au centre d'une programmation dense durant la période 2000-2002 est posée la problématique du rôle et de la fonction de la société civile dans l'organisation de la culture. Les participants, parmi lesquels de nombreux représentants du ministère de la Culture, des institutions culturelles, des organismes privés, des ONG culturels, des médias, contribuent à la réalisation des microprojets financés par le programme, dont notamment le Park technologique Culture, porté par l'Université de Sofia, Bulgarie.
[5]. Tables rondes nationales, organisées à Sofia en janvier-février 2002 avec la participation des représentants de 60 institutions et organisations culturelles dans le cadre du projet Technological Park of Culture, de l'UE.
[6]. Déclaration pour la constitution du Forum National Civique pour la culture, Rapport de l'Assemblée nationale, 15 avril 2002.
[7]. Cet Accord de partenariat est signé le 15 avril 2002 par Stephan Danailov, Président de la Commission de culture de la 39° Assemblée nationale, par Bojidar Abrachev, Ministre de la Culture et par Emil Markov, directeur de la Représentation du Forum National Civique pour la culture.
[8]Droit et accès à la culture, débats nationaux sur les politiques culturelles régionales, organisées dans les villes de Svichtov, Plovdiv et Varna durant la période septembre-novembre 2003 avec le soutien de la Fondation européenne de la culture et le programme culturel Pro Helvetia en Bulgarie.
[9]. Cet organisme est créé en novembre 2000 suite à la Loi pour la protection et le développement de la culture (1999) dans le but de soutenir la culture nationale en finançant des programmes culturels du gouvernement. Le ministre de la culture préside son Conseil d'administration.
[10]. Voir le site de ce forum The Red House – Center for Culture and Debate ; www.redhouse-sofia.org
[11]. « Stratégie de la culture – mesures sur papiers… », Kultura, numéro 28 (2690) du 20 juillet 2012, interview avec Diana Andréeva, co-fondatrice et directeur actuel de l'Observatoire.
[12]. Voir à ce sujet l'étude de Biliana Tomova et al., concernant la place de la culture dans les débats aux élections présidentielles en Bulgarie, publiée dans la série Culture&Politique – n° 10/11, Open Society Soros Institut, avril 2012.
[13]. Projet de la Stratégie nationale de la culture, publié le 30 novembre 2011, Documents du ministère de la Culture, 2011, 58 pages.
[14]. Parmi les nombreuses réactions notons d'abord deux Déclarations, signées par dix-sept ONG culturelles : la première, signée le 3/11/2011 qui demande la prolongation du délai des négociation du projet et une seconde déclaration, signée le 29/11/2011 qui exige la participation des ONG dans les groupes de travail ; notons également l'Avis concernant le projet, signé par vingt-trois organisations culturelles et adressé au Président de la république et au ministre de la Culture le 6 décembre 2011.
[15]. L'Acte tripartite, signé initialement entre le ministère de la Culture, la Commission de la culture de l'Assemblée nationale et les représentants de quelques ONG dans le domaine du cinéma, a été rejoint par une quarantaine d'autres organismes de la société civile pour la signature définitive le 22 décembre 2010.
[16]. Nous exprimons notre grande reconnaissance envers les représentants du ministère de la Culture en Bulgarie avec lesquels nous avons été en contact permanent lors de cette étude : Madame Ekatérina Djoumaliéva, directrice du Département Musés et Arts, coordinatrice du groupe du travail Héritage culturel : Madame Krassimira Filipova, directrice de la Direction Arts de la scène et Génération artistique ; Madame Silva Nalbantian-Hatcherian, directrice du Département Actions régionales, Monsieur Roumen Djourov, expert d'Etat au Département Génération artistique.
[17]. On peut citer comme références les résultats de l'étude internationale «Baromètre de la société citoyenne » qui analyse l'évolution du secteur civil dans 40 pays. Pour la Bulgarie c'est la deuxième étude, menée par l'Institut Open Sociéty entre 2008 et 2010, après une précédente étude, menée celle-ci par l'association Balkan Assist entre 2003 et 2005.
[18]. Voir à ce sujet les études menées par le sociologue Antony Galabov : « Ethnic self-determination and Political Position », in : Ethnicity and Politics in Bulgaria and Israel, AVEBURY, 1993. ; « L'auto-identification ethnique dans une situation de conflit », in : L'Europe et les Balkans – face aux noveaux defis,, AISLF, Paris, 1995.
[19]. Etude transversale : politique culturelle et diversité culturelle, Rapport National Bulgarie, Conseil de l'Europe, Strasbourg, le 6 décembre 2000.
[20]. Source : Populations, Census, 2001.
[21]. Les Turcs sont presqu'un million en 1989 (11% de la population), une population majoritairement rurale, qui est concentrée au nord-est et au sud-est du pays. Pendant la période du socialisme, le pouvoir avait adopté une politique contradictoire d'ouverture-fermeture à l'égard de cette population, qui progresse sans cesse du point de vue démographique (en 1956 les Turcs représentaient 8,6% de la population). La communauté turque reste cependant marginalisée dans la société bulgare et son intégration reste difficile, vu l'histoire nationale et les conséquences dans la mémoire collective de cinq siècles de dépendance ottomane. Ainsi, d'une part, il existe une sorte d'exclusion sociale, et pour cela il suffit de consulter les manuels d'histoire, et d'autre part, le pouvoir communiste déploie des efforts considérables pour donner divers avantages sociaux, scolaires et culturels (quotas pour des logements, places dans les universités, publications et émissions en langue turque). Le manque de stratégie globale pour l'intégration de cette communauté se traduit par la diminution progressive dans les années 1960-1970 des acquis pour arriver en 1985 au triste épisode du changement obligatoire des noms turcs (musulmans) pour des noms bulgares (slaves-orthodoxes) ; le résultat est l'exode forcé de centaines de milliers de Turcs bulgares. Rappelons qu'il y a eu à trois reprises des vagues d'émigration autorisée vers la Turquie : en 1950-1951 avec 155 000 départs, puis de 1968 à 1978 lorsque, suite à des accords, 70 000 personnes émigrent ; et durant l'été de 1989, suite à une libéralisation du régime des passeports, 320 000 Turcs passent la frontière avec la Turquie
[22]. La population rom dans les Balkans, qui dépasse probablement les deux millions et qui se déplace énormément, ne présente pas une forte conscience communautaire de type nationale et commence à peine à s'affirmer dans le champ politique. Malgré les efforts répétés du pouvoir communiste au cours des décennies passées en vue d'une intégration sociale et culturelle, les Roms restent en marge de la société ce qui rend leur communauté extrêmement fragile en période de crise. Actuellement cette situation s'est encore aggravée, avec un fort chômage (plus de 85% de cette population), les maladies, l'augmentation des actes criminels, l'illettrisme etc.
[23]. C'était malheureusement le cas des émeutes dans la ville de Katounitza, près de Plovdiv en 2011, où des grèves et des manifestations massives de la population ont exprimé une vive protestation contre les agissements criminels de quelques familles roms de la région.
[24]. Le décret n°333 du Conseil des ministres du 10.12.2004 constitue la création du Conseil national de coopération des questions ethniques et démographiques, et annule le Conseil national des questions ethniques et démographiques créé en 1997.
[25]. Programme-cadre 2010-2012, disponible sur Internet :http://www.nccedi.government.bg/page.php?category=35&id=85
[26]. Ces données sont issues des études de l'Institut national statistique suite au recensement de la population en 2001 ; l'étude démontre que les Roms restent le troisième groupe ethnique, ils représentent 4,9 des citoyens bulgares, et environ la moitié d'eux (55,4%), habitent dans les villes.
[27]. Rapport final Politiques éducatives et pratiques d'accès équitable des enfants issus des minorités, Conseil des ministres, 11/04/2003.
[28]. Le programme-cadre, op. cit, p. 3.
[29]. Stratégie nationale de la République de Bulgarie pour l'intégration des Roms (2012 - 2020) – votée par la 41e Assemblée nationale le 1er mars 2012
[30]. C'est justement le cas de l'Ecole nationale de l'art de la danse à Sofia, l'Ecole nationale des beaux-arts à Varna, l'Ecole nationale des arts de la scène à Stara Zagora, l'Ecole nationale du folklore à Kotel, le Lycée national des arts appliqués à Triavna, le Lycée national des beaux arts à Plovdiv.
[31]. Institut national de statistique, 2012


Pour citer cet article :
Svetla Moussakova, « Démocratiser les pratiques culturelles : l’exemple bulgare. Les enjeux de la transition démocratique, 1989-2012 » in Démocratiser la culture. Une histoire comparée des politiques culturelles, sous la direction de Laurent Martin et Philippe Poirrier, Territoires contemporains, nouvelle série - 5 - mis en ligne le 18 avril 2013.
URL : http://tristan.u-bourgogne.fr/CGC/publications/Democratiser_culture/S_Moussakova.html
Auteur : Svetla Moussakova
Droits : © Tous droits réservés - Ce texte ne doit pas être reproduit (sauf pour usage strictement privé), traduit ou diffusé. Le principe de la courte citation doit être respecté.
ISSN : 1961-9944


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