4 mai 2022 - uB – Salle 102 de la Maison des Sciences de l'Homme de Dijon – 9 h 00 - 17 h 00 (accès/informations pratiques ici)
Transversales : Journée d'étude doctorale du LIR3S : Exclusion : quels processus ?
Organisation : Bertrand Kaczmarek (doctorant en philosophie, LIR3S UMR CNRS uB 7366), Harmonie Mariette (doctorante en histoire, LIR3S UMR CNRS uB 7366), Emma Sutcliffe (doctorante histoire de l’art, LIR3S UMR CNRS uB 7366) et Linda Zuo(doctorante histoire de l’art, LIR3S UMR CNRS uB 7366)
Manifestation validée dans le cadre des formations reconnues par l’ED Sept
Entrée libre, gratuite, sans inscription
« Je voudrais proposer une hypothèse pour interpréter
le mode d’existence d’un certain nombre de groupes ou d’individus rejetés du
circuit ordinaire des échanges sociaux […] Il s’agit d’essayer de saisir la
marginalisation, véritablement, comme un processus, et de comprendre la
situation de ces individus à l’aboutissement d’une dynamique d’exclusion qui se
manifeste déjà avant qu’elle ne produise ces effets complètement désocialisants. »
Robert Castel, « La dynamique des processus de
marginalisation :
de la vulnérabilité à la désaffiliation », Cahiers
de recherche sociologique, 1994, n° 22, p. 11..
Voilà ce que déclarait le sociologue et philosophe Robert Castel en 1994 dans
un article qui cherchait moins à définir l’exclusion comme un résultat, un
aboutissement et une finalité que comme un mécanisme, une progression ou un
déroulement.
Étudier ce processus d’exclusion se justifie par
l’évolution des pratiques sociales et des valeurs culturelles – autrement
dit, par l’évolution des normes, qui ont de tout temps été produites par les
groupes sociaux pour renforcer leur cohésion. Aux confins du social et du
psychique, ces normes régulent le contact entre l’individu et la société à
laquelle il appartient, elles conditionnent dans une large mesure notre
inclusion dans la communauté humaine : pas de norme sans déviance, donc
sans risque d’exclusion. Les préoccupations, à propos de ces
« déviances » et leurs effets, traversent toutes les sciences
humaines et concernent tous les secteurs de la vie sociale, en particulier ceux
liés au travail, à la santé et à l’éducation.
Cette journée d’étude s’adresse à tous ceux qui se
questionnent sur les tensions entre l’individu et le « système
social » : quels sont les processus de l’exclusion ? Sous
quelles formes et par quels moyens exclut-on ? Comment passe-t-on du
statut d’intégré à celui de marginal, ou vice versa ? Face à la
multiplication et à la complexification des normes, est-on jamais vraiment
« exclu » ?
Programme
9 h 00 – Accueil des participants
-
9 h 30 – Hervé Marchal (professeur de
sociologie, uB/LIR3S) :
Introduction
10 h 00 – Session 1 :
Exclure en reléguant : La marginalisation spatiale, une
méthode de ségrégation institutionnalisée ?
-
Maïwenn Jouquand
(doctorante histoire médiévale, uB/ArTeHiS) :
Les juifs du duché de Bourgogne au XIVe siècle : formes et fonctions d’une exclusion
normée
Dans le royaume de France, à l’époque médiévale, les communautés juives sont marginalisées. En dehors du corps de la société chrétienne, leur position est marquée par un paradoxe : exclus religieusement, juridiquement et socialement, ils sont néanmoins pleinement intégrés localement par leurs contacts quotidiens avec les chrétiens. Par ailleurs, c’est leur marginalisation progressive, au cours des siècles, qui a conduit à leur conférer une position aussi nécessaire qu’indispensable dans la vie économique du royaume : l’activité de prêt leur est peu à peu reléguée car condamnée par l’Église. Ainsi, c’est cette population d’exclus qui peut, d’un point de vue théologique, assurer ce rôle.
Aux deux derniers siècles du Moyen Âge, cette position de « marginaux intégrés » est peu à peu mise à mal par les changements politiques – civilisationnels écrivent certains – qui caractérisent une société en changement. Ainsi, au cours du règne de Philippe le Bel, cette exclusion atteint sa forme paroxystique, celle d’une expulsion générale des juifs du territoire en 1306, la première de cette ampleur. Cette décision est appliquée de manière indépendante mais simultanée dans le duché de Bourgogne ; c’est cet espace qui constitue notre terrain d’observation des différentes formes de l’exclusion des juifs au cours du XIV? siècle. Ainsi, c’est un processus qui s’institutionnalise et prend des formes variées : marginalisation spatiale, confiscations répétées sur ce groupe identifié et, la forme la plus aboutie, l’expulsion du territoire.
-
Silvia Valentini
(doctorante littérature italienne, uB/TIL) :
Carlo Levi dans l’Italie fasciste. Exclusion politique,
identitaire, mythologique
La proposition suivante voudrait se rattacher au premier axe de
réflexion (Exclusion institutionnalisée ou
« positive »), que l’on entend explorer à
travers l’œuvre du peintre et intellectuel italien Carlo Levi
(Turin, 1902 – Rome, 1975). Condamné pour son
opposition politique au régime fasciste à un confinement dans un
village isolé du sud de l’Italie de 1935 à 1936, ensuite
– avec l’introductions des lois raciales en Italie en
1938 – coupé de la société en tant que juif et
obligé de fuir en France et enfin de se cacher à Florence, dans
les années Trente et Quarante, Levi devient l’objet d’une
double exclusion de la société à laquelle il avait
jusqu’à ce moment appartenu. Grâce à une nature
humainement ouverte au monde et aux choses, cette exclusion devient tout de
même, de manière inattendue, l’occasion d’une
nouvelle identification : celle avec les paysans de Lucanie
qu’il rencontre lors de son confinement, condamnés comme lui
à être coupés par l’Histoire avec un grand
« H », parlant une autre langue et vivant dans un monde
où ni le temps linéaire (auquel s’oppose le temps
circulaire des saisons), ni le lien de cause et effets entre les choses
(auquel s’opposent les mythes et la magie), ni l’Individu
(auquel s’oppose le « nous » d’une
existence encore entièrement fondée sur un sens fort de
communauté) ne sont pas encore arrivés : un monde où le
« Christ » – c’est à dire la
civilisation occidentale – n’est jamais arrivé car il
« s’est arrêté à Eboli » (le
dernier village joignable par le train), selon les mots qu’il
choisira comme titre de son chef-d’œuvre racontant son
expérience de confiné. Précisément cette
expérience de séparation radicale devient pour Levi, en effet, le
moment d’une découverte poétique sans précédents
et le vrai commencement de son activité d’écrivain, lui qui
avait été, jusqu’à ce moment, fondamentalement
peintre : si les seuls pinceaux ne semblent maintenant plus suffire,
il faut leur juxtaposer la parole, comme on peut voir dans un premier
moment avec Peur de la liberté (1939, publié en 1946),
ensuite avec Le Christ s’est arrêté à Eboli (1945) et avec les livres qui suivront. La contribution ci-proposée
voudrait ainsi développer ce parallèle entre l’exclusion de
l’auteur et celle des protagonistes de son œuvre (les paysans de
Lucanie) pour s’interroger donc, compléments inévitables,
sur les notions de « identité » et
« appartenance ».
-
10 h 40 – Discussion
Emma Sutcliffe
(doctorante histoire de l’art, uB/LIR3S)
11 h 00 – Session 2 :
Exclure pour gouverner : L’exclusion politique, un processus
inéluctable ?
-
Léo Rosell
(doctorant histoire contemporaine, uB/LIR3S) :
L’exclusion des ministres communistes du gouvernement en mai 1947
Le 4 mai 1947 – soixante-quinze ans jour pour jour avant cette
journée d’études – fut prononcée
l’exclusion des ministres communistes du gouvernement Ramadier. Dans
un contexte de conflictualité sociale et à l’aube de la
guerre froide, la participation des communistes au gouvernement tripartite
de la IVe République devenait difficilement conciliable
avec les orientations politiques et économiques souhaitées par
les autres forces en présence, à savoir la Section française
de l’internationale ouvrière (SFIO) et le Mouvement
républicain populaire (MRP). Les tensions croissantes entre ces
différents acteurs font rapidement éclater l’unanimisme
apparent qui les avait réunis pendant la guerre au sein du Conseil
national de la Résistance.
L’exclusion des ministres communistes du
gouvernement apparaît ainsi dans un premier temps comme un
processus aux causes multifactorielles. À la Libération, la
participation du Parti communiste au gouvernement est inédite et doit
beaucoup au rôle joué par les communistes dans la
Résistance. Elle est d’ailleurs remise en cause dès 1946
par la conflictualité sociale du pays, mais aussi par les
évolutions du contexte géopolitique. De ce point de vue, une
étude comparative de l’exclusion des ministres italiens du
gouvernement, en mai 1947 également, pourra enrichir l’analyse
du cas français. Dans un second temps, les modalités de cette
exclusion peuvent être analysées à la fois à
l’échelle individuelle et collective. Si l’exclusion
prononcée le 4 mai 1947 touche l’ensemble des ministres
communistes et est à ce titre collective, le cas particulier
d’Ambroise Croizat, ministre du Travail et de la Sécurité
sociale, démontre l’intérêt du détour
biographique pour illustrer les modalités de cette exclusion
collective à l’échelle individuelle. Les tensions entre
l’individu et le « système social » seront
alors mises en évidence, en inscrivant cette communication dans une
histoire sociale du politique. Les réactions de la part des ministres
concernés interrogent également leur conception subjective
d’un tel processus, de telle sorte que nous tenterons à notre
tour d’évaluer si « la rupture du tripartisme [est]
une rupture majeure subjectivement vécue ou perçue comme tellea posteriori » [1]. Enfin,
l’évaluation des conséquences de cette exclusion sur la vie
politique et sociale de la France de l’après-guerre permettra de
s’interroger sur un retour ou non des communistes à la
marginalité politique. S’il marque la fin du tripartisme dans la
vie politique française, le renvoi du PCF sur les bancs de
l’opposition suscite une réorientation stratégique au sein
du Parti, d’autant plus que ce processus correspond à
l’entrée de la France dans la guerre froide et du PCF dans le
Kominform.
[1] Philippe Buton, « Chapitre 15. L’éviction des
ministres communistes », dans Serge Berstein et Pierre
Milza [dir.], L’année 1947, Paris,
Presses de Sciences Po, 1999, p. 339.
-
Bertrand Kaczmarek
(doctorant philosophie, uB/LIR3S) :
Les « modules respect » en prison : une tentative
d’invisibilisation de l’exclusion ?
Afin de relativiser la condamnation de l’anthropophagie, Claude
Lévi-Strauss évoque dans Tristes tropiques l’horreur que susciterait, pour les membres des sociétés
que nous appelons primitives, notre anthropémie pénitentiaire. Ce terme qu’il construit à partir du grec emein (vomir) désigne la mise à l’écart qui
vaut traitement de la transgression dans nos sociétés.
Peut-être alors pourrait-il être intéressant de
réfléchir le lien paradoxal qui unit norme et exclusion ?
Paradoxal parce que la construction du collectif paraît appeler
nécessairement l’éviction de certains. La norme est
indispensable pour tracer droit et donc édifier (norma renvoie à l’équerre du maçon), mais elle porte en
même temps nécessairement la possibilité de vérifier la
rectitude.
Autrement dit, il convient d’essayer de clarifier
l’éventuelle existence d’une part irréductible
d’exclusion au sein du politique. Cette réalité paraît
devenir inadmissible, et le mécanisme le plus répandu pour
l’ignorer est la contractualisation : parce qu’en principe
librement consenti, il y aurait dans le contrat une moindre norme, voire
plus de norme du tout, et donc plus d’exclusion. Mais sous le voile
du consentement, l’exclusion semble bien demeurer tout à
fait : ce qui change, c’est qu’elle est désormais
à la charge de celui qui ne parvient pas à tenir son engagement.
Autrement dit : de même que Michel Foucault évoquait dans Surveiller et punir une honte de punir, nous peinons de plus en
plus à assumer la position d’autorité qui édicterait
légitimement une norme, et nous privilégions un accord entre
parties. Cela nous dédouane de toute culpabilité, puisque
l’échec est alors assignable exclusivement à
l’individu qui faillit.
La traduction très concrète de ce processus néolibéral
est fournie par les « modules de respect », dispositifs
mis en place récemment dans quelques prisons françaises,
inspirées par l’institution espagnole. Il s’agit de rompre
avec la discipline qui s’imposait de l’extérieur aux
détenus, pour privilégier une voie
d’intériorisation : afin d’obtenir des conditions
plus confortables, le détenu s’engage par contrat à
respecter telles ou telles dispositions. En cas d’échec, la
situation est lue comme un libre choix de sa part, permettant
d’imaginer une responsabilité unilatérale.
Mieux connaître ce lien entre norme et exclusion pourrait alors
permettre d’une part, de ne pas tenter d’invisibiliser cette
dernière, et d’autre part de ne pas renoncer à
l’institution d’un véritable commun politique qui est
absent de la pénalité française.
-
11 h 40 – Discussion
Harmonie Mariette
(doctorante histoire contemporaine, uB/LIR3S)
14 h 00 – Session 3 :
Exclure par la norme : La mise à l’écart
sociétale, un moyen de discrimination étatique ?
-
Biaou-Marcel Oloukoï
(doctorant psychologie, uFC/Laboratoire de Psychologie) :
L’enfance abandonnée en Afrique subsaharienne : hors
des normes familiales
Être un enfant sans famille en Afrique est une situation paradoxale
qui vient bousculer l’ensemble des représentations vulgairement
admis autour de l’inclusion de tout enfant dans un ensemble
élargi. Cet ensemble est une enveloppe familiale tellement
conséquente du point de vue de sa dimension humaine qu’il ne
peut être pensé, qu’un enfant même abandonné par
ses géniteurs ne puisse trouver des bras accueillants dans les quatre
coins de l’étendue familiale. Une réalité moins
idyllique que ce tableau social fortement désirable semble
correspondre au réel vécu d’une catégorie
d’enfant vivant en Afrique subsaharienne. La vie des orphelins et des
enfants abandonnés est aux antipodes des représentations
véhiculées autour de l’intégration dans la
communauté de tout enfant en rupture de lien parental. Amenés
à grandir (quand ils n’errent pas dans les rues) dans des
institutions d’accueil ou dans des orphelinats, ces enfants sont en
marge des logiques socio-affectives locales qui envisagent le terreau
familial comme la seule institution capable d’accueillir
l’enfant et de soutenir son développement. Il se dessine
d’emblée une non-reconnaissance sociale de ces lieux de
substitution et le sujet qui y vit est marqué du sceau de la
marginalité : enfant sans famille. Comment passe-t-on alors du
grand fantasme d’inclusion familiale quasi inébranlable à
ce statut complexe d’enfant orphelin ou abandonné dans un
contexte subsaharien ? Notre communication envisagera l’orphelin
et l’enfant abandonné en Afrique comme un sujet particulier dont
le statut (encore flou aujourd’hui), répond non seulement à
des pratiques socio-culturelles qui génèrent des exclus, mais
également comme le produit des dynamiques sociales actuelles dans ce
que leur évolution peut générer comme problématique
humaine considérable.
-
Gaëtan Mangin
(doctorant sociologie, uB/LIR3S) :
La réception des injonctions écolo-mobilitaires en milieu
populaire : Entre adhésion, conciliation et résistance - ou quand ceux qui
« fument des clopes et roulent au diesel »
s’en mêlent
Les enjeux liés à l’habitabilité de la terre ont pris
de l’ampleur à mesure que l’humanité est devenue
responsable d’une multitude de changements planétaires
irréversibles. Nous voici en effet entrés dans
l’anthropocène (Fressoz, Bonneuil, 2013), cette ère
géologique caractérisée par la mainmise des humains sur leur
environnement, et la question de la pérennité des
écosystèmes ne cesse de se rappeler à nous. Au fil des
rapports alarmistes des instances scientifiques et gouvernementales, en
premier lieu desquels le Groupe d’experts intergouvernemental pour le
climat (GIEC), l’urgence climatique et les enjeux de
préservation de la biodiversité s’intensifient. Ainsi la
transition écologique s’est, en quelques années,
imposée comme le nouveau mot d’ordre de nos projections
communes.
D’un côté, les préoccupations environnementales se
sont imposées dans des discours médiatiques et politiques
– plus ou moins emprunts de rhétoriques il est vrai. Si
l’époque est marquée par la fin des grands récits
émancipateurs (Lyotard, 1979), force est de constater que la
transition écologique devient le nouveau leitmotiv collectif qui
impose de repenser nos manières de produire, de consommer ou encore de
nous déplacer et qu’elle est devenue, sinon un thème
majeur, du moins un sujet incontournable des échéances
électorales. D’un autre côté, la crise écologique
s’accompagne de multiples crises d’autres natures mais
interdépendantes : crises économiques, sociales,
migratoires, mais également crises démocratiques et crises de
sens marquent notre époque, participent à faire exploser les
inégalités, et semblent fâcheusement promptes à
réactiver les penchants les plus sombres des peuples qui vivent des
temps de perturbation.
Au regard de ce constat, il nous semble pertinent de questionner le
potentiel fédérateur, mais également clivant, de la
transition écologique. La crise écologique n’est-elle
qu’une crise de plus, ou bien serait-elle un révélateur
d’un ensemble d’autres fractures, notamment sociales,
économiques et culturelles ? Si l’écologie doit nous
rassembler, n’est-ce pas pour l’instant ce qui nous
divise ? Quels sont les enjeux de l’inclusion des populations
précaires dans la transition ?
Pour tenter d’esquisser une réponse à cette question, nous
proposons de poser la focale sur le vécu de la transition mobilitaire
par les classes populaires. Nous tenterons, pour reprendre
l’expression à fort succès médiatique durant la crise
des gilets jaunes, de questionner la possibilité d’une
conciliation entre « fin du mois » et « fin
du monde » et de savoir s’il existe un mode proprement
populaire d’appréhender la transition écologique. À
partir d’un terrain de thèse (principalement ici des entretiens
et analyses documentaires de journaux) portant sur l’usage et la
possession d’automobiles de plus de 20 ans, enrichi d’un
terrain (observations et d’entretiens individuels et collectifs)
mené dans le cadre du projet Bourgogne Franche-Comté en Transition porté par le Livinglab Territorial pour la Transition sociale et Écologique (LTTE) et la Dreal BFC, nous
proposons de poser la focale sur les nouveaux mots d’ordre de la
transition mobilitaire afin de dégager la réception des
injonctions écologiques en milieu populaire.
Bibliographie
- Fressoz J.-B., Graber F, Locher F., Quenet G. (2014), Introduction à l'histoire de l'environnement, Paris, La
Découverte, coll. « Repères Histoire ».
- Lyotard J.-F. (1979), La condition postmoderne, Paris, Éd. de
Minuit.
-
14 h 40 – Discussion
Linda Zuo
(doctorante histoire de l’art, uB/LIR3S)
15 h 00 – Session 4 :
S’exclure : L’auto-exclusion, une revanche
stérile ?
- Marco dal Pozzolo
(doctorant philosophie, uB/LIR3S) :
Stress et précarité, incorporer l’exclusion sociale
Plusieurs études contemporaines démontrent que les
inégalités sociales ont un impact durable et mesurable sur la
santé des individus. Parmi les inégalités qui affectent les
formes de vie sociale, le précariat produit des effets de
marginalisation, de mépris social et une restriction des
capacités actives de l’individu.
Si le précariat n’implique pas toujours directement des formes
d’exclusion sociale, au sens strict, il est par contre
structurellement lié à elle par le sentiment
d’anxiété permanente d’être exclu. Cette
situation facilite l’émersion du stress chronique, qui
dépend de l’incertitude et du manque de reconnaissance sociale,
souvent accompagnée émotionnellement par le sentiment de la
honte. Les recherches dans la cadre de l’approche PNEI ont
montré les effets systémiques du stress chronique sur
l’organisme (altérations des cycles endocriniens, impact sur le
système nerveux, affaiblissement des défenses immunologiques,
facteurs de risque augmenté pour anxiété et
dépression), y compris les récentes études en
épigénétique qui suggèrent une transmissibilité
intergénérationnelle des effets du stress.
Ces aspects nous conduisent à reconsidérer les études en
philosophie sociale sur la précarité et sur la non-reconnaissance
(qui en est un facteur fondamental), pour les prolonger et les radicaliser
dans le sens de l’incorporation, sans pourtant adhérer à
une perspective réductionniste. Une théorie de
l’incorporation du social et de la normativité vitale,
formulée à partir des philosophies de Georges Canguilhem et
Maurice Merleau-Ponty, permettra de conceptualiser philosophiquement le
stress chronique et de réinterpréter les analyses en philosophie
sociale sur la précarité et l’exclusion.
Bibliographie
- Francesco Botticcioli, Epigenetica e psiconeuroendocrinoimmunologia, Milano, Edra, 2014.
- Georges Canguilhem, Le Normal et le pathologique, Paris, Puf,
2013.
- Pierluigi Graziani et Joël Swedsen, Le stress. Émotions et stratégies d’adaptation,
Paris, Armand Colin, 2005.
- Axel Honneth, La lutte pour la reconnaissance, Paris, Gallimard,
2013.
- Guillaume Le Blanc, L’invisibilité sociale, Paris,
Presse Universitaies, 2009.
- Guillaume Le Blanc, Vies ordinaires vies précaires, Paris,
Seuil, 2007.
- Maurice Merleau-Ponty, La structure du comportement, Paris, Puf,
2013.
-
Valentine Levacque
(doctorante philosophie, uB/LIR3S) :
La facilitation, une pratique reconnaissant l’exclusion ; pour
une réversibilité du phénomène ?
À partir de recherches de terrain menées en 2021 et fondées
sur la méthode de l’observation lors d’ateliers
facilités par le cabinet de conseil Formapart pour une Agence
nationale, la communication orale que je souhaiterais proposer se centre
sur la question de la possibilité de la réversibilité du
phénomène d’exclusion lors de dynamiques collaboratives.
Notre travail veut plus précisément saisir comment la
facilitation pourrait être un processus qui permet de reconnaitre les
exclusions et en quoi il permettrait de participer à une dimension
re-constructive du lien social au sein des organisations. Il ressort des
analyses que les organisations ne sont elles-mêmes pas toujours
conscientes du phénomène d’exclusion en leur sein, ce qui
poussent les « exclus » à s’exclure
d’autant plus des processus collaboratifs proposés par leur
hiérarchie. Cependant, dès lors que l’exclusion est
reconnue, il existe des voies permettant de re-construire un lien
grâce à un travail en commun encadré, facilité et
inclusif, permettant l’aboutissement de la justice sociale au sein
des entreprises.
Corpus
- Aristote, Ethique à Nicomaque.
- John Rawls, Théorie de la justice (1971).
- Jürgen Habermas, De l’éthique de la discussion
(1985) Jean-Marc Ferry, L’éthique reconstructive (1996).
- Lilia Roustel
(doctorante littérature comparée, uFC/CRIT) :
Le Narrateur, entre liberté souterraine et exclusion de soi :
la poétique d’une figure de l’exclu dans Carnets de Sous-sol et La Douce de Fiodor Dostoïevski
La Douce , une courte nouvelle que Fiodor Dostoïevski rédige cinq ans
avant sa mort en 1881, aborde le problème de l’exclusion de la
manière que nous retrouvons déjà dans son autre nouvelle
plus ancienne, Les Carnets de sous-sol, parue deux ans avant la
publication de Crime et Châtiment.
Initiée sous la forme d’un monologue-confession, la parole
solitaire – exclusive dans son caractère ininterrompu mais
exclu de tout échange polyphonique – des deux protagonistes
dévoile leur identité fortement contradictoire, marquée par
l’idée de l’isolement et de la séparation douloureuse
avec l’extérieur. Semblables à l’animal
kafkaïen, les deux hommes s’enferment dans un espace de vie
étriqué qui réconforte leur conscience souterraine perdue
entre les principes de l’exclusion et de l’exclusivité,
devenant ainsi le seul « terrier » capable
d’accueillir efficacement leur discours inaudible.
Si les deux nouvelles troublent son lecteur par des contradictions et
paradoxes à perte de vue, elles interrogent surtout l’une des
principales ambiguïtés de la notion d’exclusion, qui
concerne le positionnement identitaire des personnages face à
l’autre et au monde. Ainsi, s’agit-il véritablement des
victimes d’une exclusion socio-morale ou bien des narrateurs qui
s’excluent sciemment de la société qu’ils
désirent réfuter ? En d’autres termes, ne se
seraient-ils pas auto exclus avant d’être exclus par un
extérieur hostile ? Quel serait alors le rôle des deux
personnages féminins qui, tout aussi exclues de la société
que les hommes, continuent pourtant d’interagir avec celle-ci ?
Dostoïevski, en mettant à l’honneur le principe de
l’exclusion, n’exclurait-il pas enfin ceux dont il ne
partagerait pas la philosophie de vie, faisant ainsi apparaître,
derrière son projet romanesque, une perspective sociétale et
idéologique aux forts engagements et convictions personnels ?
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16 h 00 – Discussion
Bertrand Kaczmarek (doctorant philosophie, uB/LIR3S)
- 16 h 30 – Conclusion
Evelyne Hivar (docteure philosophie, uB/LIR3S)
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