L'idée de solidarité internationale des travailleurs est l’une des raisons du succès de la diffusion du marxisme dans la seconde moitié du XIXe siècle. Elle est résumée par certaines des maximes les plus célèbres de Marx et Engels, comme « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! », reproduite à l’infini dans les congrès de l’Internationale communiste et de ses sections. En 1914, la faillite de la mobilisation socialiste contre la guerre est l’une des causes de l’influence bolchevique après 1917.
À sa naissance, l’État bolchevique en Russie hérite de cette aura internationaliste qui imprègne l’esprit du premier congrès de l’Internationale communiste (mars 1919) et alimente en partie les courants d’adhésion à l’IC en Europe en 1919-1920. Cependant, le credo de la solidarité des travailleurs est supplanté progressivement par l’exigence de solidarité avec la patrie des travailleurs. Si l’internationalisme prolétarien, la solidarité avec l’URSS ou les peuples opprimés peuvent être des motivations réelles d’adhésion, voire même d’engagement militaire (Guerre d’Espagne), les campagnes de solidarité internationale deviennent un instrument privilégié de la diplomatie soviétique dès les années 1920.
Cette expérience matricielle laisse des traces profondes pendant toute l’entre-deux-guerres. La mobilsation contre la « terreur blanche » dans les années 1920, préparée dans une perspective de front unique, annonce ainsi celle des années 1930 contre la « peste brune ». L’avènement du stalinisme ne remet pas en cause l’importance des campagnes de mobilisation internationale, mais il accentue leur intégration dans la diplomatie culturelle soviétique dont l’une des principales fonctions est d’assurer la « défense de l’URSS ».
La conviction de la supériorité de l’expérience soviétique inspire cet effort multi-forme qui repose sur de nombreuses organisations spécifiques de solidarité comme le Secours ouvrier international, le Secours rouge international, les socié-tés d’Amis de l’URSS, les organisations d’intellectuels et les comités de lutte contre le fascisme et la « terreur blanche », etc. Une géographie précise de ces organisa-tions, ainsi qu’une prosopographie des agents et des passeurs culturels mobilisés par cette nébuleuse (de Willi Münzenberg à Henri Barbusse) mériteraient d’être précisées. Les circulations internationales entre les organisations de masse du mouvement communiste (de jeunes, de femmes, etc.) entrent dans cette problé-matique. Le rôle spécifique de la VOKS ou de la Ligue Anti-impérialiste est désormais mieux connu, à la différence par exemple des Amis de l’URSS auquel cette deuxième séance du séminaire de l’ANR Paprik@2F va consacrer une partie de ses travaux.
La première séance de notre séminaire 2014, consacrée aux relations entre KPD et PCF, a montré que l’internationalisme nominal de l’IC n’a pas nécessairement donné naissance à des relations bilatérales in-tenses et suivies entre les différents partis communistes européens. Les limites et les formes multiples de cette solidarité internationale sont donc au coeur du questionnement de cette nouvelle séance de notre séminaire, à laquelle vous êtes vivement convié(e).
