Atelier de recherche
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Le populaire comme adjectif |
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Coordonné et animé par Vincent Chambarlhac
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Journée d'études : Populaire, populiste, plébéien… Que qualifie-t-on ?
25 novembre 2021 de 10 h. à 17 h. – uB – Salle 319 (3e étage du bâtiment Droit).
Accès/informations pratiques ici.
Présentation
Trois adjectifs et trois manières d’entendre un rapport au peuple, dans des
configurations fugitives et volatiles. Le premier terme émane du peuple ou
lui serait propre, là où le second entendrait ce rapport dans une voie
démagogique ou servirait à qualifier un art, une littérature, une culture [1]. Le troisième oppose le
peuple au Peuple, sujet politique, soit la communauté et ses exclus.
Ces définitions classiques du dictionnaire semblent établir des frontières,
délimiter des usages adjectivaux. Pour autant, ces inflexions lexicales
dessinent des distinctions et des clivages qui ne s’avèrent pas si clairs,
dès lors qu’on les place en regard les uns des autres. Diachroniquement, au
populaire du Front, du rassemblement qui, politiquement colore les forces
de gauche en 1936 dans une configuration antifasciste, succède dans un égal
horizon politique borné par la question de l’extrême-droite en 2002 [2], l’Union pour une
Majorité Politique, située à droite de l’échiquier. Populaire n’est là
qu’une manière fugace de se positionner et/ou de nommer ; populiste lui
succède depuis 2007. Quoique le terme ne soit pas seulement politique, il
dessinait dans l’entre-deux-guerres, une manière d’être bourgeoise au roman
populaire, au roman prolétarien. Au-delà, il engageait tout un réseau de
significations tangentielles à la culture de masse – avec ses producteurs,
ses ambitions et ses attentes, ses supports et ses lieux –, comme à la
recherche d’un nouveau public, ou à la démarche anthropologique des arts et
traditions populaires. Antonio Gramsci voyait dans la « culture populaire »
le ferment d’une résistance à ne pas négliger dans le cadre des luttes
sociales. L’ethnographe européaniste Ernesto De Martino, le poète et
cinéaste Pier Paolo Pasolini et l’historien Carlo Ginzburg sauront
notamment s’en souvenir. Mais dans le même temps, l’appréhension du «
populaire » a donné l’occasion de replis conservateurs, opposés à la marche
du progrès industriel et favorables à un retour aux « vraies » valeurs, à
l’« authenticité » du genre de vie de nos campagnes. Les travaux d’André
Varagnac, proche d’abord du Front populaire, ensuite de la « Révolution
nationale », illustrent la possibilité de bascule d’un rapport progressiste
à une conception passéiste du populaire [3].
Populaire, populiste, seraient ainsi les adjectifs d’une altérité sans
cesse redécouverte, sans cesse reconfigurée que scrutent les SHS. Il est
peu là question d’un substantif (le populaire) et de ses alentours
ou ses marges. Populaire serait sans doute, dans certaines de ces
configurations, un énoncé collectif [4] qui s’imposerait sans
toujours être questionné. Il s’agit davantage d’interroger et d’arpenter
cette zone grise qui, peu ou prou, sépare l’observateur de ce qu’il
qualifie de populaire ou de populiste, se démarquant. A ce jeu
épistémologique, l’adjectif « plébéien », notamment dans l’usage qu’en fait
Jacques Rancière[5], vaut
cheval de Troie. Dans La généalogie de la morale, Nietzsche avait
associé la « plèbe » à la servilité, à la bassesse et à la faiblesse, et il
lui avait opposé la force de l’aristocrate, du noble, de la brute
conquérante, qui avait incontestablement sa préférence. Sans doute le cas
de Nietzsche n’est-il pas isolé, et il faudrait faire le compte des œuvres
philosophiques et artistiques, ou des interventions journalistiques, qui
depuis le XIXe siècle ont méprisé et rejeté d’un seul et même mouvement la
plèbe, la foule et les masses. Ces précédents peu réjouissants n’empêchent
pas Rancière de proposer un nouveau modèle, original, du « plébéien ». Ce
dernier apparaît en effet selon lui, dans le jeu politique comme dans le
partage du sensible, comme l’expression de la part des sans-parts.
Borne-t-il, délimite-t-il des agrégats politiques, des cultures, des
traditions ? Ou n’est-il, comme ses homologues, qu’une manière de classer,
normer, nommer, dans la chair des sociétés contemporaines ? Une manière qui
déborde des champs politiques et culturels des XIXe et XXe siècles,
participe des institutions comme le théâtre, les musées, l’édition, les
traditions ou le cinéma, et colore la plume des savants comme celle des
essayistes, en demeurant toutefois peu interrogée en tant que telle.
Cette journée d’étude, la seconde de l’atelier « Le populaire comme adjectif » (LIR3S uBFC et CHXIX Paris 1-Sorbonne Université), entend questionner ces relations au filtre des SHS.
[1]
Henry Poulaille, Nouvel âge littéraire, Bassac, Plein
Chant, 1986 (1930).
[2]
Vincent Chambarlhac, Thierry Hohl, Un printemps antifasciste, Paris, La ville brûle, 2014.
[3]
Pour une approche ethnographique pondérée du populaire, voir Marcel
Maget, « Problèmes d’ethnographie européenne », Jean Poirier
(dir.), Ethnologie générale, Paris, Gallimard,
Bibliothèque de la Pléiade, 1968, p. 1247-1338.
[4]
Ibid
. En référence à l’article d’Alain Boureau, « Propositions pour une
histoire restreinte des mentalités », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 44e année, n°
6, 1989, p. 1491-1504.
[5]
Citons de Jacques Rancière, Aux bords du politique (Paris,
Folio, 2004), Les scènes du peuple (Paris, Horlieu, 2003)
et La mésentente (Paris, Galilée, 1995).
Programme
- 9 h 30 – Accueil des participants
- 10 h 00 – Vincent Chambarlhac (LIR3S UMR CNRS uB 7366) :
Introduction
- Sébastien Le Pajolec (Centre d’histoire du XIXe siècle, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne) :
L'impopulaire comédie populaire : l'exemple de Louis de Funès
- Bertrand Tillier (Centre d’histoire du XIXe siècle, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne) :
La carte postale à la Belle Époque, sujets populaires et culture de masse
- 14 h 00 – Julien Hage (DICEN, Université Paris Ouest-Nanterre) :
À petits coups de mon piqueur : rubrique de l’idiomatique et de l’ironie populaire du Nord dans un journal communiste du bassin minier, années 60
- Noel Barbe (IIAC UMR 8177 CNRS-EHESS) :
Au fil du plébéien
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