9-10 juin 2022 - uB – Maison des Sciences de l'Homme de Dijon et
pôle AAFE


Les Rencontres du XIXe siècle : Nature

 

Comité scientifique et d’organisation :
Nicolas Cambon (Université Toulouse Jean Jaurès) ; Eléonore Chanlat-Bernard (EHESS) ; Alexandre Frondizi (Université de Neuchâtel) ; Arnaud Malaty (Université de Bourgogne) ; Cédric Maurin (Sorbonne Université) ; Camille Mestdagh (Université de Bourgogne ; Eric Sergent (Université Lumière Lyon 2) ; Emma Sutcliffe (Université de Bourgogne) ; Benoit Vaillot (Université de Strasbourg & Centre Marc Bloch)

 

[Sous le patronage de la Société d’histoire de la Révolution de 1848 et des Révolutions du XIXe siècle Avec le soutien du LIR3S]




 

 

Après deux précédentes éditions consacrées aux thèmes « Petites et grandes rencontres du XIXe siècle » et « Populaire », Les Rencontres du XIXe siècle proposent à nouveau de réunir des jeunes dix-neuviémistes (doctorant.e.s et jeunes docteur.e.s) autour d’un colloque transversal sur le thème de la « nature ».

À compter des années 1970-1980, la notion de « nature » a nourri une réflexion critique dans les sciences humaines et sociales, portée par des préoccupations écologiques montantes. Elle est dorénavant comprise comme une idée occidentale, progressivement forgée au cours de la première modernité afin de désigner l’univers animal, végétal et minéral (Descola, 2005 ; Laneyrie-Dagen, 2010), entraînant sa mise à distance progressive et légitimant son exploitation. La nature s’est ainsi imposée comme un objet historique permettant d’interroger les pratiques et les imaginaires des sociétés d’autrefois, donnant ainsi naissance à l’histoire environnementale. En effet, depuis lors, le terme concurrent « d’environnement » est souvent privilégié pour étudier les interactions concrètes entre populations humaines et non humaines. La compréhension du XIXe siècle a particulièrement bénéficié de ce renouvellement historiographique, que ce soit en histoire culturelle, politique ou encore économique.

En effet, dans le sillage du « siècle des Lumières », plusieurs environnements font l’objet de pratiques alliant récréation et prophylaxie, que ce soit la montagne avec la « cure d’air » (Briffaud, 1994), les littoraux avec l’invention de la plage (Corbin 1988) ou encore la savane avec la pratique des « grandes chasses » (Venayre, 2016). Chez les citadins du « Vieux Continent », taraudés par l’épuisement, de telles activités s’imposent ; leur succès pousse les pouvoirs publics à « commercialiser la nature » (Hagimont, 2017), à aménager ces espaces pour y développer le tourisme, tandis que s’inaugurent des cultures nationales de protection de la nature (Mathis et Mouhot, 2015). Aussi, aux États-Unis, la wilderness justifie-t-elle les premiers parcs naturels à partir de 1872, avec la création du Yellowstone National Park. L’essentiel n’en demeure pas moins que l’imaginaire du progrès, l’industrialisation, l’accélération des transports, l’accroissement de l’extraction minière, de l’exploitation végétale et animale stimulent l’imaginaire d’un progrès humain reposant sur la domination de la nature. Le développement d’un capitalisme internationalisé accélère cette marchandisation, mettant en contact des populations entretenant des rapports différents à leur environnement, engendrant de nouveaux phénomènes de pollutions et de contaminations (Le Roux et Jarrige, 2017). Les terrains coloniaux représentent aussi bien des dispositifs de valorisation de la nature au détriment des populations locales, qui se trouvent parfois réduites à la famine (Davis, 2006), que des laboratoires privilégiés de conservation de la nature et de genèse d’une pensée environnementale (Grove, 1996). Pour toutes ces raisons, en ce temps, apparaîtrait donc « un nouveau régime écologique et politique » (Charbonnier, 2020).

Par ailleurs, tout au long de la période, la littérature (que l’on songe au Moby Dick de Melville en 1851) ou la peinture (Le voyageur contemplant une mer de nuages de Caspar D. Friedrich en 1818) entretiennent l’image d’une nature indomptable, parfois destructrice. La méconnaissance, encore grande, des principaux phénomènes naturels (météorologiques, sismiques, volcaniques, etc.) préoccupe le monde savant, qui fonde dès lors de nouvelles disciplines afin d’en élucider les mécanismes et tenter d’en limiter les impacts (Corbin, 2020). Les discours sur la nature qui doit être maîtrisée portent également sur les humains, naturalisant ainsi les différences et inégalités entre groupes sociaux. Pour preuve, la médecine puis l’anthropologie d’alors mesurent le niveau de développement des sociétés humaines en fonction de leur proximité avec la nature, signe certain, croit-on alors, de « primitivité ». Les représentations évolutionnistes, qui s’imposent peu à peu avec les écrits de Charles Darwin, confortent l’association entre nature et sauvagerie et, dans les dernières décennies, l’opposition nature-culture se structure dans l’imaginaire occidental (Stocking, 1987 ; Descola, 2005). Les représentations de la nature légitiment ainsi des formes de domination, que ce soient celles des hommes sur les femmes, des Européens sur les sociétés extra-européennes ou encore des notables sur les ouvriers.

La nature est aussi au cœur des révolutions artistiques, notamment picturales. La peinture de paysage fait l’objet d’un intérêt croissant tout au long du siècle et connaît de profondes mutations. Si le début de la période est marqué par le paysage recomposé et parfois intégré à la peinture d’histoire selon une tradition académique, la nature devient vite propice à la contemplation, au spirituel. Le paysage traditionnel est aussi transformé en spectacle naturel grâce à la matière, aux effets de mouvement et de lumière d’un Turner, relayé par les impressionnistes qui cherchent à représenter l’insaisissable – une nature « invisible », faite de vibrations et de variations – pour aboutir à l’explosion des couleurs. Le développement de la photographie ouvre aussi vers une multitude de représentations de la nature, même lointaines, suivant différents formats, de points de vue, d’abord inspirées par la peinture puis s’en éloignant. La photographie transforme également la perception du corps et de la nudité. Si la tradition du nu académique perdure, le corps malmené apparaît aussi comme un symbole de l’exploitation de la nature et un leitmotiv de la peinture et de la sculpture réalistes.

Ces quelques éléments, loin d’être exhaustifs, montrent bien l’importance du thème au XIXe siècle. Ils invitent à de nombreux questionnements que le colloque se propose d’explorer.

 

 

 

Programme

 

– Jeudi 9 juin 2022 –

Maison des Sciences de l'Homme de Dijon, Esplanade Erasme

 

9:30 - 10:00 – Accueil des participants

 

  • 10:00 - 11:00 – Présentation du projet : Camille Mestdagh (LR3S UMR 7366 CNRS-uBFC)
    Conférence d’ouverture : François Jarrige (LIR3S UMR 7366 CNRS-uBFC)

 

 

11:00 - 11:40 – Session 1 :  Contenir la Nature

Modération : Cédric Maurin

 

  • Marie Levesque  (Aix-Marseille Université) :
    Rationaliser les flots : les projets d’aménagement du fleuve Guadalquivir dans la première moitié du XIX e siècle

  • Elias Burgel  (Université de Caen) :
    À la recherche des « limites de la mer ». Domaine public maritime, droit et naturalisme sur les littoraux lagunaires méditerranéens (Bas-Languedoc)

  • 11:40 - 12:00 – Discussion

 

12:00 - 12:40 –  Session 2 :  Renouer avec la Nature

Modération : Alexandre Frondizi

 

  • Claire Milon  (Université de Strasbourg) :
    Se mettre en marche. L’accès de la population ouvrière de Berlin à la randonnée (1891-1914) : une démocratisation de l’accès à la nature

  • Alexandra Hondemarck  (Sciences Po, Paris) :
    Réformer la société par le régime « naturel ». La justification du végétarisme par la nature (fin XIXe  siècle - début XXe siècle)

  • 12:40 - 13:00 – Discussion

 

 

 

14:30 - 15:10 –  Session 3 :  Nature et Démocratie

Modération : Arnaud Malaty (LIR3S UMR 7366 CNRS-uBFC)

 

  • Jihane Tbini  (Université de la Manouba, Tunis) :
    La montagne de Jules Michelet, démocratie naturelle et intuition écologiste

  • Karl Zimmer  (Université du Mans) :
    La météo de la révolte. Nature et politisation populaire au XIXe siècle

  • 15:10 - 15:30 – Discussion

 

 

 

15:30 - 16:10 –  Session 4 :  Restituer la Nature

Modération : Emma Sutcliffe (LIR3S UMR 7366 CNRS-uBFC)

 

  • Pierre Causse  (Université Lumière Lyon 2) :
    Les menaces du ciel : naturalisation des processus dramatiques et sociaux dans le mélodrame (Paris, années 1820-1900)

  • Camille Nicole  (Université de Bourgogne) :
    La céramique impressionniste : nature, vibration et lumière

  • 16:10 - 16:30 – Discussion

 

Pause

 

17:00 - 17:40 –  Session 5 :  Convertir la Nature

Modération : Camille Mestdagh (LIR3S UMR 7366 CNRS-uBFC)

 

  • Marion Belouard  (Université de Limoges/INHA) :
    Peindre les Oiseaux d’Amérique. Production et marchandisation d’un savoir naturaliste au début du XIX e siècle

  • Alexandre Campeau-Vallée  (Université de Montréal) :
    D’obstacle à spectacle, la naturalisation du wilderness par la photographie du paysage lors de la colonisation de l’ouest américain

  • 17:40 - 18:00 – Discussion

 

 

– Vendredi 10 juin 2022 –

Pôle AAFE, Esplanade Erasme

 

 

9:00 - 10:00 –  Session 6 : Nature Défigurée

Modération : Eric Sergent

 

  • Samy Bounoua  (Université de Lille) :
    Riants ou mélancoliques ? Les deux visages des paysages industriels à Lille et ses environs au XIXe  siècle

  • Bastien Cabot  (EHESS, Paris) :
    Les corps appartiennent-ils à la nature ? Dégâts industriels et critique de l’industrie dans les mines de charbon (France, fin XIXe siècle - début XX e siècle)

  • Arthur Emile  (École Polytechnique Fédérale de Lausanne) :
    L’impact environnemental du chemin de fer au XIXe  siècle au prisme de la pollution atmosphérique

  • 10:00 - 10:30 – Discussion

 

Pause

 

11:00 - 11:40 –  Session 7 :  Exploiter la Nature

Modération : Eléonore Chanlat-Bernard

 

  • Blaise Truong-Loï  (Sciences Po, Paris) :
    La nature de la dette. L’exploitation des domaines publics par les institutions de contrôle financier international à la fin du XIXe siècle

  • Sabrina Sigel  (Université de Genève) :
    Réflexions sur l’exploitation économique de la nature dans les journaux de Sao Paulo, Brésil, pendant la première mondialisation

  • 11:40 - 12:00 – Discussion

  • 12:00 - 12:30 – ConclusionsNicolas Cambon (Université de Toulouse II Jean Jaurès)

 

 

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Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin"
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