À partir de l’hypothèse selon laquelle, à partir des années 1960, la société française serait entrée dans un « âge du patrimoine » (Fabre), on serait fondé à penser que l’invention du patrimoine ethnologique en a été un moment à la fois éclairant et singulier, à la fois le point d’orgue et le moment ultime. Éclairant parce qu’il aurait été la pleine expression de cet âge : prenant le pas sur le monument, le patrimoine devenait culturel puis immatériel, et étendait au peuple et à ses œuvres le périmètre de ce qui doit être distingué, au nom de la nation en même temps qu’à celui de la connaissance savante. Singulier car tout en relevant d’une gouvernementalité pastorale procédant au guidage des pratiques patrimoniales (N. Barbe) et d’un intéressement partagé entre science et administration (J.-L. Tornatore), il introduisait cependant une note dissonante dans le cours réglé de la « raison patrimoniale » en accompagnant sinon en orchestrant un certain débordement des institutions, la « démocratisation » de la cause patrimoniale et son instrumentalisation, sa diffusion et sa saisie dans les mondes sociaux et économiques. Ainsi, le patrimoine ethnologique serait certes au cœur d’un âge du patrimoine, mais cependant profondément ambivalent : l’expérience du passé se confond avec celle de la culture et devient non seulement une affaire de tous, dans laquelle tout un chacun peut faire valoir ce qu’il a et ce qu’il est, mais un argument significatif et contradictoire et du « développement de local » et « l’empowerment ». En somme, il aurait été le ferment de la formation d’un « espace public » du patrimoine dont l’extraordinaire et parfois jugé monstrueux déploiement dans les mondes académiques, administratifs, politiques, économiques et associatifs ne connaît aujourd’hui guère de limites.
C’est cette position singulière du patrimoine ethnologique, tout à la fois instrument de l’action publique, argument de développement de l’ethnologie de la France dans lequel s’origine le domaine de l’ethno-anthropologie du patrimoine, élément moteur d’un intérêt ou d’un goût renouvelé pour les cultures populaires, et indice prémonitoire de la construction du patrimoine comme ressource territoriale, que ce colloque entend questionner, tant dans certains de ses moments fondateurs, dans ce qui fut son actualité, que dans les institutions ou développements qu’il a permis ou autorisés. Variant les focales et les situations observées (de l’État aux régions, en comparaison avec d’autres pays), interrogeant l’articulation entre production des savoirs et établissement des pouvoirs et suivant les fils qui, du patrimoine ethnologique, conduisent ou ne conduisent pas au patrimoine culturel immatériel, on se demandera in fine : que faire de cette expérience ? Mais d’ailleurs, faut-il en faire quelque chose ?
Au regard de ces questions limites, le programme qui suit est issu d’un appel à communication dont le texte est disponible ci-après. Leur mise en contraste en manifeste les écarts, les points aveugles et les saillances.
Programme
Mercredi 7 décembre
Introduction, Noël Barbe (CNRS, IIAC et DRAC de Bourgogne-Franche-Comté) et Jean-Louis Tornatore (Université de Bourgogne, CGC) [25'20]
Modération : Nicolas Adell (Université de Toulouse Jean Jaurès, LISST - CAS)
Berardino Palumbo (Université de Messine)
Le manque de l’État : la construction institutionnelle du patrimoine en France vue de l’anarchisme polycentrique italien [39'06]
11 h 45 – Michel Rautenberg (Université Jean Monnet – Saint-Etienne, CMW)
Ethnologie impliquée, engagement et sociologie publique [32'41]
Modération : Philippe Poirrier (Université de Bourgogne, CGC)
Claudie Voisenat (CNRS, IIAC-LAHIC)
Retour d’expérience : du patrimoine ethnologique au PCI, deux terrains et deux postures de recherche à trente ans d’intervalle [37'42]
Véronique Moulinié (CNRS, IIAC - LAHIC)
L’ethnologue, l’ethnopôle et le terrain : retour sur vingt ans d’expérience(s) [29'20]
Gaetano Ciarcia (CNRS, IMAF)
La pesanteur de l'immatériel. Retour sur deux rapports d'étude (2006-2007) [33'29]
Ce que la politique du patrimoine ethnologique rend visible. Projection du film de Samir Abdallah, Raffaele Ventura, Maurizio Lazzarato et Angela Melitopulos (1990) « Voyage au pays de la Peuge », présenté et commenté par Noël Barbe.
Jeudi 8 décembre
Modération : Gérard Lenclud (CNRS, LAS)
Jacques Cheyronnaud (CNRS, Centre Norbert Elias)
Ethnomusicologie de la France et Mission du patrimoine ethnologique au « tournant » des années 1980 [30'53]
François Gasnault (IIAC-LAHIC)
Variations administratives sur des thèmes anthropologiques ou la crise de conscience des musiciens revivalistes [35'22]
Christian Hottin (INP)
Qu’a fait du patrimoine ethnologique l'administration du patrimoine ? Libres propos d'un ancien chef de la « Mission » [32'58]
Modération : Aurélie Dumain (Ethnopôle Réinventer les musées populaires, CMW)
Thomas Mouzard (DAC de Guyane)
Encore un moment, patrimoine ethnologique en Guyane
Mériaux Maëlle (CRBC, Université Rennes 2)
Une valorisation patrimoniale venue d’en bas : les archives sonores et audiovisuelles de Bretagne [30'52]
Nolwenn Pianezza (UAPV et UNIRIO)
Le chercheur indigène et le positionnement réflexif lors de la documentation audiovisuelle - l'inventaire du patrimoine immatériel Guarani (Brésil) [33'00]
Le Théâtre des Origines : Perrin Alranq, Marie Gaspa, Anna Wasniowska Peteta d’Oc, conférence théâtralisée sur le théâtre occitan, ses filiations et ses devenirs
Tiphaine Barthélémy (Université de Picardie-Jules verne, CURAPP-ESS) et Manon Istasse (CURAPP-ESS)
Mais où est donc passé le patrimoine ethnologique ? Une enquête en Picardie [35'33]
10 h 45 – Ouiza Galleze (CNRPAH – Alger)
Le patrimoine culturel immatériel en Algérie : inventaires et éléments classés [27'47]
Grégoire Mayor (Musée d'ethnographie de Neuchâtel)
Vertiges de l'humour et bouillonnements métaphoriques. Autour de « Bruits, Hors Champs et Secrets », trois expositions du MEN accompagnant le processus de construction du patrimoine culturel immatériel helvétique entre 2010 et 2015
Modération : Vincent Chambarlhac (Université de Bourgogne, CGC)
Jean-Louis Tornatore (Université de Bourgogne, CGC)
Comment hériter de la Mission du patrimoine ethnologique ? Concours intellectuel et politique [29'06]
Noël Barbe (CNRS, IIAC, Drac de Bourgogne-Franche-Comté)
Pour une épistémologie politique du patrimoine. De quelques points d’hérésie dans l’exercice
patrimonial
Gérard Lenclud (CNRS, LAS)
Conclusions [39'42]
Les participants
Nicolas Adell, professeur d’anthropologie à l’université de Toulouse – Jean Jaurès, Laboratoire Interdisciplinaire Solidarités, Sociétés, Territoires - Centre d’anthropologie sociale
Perrine Alranq, comédienne, auteur, chercheuse, co-fondatrice du Théâtre des Origines
Noël Barbe, chercheur à l’Institut Interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain et conseiller à l’ethnologie à la DRAC de Bourgogne-Franche-Comté
Tiphaine Barthélémy, professeure d’anthropologie, Université de Picardie-Jules verne, Centre universitaire de recherche sur l’action publique et le politique – Épistémologie et sciences sociales
Vincent Chambarlhac, maitre de conférences en histoire contemporaine, Université de Bourgogne, Centre Georges Chevrier
Jacques Cheyronnaud, directeur de recherche honoraire au Cnrs, Centre Norbert Elias
Gaetano Ciarcia, directeur de recherche au Cnrs, Institut des Mondes Africains
Aurélie Dumain, chargée de mission à l’Ethnopôle Réinventer les musées populaires, Département de Haute-Saône/Centre Max Weber, Lyon
François Gasnault, conservateur général du patrimoine, Institut Interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain – Laboratoire d’anthropologie et d’histoire de l’institution de la culture
Marie Gaspa, comédienne, auteur, chorégraphe, co-fondatrice du Théâtre des Origines
Ouiza Galleze, maître de recherche en anthropologie, Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques, Alger
Christian Hottin, directeur des études (conservateurs), Institut national du patrimoine
Manon Istasse, chargée de recherche contractuelle au Centre universitaire de recherche sur l’action publique et le politique – Épistémologie et sciences sociales
Gérard Lenclud, directeur de recherche honoraire au CNRS, Laboratoire d’anthropologie sociale
Grégoire Mayor, conservateur adjoint au Musée d'ethnographie de Neuchâtel, Suisse
Maëlle Mériaux, doctorante, Centre de recherche bretonne et celtique, Université de Rennes 2
Véronique Moulinié, directrice de recherche au Cnrs, Institut Interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain – Laboratoire d’anthropologie et d’histoire de l’institution de la culture
Thomas Mouzard, conseiller à l'ethnologie, Direction des Affaires Culturelles de Guyane
Berardino Palumbo, professeur d’anthropologie sociale, Département COSPECS, Université de Messine, Italie
Nolwenn Pianezza, doctorante à l’Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse et l’université de Rio (Brésil)
Philippe Poirrier, professeur d’histoire contemporaine à Université de Bourgogne, Centre Georges Chevrier
Michel Rautenberg, professeur de sociologie, Université Jean Monnet – Saint-Etienne, Centre Max Weber
Sylvie Sagnes, chargée de recherche au Cnrs, Institut Interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain – Laboratoire d’anthropologie et d’histoire de l’institution de la culture
Jean-Louis Tornatore, professeur d’anthropologie à l’Université de Bourgogne, Centre Georges Chevrier
Claudie Voisenat, chercheure à l’Institut Interdisciplinaire d’anthropologie du contemporain – Laboratoire d’anthropologie et d’histoire de l’institution de la culture
Anna Wasniowska, auteur, metteur en scène, comédienne, co-fondatrice du Théâtre des Origines
Entrée libre, sans inscription,
dans la limite des places disponibles