Territoires contemporains, format électronique, est la suite des numéros publiés depuis 1994. La nouvelle série poursuit les mêmes buts et doit permettre une meilleure diffusion de travaux de recherche conduits au sein du Centre Georges Chevrier.
La notion de territoire permet de penser l’inscription du social et du politique : plus que le terroir, le territoire désigne un espace défini par une collectivité politique, des groupes humains. Espace politique à consistance historique, il suppose des qualités socio-politiques concrètes que les notions d’espace ou de champ n’impliquent pas de la même manière.
La permanence et l’ancrage des territoires ne signifient pas leur immobilité, mais des évolutions inégales et variées, des frontières durables, mais jamais étanches, toujours relatives. Le fractionnement du monde contemporain est au moins aussi important que les processus qui l’unifient. Les redéfinitions territoriales mobilisent des sentiments d’appartenance, des cohérences linguistiques ou religieuses, en même temps qu’elles sont nourries par la constitution de réseaux de type nouveau — les systèmes de communications, de transports, d’échanges accélèrent et élargissent les relations entre groupes humains. Pour autant, ces processus ne sont pas linéaires. Au lieu d’adopter un point de vue exclusif en privilégiant une seule échelle — locale, régionale, nationale, internationale — pourquoi ne pas les alterner et les combiner résolument ? « Les territoires de l’historien » désignent la variété de ses intérêts, tant dans sa propre discipline que pour les autres sciences humaines, dont les spécialités s’affirment en même temps qu’elles se relativisent mutuellement. Le temps de l’interdisciplinarité avec son cortège de naïvetés et d’illusions sur l’unicité d’un savoir global et concret est certainement révolu. Les frontières disciplinaires n’ont pas disparu ; elles conservent leur importance. Pour autant, les échanges se multiplient sous des formes variées, notamment emprunts et rencontres. Des territoires nouveaux du savoir se constituent comme des manières inédites d’explorer les processus historiques ; ces territoires sont inséparables des objets qu’ils permettent de mettre à jour. Il en va ainsi de l’histoire politique entendue comme une dimension essentielle de l’histoire sociale. Le contemporain, c’est bien davantage que l’actuel. C’est le passé qui d’une manière latente ou explicite travaille notre présent. De ce point de vue, le contemporain débute bien pour nous avec la Révolution française. Systèmes de valeurs, horizons idéologiques, représentations politiques : le moment reste fondateur. Le contemporain, c’est également le temps présent appréhendé dans son historicité par des chercheurs qui bénéficient de l’apport des témoins, mais aussi de leur vigilance, voire de leurs demandes…
Serge Wolikow