4 décembre 2015 - 10 h. - 12 h. - Salle Georges Chevrier (accès/informations pratiques ici)

Séminaire « Risques et usures liés au travail »

Dominique Jacques-Jouvenot (Pr. de sociologie, LASA, Univ. Bourgogne-Franche-Comté) : Savoirs professionnels et suicide en agriculture

 

Organisateurs : Marielle Poussou-Plesse et Florent Schepens (CGC)

[Avec le parrainage de l’Association Française de Sociologie (RT1 Savoirs, Travail et Professions, RT6 Protection sociale, Politiques sociales et Solidarités et RT19 Santé, Médecine, Maladie et Handicap)]

 

 

Présentation du séminaire

Depuis le début des années 2000, les liens entre santé et travail font l’objet en France d’une mobilisation sans précédent de l’ensemble des sciences sociales, comme l’attestent le nombre de publications (ouvrages et numéros thématiques de revues), le lancement de programmes de recherche interdisciplinaire ou encore de dispositifs d’étude longitudinale inédits. En simplifiant, deux ressorts de renouvellement constituent deux grandes focales d’attention pour les recherches en sciences sociales.

Du côté du champ institutionnel, l’émergence de « nouveaux risques » (risques dits à effets différés et risques dits psychosociaux), aux contours différents de ceux du risque « classique » portant une atteinte directe à l’intégrité physique des salariés, a conduit à remettre plus expressément en question la gestion historique de la santé au travail par la branche AT/MP (accidents du travail-maladies professionnelles). Celle-ci a été enjointe de s’aligner sur les standards de la santé publique. Pour certains auteurs, cette injonction engage un nouveau paradigme plus environnemental combinant approche épidémiologique et approche ergonomique dont les contours restent encore largement en cours de définition tant ils impliquent de redéfinir ou clarifier les positions respectives d’un ensemble d’acteurs institutionnels et professionnels. A cette logique de renouvellement visant, non sans inertie et ambivalence, à dé-confiner la santé au travail des arènes de négociation entre partenaires sociaux, peuvent être rattachées, là aussi non sans ambiguïté, la volonté politique de prendre en compte la pénibilité des parcours des salariés dans le calcul des droits à retraite mais aussi celle de se préoccuper de la santé et des « conditions de travail » des travailleurs indépendants.

De cette tendance de fond, se dégage une première ligne d’interrogation relative à l’extension considérable du terme de risque. Le « risque professionnel » est une catégorie qui renvoie déjà à des entités passablement hétérogènes selon qu’on l’envisage sous l’angle de l’un ou l’autre des deux volets sociaux historiquement structurants de la santé au travail – la prévention ou la réparation. Que désigne le risque quand il pointe le « psychosocial » comme dimension potentiellement nocive des milieux de travail ? Pourquoi certains auteurs préfèrent-ils, dans ce cas, parler de « troubles » psychosociaux (de la même façon qu’on parle de troubles musculo-squelettiques) ? Que désigne également le risque quand il conduit à raisonner en termes très techniques de conditions d’exposition (seuils, dose, durée, fréquence) dont les effets débordent dans le temps et dans l’espace la sphère du travail ? Quelle est la place de l’expertise médicale au sens large (incluant épidémiologie et toxicologie) dans l’identification de ces nouvelles figures et frontières du risque ? Dans quelle mesure sa convocation est-elle (sur)déterminée par les formes sociales de responsabilité qui pourront être imputées ?

Sur les terrains concrets du travail lui-même, les diagnostics et débats autour d’une intensification du travail et de sa précarisation ont nourri de multiples études incriminant le caractère pathogène de temporalités aliénantes (incertaines, contradictoires, accélérées…). La possibilité de se réaliser au travail, incluant celle de pouvoir tabler sur le sentiment de responsabilité d’un travail « bien fait », a pu être questionnée de manière radicale. Les catégories de « souffrance au travail », de « nouvelles pénibilités », de coopération entre « intérimaires » et « permanents » et leurs déclinaisons, invitent à reprendre la notion d’usure (Cottereau, 1983) et ses figures contemporaines infra-pathologiques au sens médical du terme. Cette reprise emporte une seconde ligne d’interrogations : que ou qui faut-il soigner ? Les travailleurs eux-mêmes en les équipant de nouveaux droits, de nouveaux dispositifs de répit ? Les organisations en y promouvant de manière incitative sous forme de labellisation, certification une « qualité de vie au travail » ? Le travail lui-même en y développant des savoirs d’intervention favorables à une délibération permanente sur son caractère « soutenable » ?

Le séminaire vise à interroger les articulations et tensions entre d’une part, les registres d’objectivation engagés par la catégorie de « risque » et d’autre part, les normativités ancrées dans des expériences d’usure liées au travail, plus ou moins ponctuelles, plus ou moins individuelles. Un intérêt sera porté aux outils théoriques et méthodologiques à l’aide desquels les sciences sociales (sociologie, science politique, histoire, ethnologie, psychodynamique, économie) s’emparent de ces questions, en incluant les savoirs d’intervention de disciplines voisines (ergonomie, psychopathologie du travail et clinique de l’activité).

 

Entrée libre, sans inscription

 

      CreditsPlan du siteContactImprimer Accueil

Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche
"Sociétés, Sensibilités, Soin"
UMR 7366 CNRS-uB

Imprimer Contact Plan du site Crédits Plug-ins Accueil